Interview de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, à France 2 le 22 juillet 2008, sur les relations de la Serbie avec l'Union européenne après l'arrestation de Radovan Karadzic.

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Média : France 2

Texte intégral

Q - Bernard Kouchner, vous avez regardé les images que nous venons de diffuser avec gravité et émotion...
R - Oui, parce que j'ai encore du mal à supporter ces images de meurtres, d'assassinats. C'était tellement facile, des montagnes qui encerclaient la ville de Sarajevo, de tirer et de tuer des gens au hasard, dans les marchés...
Je connaissais bien le "messun" Karadzic et puis le chef de guerre. C'était une espèce de monstre froid. Je l'ai rencontré, j'ai notamment négocié avec lui l'échange de 2.000 et 3.500 prisonniers. Il devait s'attendre à ce qu'un jour il ait à payer. Essayons d'oublier tout cela, mais c'est difficile et douloureux, je pense à ce qui s'est passé, aux familles.
Q - C'est la fête à Sarajevo...
R - Cela n'a rien à voir avec la fête ou la vengeance. Avec cette arrestation, c'est la justice qui va prévaloir. La France a beaucoup contribué à la reconnaissance internationale du "droit d'ingérence" et de la "responsabilité de protéger", et à faire en sorte que la justice pénale internationale existe.
Q - C'est une victoire pour le Tribunal pénal international ?
R - C'est une victoire du Tribunal pénal international contre les crimes commis en ex-Yougoslavie. Il reste encore à arrêter Ratko Mladic, et Goran Hadzic. Parmi les criminels moins importants, il y a eu tout de même cinq ou six arrestations cette année.
La France a beaucoup soutenu, avec l'Europe, l'élection du président Tadic qui a constitué un gouvernement pro-européen. Nous avons facilité la délivrance de visas, nous avons dit aux Serbes : "Venez dans l'Union européenne, c'est dans cet espace européen que l'on se réconciliera".
Q - C'est précisément grâce à cette pression sur Belgrade que l'arrestation de M. Karadzic a pu avoir lieu après 12 ans de clandestinité qui ne l'était peut-être pas vraiment pour tout le monde.
R - Oui, mais c'était une pression fraternelle. On a dit aux Serbes que nous les aimions, qu'ils fallaient qu'ils nous rejoignent. La pression ne s'est pas exercée directement sur le gouvernement. Ce que nous avons voulu faire, c'est dire au Kosovo, à la Bosnie, à la Serbie que maintenant tout est fini, que c'est au sein de l'Europe que la réconciliation pourra se faire. Pour eux c'était tout à fait important. Radovan Karadzic a été arrêté, il semble évident que l'on savait où il se trouvait, ou alors c'est un miracle. Néanmoins, ce que l'on constate c'est que 15 jours après la formation du nouveau gouvernement de Belgrade, auquel la France et l'Europe ont apporté leur soutien, M. Karadzic est arrêté.
Q - Il ne fait pas de doute qu'il sera extradé vers le Tribunal pénal international de La Haye.
R - Oui, sans doute dans quelques jours. Ce processus va se poursuivre, on va enfin pouvoir respirer. L'avenir de la jeunesse serbe est de venir vers nous, jusqu'à présent ils étaient enfermés, ils étaient prisonniers de ces assassins. Cependant, n'oublions pas le génocide un par un des habitants, femmes, enfants, vieillards de Srebrenica.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 juillet 2008