Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, sur les priorités de la présidence française du Conseil de l'Union européenne en matière de santé publique, de sécurité sanitaire et de lutte contre les maladies, Bruxelles le 15 juillet 2008.

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Circonstance : Réunion de la Commisssion de l'environnement et de la santé publique à Bruxelles le 15 juillet 2008

Texte intégral


Monsieur le Président OUZKY,
Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Revenir à Bruxelles dans cette salle de commission est pour moi un exercice particulièrement émouvant.
Une des satisfactions liée à ma responsabilité de ministre pendant ce semestre de présidence sera assurément de pouvoir travailler à nouveau avec mes anciens collègues du Parlement européen.
Entre 2004 et 2007, j'ai connu 6 présidences successives : hollandaise, luxembourgeoise, britannique, autrichienne, finlandaise puis allemande. J'en connais donc les règles, les attentes, les frustrations parfois. Je ferai donc de mon mieux au regard de cette expérience passée au coeur de ce que le président SARKOZY a eu raison de qualifier la semaine dernière à Strasbourg de "coeur battant de la démocratie européenne".
La présidence française du Conseil de l'Union européenne est entrée en fonction dans un contexte porteur de grands espoirs mais aussi de vraies interrogations.
La présidence française entend promouvoir une Europe du concret, une Europe qui sache se faire entendre, se faire connaître et reconnaître par ses concitoyens. Les priorités portent donc sur des domaines où la plus-value d'une action européenne s'impose comme une évidence, et où il s'agit de gagner un surcroît de force et d'efficacité au service de causes qui nous concernent tous.
Je souhaite dans un premier temps attirer votre attention sur la dimension sanitaire de trois des quatre grandes priorités énoncées par le président SARKOZY la semaine dernière : le paquet Energie-Climat, le Pacte sur l'immigration, le bilan de santé de la PAC :
- le lien santé-environnement n'est plus à démontrer à la Commission qui a porté à bout de bras la réglementation REACH avec le rapport SACCONI ;
- nous connaissons tous les enjeux liés à la santé des migrants qui était d'ailleurs la priorité de la présidence portugaise de 2007, de même que l'épineuse question de la migration des personnels de santé des pays du Sud vers les pays du Nord que j'imposerai à l'ordre du jour de l'EUROMED Santé que nous organiserons au Caire les 16 et 17 novembre ;
- Enfin, la nécessité absolue de placer les questions de l'alimentation et de la nutrition au coeur même des politiques de préventions sanitaires ne fait plus débat.
Ces trois grandes priorités de la présidence nous concernent donc, en tant que ministres de la santé et en tant que parlementaires de la Commission environnement et santé publique.
Les initiatives et les projets spécifiques du ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative se déploieront selon trois temporalités.
- La première est législative. Nous serons les héritiers de travaux engagés par d'autres avant nous. Le système communautaire est ainsi fait que certains des projets que nous allons porter ont été conçus par d'autres présidences. Les Etats qui succéderont à la France auront la responsabilité, après nous, de mettre en place les résolutions issues de nos priorités. Cette fluidité est la marque de notre oeuvre commune.
C'est ainsi que la présidence française sera à vos côtés pour la présentation des rapports attendus au cours du semestre à venir :
- le rapport d'Alessandro FOGLIETTA sur le livre blanc portant sur la stratégie européenne pour les problèmes de santé liés à la nutrition, la surcharge pondérale et l'obésité,
- le rapport de Fréderic RIES sur l'évaluation à mi-parcours du plan européen "environnement et santé",
- le rapport d'Alojz PETERLE sur la très importante "stratégie en santé" qui fera le lien entre la présidence slovène et la présidence française,
- le rapport de Françoise GROSSETETE sur les autorisations de mise sur le marché de médicaments.
- Le rapport de Dagmar ROTHBERENDT sur la refonte de la législation sur les produits cosmétiques.
- La deuxième temporalité est institutionnelle.
La France a élaboré un programme pour 18 mois, en partenariat avec les deux pays qui lui succéderont : la République Tchèque et la Suède. C'est la grande force de notre programme et je souhaite insister tout particulièrement sur ce travail d'équipe en remerciant les ministres de la santé tchèque, Tomas JULINEK et Suédois, Goran HÄGGLUND. Cette partition jouée à trois voix garantira une véritable continuité des travaux.
- La troisième et dernière temporalité, enfin, est politique. Nos priorités devaient tenir compte des attentes de nombreux acteurs : parlementaires européens, parlementaires nationaux, membres de la Commission européenne, partenaires sociaux, monde de l'entreprise, et bien évidemment, société civile. Je remercie le président OUZKY de m'avoir reçu en mars dernier, de même que la Commissaire Androulla VASSILUOU pour son aide. J'ai également eu l'occasion de m'exprimer jeudi dernier à Paris devant les présidents des commissions des affaires sociales des parlements nationaux des 27 Etats de l'Union européenne. De même, j'ai reçu à plusieurs reprises des parlementaires européens à Paris.
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Les objectifs de la présidence française en matière de santé sont ambitieux.
Le futur trio présidentiel -France, République Tchèque et Suède- a arrêté cinq axes de travail pour les 18 mois à venir.
- Améliorer la sécurité sanitaire
- Vieillir en bonne santé
- Concrétiser l'Europe de la santé au service des patients et de leurs familles
- Agir sur les déterminants de santé
- Faire progresser les dossiers relatifs aux médicaments.
1. Améliorer la sécurité sanitaire
Notre objectif est d'évaluer le degré de préparation des Etats face à une crise de grande ampleur, et de mesurer ainsi notre fragilité collective potentielle.
Je suis convaincue qu'à terme, il faudra mettre au point les outils nécessaires à une meilleure coordination de la gestion des risques sanitaires au sein de l'Union européenne.
Les efforts accomplis dans le domaine de la préparation à une pandémie grippale fourniront le point de départ de cette réflexion que je souhaite particulièrement fructueuse.
Les 8 et 9 septembre prochains, je tiendrai une réunion informelle des ministres de la santé à Angers, sur le thème de « la gestion de risques sanitaires de grande ampleur », réunion qui sera précédée d'un séminaire d'experts sur la Grippe. Votre Commission parlementaire y sera représentée, Monsieur le Président OUZKY par les parlementaires que vous désignerez, ainsi que l'organisation mondiale de la santé (OMS) et le centre européen de contrôle des maladies (ECDC).
Le second volet de cette priorité sera l'engagement des réformes du Comité de sécurité Sanitaire et du Centre de contrôle des maladies (ECDC), réformes prévues en 2009. Sous présidence française, cette échéance de 2009 sera préparée activement avec de nombreux rendez-vous d'experts, notamment une conférence sur la bio-surveillance à Paris les 4 et 5 novembre, et surtout le renouvellement du conseil d'administration de l'ECDC et l'élection d'un Président, les 13 et 14 novembre également à Paris.
2. Vieillir en bonne santé
Les défis politiques, économiques et sociaux que représentent le vieillissement, et la gestion de la dépendance en Europe sont immenses.
Tous les ministres de la santé d'Europe rencontrés au cours de mes déplacements de préparation de notre présidence m'ont fait par de leurs très grandes préoccupations face à l'évolution des maladies dégénératives et du défi qu'elles représentent pour la société toute entière.
La France abordera cette priorité « vieillissement et dépendance » en particulier sous l'angle de la lutte contre la maladie d'Alzheimer. Priorité nationale du Président de la République en France, ce choix pour la présidence européenne s'est imposé comme une évidence tant le travail réalisé autour de cette maladie peut constituer une impulsion déterminante dans tous les domaines pour l'ensemble des problématiques liées au vieillissement et à la dépendance.
Une grande conférence ministérielle sera organisée autour de la maladie d'Alzheimer les 30 et 31 octobre à Paris.
Ce rendez-vous déjà annoncé par le président SARKOZY la semaine dernière à Strasbourg, réunira politiques et experts, et nous permettra d'établir toutes les modalités d'une action européenne, en termes de financement de la recherche, d'établissement de lignes directrices ou d'échanges de bonnes pratiques dans le domaine des soins et de l'accompagnement social.
Le président de la Commission européenne, José Manuel BARROSO et le Président en exercice de l'Union, Nicolas SARKOZY ont annoncé le 1er juillet dernier à Paris que nous devrions tendre vers la préparation d'un plan européen de lutte contre la maladie d'Alzheimer. C'est un objectif ambitieux qui pourrait s'articuler autour de trois axes : recherche, prise en charge et qualité de vie, éthique et aspects juridiques. Nous soumettrons également une proposition de conclusions du Conseil sur ce thème.
3. Concrétiser l'Europe de la santé au service des patients et de leurs familles
Ce thème large, qui répond à des attentes concrètes des citoyens européens, regroupe plusieurs projets législatifs et non législatifs initiés par la Commission européenne.
Je pense en particulier à l'important projet de directive sur les droits des patients et les soins de santé transfrontaliers que la Commissaire européenne Androulla VASSILIOU a présenté dans le cadre de l'agenda social rénové adopté par le collège des Commissaires européens le 2 juillet dernier. Les travaux ont d'ores et déjà commencé sur ce texte au groupe santé du Conseil, le 8 juillet. La présidence est favorable au renforcement des droits des patients, tout en assurant la préservation de la compétence nationale en matière d'organisation et de financement de l'offre de soins, compétence qui est rappelée à l'article 152 du Traité des communautés européennes. C'est cet équilibre qu'il conviendra de trouver, et nous aurons assurément l'occasion d'en débattre cet après-midi.
Dans cette perspective, la France organisera une conférence ministérielle sur le thème de « l'Europe de la santé au service des patients » les 13 et 14 octobre prochains à l'institut Pasteur de Paris. Nous pourrons nous appuyer sur les travaux de grandes qualités déjà réalisées sur la mobilité des patients par la présidence allemande de 2007 lors de la conférence d'Aix-la-Chapelle.
La présidence française pourrait également traiter d'une communication sur les maladies rares, sujet auquel j'attache personnellement une très grande importance.
Les dons d'organes feront également l'objet de nombreux échanges avec nos partenaires européens. De grandes avancées sont également en préparation dans les domaines de la sécurité des patients, de la lutte contre les maladies nosocomiales ou de la résistance aux antibiotiques. Cette question essentielle fera l'objet de plusieurs réunions d'experts, dans la continuité des travaux réalisés par l'excellente présidence Slovène.
4. Agir sur les déterminants de santé
Alcool et Tabac viennent au premier rang des déterminants « comportementaux ».
La France a récemment imposé l'interdiction de fumer dans tous les lieux publics. Nous succédions à l'Italie et précédions nos amis des Pays-Bas qui viennent de faire de même il y a quelques jours. Je salue la Grèce dont le ministre nous a déclaré en juin au Conseil EPSSCO s'engager également dans cette voie. La recommandation préparée par la Commission sur l'environnement sans tabac, prévue pour la fin de l'année, pourra assurément s'appuyer sur cette dynamique.
Sous présidence française, il nous reviendra de coordonner les positions des pays de l'UE dans le cadre des travaux liés à la « Convention internationale de lutte contre le tabagisme » qui se dérouleront à Durban, en Afrique du Sud. Le tabac sera également le sujet principal de discussion de la réunion des directeurs de la santé, le 2 octobre prochain à Paris.
5. Faire progresser les dossiers relatifs aux médicaments
Votre Commission examine en ce moment même le rapport de Françoise GROSSETETE sur la proposition de directive sur les modifications d'autorisations de mise sur le marché des médicaments (AMM). Nous espérons aboutir avec votre aide à une adoption en première lecture de ce texte.
De plus, la troïka présidentielle attend avec intérêt les initiatives du Commissaire VERHEUGEN, pressenties pour le mois de novembre, et qui prendront la forme d'un paquet « médicaments ».
La Commission européenne prépare ainsi des initiatives dans les domaines de la pharmacovigilance et de l'information des patients. Elle prépare également une Communication sur l'avenir des produits pharmaceutiques et une initiative dans le domaine de la lutte contre la contrefaçon.
Le paquet "médicaments" sortira assurément trop tardivement pour l'échéance du conseil EPSSCO du 16 décembre, mais nous ferons de notre mieux pour introduire le débat sous présidence française, notamment à l'occasion du Forum pharmaceutique qui réunira les 27 ministres de la santé le 2 octobre. A ma demande, le thème de la lutte contre la contrefaçon y sera mis en avant.
La question de la contrefaçon des médicaments me tient particulièrement à coeur. Bien des pays dans le monde, et en Europe même, ont connu ou connaissent les drames auxquels peut conduire la moindre brèche dans le système de sécurisation du circuit du médicament.
Je veux que nous puissions réfléchir ensemble à cet enjeu essentiel. Notre vigilance ne saurait être prise en défaut dans ce domaine.
En conclusion, je souhaite rendre hommage à la présidence slovène et au travail réalisée par ma prédécesseur, Zofija KUKOVI?.
Si la priorité donnée par la présidence slovène dans le domaine de la lutte contre le Cancer, doit désormais connaître un prolongement, c'est un travail qui relève désormais de la Commission européenne et que je souhaite appuyer et encourager. Je m'engage de mon côté à poursuivre les travaux de la présidence slovène avec la mise en place de "la stratégie en santé" et la poursuite des travaux sur le thème de la résistance aux antibiotiques.
Je vous remercie.
Je vais maintenant répondre à vos questions.
Source http://www.ue2008.fr, le 5 août 2008