Interview de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, à RTL le 25 août 2008, sur les médailles françaises aux jeux olympiques de Pékin, la compétition sportive, l'athlétisme et les droits de l'homme en Chine.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


 
 
 
J.-M. Aphatie.- Bonjour R. Bachelot.
 
Bonjour, monsieur Apathie.
 
Les athlètes français présents à Pékin ramènent donc quarante médailles à la maison. Etes-vous satisfaite ce matin R. Bachelot ?
 
Je suis satisfaite, c'est notre meilleur résultat depuis les Jeux d'Anvers en 1901 où nous avions ramené 41 médailles. Non seulement c'est un bon succès sur le plan quantitatif : le nombre de médailles, mais aussi sur le nombre de disciplines présentées par les Français : 22 sur 28. Les deux tiers ont été médaillés et puis beaucoup de jeunes, beaucoup de jeunes espoirs que nous allons retrouver à Londres bien sûr dans quatre ans.
 
Justement Londres, la délégation française fait moins bien que la Grande-Bretagne qui a dix-neuf médailles d'or, moins bien aussi que l'Allemagne. Vous êtes résolument optimistes ce matin R. Bachelot, mais les chiffres peuvent être interprétés différemment...
 
Je suis optimiste, mais il faut être lucide en tant que ministre des Sports. Effectivement, les analyses méritent d'être faites sur notre absence en athlétisme, sur notre absence aussi en sports collectifs, même si la magnifique victoire du handball masque aussi notre absence en foot, en basket, en volley. Effectivement, trop peu de femmes. Ca vous pensez bien que pour moi, c'est une douleur de voir que les femmes n'ont pas fait les résultats par exemple d'Athènes : 17% des médailles sont féminines, 48% des médailles étaient féminines à Athènes...
 
Donc quand même beaucoup de points noirs.
 
... Et puis la défaillance des leaders...
 
Vous aviez l'air très contente au début, puis quand vous accumulez dans le détail : on se dit, tiens ! Pas beaucoup de femmes, l'athlétisme ça marche pas, les Anglais font mieux que nous.
 
Il faut faire ce bilan avec lucidité ; ne pas oublier le magnifique succès des Français. Mais ma responsabilité de ministre des Sports, c'est faire un bilan ; pas seulement faire un bilan, j'allais dire à chaud au bord des cendrées, à l'intérieur des stades. Nous allons effectivement, avec mon secrétaire d'Etat B. Laporte...
 
... Ne l'oublions pas.
 
... Certainement pas... réunir l'ensemble du mouvement sportif, des responsables, faire un bilan à froid, après les Jeux olympiques et les Jeux paralympiques. Il ne faut pas oublier que les Jeux olympiques sont les deux choses, et que du 6 au 17 septembre il va y avoir les Jeux paralympiques où nous avons des bons espoirs de médailles et puis regarder les choses en profondeur, fédération par fédération...
 
S'il faut tirer des leçons, des têtes pourraient tomber, des changements pourraient intervenir ?
 
Eventuellement après un bilan fait à froid, à la rentrée des Jeux paralympiques ; la situation par exemple, regardez la natation et l'athlétisme. Il n'y a pas de médailles pour les filles. Mais la situation est très différente en natation, où on voit bien qu'il y a une génération montante prête à remplacer les Manaudou, les Metella alors que cette génération montante n'existe pas en athlétisme.
 
Et vous savez pourquoi ? Vous savez pourquoi ? L'athlétisme c'est la discipline phare des Jeux Olympiques...
 
Tout à fait, et avec la natation oui...
 
Vous savez pourquoi ça ne marche pas en France ?
 
Il y a certainement des problèmes de management. Mais il y a des problèmes plus, en profondeur qu'il va falloir traiter. Nous nous y sommes attelés avec B. Laporte ; il faut aller dans plusieurs directions. D'abord, très certainement une politique de sport à l'école qui ne portera pas ses fruits immédiatement. L'école vivier mais aussi franchir le gap que représente la carrière universitaire, le cursus universitaire. On est très peu outillés avec ça. Nous avons confié, avec V. Pécresse, une mission à S. Diagana qui va nous apporter un certain nombre de propositions. Le deuxième élément c'est la réforme de la gouvernance du sport de haut niveau. Tenez, par exemple, avoir un petit peu plus de femmes dans les responsables sportifs. Imaginez que nous avons, sur ce qu'on appelle les DTN, les directeurs techniques nationaux, uniquement deux femmes : Brigitte Dedier et la responsable du triathlon. Mais aussi faire en sorte de faire de l'INSEP, l'Institut national du sport et d'éducation physique un véritable grand établissement qui fasse du management sportif. Troisième priorité pour nous : ce qu'on appelle le double projet. Il faut pas que le choisir de devenir un sportif de haut niveau, ce soit en fait renoncer à une vraie carrière professionnelle. On le fait...
 
Donc en fait, R. Bachelot, il pourrait y avoir une grande remise en cause du sport national français après ces Jeux olympiques, si on vous écoute ce matin sur RTL ?
 
Pas une remise en cause mais véritablement donner une vraie impulsion au sport de haut niveau, une vraie politique de sport de haut niveau avec des réformes importantes. Vous parliez de la Grande-Bretagne ou de l'Allemagne. Ces pays ont imaginé un projet sportif national.
 
Et nous, qu'est-ce qu'on a fait ?
 
Eh bien nous sommes en train de le bâtir...
 
Après les Jeux olympiques ?
 
A partir...
 
Je vous dis pas ça à vous spécialement, mais qu'ont fait vos prédécesseurs ?...
 
Mes prédécesseurs ont bâti un projet sportif qui a permis à la France d'être la septième nation au nombre de médailles pour un pays de 60 millions d'habitants.
 
Dixième...
 
Dixième au nombre de médailles d'or... Mais pourquoi vous ne voulez pas compter l'ensemble des médailles !
 
D'accord, mais je voyais le classement de L'Equipe : ils mettent dixième. L'Equipe en sports, ils s'y connaissent quand même...
 
Ils comptent que les médailles d'or. Ils sont allés dans la voie des chinois qui ne veulent compter que les médailles d'or. Moi je compte l'ensemble des médailles : 40 médailles qui nous placent à la septième position pour un pays de 60 millions d'habitants, qui se bat contre des pays qui ont 1,4 milliard d'habitants, c'est pas mal.
 
La Grande-Bretagne n'en a pas 1 milliard. L'histoire retiendra, R. Bachelot, que les Jeux Olympiques 2008 se sont donc déroulés en Chine. Est-ce qu'on peut dire que les Jeux Olympiques 2008 se sont déroulés dans une dictature ?
 
Alors pourquoi voulez-vous m'entraîner sur ce sujet ?
 
Parce que ça fait partie de la vie. Parce que l'idéal olympique et la dictature, ça n'allait pas ensemble ?
 
Il est évident que la Chine n'a pas les mêmes critères démocratiques que nos pays occidentaux. Ca a été une chance extraordinaire de faire percoler dans la société chinoise - je m'en suis rendu compte en demeurant plus de dix jours à Pékin - de faire percoler dans la société chinoise des valeurs plus proches des nôtres sur une olympiade qui dure 1.461 jours je crois exactement.
 
 
 
Vous pensez que les choses ont changé au cours de ces Jeux Olympiques ?
 
Il y a quinze jours où on parle de sports, on parle des valeurs du sport et dans un pays comme la Chine, je crois que c'était très très important. La Chine a vu le reste du monde et le reste du monde a vu la Chine.
 
Le Dalaï-lama disait la semaine dernière, il était en France : "La répression s'est poursuivie au Tibet pendant les Jeux olympiques. C'est terrible d'entendre ça, et personne n'a rien dit".
 
Et notre combat pour les droits de l'homme restera ce qu'il doit être, mais le Dalaï-lama a dit aussi, il a souhaité bonne chance aux Jeux Olympiques de Pékin. Et bonne chance pour la démocratie.
 
Oui mais il a dit : "la répression s'est poursuivie pendant les Jeux olympiques". C'est terrible...
 
Bien sûr, et là il faut combattre, il faut discuter avec les Chinois et le président de la République et moi-même nous militons pour les Droits de l'homme.
 
La rentrée, A. Duhamel le disait, est morose. Pas terrible après un an de pouvoir. Beaucoup de difficultés R. Bachelot ?
 
Il y a une chose avec laquelle je n'étais pas d'accord avec A. Duhamel - c'est rare mais ça existe - en disant que les réformes étaient forcément sacrificielles. Les réformes que je veux mener pour la santé ne sont pas des réformes sacrificielles. Ce sont des réformes qui permettront de mieux soigner les Français. Vous savez, je vais présenter à la rentrée une réforme, une loi santé patients et territoire. Quand par exemple je veux faire en sorte qu'il y ait un maillage de démographie médicale, de médecine de ville, pour faire en sorte qu'on n'aille pas aux urgences de l'hôpital, un bobo traité aux urgences de l'hôpital : 233 euros. Un bobo traité en médecine de ville : 48 euros. Les réformes ne sont pas forcément sacrificielles.
 
Une rumeur court, R. Bachelot : R. Dati serait enceinte. Alors vous avez vu la ministre de la Justice au Conseil des ministres mercredi dernier. Vous avez des informations ?
 
Je n'ai aucune information sur ce genre de sujet. Alors, vous, véritablement...
 
Vous en auriez, vous nous les donnereriez...
 
Dans les questions vraiment où c'est du lourd sur le plan politique, vous êtes un champion.
 
R. Bachelot, sans information sur le lourd, était l'invitée d'RTL ce matin.
 
Source : Premier  ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 25 août 2008