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V. Pellegrini.- Vos premières impressions de Pékin ? Vous êtes déjà venu deux fois ces derniers mois, mais là vous avez vu la ville en "configuration JO", si on peut dire. Alors vos impressions depuis que vous êtes arrivé hier ?
Eh bien "on y est !", comme on dit dans le jargon du sport. On s'aperçoit qu'entre l'aéroport et le centre-ville, il y a des drapeaux partout, il y a des couloirs pour circuler qui sont dédiés aux Jeux Olympiques, donc vraiment on est rentrés dans le vif du sujet. Mais pour avoir visité le village olympique hier, je trouve qu'il est impressionnant et aux dires de ceux qui ont déjà assisté à plusieurs Jeux Olympiques, c'est le plus beau qu'ils n'aient jamais vu. Moi, je l'ai trouvé émouvant et impressionnant.
Les athlètes insistent beaucoup sur à la fois le gigantisme et la qualité des installations.
Oui, effectivement. Que ce soit d'ailleurs le village olympique ou que ce soit les infrastructures d'entraînement et de compétition. Mais les infrastructures de compétition, j'avais eu l'occasion de les visiter déjà, c'est vrai qu'elles sont magnifiques, elles sont luxueuses, elles sont grandes, mais même les structures d'entraînement sont en harmonie, il y a de la place... Vraiment, tous les athlètes sont contents de la qualité qu'ils peuvent mettre dans la préparation.
La ville est vraiment quadrillée par les policiers, les militaires. Vous ne trouvez pas un petit peu pesant ce déploiement de forces dans tout Pékin ?
Non, parce que pour y circuler un petit peu, on ne le sent pas, il n'y a pas d'agressivité, c'est ce que disent les gens aussi, les athlètes ; personne n'est agressif. Je croyais sincèrement qu'il y aurait beaucoup plus de contrôles qu'il n'y en a. Non, je trouve qu'effectivement il y a de la présence, il y a du monde, mais on ne sent pas une agressivité en terme de sécurité.
Il y a un enjeu colossal pour le gouvernement chinois, pour la cité chinoise. Vous aviez pu le constater quand vous étiez venu au printemps, juste après les incidents qui avaient émaillé le parcours de la flamme olympique à Paris.
Oui, c'est évident. Je crois que dès qu'ils ont eu l'autorisation d'organiser ces Jeux, c'est pour eux un objectif primordial. Ils veulent que ce soit une véritable réussite, tant dans l'organisation que dans la compétition en elle-même, puisqu'ils veulent pour la première fois être numéro 1 mondial en nombre de médailles.
Devant les États-Unis...
Devant les États Unis. Mais au niveau de l'organisation, c'est sûr qu'ils vont faire quelque chose de gigantesque. Tout sera parfait, j'en suis convaincu.
L'équipe de France - parlons sport - a décroché trente-trois médailles aux Jeux Olympiques d'Athènes, septième nation. Qu'est-ce que vous fixez comme objectif à la délégation française ici à Pékin ?
Ce que nous avons décidé avec H. Sérandour, qui est le patron du CNOSF, et F. Canu, qui est le grand directeur de la préparation olympique et paralympique, c'est de faire en sorte de maintenir cette équipe de France à ce septième rang mondial et chercher, bien sûr, à atteindre le sixième. Mais au moins se maintenir au septième puisque depuis deux olympiades, nous reculons. Nous étions cinquième en 1996 à Atlanta, sixième en 2000 à Sydney, septième à Athènes en 2004, donc voilà. C'est ce qu'on disait hier avec les athlètes que nous avons réunis : l'objectif, au-delà de leurs objectifs individuels bien sûr, c'est de faire en sorte que cette équipe de France se maintienne à cette septième position, voire obtienne la sixième. Donc pour cela, on dit qu'il faut aux environs des quarante médailles. Mais notre objectif à nous, encore une fois, c'est de se maintenir, voire de progresser, à cette septième place mondiale pour montrer que le sport en France est quelque chose d'important.
Alors il y a des sports qui sont traditionnellement pourvoyeurs de médailles. On attend bien évidemment beaucoup de sports comme l'escrime, le judo, les points forts du sport français.
Oui, la natation...
La natation, c'est un peu nouveau ?
J'ai vu la conférence de presse ce matin de la natation, c'est impressionnant. On sent qu'il y a beaucoup d'espoir dans cette équipe, et c'est bien parce qu'il y a du talent et s'ils en sont là aujourd'hui, avec autant de médiatisation, autant de médias autour d'eux, c'est qu'ils ont fait ce qu'il fallait. N'oublions pas que la natation est, pour moi, un sport à mettre en exergue parce qu'ils n'avaient eu aucune médaille, eux, en 1996 à Atlanta. Ils se sont bien organisés et maintenant, ils sont arrivés avec un potentiel, je dirais de six à douze médailles. Donc cela montre bien qu'ils se sont réorganisés
C'est un modèle de réussite ?
Oui, c'est un modèle. J'en parlais, j'ai déjeuné avec C. Fauquet qui me disait qu'après Atlanta, il a fallu se remettre en question autour d'une table. Ils se sont réorganisés, ils ont réorganisé leur filière d'accès aux niveaux, leurs méthodes d'entraînement et aujourd'hui ils tirent la quintessence de tout cela. Même si, effectivement, on sait tous que dans le sport de haut niveau, il faut aussi ce qu'on appelle des générations, mais bon, c'est un ensemble de choses.
Alors le CIO a interdit aux athlètes de porter le badge que les athlètes français voulaient porter, "Pour un monde meilleur", ce n'était pas vraiment subversif. Vous regrettez ce refus du CIO ?
Moi, je ne regrette rien, mais il faut savoir aussi que tous les athlètes n'ont pas voulu le porter ce badge, à commencer par les Français. Il y a certains Français qui ont dit, "nous, on n'est pas là pour porter des badges, on est là pour défendre, pour aller chercher des médailles d'or, d'argent ou de bronze. On ne peut pas tout mélanger". Donc si cela avait été unanime, si les 10.500 athlètes avaient voulu porter le badge, je crois qu'ils l'auraient porté. Encore une fois, tout le monde ne souhaitait pas s'engager dans ce badge. Alors après, que le CIO l'interdise ou pas, ce n'est pas à moi de juger. Ce qui est certain, c'est quand on parle avec les athlètes, quand on les voit aujourd'hui, ils sont dans le sport, ils ne sont pas là pour faire de la politique, même s'ils ont des convictions, des idées, et heureusement. Mais comme ils disent, "maintenant, la compétition commence, on a envie de parler de sport".
Qu'est-ce que vous a inspiré la polémique sur les sites Internet censurés par le gouvernement chinois puis finalement rétablies à la demande du CIO, après quelques hésitations d'ailleurs du CIO ?
Vous savez, la polémique... Moi, je suis arrivé hier, et j'ai croisé les gens qui ont fait Paris-Pékin en vélo et ils m'ont dit, "Mais l'accueil que nous avons en Chine est extraordinaire !" L'organisation a été extraordinaire autour de nous. Ils se sont mis en quatre pour bien nous recevoir ". Quand je parle avec vous, avec les médias, tout le monde me dit que c'est fabuleux en terme d'organisation, tout le monde est aux petits soins ; quand je parle avec les athlètes, ils sont soignés comme ils ne peuvent pas l'être, donc moi je dis que pour le moment, tout va bien. Après, on verra, mais pour le moment, sincèrement, bravo aux Chinois qui sont accueillants. On le voit, nous, au quotidien. Hier, on est allé dans un endroit public, eh bien on est vraiment accueillis, il n'y a aucun souci. On sent que le peuple chinois est fier de recevoir les Jeux Olympiques et ils vont tout faire pour que ce soit une grande réussite.
N. Sarkozy va assister à la cérémonie d'ouverture vendredi soir. Il ne restera que quelques heures à Pékin. Il n'avait pas envie de rester un petit peu plus pour voir les épreuves, rencontrer la communauté française ici ?
Vous savez, je ne sais pas, c'est à lui qu'il faut poser la question. Il a tellement de travail que sincèrement, s'il avait pu rester plus, il l'aurait fait, mais on connaît l'emploi du temps du président de la République, qui est très chargé. Mais je trouve très importante sa présence et le fait qu'il vienne, parce que ça valorise tout simplement tous les sportifs. J'en ai parlé avec des sportifs qui sont dans des sports moins médiatiques et rien que de savoir que le président de la République vient, c'est une fierté pour eux, c'est une reconnaissance. Donc je dis que c'est une très bonne chose.
Vous allez rester pendant l'intégralité des Jeux, vous avez un programme précis ? Vous allez voir un petit peu tous les sports où les Français sont représentés ?
Bien sûr ! On va essayer de voir un maximum d'athlètes français. Tous, certainement pas, parce qu'on ne pourra pas, mais on va aller en voir un maximum, le matin, le soir et les encourager et les accompagner.
Vous qui êtes issu d'un sport qui n'est pas olympique, ça vous fascine les Jeux ?
Oui, ça me fascine. Sincèrement, les moments que j'ai passés hier au village olympique, j'ai été assez impressionné.
Merci beaucoup B. Laporte d'avoir été l'invité de France Info ce matin.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 7 août 2008