Interview de M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, à France-Info le 3 septembre 2008, sur le revenu de solidarité active, son financement, le retour à l'emploi, le chômage et le RMI.

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Média : France Info

Texte intégral


 
 
 
R. Duchemin.- La question du jour est pour M. Hirsch, ce matin. Bonjour. Merci d'être en direct avec nous sur France info. M. Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives. On va évidemment parler avec vous du RSA. Vous en aviez rêvé, ça y est, le Conseil des ministres va le faire ce matin.
 
Oui, le Conseil des ministres va le faire. C'est irréversible et j'espère que cela aura un effet majeur sur les gens qui ont le plus de difficultés.
 
Alors, vous dites ce matin dans les colonnes du journal La Tribune que vous tablez sur 100.000 retours à l'emploi dans 18 mois pour les actuels RMIstes. Comment parvenez- vous à ce chiffre ?
 
De manière très solide, c'est-à-dire qu'on a fait des programmes expérimentaux dans un tiers des départements français et on a observé mois après mois que le taux de retour à l'emploi des personnes au RMI était bien supérieur quand on expérimentait le RSA que quand on ne l'expérimentait pas, première chose. Deuxième chose, il y a différents économistes qui ont travaillé sur le sujet et qui considèrent qu'effectivement le RSA va avoir cet effet là. Donc, on s'est fixé un objectif qui est réaliste et qui nous oblige. Parce qu'il faut aussi que les gens se secouent. Cela ne va pas tomber tout cuit. C'est une réforme qui est faite pour faire bouger les acteurs.
 
C'est effectivement un signe très encourageant, un signe chiffré très encourageant. Sur le nombre total de RMIstes, cela veut dire quoi au final, que vous pensez arriver à quel chiffre ? Il y a des projections comme cela qui sont faites ?
 
Oui mais ...
 
On ne va pas arriver à zéro !
 
On ne va pas arriver à zéro. Mais, première chose, tout va être reconstruit, c'est-à-dire que n'oublions pas que le RSA ce n'est pas une couche de plus. Le RMI va être remplacé par le RSA. L'allocation parent isolé va être remplacé par le RSA.
 
Cela veut dire que tous les RMIstes, pour vous, vont pouvoir retrouver un emploi ?
 
C'est l'objectif qu'on doit se fixer. C'est-à-dire que notre pays a supporté le fait qu'il y est 1,2 million de personnes au RMI, 300.000 à l'API, qui sont coupées du monde du travail. Il faut les reconnecter avec le monde du travail et ce n'est pas pour les forcer, c'est parce que c'est ce qu'ils demandent. Je passe mon temps à voir des groupes de personnes en difficulté. Leur demande, c'est plus d'argent, plus de travail et on ne peut pas les considérer comme des inemployables.
 
Objectif donc, zéro RMIstes ? Sans faire de politique fiction, ce serait possible quand, selon vous d'après vos projections, d'après les calculs ?
 
L'objectif est de faire en sorte que ce soit vraiment celles et ceux qui ont des difficultés sociales considérables qui soient bien accompagnées pour cela mais que toutes celles et tous ceux qui sont en capacité de travailler puissent rentrer dans le monde du travail.
 
Venons-en au financement. C'est un petit peu le dossier qui fait débat en ce moment ; la méthode n'a pas vraiment plu à tous le monde. Vous, vous dites, en sommes, si je résume, que la taxe pour financer le RSA soit comprise ou non dans le bouclier fiscal ce n'est pas franchement votre problème, c'est le résultat qui compte. Vous souhaitiez, vous, pourtant que cela ne soit pas pris en compte justement pour qu'on puisse aller taper au porte-monnaie de ceux qui ont le plus d'argent.
 
Si vous me permettez de revenir à l'essentiel. Pendant un an j'ai entendu tout le monde me dire que j'étais un doux rêveur et que je me faisais rouler dans la farine et que personne ne financerait le RSA et qu'il n'y aurait pas un centime pour y mettre et que c'était une absurdité. Résultat : le président de la République, il y a une semaine, annonce qu'on va consacrer1,5 milliard d'argent nouveau au revenu de solidarité active. Première bonne nouvelle. Deuxième bonne nouvelle au lieu d'aller la prendre dans la poche des classes moyennes ou des pauvres on va la prendre dans la poche de ce qui ont les patrimoines les plus élevés.
 
Là, je crois que tout le monde n'est pas d'accord avec vous sur les classes moyennes notamment les petits propriétaires fonciers qui disent "attention on va taxer notre revenu foncier. Comment on va faire, nous, demain ? C'est nous qui trinquons ?"
 
Non, ils ne vont pas trinquer. Certains vont contribuer, mais contribuer de manière modeste. Je pense qu'il faut donner des chiffres. Quelqu'un qui possède un appartement et le loue pour 600 euros par mois, il va payer 6 euros par mois. 6 euros ! C'est quelqu'un, j'imagine, qui a déjà son salaire ou sa retraite, qui possède en plus un appartement, cet appartement il le loue. Et sur les 600 euros de son loyer, il y a 6 euros pour le RSA. Mais si vous voulez, mettez-vous, deux minutes dans la peau des gens qui, eux, ont 400 euros pour pouvoir vivre, 600 euros pour vivre, 1000 euros pour faire vivre leur famille. On est en train de leur expliquer que 5 euros par mois ou moins de 20 euros par an, c'est quelque chose qui serait insupportable pour la société française, qui ne vaudrait pas cette contribution là. Je ne peux pas l'entendre
 
C'est pour cela que vous dites que c'est une mesure symbolique aujourd'hui, le RSA ?
 
Ah non, non, non, je dis que la question du bouclier fiscal est de l'ordre du symbole. Mais le RSA, c'est tout sauf symbolique, c'est fondamental, c'est les 3,7 millions de ménage qui vont voir leur vie changer. C'est effectivement redonner un espoir pour le retour à l'emploi. C'est se forcer les uns, les autres à se mobiliser. Ce n'est pas du symbole, c'est du concret, c'est du réel, c'est du fort.
 
M. Hirsch, est-ce qu'il n'y a pas quand même dans ce système de RSA un risque d'encourager certaines entreprises à embaucher à très bas salaire sachant que l'Etat va compenser justement le manque à gagner. Est-ce que, finalement, on ne va pas, en quelque sorte, pousser les entreprises à "profiter du système" entre guillemets en s'offrant des services de salariés par chers ?
 
Soyons clair, pour une entreprise, que quelqu'un bénéficie du RSA, cela ne change strictement rien. Ce ne sont pas des sous salariés, ce ne sont pas des sous salaires, ce ne sont pas des sous contrats de travail c'est vrai contrat de travail de droit commun. Cela change quelque chose pour le salarié. Cela ne change rien pour l'employeur. Donc, les fantasmes sont... On va surveiller les choses et on les surveille déjà dans l'expérimentation et on voit qu'il n'y a pas plus de gens à temps partiel. Il n'y a pas des gens moins bien payés. Donc, pour l'employeur c'est neutre. C'est cela, la force du RSA.
 
Vous serez donc en conseil des ministres ce matin. Vous allez ensuite soutenir votre texte devant l'Assemblée nationale. Cela va être une première pour vous, vous ne l'avez jamais fait. Vous êtes prêt à descendre dans l'arène ?
 
C'est une deuxième en fait. Parce qu'au tout début, le premier texte de ce Gouvernement...
 
J'avais loupé le premier épisode.
 
...a permis de faire voter les dispositions qui permettent d'expérimenter le RSA. Et je souligne que ces dispositions d'expérimentation ont été votées à l'unanimité par la droite et par la gauche.
 
Maintenant que le RSA est sur les rails. Qu'est-ce que vous allez faire ? Mission accomplie vous partez ?
 
Non mais attendez, le Parlement, c'est du sérieux ; la mise en oeuvre, c'est fondamental.
 
Et après ?
 
On ne manque pas de boulot. On n'a jamais eu autant de boulot que maintenant.
 
Cela signifie du boulot jusqu'à quand ?
 
Vraiment, je ne sais pas. Mais cela signifie surtout du boulot pour les gens qui en ont besoin.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 4 septembre 2008