Interview de M. Bernard Laporte, secrétaire d'Etat aux sports, à la jeunesse et à la vie associative à RMC, le 22 août 2008, sur les jeux olympiques de Pékin, le sport professionnel, notamment l'athlétisme et les infrastructures sportives.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral


 
 
J.-J. Bourdin- J'ai eu honte, avant-hier, quand j'ai vu l'équipe de France de football jouer contre la Suède sans brassard noir, après la mort de dix soldats français en Afghanistan !
 
Oui, effectivement, je n'ai pas vu le match. Vous faites bien d'attaquer par ça, parce que je crois que c'est pour cela que j'ai d'ailleurs tenu à ne pas m'exprimer hier sur les antennes auprès des médias. Je voulais simplement manifester toutes mes condoléances et mon soutien auprès de ces familles. J'ai regardé à la télévision les obsèques de ces dix soldats et j'en avais les larmes au yeux comme beaucoup de Français certainement ; c'était émouvant, et ayons une pensée pour ces soldats qui s'engagent, qui sont des hommes vraiment de...
 
Ne croyez-vous pas que les footballeurs français auraient pu quand même...Parce que j'ai vu les Espagnols, même des athlètes espagnols ici qui ont porté un crêpe noir après l'accident aérien de Madrid !
 
Bien sûr, je n'ai pas vu de football, c'est pour cela que je ne peux pas en parler. Et effectivement, s'ils n'y ont pas pensé, ce n'est pas normal, je suis entièrement d'accord. Puisqu'ici avec...
 
Mais le ministre des Sports aurait pu y penser pour eux aussi, non ?
 
Oui, enfin, moi, je ne suis pas dans le monde entier avec toutes les équipes. Ici, à Pékin, on a avec H. Sérandour discuté effectivement de la possibilité de nos athlètes de porter un brassard en l'honneur de ces dix soldats français. Donc, c'est très compliqué dans la mesure où il faut faire une demande au CIO, parce que vous savez qu'avec les signes distinctifs, etc, etc, c'est compliqué. Ce que nous avons donc décidé, c'est de faire une minute de silence hier au Club France en l'honneur de ces 10 soldats, et nous avons eu une très grande pensée pour eux. Mais c'est vrai que ce n'est pas normal, si l'équipe de France de football n'a pas pensé une seconde à porter un brassard, je suis entièrement d'accord avec vous que ce n'est vraiment pas normal.
 
Le comité Olympique et sportif français aurait pu aussi rédiger un communiqué, enfin...bon, on ne va pas s'étendre là-dessus. On l'a sollicité pour s'exprimer là-dessus, il n'a pas voulu répondre. Passons à autre chose, de moins important, passons au bilan. C'est difficile de faire un bilan, je n'aime pas faire un bilan avant que la compétition ne soit terminée.
 
Oui, je suis entièrement d'accord. Au bout de trois jours, on disait que c'était catastrophique. Donc, attendons puisque, on le dira tout à l'heure, il y a encore entre cinq et six possibilités de médailles d'or. Donc, il faut être patient, il faut laisser les athlètes faire leur boulot, comme on dit dans notre jargon, et nous ferons le bilan définitif dimanche soir.
 
Alors, on va voir, parce que la boxe nous donne beaucoup de satisfaction (...). Je voudrais qu'on parle de l'athlétisme. Voilà un sport qui a emmené, ici, à Pékin, 51 athlètes et une kyrielle d'entraîneurs, une trentaine d'entraîneurs pour une médaille d'argent. Je ne vois pas comment on pourrait obtenir une autre médaille en athlétisme maintenant. La fédération s'est même vantée du fait que, pour la première fois, autant d'entraîneurs étaient sur place. Qu'en pensez-vous ?
 
J'en pense effectivement que, quand on regarde les Jeux Olympiques, 33 % des médailles sont décernées à la natation et à l'athlétisme. Donc, si vous voulez être une nation performante, il faut être performant dans ces deux sports. La natation qui avait obtenu zéro médaille à Atlanta s'est vraiment reconstruite autour de C. Fauquet, le DTN. Aujourd'hui, il tire la quintessence de pratiquement douze ans de travail, avec une très grosse équipe de France et qui a remporté six médailles, avec une en or d'A. Bernard. Je crois que l'athlétisme doit suivre ce modèle-là. Parce que, effectivement, oui, nous ne sommes pas du tout performants en athlétisme.
 
Syndney, zéro médaille en athlétisme, ici, une médaille. Et pourquoi est-ce que nous ne sommes pas performants ?
 
Et en plus, c'est 111 cadres techniques mis à disposition c'est-à-dire que ...
 
Que vous dépensez votre argent pour rien et notre argent pour rien !
 
C'est une des fédérations qui compte le plus de cadres techniques. Donc, effectivement, il faudra faire un bilan profond, permettez moi l'expression.
 
Cela veut dire quoi le bilan, cela veut dire demander...Je sais bien qu'il change le directeur technique national tous les 4 ans en athlétisme, c'est comme ça. Il pourrait d'ailleurs démissionner avant le changement. Mais, je ne sais pas, que peut-on faire ? Que demandez-vous au président de la fédération française d'athlétisme ? Que lui dites-vous ce matin ?
 
Pour le moment, je ne l'ai pas vu. Je le laisse finir, encore une fois.
 
Enfin, en athlétisme, le bilan, on peut le faire, là.
 
Mais on le faisait même un petit peu avant puisque, effectivement, même sur le nombre d'engagés, on n'était pas nombreux. Donc, quand on regarde. On doit avoir beaucoup plus d'athlètes compétitifs au très haut niveau, je suis entièrement d'accord avec vous. La fédération d'athlétisme est déficiente. Donc, il faut avec F. Canu et je laisse F. Canu qui est le grand patron de la préparation olympique, paralympique, faire son travail son l'analyse. Ce n'est pas à moi de la faire. Je vais y contribuer, mais c'est lui qui est le mieux placé. Donc, il va me rendre le rapport fin septembre. Je crois qu'il faudra que nous en tirions les conséquences. Effectivement, on ne peut pas avoir une fédération d'athlétisme aussi faible. Alors, il n'est pas question d'incriminer pour le moment Pierre, Paul, Jacques, passez-moi l'expression. Je veux que cela se fasse dans la sérénité.
 
On n'incrimine pas les athlètes, on incrimine l'encadrement en l'occurrence.
 
Nous devons redevenir compétitifs dans ce sport.
 
Est-ce qu'il y un patron dans l'athlétisme français ? J'ai l'impression qu'il n'y a pas de patron.
 
Cela fera partie du bilan. Y a-t-il un patron ? Sommes-nous bien organisés ? Est-ce que nos filières d'accès au haut niveau sont performantes ?
 
Comment se fait-il, B. Laporte, que, aux Antilles, la Jamaïque sorte tant de sprinteurs, tant d'athlètes de haut niveau et que nous, voisins de la Jamaïque, Guadeloupe, Martinique, on n'arrive pas à les sortir ? Il n'y a pas un entraîneur antillais dans cette équipe de France.
 
Alors qu'on en sortait. Ça, c'est un constat, effectivement, qui fera certainement partie du bilan de F. Canu. On a cette chance d'avoir des athlètes martiniquais qui sont très performants d'habitude, l'été tout au moins. Maintenant, pourquoi ne le sont-ils plus ? Là est la véritable question à laquelle il faudra répondre.
 
On a des infrastructures là-bas ?
 
Sur place, je m'y suis rendu cette semaine, les infrastructures ne sont pas de qualité.
 
Elles ne sont pas de qualité.
 
Ce n'est pas ça, le problème. Le problème des athlètes martiniquais et guadeloupéens, c'est qu'à un certain moment, ils envisagent des études. Pour faire des études, ils sont obligés de venir en métropole, ils sont obligés de quitter leur pays de coeur.
 
Donc, c'est plus global.
 
Le problème est plus global. Je suis d'accord, effectivement, pour qu'on cherche déjà à améliorer les performances sur place puisque, je le rappelle, j'avais été avec F. Fillon au mois de janvier. Il faut bien reconnaître qu'il y a un gros travail en terme d'infrastructures à faire chez eux, que ce soit en terme d'infrastructures, que ce soit en terme d'encadrement aussi parce qu'ils le demandent, ils veulent un encadrement plus performant. Comme vous le disiez à juste raison, la Jamaïque, c'est à côté ; pourquoi la Jamaïque tire tant de champions ? C'est exceptionnel quand même cette année.
 
Oui, c'est vrai.
 
C'est toujours un pays performant, c'est vrai. Mais là, cette année, c'est vraiment extraordinaire ce qu'ils font.
 
S'ils continuent, ils vont nous passer devant au bilan des médailles.
 
Exactement. C'est pour ça qu'il faut faire ce bilan et que je vais laisser les techniciens le faire, je les accompagnerai. Mais nous devons retrouver un certain standing au niveau de la fédération d'athlétisme, tout au moins une performance autre que celle de ces Jeux.
 
Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 22 août 2008