Interview de M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, à RTL le 29 août 2008, sur le revenu de solidarié active, son financement, l'indemnisation du chômage et le RMI.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

 
 
 
 
 
 
J.-M. Aphatie.- Bonjour, M. Hirsch.
 
Bonjour.
 
On vous imagine heureux, ce matin. Le Revenu de solidarité active, que vous défendiez quand vous étiez président d'Emmaüs, devrait voir le jour l'année prochaine. Le projet est simple : le titulaire d'un RMI pourra conserver son allocation, même s'il reprend un travail. Ce qui doit permettre à des personnes en grande difficulté de se réinsérer dans la vie sociale. La critique, ce matin, les inquiétudes aussi, viennent du financement du projet. Le président de la République a indiqué, hier, que des revenus du patrimoine - actions, logement locatif ou assurance vie - subiraient une taxe nouvelle pour le financer. Beaucoup de responsables UMP, des députés et des sénateurs dont vous aurez besoin, M. Hirsch, pour voter le projet, disent leur inquiétude et quelques-uns même, leur désaccord. Ceci vous inquiète-t-il ?
 
Je ne suis pas fondamentalement inquiet. D'abord, vous avez présenté...
 
Vous aurez une majorité parlementaire ?
 
Ah oui, et je pense qu'elle sera la plus large possible. Mais d'abord, vous n'avez présenté qu'un petit bout du projet. La manière dont vous avez présenté le Revenu de solidarité active, c'est juste le premier wagon. Le deuxième wagon qui arrive tout de suite, c'est que des personnes qui travaillent déjà, qui sont salariées modestes, vont aussi bénéficier. On n'est pas en train de faire payer pour les érémistes. On est en train de dire que les allocataires du RMI qui reprennent du travail, il est normal qu'ils aient plus que quand ils ne travaillent pas.
 
C'est pour les inciter au retour au travail ?
 
Et d'autre part, que les travailleurs pauvres, les travailleurs modestes, aient aussi plus d'argent. Une femme qui est aujourd'hui à mi-temps avec deux enfants à charge, qui travaille aujourd'hui, qui nous écoute. A partir de juillet, elle aura 200 euros en plus par mois.
 
Donc, ça c'est le RSA ?
 
Ca, c'est le RSA.
 
Et pour le financer, on va prendre un peu d'argent à ceux qui ont un peu de patrimoine, qui sont aussi des classes moyennes, et ça, ça suscite l'étonnement, voire le mécontentement et je signalais notamment que des Parlementaires de la majorité à laquelle vous appartenez, M. Hirsch, ne sont pas contents.
 
J'appartiens au Gouvernement et je pense que tout le monde le sait. Mais je crois qu'on peut rassurer les gens d'abord. Parce que quand on dit "financement". Pourquoi est-ce qu'il y a un débat sur le financement ? C'est parce qu'on le fait dans la clarté. D'habitude, il n'y a pas la polémique sur le financement. On se félicite, une mesure sociale : formidable, etc. Puis ensuite, on s'aperçoit qu'on ne l'a pas financée. On ne l'a pas prévue et qu'en fait, on fait semblant. Tandis que là, on fait une vraie mesure efficace. Vous savez, depuis un an que j'entends dire que jamais on ne mettra d'argent. Il n'allait pas venir par miracle. Donc, cet argent, il faut effectivement assumer la manière dont on le trouve. On le prend de la manière la plus juste, la plus équitable, la plus efficace, la moins douloureuse. Pourquoi ? Quelqu'un qui a 20.000 euros de placements financiers d'actions, il va payer 10 euros par an. Quelqu'un qui perçoit - j'entendais les propriétaires - quelqu'un qui a un appartement qu'il loue 500 euros par mois, il va payer 5 euros par mois. Voyez, ce n'est pas confiscatoire.
 
Donc, ce n'est pas beaucoup. Et c'est pas grave, d'après vous ?
 
Je comprends, c'est toujours un effort. Bien évidemment, c'est toujours un effort. Mais je pense que le jeu en vaut 10.000 fois la chandelle. Et du côté des parlementaires - vous m'avez cité quelques-uns, mais moi. C. Estrosi, P. Devedjian, F. Lefebvre, B. Lemerre, ils sont extrêmement nombreux. J'en cite, vous voyez j'ai une liste sur mon petit carton... Ils sont nombreux à s'en réjouir.
 
Ils sont nombreux à vous dire : on le votera. J.-F. Copé, président du groupe UMP à l'assemblée nationale, dit : voilà, on le votera. Mais il dit aussi quelque chose qui, moi, m'a beaucoup étonné : "Je n'ai pas du tout été associé à la réflexion sur le financement". Alors, avec qui avez-vous réfléchi au financement, M. Hirsch ? Uniquement avec le président de la République ?
 
Le débat sur le financement, personne ne peut dire qu'il a été caché.
 
Au début de la semaine, Les Echos ont dit : tiens, il y aura une taxe nouvelle. Ca a quand même été une surprise, M. Hirsch. Une grosse surprise.
 
Ca fait longtemps... Le débat sur le financement. C'était au début : on ne le financera jamais. Fausse promesse, etc. Voilà. Mais du coup, les idées ont fusé. Quand j'étais à la Convention UMP, il y a quelques mois - et sur lequel le Revenu de Solidarité Active s'est fait applaudir debout - que suggéraient les différents interlocuteurs et responsables de l'UMP ? D'aller chercher les niches fiscales. Quand on augmente de 1,1% une contribution sur les produits financiers des assurances-vie, que fait-on ? On va piocher dans les niches fiscales. Alors, niches fiscales ! Ca peut être niches fiscales et sociales, ça peut être un mot abstrait. Là, c'est concret. Donc, on a répondu à la demande. Moi je me souviens de M.-P. Daubresse, qui sera rapporteur du texte, qui proposait cela.
 
Mais quand le président du groupe UMP dit : je n'ai pas du tout été associé...
 
A la fin. ...
 
C'est un drôle de fonctionnement quand même ?
 
Ah non, non, non. Je trouve que : fonctionnement, extrêmement clair. Et puis maintenant, il y aura le débat. Mais il y a eu effectivement quelques derniers jours où la discussion s'est faite entre le président de la République, le Premier ministre, le ministre du budget, E. Woerth qui a été extrêmement loyal dans cette affaire, et moi-même.
 
Engagement de N. Sarkozy, candidat à la présidence de la république, le 3 avril 2007, il le fait auprès de l'AFER, qui est l'association qui regroupe les détenteurs des contrats d'assurance-vie : "Ma priorité, écrit-il, est de réduire l'ensemble des prélèvements obligatoires. Je ne souhaite donc pas alourdir la fiscalité de l'épargne". Les promesses ne sont pas tenues, M. Hirsch ?
 
Ecoutez, ça sera un chouïa.
 
C'est embêtant quand même ?
 
Non, non ce n'est pas embêtant. Attendez, ça aura été embêtant de ne pas le faire.
 
D'écrire une chose et de faire son contraire, c'est embêtant.
 
Attendez. Imaginons, deux secondes. On est vendredi matin. Je suis devant vous. Vous me citez N. Sarkozy disant : je me suis engagé à réduire la pauvreté, je me suis engagé à aider les travailleurs pauvres, je me suis engagé à faire le Revenu de solidarité active, je me suis engagé à le financer... Et vous me direz : vous allez pas l'air bête aujourd'hui qu'il ne le fasse pas ? Donc, voilà. La promesse principale, l'engagement le plus important, l'engagement de réduire la pauvreté, l'engagement de faire du social, l'engagement d'encourager le travail, l'engagement de faire en sorte que personne ne puisse retravailler en perdant de l'argent, il est tenu. Alors, là, moi je vais prendre un engagement supplémentaire.
 
Et l'engagement secondaire n'est pas tenu, en revanche ? Vous en convenez ?
 
Mais si. Non, je n'en conviens pas.
 
Quand il dit : je n'augmenterai pas la fiscalité de l'épargne. Eh bien, il l'augmente.
 
Non, non, je vais dire pourquoi. Je comprends très bien. Je ne nie pas qu'on met un prélèvement. Je dis simplement : qu'est-ce qu'est la différence entre ce prélèvement, cette réforme et les autres ? C'est que mieux elle marchera, moins elle coûtera. Donc, on va mettre ce prélèvement. Et je pense que les gens pourront le payer la tête haute. La tête haute. Et au fur et à mesure, si le RSA marche, ??a sera rentable. Donc le RSA, plus il marche, moins il coûte.
 
Question technique, M. Hirsch : souhaitez-vous que cette nouvelle taxe sur le patrimoine soit prise en compte pour le calcul du déclenchement du bouclier fiscal ?
 
Ecoutez, le débat est ouvert.
 
Je veux votre position. Je sais que vous en avez discuté hier dans l'avion - il l'a dit publiquement - avec le président de la République.
 
Effectivement, pour l'instant, le projet de loi le met hors bouclier fiscal. Je trouve ça, là aussi, en clarté absolue. Je trouve ça intéressant de regarder comment se noue le débat là-dessus.
 
Donc vous, vous êtes partisan de ne pas l'intégrer ce bouclier fiscal ?
 
C'est la proposition que j'ai mise dans le texte. C'est comme ça qu'il a été arbitré jusqu'à présent. Mais le débat parlementaire, il est exactement fait pour ça. Et je pense que les gens pourront prendre leur responsabilité sur cette réforme juste.
 
Oui ou non, vous espérez que les socialistes voteront votre RSA ?
 
Eh bien oui.
 
Eh ben, voilà. M. Hirsch, optimiste ! même si les promesses ne sont pas tenues. Pas toutes. Mais les principales sont tenues. Il était l'invité de RTL. Bonne journée.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 4 septembre 2008