Entretien de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, avec France 2 le 9 août 2008, sur le conflit entre la Russie et la Géorgie et la demande européenne d'une cessation des hostilités entre les belligérants.

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Média : France 2

Texte intégral

Q - Bernard Kouchner bonsoir. Il y a quelques minutes, le président Nicolas Sarkozy a parlé d'un plan de sortie de crise. Vous devez vous rendre demain sur le terrain, que comptez-vous dire aux belligérants ?
R - D'abord qu'il faut arrêter. C'est une guerre terrible, brutale, redoutable pour un enjeu infime. Il y a quelques dizaines de milliers d'habitants en Ossétie du Sud et les explications du conflit sont nombreuses. Mais, ne rentrons pas dans cette distribution d'étiquettes.
Q - De leur dire d'arrêter, mais, pardonnez-moi, ils ne vous attendent pas pour cela ?
R - Il faut tout de même espérer pour entreprendre. Bien sûr, il est possible que l'on puisse ne pas écouter nos conseils, mais les vingt sept pays de l'Union européenne sont décidés à demander fermement et immédiatement l'arrêt du conflit, à demander que l'on se retire sur celles qui étaient antérieurement les positions internationales. Il faut donc que cessent les bombardements sur la population civile, il faut dire aux Russes que ce n'est pas possible de continuer ainsi.
Q - Vous condamnez fermement cette opération russe ce soir en Géorgie?
R - Je condamne la guerre, je ne vais pas distribuer les labels : provocations, réponse aux provocations... C'est toujours ainsi dans les guerres, hélas, et ce sont toujours les civils, comme ce que l'on vient de voir, qui subissent les conséquences. Il y aurait des milliers de victimes, il faut que cela cesse. Il faut en effet que les troupes russes reviennent à leurs bases de départ à savoir de l'autre côté de la frontière géorgienne. Mais la situation est compliquée car certaines troupes russes chargées de défendre le plan de paix des Nations unies depuis les années 90 sont présentes en Ossétie du Sud.
Q - D'ailleurs, elles ne sont plus très crédibles aujourd'hui pour le faire étant donné qu'elles sont partie belligérante ?
R - Il ne faut pas non plus céder à la provocation et il faut revenir sur les positions antérieures. Il faut qu'il y ait un règlement international sans doute avec l'ONU, avec la participation de l'Union européenne qui peut - dans un premier temps - délivrer des secours et ensuite, peut-être, garantir la paix.
Q - Alors, justement l'Union européenne. Le président Sarkozy est aussi président du Conseil de l'Union européenne. Va-t-il convoquer, comme l'a dit aujourd'hui le président polonais, un Conseil extraordinaire, un sommet européen extraordinaire des chefs d'Etat et de gouvernement ?
R - Je suis heureux que le président polonais le dise, j'espère que ce Conseil aura lieu. Pour le moment, il y aura, à notre retour de Tbilissi et de Moscou, un Conseil avec les ministres des Affaires étrangères des vingt sept pays de l'Union européenne. Nous verrons ensuite s'il est possible - je l'espère - qu'il y ait un Conseil avec les chefs d'Etat parce que cela aurait tout de même une signification politique majeure que les vingt sept pays de l'Union européenne se mettent d'accord pour intervenir directement, non pas pour faire mais pour arrêter la guerre.
Q - Vous pensez qu'ils vont pouvoir le faire, les Pays Baltes ont été très clairs ce soir ils parlent d'impérialisme russe, est-ce que cela va être la position commune de l'Europe ?
R - Non, cela ne va pas être la position de l'Europe. Cela ne sert à rien d'injurier les gens.
Q - Alors l'Europe va se diviser sur cette question ?
R - Pas du tout. Qui vous dit qu'elle est divisée ? Les Pays baltes sont plutôt d'accord pour aller plus loin encore. Ce n'est pas du tout une division. Tout le monde est d'accord pour condamner cette guerre. Tous les pays européens, avec des nuances qu'il faudra laisser paraître bien sûr, demandent massivement le cessez-le-feu immédiat, l'arrêt des combats.
Q - Condamner c'est une chose. Si les Russes ne retirent pas leurs troupes, vous allez officiellement condamner la Russie ?
R - Nous avons condamné la guerre, nous avons condamné les deux côtés de l'intervention.
Q - Enfin ce sont les Russes qui ont franchi la frontière...
R - Il existait un règlement international pour que cette province à côté de l'Abkhazie, l'Ossétie du Sud, soit placé sous un mandat et un contrôle international, l'objectif étant la paix dans la région. Aujourd'hui cette situation est complètement brisée, les troupes sont entrées de part et d'autre. Il faut qu'elles se retirent, il faut que les populations civiles soient protégées et surtout qu'elles soient soignées pour le moment et plus tard nous verrons comment un règlement international devra à nouveau se mettre en mouvement. Il faut, d'abord, arrêter les combats, c'est cela qui compte. Il y a des personnes qui veulent le faire immédiatement mais avec quels moyens ? D'autres qui veulent le faire dans un délai raisonnable avec des propositions politiques, ces deux positions vont se mettre ensemble, il s'agit des pays européens. Nous sommes responsables de notre environnement.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 août 2008