Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Députés, je suis très heureux d'être devant vous. Cela me rappelle de bons souvenirs et peut-être que les mêmes souvenirs reviendront à l'esprit de certains d'entre vous.
Monsieur le Président, vous avez dit que la Présidence française serait ambitieuse ; elle le sera surtout dans sa modestie. C'est la première fois que je prends la parole devant vous et je voudrais, tout d'abord, remercier la Présidence slovène de l'excellent travail qu'elle a réalisé.
Vous connaissez l'agenda difficile d'une présidence, mais je serai toujours à votre disposition. Nous ne concevons pas - le président de la République vous l'a dit devant le Parlement il y a quelques jours - de travailler sans une étroite collaboration avec vous. L'Europe, c'est avant tout le Parlement et, dans le domaine des affaires étrangères, le Parlement, c'est vous.
Modestie donc, même si les ambitions sont grandes, et aussi écoute. Nous voulons absolument travailler ensemble, être proches du Parlement et, bien sûr - c'est une ambition encore plus grande -, être proches des Européens. Cela n'est pas facile, vous le savez, avec les derniers événements qui sont intervenus.
Nous devons être proches des Européens et leur expliquer - comme je vais tenter de le faire avec vous -, premièrement, les ambitions de l'Union en matière de politique étrangère, en matière de globalisation, en matière de rapports entre les pays européens et les peuples du bassin méditerranéen. J'y reviendrai et je vous remercie, Monsieur le Président, de l'avoir mentionné. Deuxièmement, il faut leur expliquer le rôle de l'Union dans l'organisation du continent européen. Troisièmement, il faut aussi avoir un dialogue et une coopération avec nos principaux partenaires ; je mentionnerai la Russie et le dialogue transatlantique avec les Etats-Unis d'Amérique. Et puis enfin, j'aimerais parler avec vous de la dimension de la diplomatie européenne et du développement de la nécessaire défense européenne. Comme vous le savez très bien, il n'y aura pas de diplomatie européenne sans l'autonomie et le renforcement de la défense européenne ; les choses vont ensemble.
Je sais que vous avez observé une minute de silence afin de rendre hommage à Bronislaw Geremek. J'ai travaillé avec notre ami Bronislaw Geremek, en particulier dans ce Parlement européen, lorsque j'étais président de la Commission du Développement et de la Coopération et lorsque j'étais député européen. Je me souviens, depuis les débuts à Gdansk, lorsque nous étions dans la société civile, du formidable militant qu'il a été, de la formidable conscience, de l'immense Européen que notre ami a été. Je ne voudrais pas commencer à parler sans penser à lui avec beaucoup d'émotion. Je me devais de faire cela et je vous remercie de m'avoir demandé de signer le livre des condoléances. En voyant sa photo, de cet intellectuel inflexible, de ce militant des libertés, disponible et déterminé, j'ai évidemment une pensée pour lui. Tout à l'heure, quand, probablement, nous parlerons de la défense européenne et de l'OTAN, je voudrais que l'on se souvienne de ce qu'a été Bronislaw à ce propos lorsque son pays est sorti du communisme. Merci.
Nous sommes deux semaines après le début de la Présidence française qui a commencé le 1er juillet et je suis heureux d'en parler devant vous avec mon ami Jean-Pierre Jouyet. Au Quai d'Orsay, nous travaillons la main dans la main et il pourra bien sûr intervenir, quand il le souhaitera, sur un certain nombre de priorités de la France que je ne vais pas développer maintenant : l'énergie et le climat, l'immigration, la dimension sociale. Sur tous ces sujets, nous avons travaillé et nous travaillons avec beaucoup de ténacité, en obtenant un certain nombre de résultats bien que cela ne soit jamais suffisant.
Je vous remercie d'avoir parlé ensemble de l'Union européenne, de l'Union pour la Méditerranée et du Processus de Barcelone. Au départ, il a été difficile, bien sûr, de faire comprendre à nos amis et particulièrement aux Espagnols, que l'Union pour la Méditerranée s'inscrivait dans la continuité du Processus de Barcelone. Les doutes sont dissipés, nous avons eu un document commun avec nos amis allemands. Mme Merkel et M. Sarkozy ont présenté un document qui a été remis à la Commission pour qu'elle propose une géométrie et un mode de fonctionnement. Je voudrais remercier M. Zapatero et M. Moratinos parce qu'ils ont tout de suite compris que nous allions compléter, que nous allions travailler sur les projets, mais dans la suite du Processus de Barcelone.
Je rappelle que le Processus de Barcelone a été lancé en 1995 ; cela représente déjà beaucoup de travail. Des idées se sont répandues mais, à notre avis, elles ne sont pas suffisamment développées autour de projets, et c'est peut-être ce qui fera la différence avec notre démarche. Il faut des projets à géométrie variable, financés par le secteur public et le secteur privé. Je crois qu'il y a là une différence notable. De plus, le fonctionnement de cette structure associera en permanence la rive Nord et la rive Sud au sein de sa co-présidence. Certains détails importants ne sont pas encore réglés mais pour ce qui concerne la co-présidence, elle sera dans un premier temps assurée par le président Moubarak et le président Sarkozy. Concernant la durée du mandat, certains pensent qu'il faut deux fois deux ans. Je sais que tout dépendra de l'architecture institutionnelle européenne, nous reparlerons de cela. Le Secrétariat sera dévolu aux projets, au suivi des projets, au financement des projets. Il y aura également, à Bruxelles, un comité d'accompagnement composé des ambassadeurs des vingt-sept pays de l'Union et des pays du Sud.
L'Union pour la Méditerranée a été acceptée avec beaucoup d'espoir lors de la Conférence à Paris où se sont retrouvés quarante-trois chefs d'Etat ou de gouvernement. Ce n'est pas au nombre de chefs d'Etat ou de gouvernement qu'il faut juger de l'importance du projet, mais à la volonté politique que cela manifeste. Je crois que cette volonté politique était très présente et que la façon dont ils se sont parlés, les uns et les autres, témoignait déjà de cette cohésion nécessaire, de cet affrontement tempéré, de cette complémentarité entre la rive Sud et la rive Nord. Il y avait eu les Accords de Rome, entre les Espagnols, les Italiens, les Français et les Grecs qui s'y étaient associés. Tout cela, c'est une histoire qu'un jour l'on écrira mais qui, je crois, témoigne maintenant de cette volonté permanente. Tout le monde veut maintenant y travailler.
Est-ce que cela signifie un nouveau mouvement de l'Europe, un déplacement vers le Sud - comme il y a eu d'ailleurs l'Union de la Baltique ? L'Histoire le dira. En tout cas, je crois que le moment que certains ont qualifié "d'historique", à Paris, fut un moment important. Nous vivons une période où j'aspire à ce que la globalisation ne soit pas un mot épouvantable, un mot qui signifie malheur ou anxiété. Dans ce contexte, ce pont au-delà des cultures, par-delà cette mer Méditerranée qui a été la mer de toutes les inventions, de tous les dangers et de tous les affrontements, ce pont entre deux civilisations et entre deux religions, me semblait de bon augure et probablement indispensable.
La politique étrangère de l'Union bien entendu ne se résume pas à cet espoir d'Union pour la Méditerranée, mais je crois que cela le préfigure suffisamment ; j'en veux pour exemple le discours de M. Barroso, le président de la Commission, à Paris, qui a mis, je crois, beaucoup de force, beaucoup d'allant pour parler de nos idéaux communs. Des idéaux qui constitueraient un apport à la valeur universelle que tous nous attachons à cette Union européenne.
Dialogue donc, mais dialogue sur des projets ; je crois qu'il est assez facile d'expliquer, peut-être un peu plus qu'avant, à nos peuples, aux citoyens européens ce que sont ces projets simples des autoroutes de la mer, d'une ceinture solaire pour fabriquer de l'énergie autour de la mer, d'un Erasmus méditerranéen, d'un développement de l'aide aux petites et moyennes entreprises des deux côtés de la Méditerranée et, bien sûr, de la dépollution de la mer. Ce sont des projets réels qui doivent trouver leur financement. C'était très difficile, mais finalement, la première étape a été accomplie et maintenant, il faut passer à l'acte. Il ne suffisait pas de se réunir à quarante-trois. Il faut bien sûr que nous soyons capables de développer ces projets, sinon, rien n'aura été fait.
Il faut une plus grande solidarité entre les Européens et les peuples du Bassin méditerranéen. Il faut mettre au point tous les détails dont je n'ai pas parlé et, pour cela, il faudra se retrouver à Marseille, les 3 et 4 novembre prochain, pour parler de la réalité de cette nécessaire coexistence. Je souhaite que vous soyez associés en permanence à ce mouvement et que nous essayons de rapprocher ceux qui déjà, par exemple, participent à l'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne ou à d'autres assemblées qui sont là, d'autres qui constituent le ciment de ce que nous voulons développer avec l'Union européenne, grâce à l'Union européenne, avec les autres pays du Sud.
Il y a d'autres questions autour de la Méditerranée, comme le statut avancé, nécessaire à la stabilité et à la modernisation du Maroc. Il convient aussi, vous le savez, de concrétiser le rehaussement de la relation avec Israël qui, évidemment, va nous permettre d'évoquer le processus de paix entre les Israéliens et les Palestiniens. Il faut, à cet égard, amplifier notre appui et notre solidarité avec le peuple palestinien. Nous l'avons fait et nous continuerons de le faire à la présidence du Conseil, avec le Quartette et avec le développement des projets de la Conférence de Paris qui nous a apporté, vous le savez, suffisamment d'argent : 7,7 milliards de dollars. Les projets tardent à se concrétiser suffisamment dans les Territoires palestiniens. Nous serons très attentifs.
Le Processus d'Annapolis n'est pas mort. Ceux qui se rendent là-bas, Javier Solana, Tony Blair, nos amis américains, les Russes ou moi-même, nous avons alternativement un sentiment d'espoir et d'anxiété. Nous sommes parfois désespérés et, parfois, nous reprenons espoir. Nous y allons tous les deux mois et il y a une permanence à Jérusalem qui essaie d'appuyer les projets. En ce moment, malgré les difficultés, malgré l'absence de circulation dans les Territoires palestiniens, malgré la nécessité de lever les barrages sur le territoire palestinien, nous sommes plutôt un peu modérément optimistes. Je crois qu'il faut continuer.
De tout cela, nous voudrions parler lors de notre réunion informelle des ministres des Affaires étrangères, le Gymnich, qui se déroulera à Avignon. Il y a beaucoup à faire. Ce sujet sera abordé lors de nos réunions sur le Moyen-Orient et sur le développement des initiatives de paix. J'y reviendrai pour parler de la nécessité de trouver une place pour l'Union européenne dans tous les processus de paix ; nous considérons en effet, et je pense que vous partagez ce sentiment, que l'Union européenne n'est pas à sa place. Nous n'avons pas suffisamment de poids dans les processus de paix ; nous ne sommes pas seulement une Union qui permet de financer les projets. Nous le faisons très volontiers, et nous le faisons beaucoup en ce qui concerne la Palestine et Gaza. Nous proposons à nos amis les ministres des Affaires étrangères, mais d'abord à vous qui êtes responsables de la politique extérieure de l'Union et qui vous intéressez à la politique extérieure en général, de définir une carte, un carnet de route, que nous pourrions réaliser. Il s'agirait d'abord de réfléchir, puis de proposer à nos partenaires, dans les premiers mois de la Présidence française, une feuille de route, comme cela a déjà été fait. Cette fois-ci, il s'agit de faire une proposition au nom de l'Union. Nous savons qu'il y aura une place pour ces propositions à l'occasion du changement d'administration américaine. Il ne s'agit pas de faire un carnet de route contre les Américains, ni contre les Russes, ni contre la Chine, ni contre personne. Il s'agit de trouver notre juste place dans la politique internationale, car le monde compte sur nous ; il est très attentif à ce qui se passe dans l'Union européenne. Prendre notre place au niveau international, malgré les difficultés institutionnelles pour le moment rencontrées, ce serait une nécessité.
Quant au renforcement de l'Union européenne dans l'organisation du continent européen, nous souhaitons que l'ensemble des relations à vingt-sept dans ce moment particulier se poursuivent et qu'il y ait une capacité européenne à parler entre les vingt-sept membres, non seulement conservée, mais renforcée.
Nous avons pris acte du vote négatif au référendum de la part de nos amis irlandais. Nous ne pouvons pas l'ignorer et nous devons, avec nos amis irlandais, y réfléchir. Par ailleurs, ils doivent pouvoir compter sur la Présidence du Conseil, pour qu'ensemble, s'ils le souhaitent, nous puissions élaborer une attitude qui permettra à l'Europe de poursuivre sa marche. D'ores et déjà, vous le savez, il a été décidé de poursuivre la ratification du Traité de Lisbonne, et nous le ferons. Certains pays le ratifieront à la fin de l'année, d'autres pays font part de leurs remarques. C'est toujours ainsi dans le fonctionnement de l'Union européenne : la difficulté se situe toujours devant soi et non derrière. Je pense, malgré les difficultés rencontrées que ce processus de ratification se poursuivra avec la volonté et la détermination de fonctionner.
Concernant les priorités de la Présidence française, rien n'empêche d'établir ces priorités ensemble. Nous l'avons fait, par exemple en ce qui concerne les migrations. Les vingt-sept pays ont voté, ont accepté un début de Pacte sur les migrations sur lequel on peut revenir, que l'on peut discuter, compléter, améliorer. C'était cependant le signe de la volonté des vingt-sept pays, dont les représentants étaient réunis à Cannes, de poursuivre cette démarche de construction.
Nous devons également compléter la démarche de la Croatie vers l'Union européenne. Actuellement, nous poursuivons activement les négociations avec la Croatie. Certains pensent que cet élargissement ne pourra pas se faire tant que nous ne nous sommes pas mis d'accord à vingt-sept. De plus, selon les termes des traités, je vous rappelle que tant que le Traité de Lisbonne n'est pas accepté - pour l'heure il ne l'est pas - c'est au Traité de Nice qu'il faut faire référence. Le Traité de Nice comporte un certain nombre d'obligations dont celle, en particulier, de réduire le nombre des membres de la Commission. Nous devons évoquer tous ces sujets ensemble.
Au sujet des Balkans, j'en profite pour remercier la Présidence slovène qui a mené une action positive et efficace dans cette analyse de la question des Balkans. Quand je parle des pays de l'Europe, je pense aussi aux Balkans, car pour moi, naturellement ils font partie de l'Europe. C'était symbolique de voir la Présidence slovène, c'est-à-dire le premier pays à avoir quitté la République fédérale socialiste de Yougoslavie, être en charge de l'approche des autres pays des Balkans, dont le Kosovo et la Serbie. Je ne doute pas que les négociations puissent se poursuivre avec tous les pays des Balkans. Je crois que tout le monde souhaite que la Serbie nous rejoigne. Cela prendra du temps, il y a encore des difficultés, rien n'est réglé au Kosovo, mais finalement, les choses avancent.
Nous tenterons de poursuivre la politique de voisinage dans les Balkans défendue par Mme Benita Ferrero-Waldner. Nous devons également parler de la politique de voisinage autour de la mer Noire. Il y a d'autres dossiers qui suscitent notre attention et qui ont été l'objet d'excellents rapports. Je pense à l'Ukraine, à la Géorgie. A ce propos, nous sommes particulièrement attentifs à la situation de la Géorgie qui a des conséquences directes sur les relations de voisinage. Il y a déjà eu plusieurs tentatives pour apporter une solution à cette situation, menées entre autre par Dimitrij Rupel, avec Carl Bildt. Il y a eu Frank-Walter Steinmeier qui s'est rendu en Géorgie et qui nous a demandé le soutien de la Présidence, nul doute que nous lui accordons. Il faut que nous nous investissions plus précisément. Je ne peux pas parler de la place de l'Union européenne dans le concert des nations, au coeur de la mondialisation, sans évoquer la nécessité pour l'Europe de prendre ses propres responsabilités concernant son voisinage immédiat. C'est essentiel, je crois que nous avons pris nos responsabilités dans les Balkans occidentaux avec notamment le déploiement de la force Eulex qui remplacera progressivement la Minuk.
Concernant nos relations avec la Russie, pour la Présidence française de l'Union européenne, elles sont importantes. On ne peut pas concevoir le développement de la politique extérieure de l'Union européenne sans avoir de bonnes relations avec la Russie. La Russie est notre grand voisin et elle constitue une part de l'avenir de l'Union européenne. Nous devons, donc, changer de langage. Nous devons arriver à parler différemment avec la Russie, même si elle n'a pas un langage qui nous convient toujours en employant des expressions qui peuvent nous choquer. C'est une raison supplémentaire pour que nous soyons très attentifs à ces relations et que nous tentions de les améliorer. Il y aura une rencontre entre l'Union européenne et la Russie, qui se tiendra en novembre, lors de ce sommet, nous allons définir, je l'espère, la feuille de route des négociations avec la Russie.
Nous souhaitons le renforcement du dialogue et de la coopération avec les autres pays voisins et du monde. Dans cette optique, une dizaine de sommets sont prévus au cours de la Présidence française et nous aurons l'occasion de parler de l'Afrique, de l'Amérique latine et de l'Asie. Il y a une relation à privilégier, je crois, c'est celle avec les Etats-Unis d'Amérique. Je l'ai dit, ce serait l'occasion, au moment de ce changement d'administration, de proposer une forme de partenariat qui tienne plus compte de la force, de la représentativité, du poids symbolique, mais du poids réel aussi de l'Union européenne. Il nous faut proposer à nos amis américains cette feuille de route.
J'évoquerai la question du changement climatique en répondant à vos questions.
Enfin, ce sera mon quatrième et dernier point, c'est la question du renforcement de la défense européenne commune. C'est une évidence que de dire qu'il n'y a pas de diplomatie sans défense et qu'il n'y a pas de diplomatie sans les moyens de sa politique, même si j'aimerais que ces moyens ne soient pas guerriers. J'aimerais bien que ces moyens n'aient pas à inclure une défense plus renforcée, plus forte, plus dissuasive que celle que nous connaissons actuellement. Mais je sais que les efforts européens en matière de défense sont déséquilibrés. Lorsqu'une opération de maintien de la paix doit être menée et que l'on se tourne vers les Européens, il y a des efforts qui sont faits de la part de nombreux pays, et je les en remercie. Lorsque l'on parle de l'Afghanistan, ou que l'on parle du Kosovo, il y a des efforts européens qui sont faits et il faut se rendre compte qu'ils sont décisifs.
Il me semble que ce serait plus simple de s'entendre sur cette question avant de se trouver confrontés à la réalité du terrain et de découvrir qu'il est difficile de s'équiper, de mobiliser une force de dissuasion qui soit crédible. Nous l'avons vu au moment du déploiement de l'Eufor dont la mission est de protéger les populations déplacées au Tchad. Nous avons vu combien il était difficile de rassembler suffisamment de forces et de matériel pour être de l'autre côté de la frontière avec le Darfour. En dépit des difficultés, l'Europe a été plus réactive que les forces de l'Union africaine et de l'ONU déployées du côté soudanais. Il s'agissait de deux démarches parallèles. Nous avons constaté à ce moment-là qu'il convenait de renforcer la défense européenne avec tous les membres de l'Union et pas seulement avec nos amis britanniques comme nous l'avions amorcé depuis St Malo. Entre les Britanniques et les Français, en gros, et cela ne pourra pas durer éternellement, il y a 25 % d'effort de chaque côté, et 50 % dans les opérations que nous menons ensemble pour le reste des pays européens. Il faut essayer d'équilibrer cela et nous le faisons avec nos amis allemands, italiens, espagnols, polonais, belges, danois. Nous devons nous y attacher pour qu'enfin nous ayons un appareil de défense crédible. Cela sous-entend qu'il n'y ait pas de concurrence malsaine et d'idéologie mal placée entre l'OTAN et la politique européenne de sécurité et de défense. Si on parle de l'Afghanistan, et je n'en parlerai pas tout de suite, sauf si vous posez des questions, et je serai heureux d'y répondre, dans l'OTAN, il y a vingt et un pays sur vingt-six qui sont des membres de l'Union européenne. Il s'agit donc plutôt d'européaniser l'OTAN que de lui donner un caractère idéologique qui serait trop simplement le suivisme des Américains. Cela n'est pas ce que nous souhaitons, et cela n'est pas ce que nous découvrons à chaque fois que nous parlons avec nos amis européens. Je sais que les temps ont changé. Je sais que les forces du pacte de Varsovie n'existent plus, que chacun aspire à plus d'autonomie, et c'est le sens de la feuille de route que je présenterai lorsqu'elle sera avec vous écrite, pensée, critiquée, enfin proposée.
Ce sont les raisons pour lesquelles il me semble que la politique de défense, à savoir de se doter des capacités et des instruments de conduite adaptés aux besoins de l'Europe en ce qui concerne sa défense, ne soit pas un luxe au coeur de ce monde dangereux. Les dangers ne sont plus les mêmes, c'est non seulement la prégnance du terrorisme, c'est aussi la peur de la globalisation qui fait que nos citoyens ne se retrouvent plus dans cette Europe, peut-être trop éloignée d'eux, trop tournée vers les institutions et vers un fonctionnement en vase clos. Je crois que c'est une des façons de leur prouver que nous sommes attentifs à la vie quotidienne de chacun, à leur avenir et celui de leurs enfants.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie d'avoir été attentifs à cette livraison un peu brute que je vous ai faite des nécessités de travailler ensemble.
Merci.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 juillet 2008