Interview de Mme Nadine Morano, secrétaire d'Etat à la famille, à France 2 le 21 août 2008, sur la rentrée scolaire, la politique de la famille, l'allocation de rentrée scolaire et l'adoption d'enfants.

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Média : France 2

Texte intégral


 
 
 
 
R. Sicard.- Bonjour à tous. Bonjour N. Morano. Avant de parler de la famille, je voudrais que l'on revienne sur l'Afghanistan, il y a une polémique qui est en train de naître, les socialistes parlent d'"impasse militaire" - les communistes demandent le retrait pur et simple des troupes françaises. Est-ce que la France n'est pas en train de s'enliser en Afghanistan ?
 
D'abord, permettez-moi d'exprimer tout mon respect envers nos soldats qui sont tombés pour servir la liberté, la démocratie et d'apporter tout mon soutien aux familles qui sont touchées par ce deuil. Nous allons exprimer d'ailleurs tout à l'heure, tout le soutien de la Nation et c'est fortement justifié. La polémique aujourd'hui ne devrait pas avoir lieu au moment où nos soldats sont tombés sur le champ de bataille. Tout simplement, le président de la République l'a rappelé lorsqu'il s'est déplacé hier en Afghanistan : pourquoi sommes-nous engagés sur ce théâtre d'opération difficile ? Pour servir la liberté du monde. Aussi, il faut le savoir, l'Afghanistan, c'est un lit de terrorisme et nous devons lutter contre le terrorisme, cela sert le monde, mais cela sert aussi la France.
 
Mais pendant la campagne présidentielle, N. Sarkozy avait dit que la France n'avait pas vocation à rester en Afghanistan. Qu'est-ce qui l'a fait changer d'avis ?
 
Tout simplement l'analyse de ce qui se passe dans cette situation internationale et parce qu'il a souhaité renforcer l'engagement de ses prédécesseurs et donc de renforcer nos troupes en Afghanistan - c'était tout à fait légitime d'aider ce pays à se reconstruire. C'est tout à fait légitime, alors que des écoles commencent à fonctionner, que les hôpitaux commencent à fonctionner - eh bien de dire que la France doit accompagner ce retour vers la paix et doit tout faire pour lutter contre le terrorisme. Tel est l'engagement de nos forces qui sont engagées en Afghanistan. Et je ne doute pas, puisque l'opposition réclame la transparence sur les opérations qui sont menées en Afghanistan, que mes collègues, à la fois B. Kouchner et H. Morin s'exprimeront devant les commissions parlementaires.
 
Alors, la politique de la famille. Hier, l'allocation de rentrée scolaire a été versée ; elle concerne les foyers les plus modestes. Ce que critiquent les associations, c'est la modulation qui ne profiterait pas assez aux lycéens. Il n'y aurait pas assez d'argent qui serait versé aux lycéens, puisque maintenant cette allocation est modulée selon l'âge. Que répondez-vous à ces associations qui disent : "pas assez pour les lycéens ?"
 
Je réponds que l'allocation rentrée scolaire, c'est un budget de 1,4 milliard d'euros, qu'elle concerne 4,8 millions d'enfants. Qu'avant, on avait un dispositif qui était le même pour tous, à savoir 272euros, du cours préparatoire jusqu'à l'âge de 18 ans. J'ai choisi, à la demande des associations familiales, de moduler cette allocation de rentrée scolaire, tout simplement parce que c'est une décision de bon sens.
 
Mais elles disent que vous n'avez pas mis assez le paquet sur les lycéens.
 
La rentrée scolaire coûte plus cher au collège, plus cher au lycée. Je l'ai donc augmentée au niveau du collège, elle est passée à 287euros et pour le lycée à 297euros. Nous avons rajouté pour l'allocation rentrée scolaire, un budget de 50 millions d'euros. Et donc, évidemment, moi je retiens surtout ce qui a été dit par l'UNAF, l'Union nationale des associations familiales - je suis allée à leur assemblée générale au mois de juillet dernier, elles nous ont fait part de leur satisfaction et c'est vrai qu'on entendra toujours des critiques, parce que certains auraient voulu que je baisse l'allocation rentrée scolaire, massivement pour le primaire, pour augmenter plus pour le lycée. Mais si je l'avais fait de cette manière ou m'aurait dit, oh, là, là, mais vous avez baissé l'allocation rentrée scolaire pour le primaire. J'ai donc choisi de la moduler et de ne pas baisser l'Allocation rentrée scolaire pour le primaire qui concerne quand même 2,2 millions d'enfants.
 
Alors vous avez cité un chiffre, 50 millions de plus pour cette allocation. Les associations sortent un autre chiffre, 250 millions en moins à l'occasion de la réforme des allocations familiales, cela fait 200 millions dans la poche de l'Etat ?
 
Non, parce que tout est intégralement réinjecté au service des familles, à la fois par les 4.000 créations de crèches supplémentaires que j'ai initiées. C'est un budget de 50 millions d'euros, à la fois par le complément de garde, pour lequel j'ai signé un décret, c'est 40 millions d'euros. A la fois pour les centres de loisirs et d'hébergement, c'est un budget de 25 millions d'euros. Donc vous voyez tout l'ensemble...
 
Il n'y a pas un euro en moins pour la politique de la famille ?
 
Nous réinjectons ces budgets, nous les ventilons à disposition des familles. Et je voudrais rajouter aussi en complément de l'ARS, l'Allocation rentrée scolaire, le dispositif qui a été mis en place par X. Darcos et que je suis allée voir hier dans un supermarché à Marseille, cela marche. L'allocation rentrée scolaire, plus la liste qui a été définie par mon collègue, ministre de l'Education nationale sur l'ensemble des trente produits qui sont à prix coûtant ou alors au niveau de prix de la rentrée 2006 - On voit bien que, alors que les affichettes sont clairement exposées que nos concitoyens et que les consommateurs vont vers les produits les moins chers. Donc je pense que cette rentrée scolaire s'inscrit vraiment dans le bon sens.
 
Hier on a eu les chiffres de la fécondité en France, 2 enfants par femme, c'est un des meilleurs taux en Europe, est-ce qu'il ne faut pas encore mettre plus le paquet là-dessus ?
 
Ecoutez, on nous envie beaucoup en Europe. Il faut le savoir, nous consacrons...
 
On ne peut pas encore faire mieux ?
 
Mais bien sûr que nous pouvons faire mieux ! Nous commençons à pouvoir assurer le renouvellement des générations, nous consacrons à la politique familiale, toutes dépenses confondues, c'est 83 milliards d'euros, c'est 5 points du PIB, il faut le savoir. Donc c'est vrai que nous sommes beaucoup regardés par les pays européens voisins, parce qu'ils nous envient beaucoup sur nos modes de garde, que nous allons continuer à développer. Parce que l'engagement du président de la République, c'est à la fin du quinquennat d'avoir développé 350.000 offres de gardes supplémentaires.
 
Il a même promis le droit opposable, c'est-à-dire qu'une famille qui ne trouverait pas de place de garde pourrait saisir la justice, est-ce que ça, ce sera une promesse tenue ?
 
L'engagement du président de la République prioritaire, c'est de créer ces places. Parce que le droit opposable, c'est un droit de justice évidemment...
 
Il l'a promis !
 
Il a dit, évidemment, mais ce que nous voulons mettre en avant, en priorité, c'est de créer toutes ces places, c'est ça qui est important. Parce qu'un droit que l'on peut créer pour la justice, si on ne crée par les moyens en face, à quoi cela sert ?
 
Mais il existera ou pas en 2012, ce droit ?
 
La priorité, c'est d'abord de créer tous les moyens à disposition des parents. Et donc, nous allons avoir une réunion de travail avec le MEDEF et la CGPME pour créer des places de crèche d'entreprise, inter entreprise, des relais aussi avec les assistantes maternelles, des micro crèches dans les quartiers difficiles avec F. Amara. Donc nous allons répondre à l'attente des familles, c'est ça qui est prioritaire.
 
Alors, on verra si le droit opposable est applicable en 2012 ou pas. En attendant aujourd'hui, vous proposez un plan sur l'adoption. Il y a un problème sur l'adoption en France - moins 20 % en deux ans. Que proposez- vous pour régler ce problème ?
 
Eh bien nous avons regardé comment cela se passe ailleurs. Et à l'exemple de l'Italie qui a réussi à faire progresser de plus 6% son taux d'adoption, nous avons choisi de mieux coordonner l'ensemble des services qui se consacrent à l'adoption. Avec R. Yade, nous allons travailler de concert. Le président de la République a choisi de mettre en place un Comité interministériel sous l'autorité du Premier ministre, animé par le ministère en charge de la famille. Nous réformerons,
 
C'est-à-dire vous ?
 
C'est-à-dire moi, nous réformerons d'une part et c'est un gros travail, parce que 80 % des adoptions se font à l'international. Donc, nous réformerons nos dispositifs au niveau international et R. Yade en aura la charge. Nous réformerons aussi, d'un côté interministériel, avec R. Dati, l'adoption en France, puisque nous voulons revoir la procédure d'abandon, qui est beaucoup trop longue dans notre pays.
 
Il n'y a que 700 adoptions en France, aujourd'hui ?
 
Voilà, il y en a moins de 4.000 en tout, alors que nous avons près de 30.000 agréments.
 
Mais d'adoptions en France, c'est 700, c'est très peu.
 
C'est 700, c'est très peu et nous avons 23.000 enfants qui sont placés.
 
Comment peut- on changer ça ?
 
Nous avons 23 000 enfants qui sont placés par décision judiciaire et qui ont un parcours dans des familles d'accueil beaucoup trop long et j'ai découvert un chiffre terrifiant qui nous disait que près de 40 % des enfants qui étaient passés par la protection de l'enfance avaient connu un parcours de sans domicile fixe. Donc vous voyez que le parcours d'un enfant est extrêmement important, nous avons le devoir de ne pas le laisser si longtemps dans un parcours aussi chaotique - mais de permettre à ce que nos enfants, en France puissent être adoptés plus facilement.
 
L'objectif, c'est combien d'adoptions par an en France ?
 
L'objectif, c'est l'augmentation du nombre d'adoptions et c'est d'ailleurs de réformer aussi la procédure d'agrément. Parce que, aujourd'hui, je vous disais que nous avions près de 30.000 agréments dans notre pays, nous n'avons pas une vraie lisibilité des agréments qui sont en cours aujourd'hui.
 
L'agrément, c'est le permis d'adopter ?
 
C'est le permis d'adopter. On sait très bien que nous avons des familles, eh bien qui en cours de parcours, parce que l'agrément est valable cinq ans, au bout d'un an ou deux ont eu des enfants, ou bien ont renoncé à leur projet d'adoption ou bien se sont séparées.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 21 août 2008