Déclaration de Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat à la solidarité, sur l'égalité entre les hommes et les femmes au niveau professionnel, salarial et l'articulation entre vie familiale et professionnelle, Bruxelles le 15 juillet 2008.

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Circonstance : Audition devant la Commission des droits de la femme et de l'égalité des genres à Bruxelles le 15 juillet 2008

Texte intégral


Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs les Députés,
L'égalité entre les hommes et les femmes est un principe fondamental solidement ancré dans l'histoire de la construction européenne. Placée au coeur des priorités de la Présidence Française de l'Union européenne, qui a choisi de lui consacrer une conférence de niveau ministériel sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes en novembre prochain, cette question s'inscrit parfaitement dans nos préoccupations communes de faire progresser l'égalité hommes-femmes dans la sphère économique et politique.
C'est la raison pour laquelle je suis particulièrement heureuse de pouvoir présenter devant vous les axes forts du programme de la Présidence Française dans ce domaine. Ces axes ont été définis dans la continuité des actions initiées par la Présidence slovène, et s'inscrivent également dans la démarche poursuivie à la fois par la Commission Européenne et votre Commission pour évaluer les résultats déjà obtenus et promouvoir de nouvelles initiatives en matière d'égalité entre les hommes et les femmes. Ces axes forts sont au nombre de trois : assurer l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et permettre aux femmes d'accéder ainsi à l'indépendance économique, renforcer l'accès aux droits et la lutte contre les stéréotypes, évaluer et approfondir les progrès accomplis dans la mise en oeuvre du Programme d'action de Pékin.
1) Notre première priorité, assurer l'égalité des hommes et des femmes dans le monde du travail constitue à l'évidence un enjeu stratégique afin de répondre au défi démographique auquel nos pays vont être confrontés. L'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes, fait l'objet de débats depuis plus de 30 ans. Progressivement, le changement est en marche, mais force est de reconnaître que la situation des femmes dans le monde du travail des 27 pays de l'Union connaît encore de fortes disparités. A cet égard les chiffres parlent d'eux-mêmes : le taux d'activité des femmes tout en progressant chaque année pour atteindre une moyenne européenne de 57 % reste très inégal suivant les pays. Il est de 70 % en Suède, près de 74 % au Danemark contre 46 % en Grèce et 35 % à Malte. Parallèlement, si l'écart du taux d'emploi entre les femmes et les hommes s'est réduit (en passant de 17 points en 2000 à 14,4 points en 2006), il persiste parmi les jeunes malgré le taux de réussite scolaire et universitaire supérieur des jeunes femmes (6 points d'écart chez les 15-24 ans) et se creuse avec l'âge pour culminer à 17,8 points chez les plus de 55 ans.
Autre exemple d'inégalité et de différence au sein de l'Union : en 2007 plus des trois quarts des salariés à temps partiel étaient des femmes (76,5 %), soit une femme sur trois contre moins d'un homme sur dix. En outre, le niveau de temps partiel varie de 30 % en France à 75 % aux Pays-Bas.
Troisième exemple : même si le taux de chômage des femmes a atteint en 2007 son niveau le plus bas depuis 10 ans à 9 %, les écarts entre les hommes et les femmes sont deux fois moins importants au Royaume-Uni ou en Autriche qu'en France où il s'élève à 10,9 %, chiffre supérieur à la moyenne de l'Union.
Enfin les écarts de salaires n'ont diminué que d'un point depuis 2000 et restent stables à 15 % en moyenne. Mais, l'écart de rémunération est de 25 % en Estonie, proche de 20 % en France et 3 % à Malte.
Pour autant, deux points de convergence entre les 27 pays de l'Union méritent d'être soulignés : d'une part, élément positif, partout le niveau d'éducation des femmes a rejoint voire dépassé celui des hommes, d'autre part, élément négatif, les inégalités persistent dans tous les pays quant à l'accès des femmes aux responsabilités. Le fameux plafond de verre résiste.
A juste titre, la Chancelière allemande Madame Angela MERKEL, a dénoncé la sous représentation des femmes dans les instances dirigeantes des sociétés. La place des femmes dans la prise de décision reste insuffisante. En dépit de l'accroissement des femmes diplômées, les femmes sont encore largement exclues de certains domaines comme la recherche, les métiers scientifiques, la haute technologie, le bâtiment. 30 % de femmes seulement sont chefs d'entreprise en Europe contre 50 % aux Etats-Unis. De tels constats montrent à l'évidence qu'en ce domaine, un long chemin reste à parcourir.
Pour avancer sur cette priorité essentielle, la Présidence française organisera les 13 et 14 novembre prochains à Lille une Conférence de niveau ministériel intitulée « l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes : un enjeu économique face au défi démographique ». Cette conférence aura comme point de départ le constat que je viens de vous retracer : face aux défis économiques, démographiques et sociaux de l'Europe, des efforts sont encore nécessaires pour améliorer la participation des femmes au marché du travail et favoriser la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, conformément à la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi et aux objectifs définis à Barcelone. Cette conférence s'attachera donc à répondre à trois questions essentielles :
- comment garantir et promouvoir les parcours professionnels des femmes ?
- comment résorber les inégalités salariales entre les hommes et les femmes en Europe ?
- comment améliorer la conciliation des temps de vie (vie professionnelle, familiale et privée) ?
Quatre tables rondes contribueront à préciser les enjeux et à définir les objectifs à atteindre. Chacune sera l'occasion de débattre. Des représentants d'Etats membres et d'institutions européennes, des partenaires sociaux, des entreprises et des acteurs des la société civile interviendront pour valoriser des bonnes pratiques.
Ainsi, la première table ronde traitera de la diversification des choix d'orientation, de l'amélioration de la mixité des métiers et de l'accès des femmes aux postes de décision. En effet, l'accès des filles dans les filières traditionnellement masculines reste difficile et les femmes sont encore trop concentrées dans des métiers moins rémunérés.
La seconde table ronde sera axée sur l'amélioration de la qualité des emplois des femmes car de trop fortes inégalités avec les hommes perdurent dans le déroulement des carrières. Nous souhaitons agir sur le temps partiel subi et éclaté qui concerne majoritairement les femmes et qui pèse sur l'évolution de leur parcours professionnel et sur le niveau de leur salaire. Il s'agit d'apporter des réponses adaptées aux besoins, aux préoccupations et aux aspirations des femmes. Au nombre des pistes envisagées, je citerai pour mémoire la formation, la multi activité, l'amplitude des horaires de travail, le déploiement du temps partiel vers le temps plein, la conciliation des temps de vie. Ainsi le congé parental est actuellement majoritairement pris par les femmes. Un rééquilibrage entre salariés-parents serait opportun.
Par ailleurs, l'emploi des femmes reste trop souvent confiné à un nombre limité de secteurs d'activité et de professions. Une étude de ces spécificités en termes d'organisation, de conditions de travail et de pénibilité pourrait faire l'objet de comparaisons instructives. De même les avancées en matière de formation tout au long de la vie et de reconnaissance des potentialités de chacun développées par différents Etats membres de l'Union méritent d'être examinées avec attention car ces orientations peuvent avoir un impact positif sur l'égalité professionnelle.
Une troisième table ronde s'interrogera sur les moyens pour parvenir à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. Sur cette question de l'égalité de rémunération, que la France abordera également en droit interne, nous attendons avec beaucoup d'intérêt le rapport d'initiative sur la révision de la directive de 1975 de Madame BAUER, que vous allez examiner dans la suite de vos travaux.
Enfin, une quatrième table ronde sera consacrée à la gestion des temps de vie comme enjeu pour l'attractivité des territoires et pour la performance des entreprises.
Cette conférence sera l'un des principaux temps fort de la Présidence française en matière d'égalité entre les hommes et les femmes. Elle sera prolongée par une réunion des ministres en charge de l'égalité entre les femmes et les hommes, qui réfléchiront plus particulièrement :
- à la mise en réseau des entreprises pour qu'elles échangent leurs expériences et bonnes pratiques en matière d'égalité professionnelle ;
- aux moyens permettant de combattre les écarts de rémunération entre hommes et femmes, en référence à la communication de la Commission européenne de juillet 2007, afin d'envisager des solutions très concrètes permettant de réduire ces écarts.
Il s'agira de constater, de comprendre et d'être en capacité de faire des propositions consensuelles qui seront issues de ces concertations.
Dans ce processus, la Présidence française sera naturellement très attentive aux travaux et aux propositions que votre commission aura fait émerger. Car, sur un tel sujet, l'écoute et la remontée des expériences concrètes et des bonnes pratiques sont un des moyens les plus sûrs de progresser.
2) Deuxième priorité, renforcer l'accès aux droits et la lutte contre les stéréotypes.
Cette priorité s'inscrit dans le cadre du programme du trio présidentiel. Ce programme de dix huit mois du Conseil, établi par les présidences française, tchèque et suédoise, a été établi dans la continuité du précédent trio. La feuille de route pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2006-2010, ainsi que le Pacte européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes constituent le cadre global des initiatives des trois présidences.
Dans ce programme, je voudrais souligner en particulier les travaux sur un sujet qui me tient à coeur : la suppression d'une conception stéréotypée des rôles de la femme et de l'homme. D'autre part, la question des violences faites aux femmes est également une question à laquelle nous attacherons une grande attention.
Le rôle des médias est essentiel, aussi bien sur la question des stéréotypes que sur celle des violences. Il convient de rappeler à cet effet les conclusions intitulées « Eliminer les stéréotypes fondés sur le sexe dans la société » adoptées par le Conseil en juin dernier sur proposition de la Présidence Slovène : « les médias, et notamment le secteur de la publicité, contribuent à perpétuer les stéréotypes et les images de l'homme et de la femme véhiculés par la culture. C'est pourquoi il est nécessaire de renforcer l'éducation critique aux médias dans les établissements scolaires et, dans le respect de leur liberté d'expression, engager avec les médias un dialogue sur les effets néfastes qu'ont les stéréotypes négatifs concernant les rôles de l'homme et de la femme sur l'image que les jeunes ont d'eux-mêmes et sur leur perception des rôles de l'homme et de la femme et des relations entre eux dans la société. Toutefois, les médias dans leur ensemble peuvent aussi jouer un rôle déterminant pour combattre les stéréotypes fondés sur le sexe et encourager une représentation réaliste et non discriminatoire des filles/femmes et des garçons/hommes dans la société ».
La Présidence française adhère pleinement à ces conclusions et s'efforcera de les promouvoir. Je salue également à ce titre la contribution de votre commission sur cette question et en particulier le rapport présenté par Madame Svensson sur le sujet.
Notre souci commun est de veiller à la parité dans la vie publique, économique, sociale et politique en levant les obstacles auxquels sont confrontées les femmes pour être reconnues à leur juste valeur, pouvoir réaliser leur plein potentiel et s'épanouir sans être atteintes dans leur intégrité. En effet, toute atteinte à l'intégrité des femmes est inacceptable. Toutes les formes de violences dont sont victimes les femmes sont intolérables. Lutter contre les violences, prévenir les violences fait partie des priorités de la France et des priorités du Conseil de l'Europe. Engager nos pays pour faire cesser ces pratiques indignes est un devoir.
3) Troisième priorité : évaluer et approfondir les progrès accomplis dans la mise en oeuvre du Programme d'action de Pékin.
Les trois Présidences doivent, en effet, continuer à évaluer les progrès accomplis dans la mise en oeuvre du Programme d'action de Pékin. La Présidence française est chargée d'élaborer un rapport et de proposer des indicateurs sur « les femmes et les conflits armés ». La problématique s'articule autour de six objectifs stratégiques, parmi lesquels la participation des femmes au règlement des conflits à l'échelle de la prise de décisions et la protection des femmes vivant dans ces situations de conflits armés. Ce rapport sera une étape supplémentaire dans le processus qui permet à l'Europe d'apporter une réponse à la situation des femmes concernées. Cet exercice s'inscrit dans le prolongement du rapport présenté sous la Présidence Slovène qui dresse un état des lieux de la coopération européenne avec les pays tiers.
La Présidence française présentera également un rapport d'évaluation des indicateurs « articulation vie familiale/vie professionnelle » qu'elle avait initié lors de sa Présidence en 2000. Ce rapport permettra d'apprécier comment les Etats membres de l'Union se sont engagés et ont progressé entre 2000 et 2008. Ces données contribueront également à nourrir utilement les débats de la conférence du mois de novembre.
Parallèlement, la Présidence française souhaite contribuer à faire avancer un certain nombre de dossiers législatifs. En fonction de l'état d'avancement des concertations menées avec les partenaires sociaux européens et des initiatives lancées par la Commission européenne, plusieurs projets pourraient avancer: je pense notamment à la révision de la directive (du 11 décembre 1986) sur l'application du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante, y compris une activité agricole, ainsi que sur la protection de la maternité.
Je pense aussi à la révision de la directive (du 19 octobre 1992) relative aux mesures destinées à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail. Je songe également à la création de nouvelles formes de congé parental (paternité, adoption, soin des personnes dépendantes).
Enfin, je souhaite insister sur l'importance de poursuivre et d'approfondir l'approche intégrée de l'égalité entre les femmes et les hommes (the gender mainstreaming). Cette approche qui aborde l'égalité d'amont en aval, permet d'en tenir compte dans l'élaboration, l'application, le suivi et l'évaluation de l'ensemble des politiques publiques. Grâce à elle, nous pouvons mesurer la manière dont ces politiques influent sur la vie et le statut des femmes et des hommes et nous pouvons les infléchir en cas de nécessité afin de favoriser l'égalité de genre. Or, nous savons bien que, dans ce domaine, toutes les initiatives susceptibles de faire progresser l'égalité entre les femmes et les hommes méritent d'être soutenues.
Mesdames et Messieurs les parlementaires, telles sont résumées à grand trait les principales priorités de la Présidence française de l'Union européenne. En tant que Ministre en charge de la parité et de l'égalité entre les hommes et les femmes du Gouvernement français, j'aurai à coeur de porter avec détermination et enthousiasme ces politiques qui tendent toutes vers le même objectif : donner aux femmes de l'Union européenne la pleine maîtrise de leur destin en leur assurant la possibilité de disposer d'une véritable autonomie et de s'épanouir harmonieusement dans leur vie personnelle et professionnelle.
Je vous remercie.
Source http://www.ue2008.fr, le 4 août 2008