Interview de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, à France-Inter le 29 juillet 2008, sur les dépenses d'assurance maladie, les honoraires médicaux et les franchises médicales.

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Média : France Inter

Texte intégral


 
 
 
 
T. Steiner.- Bonjour R. Bachelot. Quelle est votre chanson préférée sur le dernier album de C. Bruni ?
 
J'aime bien la chanson qu'elle chante tout en anglais, je crois que c'est "You belong to me".
 
"You belong to me" oui, oui. Vous avez eu le disque hier à la sortie du Conseil des ministres avec une petite dédicace de Carla... Vous allez présenter aujourd'hui un plan de redressement pour l'assurance maladie de près de 4 milliards d'euros, 3,6,
 
oui.
 
C'est-à-dire pas loin du déficit prévu pour cette année, quelle mauvaise nouvelle annoncez-vous ?
 
Il n'y a pas de mauvaises nouvelles dans ce plan, parce qu'avec E. Woerth, et après la consultation des partenaires sociaux, des parlementaires, nous avons établi un plan avec un certain nombre de principes. D'abord, préservation du pouvoir d'achat des français.
 
Pas touche au ticket modérateur ?
 
Pas touche au ticket modérateur, c'était quelque chose véritablement de sacré. Deuxième élément : préserver le systèmes des ALD, c'est-à-dire la protection des personnes les plus malades - ALD, c'est "affection à longue durée". Donc la préservation du 100 %.
 
On en avait parlé début juillet et cela avait provoqué un vif émoi.
 
A juste titre, un vif émoi et j'avais...
 
C'était une gaffe, c'était une connerie ?
 
Oh, écoutez, c'est une proposition. Vous savez, le directeur de l'assurance-maladie, il présente un certain nombre d'options, ensuite c'est au Gouvernement de choisir entre ces options et nous ne l'avons pas retenue. Troisième...
 
Les ALD, précisons tout de même que c'est 60 % des dépenses de l'assurance maladie.
 
Oui, et 80 % de leur taux de progression dans les années à venir, du fait du vieillissement de la population.
 
Donc ça, on n'y touche pas, alors on touche à quoi ?
 
Alors, troisième élément qui était aussi pour nous très important, ne pas reporter sur les générations futures notre déficit, parce que, évidemment, c'est facile de dire qu'on préserve le pouvoir d'achat des Français aujourd'hui, mais c'est pour faire payer par nos enfants et nos petits-enfants nos dépenses d'assurance maladie. Alors nous avons choisi principalement de faire en sorte que les organismes complémentaires reversent une partie de leurs bénéfices à la Sécurité sociale, à l'assurance-maladie. Pourquoi ?
 
C'est une taxe sur les mutuelles, pour parler clair ?
 
Oui, voilà. Mais pourquoi ? Parce que du fait de l'augmentation de la dilatation de la prise en charge des affections de longue durée à 100 %, il y a moins de dépenses pour l'assurance-maladie. Il y a aussi un certain nombre d'économies qu'elles ont pu faire, du fait par exemple de la montée en charge des génériques, c'est-à-dire l'abaissement d'un certain nombre de prises en charge de médicaments. Donc il était tout à fait normal que les mutuelles, dont d'ailleurs le Haut conseil de l'assurance-maladie a noté que, disons, elles avaient augmenté leurs marges bénéficiaires d'une façon assez importante. Il était normal, puisque c'est la prise en charge de l'assurance-maladie qui leur avait permis ce supplément de rentrées d'argent, qu'elles le reversent à l'assurance-maladie.
 
Elles vont donc vous donner à peu près un milliard d'euros. Vous dites, vous, qu'elles peuvent se le permettre, on comprend, nous, qu'elles vont sans doute augmenter les tarifs.
 
Il n'y a aucune raison qu'elles augmentent leurs cotisations, puisque ce reversement a été calibré précisément pour tenir compte de la marge qu'elles s'étaient constituées du fait du transfert vers l'assurance maladie.
 
Vous avez un engagement ?
 
Alors évidemment, on n'a jamais vraiment de certitudes, mais nous avons fait des discussions extrêmement approfondies avec les organismes complémentaires. Et elles ont tout à fait la possibilité donc de faire ce reversement, sans augmenter les cotisations. D'autant que dans les négociations que nous avons eues avec elles, les concertations avec eux, les organismes complémentaires - puisqu'il y a à la fois, des mutuelles, des assurances, des instituts de prévoyance -, nous avons décidé qu'elles seraient mieux associées à la gestion du risque, surtout dans les secteurs où elles paient beaucoup, comme les frais dentaires ou la lunetterie.
 
Le président de la Mutualité française, J.-P. Davant n'est pas content ce matin. Il dit chez nos voisins de RTL, que l'on constate une nouvelle fois l'incapacité de l'Etat et des partenaires sociaux à gérer correctement l'assurance maladie et que les mutuelles vont donc payer pour l'incapacité de l'Etat.
 
Non, je ne suis pas d'accord avec J.-P. Davant. J'ai d'ailleurs beaucoup discuté avec lui, il est le premier à reconnaître que les organismes complémentaires ont la possibilité de faire ce reversement. Nous allons, dès le mois de septembre travailler avec lui, pour faire en sorte que la Mutualité soit mieux associée à la gestion du risque et je crois que l'on va avancer sur ce sujet.
 
Une autre disposition que vous annoncez aujourd'hui, c'est une contribution patronale sur la participation et l'intéressement ; combien à peu près ? 5 % ?
 
Non, le taux n'est pas encore fixé et il sera entre 3 et 5 %. Ça, c'est aussi une préconisation des partenaires sociaux qui veillent beaucoup à ce que l'ensemble des revenus participe au financement de l'assurance-maladie.
 
Mais on avait cru comprendre que N. Sarkozy voulait développer l'intéressement et la participation.
 
Oui, bien sûr, tout à fait.
 
Est-ce que ce n'est pas contradictoire ?
 
Non. Il est tout à fait normal qu'en débloquant plus facilement la participation, la participation et l'intéressement participent au financement de l'assurance-maladie. Ce n'est pas du tout contradictoire, bien au contraire !
 
Pourquoi ne pas avoir également taxé les stock-options, comme le suggérait la Cour des comptes ?
 
Nous les avons taxées l'an dernier, avec un taux de taxation à 2,5%, et également nous avons taxé les distributions gratuites d'actions à hauteur de 10 %, donc cela a été fait.
 
Les dépenses de l'assurance-maladie ont augmenté de 3,5 % au premier semestre 2008. A part trouver de nouvelles recettes, comment fait-on pour limiter les dépenses ? Quels sont les projets, quelles sont les mesures ?
 
D'abord, il faut bien comprendre qu'il y a ce dont nous venons de parler : le reversement des mutuelles, le financement par le biais de l'intéressement de la participation. Nous avons repris par ailleurs 2 milliards de propositions qui avaient été faites par l'assurance-maladie, je pense à la maîtrise médicalisée, au fait que nous allons mieux équilibrer entre la [inaud.] déclaration des accidents du travail pour préserver l'assurance-maladie. Alors voilà, ce sont des mesures immédiates et qui nous permettrons, à terme, de supprimer le déficit d'ici 2011. Mais parallèlement, je proposerai à l'automne une grande loi de santé qui abordera les réformes de fond. Cette loi, patient, santé, territoire, va restructurer notre système de santé pour assurer à tous, dans tous les endroits du territoire un accès à des soins de qualité. Et là, nous allons envisager tous les sujets : la prévention, l'organisation de la médecine de ville, du premier recours, de l'hôpital, la création d'agences régionales de santé. Je vais vous citer un exemple très précis, comme quoi, on peut à la fois faire de la bonne efficience dans la gestion et puis de la qualité des soins. Savez-vous que quand la permanence des soins n'est pas assurée par les soins de ville et que vous vous rendez aux urgences, alors que vous n'en avez pas besoin, aller aux urgences, cela coûte 233 euros ; être traité, tout compris, par un médecin de ville, c'est 48 euros, la consultation et la prescription. Voilà, à partir des moyens que je vais développer, d'une bonne organisation de la santé, voilà un moyen de réaliser des économies et en même temps des soins de qualité.
 
Et on verra donc ça à l'automne ?
 
A l'automne.
 
A propos des médecins, aucune date pour l'instant sur le passage des consultations généralistes à 23 euros ? C'est une nouvelle fois reporté ? Question d'affichage, on pouvait difficilement annoncer une hausse...
 
Il y a des discussions qui sont en ce moment avec les médecins. J'avais introduit dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2008, un dispositif qui voulait, que, évidemment, les augmentations de consultation du C, soient la contrepartie de mesures en matière de maîtrise médicalisée et deuxièmement de démographie médicale, de bonne répartition des médecins sur le territoire. Alors dans les années auparavant, on donnait d'abord l'augmentation, et puis ce qu'on donnait en échange c'était après, et en général, ce n'était pas observé. Donc moi, ce que j'ai instauré dans la loi, c'était une période de six mois, où je vérifie que les engagements des médecins sont tenus et quand ils sont tenus, je donne l'augmentation.
 
Les négociations entre l'assurance-maladie et les médecins libéraux reprendront à la rentrée.
 
Absolument !
 
Il y aura peut-être aussi un accord sur la création d'un secteur optionnel, c'est-à-dire entre le secteur conventionné et le secteur à honoraire libre. Certains disent que c'est un moyen de généraliser les dépassements d'honoraire ?
 
C'est une demande qui avait été faite par un certain nombre de praticiens. C'est aussi un moyen de contrôle et d'encadrement de ces dépassements d'honoraire. C'est un véritable problème dans l'accès aux soins, et justement sur ce sujet, c'est un domaine dans lequel les organismes complémentaires seront tout à fait à la manoeuvre pour harmoniser et pour, je dirais, encadrer cela.
 
C'est un secteur, le secteur optionnel où les honoraires pourraient être 50 % supérieurs aux tarifs sécu et il serait pris en charge par les mutuelles ? C'est l'idée ?
 
Les discussions commencent simplement là-dessus et j'attends de voir ce qu'elles vont donner avant de donner mon aval.
 
Un mot des franchises médicales, qui ont été mises en place au 1er janvier : est-ce que les 50 centimes par boîte de médicaments ont eu un effet sur la consommation ?
 
Oui, un léger effet sur la consommation. Les boîtes de médicament, les ventes de boîtes de médicament ont baissé de 5 %, mais ce n'était pas ça le but des franchises médicales.
 
Vous vouliez responsabiliser ?
 
Non, le but des franchises médicales était de trouver des financements pour trois grands sujets de santé publique, qui étaient des engagements du président de la République : la maladie d'Alzheimer, le cancer et les soins palliatifs. Et comme je l'ai dit à l'Assemblée, chaque euro de ces 850 millions d'euros que rapporteront les franchises, chaque euro sera consacré à ces trois priorités de santé publique. Et j'en rendrai compte devant les Français.
 
Vous n'avez pas été une seule seconde démangée par l'idée d'augmenter ces franchises ?
 
Non, j'avais pris des engagements tout à fait formels, je crois bien sur ce plateau de France Inter, et cet engagement je l'ai tenu.
 
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 29 juillet 2008