Déclaration de M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la défense et aux anciens combattants, sur la déportation des Juifs pendant la Deuxième Guerre mondiale et sur la lutte contre l'antisémitisme, à Paris le 20 juillet 2008.

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Circonstance : Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux justes de France, le 20 juillet 2008

Texte intégral

Monsieur le Maire de Paris,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les conseillers de Paris et conseillers d'arrondissement,
Monsieur le Président du CRIF,
Monsieur le Président de la Fondation pour la mémoire de la Shoah,
Madame la Présidente d'honneur, Madame Simone Veil,
Monsieur le Président du Consistoire central,
Mesdames et Messieurs,
Il y a soixante-six ans, à l'aube du 16 juillet 1942, débutait à Paris et dans sa proche banlieue la grande rafle du Vel d'Hiv.
Préparée et conduite par la police Française, à la demande de l'Occupant, cette opération devait entraîner l'arrestation et la déportation de 12.884 juifs français et étrangers, parmi lesquels 4.051 enfants.
En acceptant de prêter main forte à l'Occupant pour lui livrer les juifs de France, le gouvernement de Vichy donnait soudain un tragique coup d'accélérateur à sa politique de collaboration avec l'Allemagne nazie.
Le 16 juillet 1942, la France de Vichy entrait de plain-pied dans la Solution Finale, dont elle devint complice.
Alors que d'autres Français poursuivaient le combat aux côtés des Alliés, le gouvernement de Vichy pariait sur la victoire de l'Allemagne et mendiait à l'Occupant une place au sein du nouvel ordre européen. Ce calcul cynique devait les entraîner de reniement en déshonneur.
Pour arriver à leurs fins et s'emparer des juifs de France, les criminels nazis firent miroiter aux technocrates zélés de la Révolution Nationale une souveraineté plus grande en matière de police.
La tragédie des grandes rafles de l'été 1942 se joua ainsi en contrepoint d'un marché de dupes entre Vichy et ses maîtres Allemands, où la France de Vichy perdit son âme.
Pour les juifs de France, la rafle du Vel d'hiv et ses métastases de province signifia une étape supplémentaire dans le long calvaire amorcé au lendemain de la chute de la République.
C'est en effet de sa seule initiative que le gouvernement de Vichy adopta, dès l'Automne 1940, une politique de ségrégation à l'encontre des juifs de France.
Inspirés par la haine et l'esprit de revanche, les hommes de Vichy profitèrent de l'effondrement du régime républicain pour instituer un antisémitisme d'Etat, qui était un antisémitisme Français.
Guidé par ses mauvais génies, le régime de Vichy entraînait la France dans l'obscurantisme et l'intolérance.
Mais après les grandes rafles de l'été 1942, pour la première fois, des voix s'élevèrent pour protester contre le triste sort fait aux juifs de France.
En voyant partir les enfants, le peuple de Paris eut un sursaut d'humanité.
En écho à cette réaction de l'opinion, les grands dignitaires des églises catholiques et protestantes, pourtant soutiens de la Révolution Nationale, firent connaître au pouvoir leur désapprobation morale.
Du haut de leurs chaires, les prélats catholiques donnèrent de la voix. A Lyon, en particulier, des prêtres eurent le courage de soustraire des enfants aux griffes de l'Occupant.
C'est pourquoi la cérémonie qui nous réunit aujourd'hui marque également la reconnaissance de la Nation aux Justes de France, ces hommes et ces femmes qui se dressèrent face à la volonté meurtrière des nazis et de leurs complices français.
A travers les Justes, nous honorons la France qui sut rester fidèles aux traditions d'asile et d'hospitalité de notre pays.
A travers les Justes, nous honorons les actes courageux de ceux qui cachèrent des juifs, qui leur donnèrent des papiers, un toit et de la nourriture.
Nous honorons ces Français qui, mus par un sursaut d'humanité, risquèrent leur vie et celles de leurs familles, pour sauver des juifs.
Nous honorons cette France qui cacha des enfants juifs, dans les caves, dans les granges, dans les temples et les presbytères.
Nous honorons ces français qui, à la veille de ces jours tragiques, à Paris ou en province, persuadèrent des juifs de ne pas venir travailler, ou de rester caché.
Nous honorons les policiers, qui envoyèrent quelques jours avant la rafle de juillet des "pneus" anonymes et qui donnèrent des coups de fil à des proches afin de les prévenir.
Nous honorons aussi les militants communistes, qui imprimèrent des tracts pour les glisser sous les portes, à des mains anonymes.
C'est à cette France de l'honneur que la Nation s'adresse aujourd'hui, en ce triste anniversaire de la grande rafle du Vel d'Hiv, à cette France dont les noms sont gravés pour toujours dans la pierre du mémorial de Yad Vashem, cette France dont j'invite nos compatriotes à aller lire les noms sur le mur des Justes du mémorial de la Déportation, à Paris.
Justes de France, en ce jour de deuil et de recueillement, la Nation se souvient et honore votre sursaut d'humanité.
Je voudrais vous dire, pour finir, la détermination du Gouvernement à lutter sans relâche contre toutes les formes contemporaines de l'antisémitisme.
Alors que renaît parfois ici et là la tentation de banaliser la Destruction des juifs d'Europe, ou tout simplement de nier la spécificité historique des crimes nazis, nous devons rester vigilants.
Je voudrais vous dire que le Gouvernement sera toujours à vos côtés pour accompagner les efforts que vous menez pour transmettre à nos contemporains la portée universelle et permanente de ces événements tragiques.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 13 août 2008