Texte intégral
LCI.FR - Après 100 jours, quelle est votre perception de l'Outre-mer ?
Yves Jégo : J'ai changé de regard. Il était assez classique, un peu carte postale. En réalité, il y a des départements extrêmement dynamiques et un chômage qui baisse plus rapidement qu'en métropole. Je crois que l'Outre-mer est au carrefour de son histoire, avec la mondialisation d'un côté et l'écologie de l'autre. Deux rendez-vous que ces territoires sont en train de prendre. L'Etat doit mettre en place des outils renforcés pour que ces territoires saisissent cette chance historique.
LCI.FR - Sentez-vous les populations d'Outre-mer plus ouvertes à la mondialisation, les Français de la métropole sont inquiets ?
Yves Jégo : Effectivement, l'Outre-mer est par nature plus ouverte aux échanges. 90% des marchandises circulent aujourd'hui par la mer. Elle est au carrefour de toutes ces routes. La nouvelle géographie du monde donne une vraie opportunité à l'Outre-mer. Et il y a une jeunesse qui a bien compris là-bas qu'elle était devenue la garde-avancée de la France et de l'Europe. Nous devons mettre le paquet pour l'accompagner.
Mais l'Outre-mer doit aussi se prendre en charge. La classe politique locale doit être à la hauteur de défis et pas seulement attendre de la métropole que l'on vienne apporter des moyens. Il faut du donnant-donnant. Il faut casser cette image d'une Outre-mer qui vit sous la dépendance financière de la métropole. Saisissons les opportunités du temps, mais le sens de l'histoire, c'est "aide toi et le ciel t'aidera".
LCI.FR - Deux sondages montrent une nouvelle baisse de la cote de confiance du chef de l'Etat alors que les réformes sont plutôt approuvées. Y a-t-il un problème Sarkozy ?
Yves Jégo : Non, il y a trente ans que la France attendait la réforme. La réforme, c'est comme la potion amère que vous donne le médecin. Vous savez que vous en avez besoin mais quand vous l'avalez, c'est amer. Changer autant de choses est un moment toujours difficile à passer.
LCI.FR - Nicolas Sarkozy soigne-t-il avec doigté ?
Yves Jégo : Le gouvernement fait un travail en profondeur. Dans la durée, le pays va se moderniser. Effectivement, il y a à la fois une impatience de résultats et puis sans doute une difficulté à accepter un certain nombre de décisions difficiles qui font que la popularité n'est pas au rendez-vous de la réforme.
Mais quand vous dirigez un pays, soit vous cherchez à être populaire, et alors vous êtes souvent amené à ne rien faire. Soit vous cherchez à être efficace, et alors on peut faire le pari suivant : le médecin qui vous a remis debout, vous lui en serez gré
Il y a des moments où il faut avoir le courage de faire le travail. Au fond d'eux-mêmes, les Français savent bien qu'il n'y a pas d'autre solution. D'ailleurs, si les Français ont élu Nicolas Sarkozy, c'est qu'ils savaient bien qu'il fallait en passer par là.
LCI.FR - Il y a un débat sur le rythme des réformes. N'est-il pas trop soutenu, un zapping permanent ?
Yves Jégo : Aujourd'hui, tout s'est accéléré. Nous sommes dans la société de l'immédiat. Les gens n'attendent pas leur magazine hebdo pour l'info mais consultent les sites internet. Le chef de l'Etat doit être dans le rythme de la société. Ce que la France a payé très cher, c'est que pendant vingt-cinq ans, elle n'a pas été au rythme du monde. Elle a agi à son rythme, fondé sur une grande histoire et sur ses propres traditions.
La grande qualité de Nicolas Sarkozy, c'est d'avoir compris qu'il fallait se mettre au rythme du monde qui change. C'est vrai que c'est un peu perturbant pour des gens qui n'y étaient pas habitués mais si on ne court pas aussi vite que les autres, on se fait dépasser.
LCI.FR -Les parlementaires se plaignent d'un rythme de travail très chargé...
Yves Jégo : En tant qu'ancien parlementaire, je peux comprendre. Mais je comprends aussi qu'il y a des moments où il faut travailler beaucoup plus car tout s'accélère.
LCI.FR - Mais le travail d'explication en amont est-il suffisant ? La réforme des 35 heures passe mal chez les cadres...
Yves Jégo : Il faut tout faire à la fois, c'est cela qui est difficile. On ne peut plus se permettre de prendre le temps d'expliquer tout, à tout le monde, dans le détail. Quand on essaie de respecter l'avis de tout le monde, on ne fait plus rien.
Il y a un devoir de pédagogie mais il faut faire comprendre qu'il faut changer de braquet. Pour gagner une course cycliste, il faut se mettre en danseuse et accélérer. C'est indispensable. Prenez l'exemple de la Pologne qui est passé en dix ans du moyen-âge communiste au 21e siècle.
LCI.FR - L'impopularité de Nicolas Sarkozy est-elle due à son style ?
Yves Jégo : Les Français ont élu Nicolas Sarkozy en connaissance de cause. Souvenez vous de certaines polémiques, comme sur "le karcher", etc... Ils savaient qu'ils confiaient les rênes du pays à un homme d'énergie et à un homme qui voulait faire bouger, y compris de temps en temps en secouant un peu le tapis.
Aujourd'hui, le vent souffle plus fort. Ca décoiffe un peu car on va dans le bon sens. Rien ne serait pire que de s'arrêter, de ne plus fâcher personne, de ne plus rien dire. On a vécu ça pendant trente ans. Nous sommes dans la rupture.
LCI.FR - Que pensez-vous du climat politique de ces derniers jours avec la polémique soulevée par Ségolène Royal sur son cambriolage et les réactions violentes de l'UMP ? Quelle image du débat public...
Yves Jégo : Je dirai à Madame Royal : qui sème le vent récolte la tempête ! Si elle ne souhaite pas de réactions exagérées, il faut qu'elle ait des positions modernes et non qu'elle tienne des propos qui frôlent la démagogie et le populisme. Sa stratégie est claire : elle cherche à faire parler d'elle, car elle est en difficultés avant le congrès du PS. La seule erreur, peut-être, est de tomber dans ce piège et de parler d'elle.
Ce qui n'élève pas le débat public, c'est d'essayer de faire porter ses difficultés personnelles sur les épaules des autres. Je constate que les deux cambriolages de Mme Royal sont intervenus à deux moments de sa vie où elle avait des difficultés politiques. Tout ça n'est pas correct, elle ne se grandit pas. Et les Français tireront les conclusions qui s'imposent, elle n'est pas à la hauteur de ce qu'elle aspire à être.
LCI.FR - Comment comptez-vous gagner la bataille des régionales en Ile-de-France, face à vos concurrents UMP comme Roger Karoutchi ?
Yves Jégo : Je ne suis pas en campagne électorale, je suis 100% ministre. J'y rentrerai le jour venu car j'ai des choses à dire et une vision pour cette région. J'ai envie de porter un changement profond de l'Ile de France. Il faut une rupture totale avec la gestion depuis dix ans. Il faut sortir d'une gestion où l'on se coopte, à droite comme à gauche. Ce sont sans doute de bons gestionnaires mais on voit toujours les mêmes. C'est aux Franciliens de prendre les choses en main.
Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 30 juillet 2008
Yves Jégo : J'ai changé de regard. Il était assez classique, un peu carte postale. En réalité, il y a des départements extrêmement dynamiques et un chômage qui baisse plus rapidement qu'en métropole. Je crois que l'Outre-mer est au carrefour de son histoire, avec la mondialisation d'un côté et l'écologie de l'autre. Deux rendez-vous que ces territoires sont en train de prendre. L'Etat doit mettre en place des outils renforcés pour que ces territoires saisissent cette chance historique.
LCI.FR - Sentez-vous les populations d'Outre-mer plus ouvertes à la mondialisation, les Français de la métropole sont inquiets ?
Yves Jégo : Effectivement, l'Outre-mer est par nature plus ouverte aux échanges. 90% des marchandises circulent aujourd'hui par la mer. Elle est au carrefour de toutes ces routes. La nouvelle géographie du monde donne une vraie opportunité à l'Outre-mer. Et il y a une jeunesse qui a bien compris là-bas qu'elle était devenue la garde-avancée de la France et de l'Europe. Nous devons mettre le paquet pour l'accompagner.
Mais l'Outre-mer doit aussi se prendre en charge. La classe politique locale doit être à la hauteur de défis et pas seulement attendre de la métropole que l'on vienne apporter des moyens. Il faut du donnant-donnant. Il faut casser cette image d'une Outre-mer qui vit sous la dépendance financière de la métropole. Saisissons les opportunités du temps, mais le sens de l'histoire, c'est "aide toi et le ciel t'aidera".
LCI.FR - Deux sondages montrent une nouvelle baisse de la cote de confiance du chef de l'Etat alors que les réformes sont plutôt approuvées. Y a-t-il un problème Sarkozy ?
Yves Jégo : Non, il y a trente ans que la France attendait la réforme. La réforme, c'est comme la potion amère que vous donne le médecin. Vous savez que vous en avez besoin mais quand vous l'avalez, c'est amer. Changer autant de choses est un moment toujours difficile à passer.
LCI.FR - Nicolas Sarkozy soigne-t-il avec doigté ?
Yves Jégo : Le gouvernement fait un travail en profondeur. Dans la durée, le pays va se moderniser. Effectivement, il y a à la fois une impatience de résultats et puis sans doute une difficulté à accepter un certain nombre de décisions difficiles qui font que la popularité n'est pas au rendez-vous de la réforme.
Mais quand vous dirigez un pays, soit vous cherchez à être populaire, et alors vous êtes souvent amené à ne rien faire. Soit vous cherchez à être efficace, et alors on peut faire le pari suivant : le médecin qui vous a remis debout, vous lui en serez gré
Il y a des moments où il faut avoir le courage de faire le travail. Au fond d'eux-mêmes, les Français savent bien qu'il n'y a pas d'autre solution. D'ailleurs, si les Français ont élu Nicolas Sarkozy, c'est qu'ils savaient bien qu'il fallait en passer par là.
LCI.FR - Il y a un débat sur le rythme des réformes. N'est-il pas trop soutenu, un zapping permanent ?
Yves Jégo : Aujourd'hui, tout s'est accéléré. Nous sommes dans la société de l'immédiat. Les gens n'attendent pas leur magazine hebdo pour l'info mais consultent les sites internet. Le chef de l'Etat doit être dans le rythme de la société. Ce que la France a payé très cher, c'est que pendant vingt-cinq ans, elle n'a pas été au rythme du monde. Elle a agi à son rythme, fondé sur une grande histoire et sur ses propres traditions.
La grande qualité de Nicolas Sarkozy, c'est d'avoir compris qu'il fallait se mettre au rythme du monde qui change. C'est vrai que c'est un peu perturbant pour des gens qui n'y étaient pas habitués mais si on ne court pas aussi vite que les autres, on se fait dépasser.
LCI.FR -Les parlementaires se plaignent d'un rythme de travail très chargé...
Yves Jégo : En tant qu'ancien parlementaire, je peux comprendre. Mais je comprends aussi qu'il y a des moments où il faut travailler beaucoup plus car tout s'accélère.
LCI.FR - Mais le travail d'explication en amont est-il suffisant ? La réforme des 35 heures passe mal chez les cadres...
Yves Jégo : Il faut tout faire à la fois, c'est cela qui est difficile. On ne peut plus se permettre de prendre le temps d'expliquer tout, à tout le monde, dans le détail. Quand on essaie de respecter l'avis de tout le monde, on ne fait plus rien.
Il y a un devoir de pédagogie mais il faut faire comprendre qu'il faut changer de braquet. Pour gagner une course cycliste, il faut se mettre en danseuse et accélérer. C'est indispensable. Prenez l'exemple de la Pologne qui est passé en dix ans du moyen-âge communiste au 21e siècle.
LCI.FR - L'impopularité de Nicolas Sarkozy est-elle due à son style ?
Yves Jégo : Les Français ont élu Nicolas Sarkozy en connaissance de cause. Souvenez vous de certaines polémiques, comme sur "le karcher", etc... Ils savaient qu'ils confiaient les rênes du pays à un homme d'énergie et à un homme qui voulait faire bouger, y compris de temps en temps en secouant un peu le tapis.
Aujourd'hui, le vent souffle plus fort. Ca décoiffe un peu car on va dans le bon sens. Rien ne serait pire que de s'arrêter, de ne plus fâcher personne, de ne plus rien dire. On a vécu ça pendant trente ans. Nous sommes dans la rupture.
LCI.FR - Que pensez-vous du climat politique de ces derniers jours avec la polémique soulevée par Ségolène Royal sur son cambriolage et les réactions violentes de l'UMP ? Quelle image du débat public...
Yves Jégo : Je dirai à Madame Royal : qui sème le vent récolte la tempête ! Si elle ne souhaite pas de réactions exagérées, il faut qu'elle ait des positions modernes et non qu'elle tienne des propos qui frôlent la démagogie et le populisme. Sa stratégie est claire : elle cherche à faire parler d'elle, car elle est en difficultés avant le congrès du PS. La seule erreur, peut-être, est de tomber dans ce piège et de parler d'elle.
Ce qui n'élève pas le débat public, c'est d'essayer de faire porter ses difficultés personnelles sur les épaules des autres. Je constate que les deux cambriolages de Mme Royal sont intervenus à deux moments de sa vie où elle avait des difficultés politiques. Tout ça n'est pas correct, elle ne se grandit pas. Et les Français tireront les conclusions qui s'imposent, elle n'est pas à la hauteur de ce qu'elle aspire à être.
LCI.FR - Comment comptez-vous gagner la bataille des régionales en Ile-de-France, face à vos concurrents UMP comme Roger Karoutchi ?
Yves Jégo : Je ne suis pas en campagne électorale, je suis 100% ministre. J'y rentrerai le jour venu car j'ai des choses à dire et une vision pour cette région. J'ai envie de porter un changement profond de l'Ile de France. Il faut une rupture totale avec la gestion depuis dix ans. Il faut sortir d'une gestion où l'on se coopte, à droite comme à gauche. Ce sont sans doute de bons gestionnaires mais on voit toujours les mêmes. C'est aux Franciliens de prendre les choses en main.
Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 30 juillet 2008