Déclaration de M. Jean-François Roubaud, président de la CGPME, sur le pouvoir d'achat, le SMIC et les rémunérations, Paris le 23 janvier 2008.

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Circonstance : Colloque sur l'emploi et le pouvoir d'achat : quel écho pour l'agriculture , organisé par la FNSEA à Paris le 23 janvier 2008

Texte intégral


E Revel : Soyez le bienvenu ! On va parler de pouvoir d'achat et de rémunération au travers des PME et vous le savez, quand on s'adresse aux agriculteurs, les PME sont très souvent des TPE, des très petites entreprises.
Jean-François Roubaud : Je suis très content de prendre la parole devant vous d'autant que votre profession est une profession que tous les français aiment (rires de la salle). Mais c'est vrai, je vous assure !!
E Revel : C'est très français comme rapport à l'agriculture. On sait le rôle que l'agriculture joue dans les campagnes. Que seraient les campagnes aujourd'hui, s'il n'y avait pas d'agriculteurs pour s'occuper des sentiers et de leurs champs ? Les Français ont un rapport direct et franc avec la qualité des produits, mais évidement dans le débat sur le pouvoir d'achat, ils ont l'impression que les prix flambent. En tous cas, il y a une relation affective avec le monde agricole, avec ce qu'elle peut avoir de passionnel dans le haut et dans le bas.
Jean-François Roubaud : C'est ce que je voulais dire. Mesdames, Messieurs, mettre en perspective le débat de cette journée sur l'emploi et le pouvoir d'achat, c'est saisir comment le premier peut agir sur le second, et par quels effets. Et comme le sous-entend le thème de cet atelier, c'est agir sur les différentes formes de rémunérations qui peuvent être proposées par les patrons de PME, notamment, pour améliorer la situation de leurs salariés.
Le dénominateur commun à toutes ces questions, c'est bien le travail, que l'Etat souhaite aujourd'hui réhabiliter. Il est mis au coeur des solutions à apporter, pour que les Français puissent légitimement et au niveau qui convient, profiter pleinement des fruits de leur implication professionnelle. Je crois qu'il n'était que temps ! Les dirigeants de PME que je représente le demandaient depuis de nombreuses années.
Car il s'agit bien de cela - revaloriser le travail - et je crois que nous pouvons nous réjouir de ce nouvel état d'esprit qui souffle depuis mai dernier à la tête de notre pays. Le travail n'est plus tabou, bien au contraire.
Les valeurs, que la CGPME et les patrons de PME portent, sont dans cette ligne. Le travail est bien un moyen de reconquérir sa liberté d'abord, et sa revalorisation constitue bien pour les salariés, une opportunité de gagner une part supplémentaire et non négligeable de pouvoir d'achat.
Si j'évoque devant vous les valeurs portée par la CGPME, je pense avant tout à l'épanouissement de l'individu dans un projet collectif, à la nécessité du dialogue entre un patron et ses salariés et au partage de la richesse créée. Le chef d'entreprise n'oublie pas que c'est l'homme qui est au coeur de l'entreprise. Notre devise à nous, à la CGPME, vous la connaissez, est "Notre valeur ajoutée, c'est l'Homme". Le chef d'entreprise n'oublie pas non plus, que le développement d'une entreprise se fait grâce à tous les maillons de la chaîne : du chef d'entreprise jusqu'au plus humble de ses salariés. L'investissement de tous au projet collectif est nécessaire, mais en contrepartie, chacun doit pouvoir y trouver son compte.
Si vous le permettez, je voudrais évoquer principalement les dispositifs incitatifs de partage que le patron d'une PME peut actionner pour faire évoluer la rémunération de ses salariés.
Nous avons (à la CGPME) salué l'esprit d'ailleurs, dans lequel la loi sur le Travail, l'Emploi et le Pouvoir d'Achat (TEPA) a été proposée, pour inciter les salariés à travailler plus et à gagner plus. Ce nouveau dispositif n'est pas exempt d'imperfections, vous le savez, on a tous dit que c'était compliqué. Et c'est peut-être moins la mesure TEPA que le code du travail qui est compliqué. Mais l'objectif de ce texte permet quand même à nos salariés de faire plus d'heures supplémentaires, et ceci va dans le bon sens. Je crois que les chefs d'entreprises que vous êtes y voient une organisation plus souple, la souplesse apportée par cette loi TEPA. Cela nous permet aussi de réaliser des travaux que nous ne pouvions pas faire, dans des métiers en tensions tels que les vôtres ou dans d'autres branches, comme dans l'informatique, bâtiment etc. Je crois que cela permet d'augmenter le temps de travail pour nos salariés, mais aussi donc et en conclusion d'augmenter leur rémunération, bien sûr quand le carnet de commande le permet et où le chef d'entreprise le décide.
Nous avons vu également vu d'un très bon oeil l'adoption de mesures telles que la monétisation des RTT, la prime défiscalisée et plus globalement le fait que les 35 heures ne soient plus un verrou. On essaye de le faire sauter, je ne parle pas de l'heure légale, la base légale des 35 h, départ des heures supplémentaires, nous y tenons aussi, mais au moins de pouvoir travailler davantage lorsque nous en avons le besoin.
Ces dispositifs incitatifs introduisent dans l'entreprise, une souplesse, une adaptabilité et une visibilité bienvenues, non seulement pour les dirigeants mais également pour les salariés, sans que ces derniers, d'ailleurs, ne perdent en garantie sociale et en sécurité juridique.
De la même façon, le partage est bien au centre des préoccupations de nos chefs d'entreprises, quand ils en ont les moyens et que les résultats sont au rendez-vous. Nos chefs d'entreprises sont favorables à l'ensemble de ces dispositifs, qui permettent d'associer les salariés aux résultats de l'entreprise.
Je crois que la participation ou l'intéressement, en fonction de la dimension de l'entreprise, est sûrement un des outils principaux à mettre en place dans nos entreprises. Et la déclaration récente du chef de l'Etat, si elle est confirmée bien sûr, de réduire de moitié l'impôt sur les sociétés pour les petites entreprises de moins de 50 salariés, qui mettront de l'intéressement en place, est une mesure incitative. La deuxième mesure, ce serait d'avoir une méthode simple, que le chef d'entreprise puisse prendre tout de suite dans son entreprise, et qu'il décide quelles sont les proportions de la distribution des résultats de l'entreprise.
Un point sur lequel je voudrais aussi insister, permettez-moi d'évoquer la question du SMIC et de son évolution. Vous savez que depuis dix ans, le SMIC a augmenté de près de 37% soit une augmentation nette de 21%. Vous le savez, ce n'est pas sans conséquence sur le budget de nos entreprises et également sur le budget de l'Etat, puisque pour arriver à cette augmentation, il a bien fallu nous aider financièrement, sinon nous aurions détruit des centaines de milliers d'emplois, ceci est important et coûte très cher.
Je crois que ce qui est très important, c'est que nous demandons aujourd'hui au gouvernement, dans les négociations qui sont en cours, que l'on puisse étudier l'augmentation de ce SMIC, avec une perspective d'au moins quatre ou cinq ans, pour que l'on sache où nous allons, nous, les chefs d'entreprises. On ne peut plus se permettre de faire ce qui a été fait il y a quelques années, en alignant les SMIC par le haut, avec un coût que nous connaissons tous.
Et puis, il faut faire très attention, parce que ce sont dans les petites entreprises, qu'il y a le plus de salariés au SMIC, puisque dans les entreprises de moins de 10, 30 % des salariés sont au SMIC alors que dans les entreprises de 250 salariés et plus, ils sont seulement 8%. Donc, toute augmentation du SMIC pénalise encore davantage nos très petites entreprises, qui sont vous le savez bien, les plus fragiles, et ce sont quand même celles qui créent l'emploi aujourd'hui.
Alors je terminerai, si vous le voulez bien, sur ce SMIC, en parlant quand même de l'octroi de primes qui sont directement liées au résultat des entreprises. Et puis les avantages que l'on vient d'accorder sur les complémentaires Santé et Prévoyance, qui continueront à se mettre en place, y compris après le licenciement pendant trois mois minimum et un tiers du préavis. Je crois que là aussi, nous nous avons fait, nous chefs d'entreprise, des efforts importants, mais nous avons aussi obtenu un certain nombre de souplesses pour l'ensemble de nos entreprises.
La CGPME que j'ai l'honneur de présider promeut un capitalisme d'entrepreneur, au travers d'un libéralisme tempéré, où la notion de partage est vraiment essentielle. Les mesures qui sont actuellement préconisées par le gouvernement répondent, je crois dans leur grande majorité, à cette attente ainsi qu'aux spécificités de nos PME plus sensibles aux incitations qu'aux obligations. C'est une façon élégante de dire, à M le Ministre, surtout ne nous donnez pas d'obligation, c'est à nous, chefs d'entreprises de décider ce que nous devons faire.
Par contre que l'on nous incite à mettre en place l'intéressement comme nous l'avons évoqué tout à l'heure, cela me paraît une très bonne chose. Je crois que nous, chefs d'entreprise, nous sommes prêts à jouer le jeu ... encore faut-il bien entendu, que la croissance soit au rendez-vous de l'économie et que les conditions soient réunies pour que les PME françaises puissent librement se développer et développer leur activité.
Je vous remercie.
Source http://www.fnsea.fr, le 9 juillet 2008