Texte intégral
Je souhaiterais faire le point avec vous sur ce qui se passe en Géorgie.
Tout d'abord, comme vous le savez, le retrait des troupes russes a été annoncé plusieurs fois alors que sur le terrain il n'y avait aucun signe de ce qui pourrait correspondre à un début de retrait.
Hier, le président Sarkozy s'est longuement entretenu avec le président Medvedev, comme nous l'avons fait très souvent, avec beaucoup de détermination. Vous avez lu sa tribune dans la presse ce matin. Le président a répété que ce qui avait été accepté à Moscou par M. Poutine, M. Medvedev et M. Lavrov n'était pas négociable. Aussitôt après la signature des documents - l'un devant être signé par M. Saakachvili, le président géorgien, l'autre par M. Medvedev, ainsi que des documents de travail puisqu'ils souhaitaient que ce soient les Ossètes et les Géorgiens qui signent -, les troupes russes devaient entamer leur retrait vers les positions qui, d'un côté pour les Géorgiens, étaient leur cantonnement et, de l'autre pour les Russes, étaient les positions qui prévalaient avant la crise, c'est-à-dire au début du mois d'août.
Nous espérons toujours que cela se fera aujourd'hui mais ce n'est pas ce que je veux principalement souligner. Deux mouvements de troupes ont été opérés à partir de Gori aujourd'hui, sur d'ailleurs peu de kilomètres - sept kilomètres - mais dans la direction de l'Ossétie. Vous savez, tout cela se passe sur un territoire très petit, Gori est très proche de l'Ossétie. La frontière de l'Ossétie du Sud se trouve parfois à deux kilomètres de la route principale qui traverse la Géorgie. Ce sont de petites distances. Il y a donc eu deux colonnes qui allaient de Gori à Shindissi, c'est-à-dire à sept kilomètres en direction de l'Ossétie.
Maintenant, un général vient d'annoncer à Moscou - donc très officiellement alors que les généraux avaient des attitudes sur le terrain, que vos collègues ont dû vous rapporter, qui étaient mitigées, soit ils n'avaient jamais reçu d'ordres, soit ils disaient qu'il n'était pas question de se retirer - que le mouvement de repli se ferait au crépuscule. Je vous rappelle qu'il doit se faire pour toutes les troupes russes. Je ne me fais pas d'illusion mais je souhaite qu'il soit fait pour toutes les troupes russes à partir de ce soir.
Seules les troupes russes du maintien de la paix pourraient bénéficier, d'abord, d'un séjour en Ossétie et, également, d'une zone que nous voulons définir et qui a déjà été proposée dans la lettre du président de la République à M. Saakachvili. Il s'agirait de mesures de sécurité particulières consenties jusqu'à ce que des observateurs de l'OSCE, de l'Union européenne ou des Nations unies, des observateurs internationaux, peut-être tous ensemble d'ailleurs, puissent remplacer les forces de maintien de la paix russes qui étaient stationnées en Ossétie et qui sont encore sur le territoire géorgien.
Je n'imagine pas que les choses puissent évoluer très vite. Il faudra encore quelques jours voire peut-être quelques semaines et tout cela est évidemment très dommageable pour les populations civiles et pour les réfugiés qui sont au nombre approximatif, sans doute exagéré - j'espère qu'il est exagéré -, de 150.000. M. Antonio Guterres, le Haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés, est actuellement sur place. La situation est également difficile pour ceux qui ne sont pas réfugiés, qui restent chez eux, en particulier dans la ville de Gori qui est la plus visitée de toutes les villes encerclées, sinon assiégées par les troupes russes. Les populations souffrent, en particulier du manque de nourriture, même si aujourd'hui on est sûr que la Croix-Rouge et les Nations unies peuvent acheminer de l'aide alimentaire.
Il est donc nécessaire de s'occuper tout de suite d'un des premiers points du protocole d'accord que la Présidence française du Conseil de l'Union européenne, c'est-à-dire la France et le président de la République Nicolas Sarkozy et moi-même, avons fait signer de part et d'autre.
Tout d'abord ne pas recourir à la force : depuis que les troupes russes sont entrées en Géorgie, on ne peut pas dire que cela ait été respecté, mais on peut dire que, depuis deux jours, le recours à la force brutale s'est atténué - le mot est doux.
Deuxième point, cesser les hostilités de façon définitive : c'est accepté par la signature des chefs d'Etat mais cela n'est pas encore la réalité sur le terrain et nous espérons que dans les jours qui viennent ce sera le cas.
Troisième point, donner libre accès à l'aide humanitaire : cela n'est pas encore le cas. Vous savez que la France a envoyé trois avions, a envoyé du matériel, a envoyé des volontaires. Des ONG françaises sont sur place. Nous avons également un accord avec la Croix-Rouge. Si la situation se développe, il ne sera pas nécessaire d'envoyer la Croix-Rouge française puisque la Croix-Rouge géorgienne et les autres ONG pourront - je l'espère - se déployer. En tout cas, cela n'est pas le cas pour tous les habitants de la Géorgie. Ces habitants, ces victimes ne peuvent pas bénéficier encore suffisamment de l'accès à l'aide humanitaire.
Quatrième point, les forces militaires géorgiennes devront se retirer dans leur lieu habituel de cantonnement : ce n'est pas fait. Il faudra attendre le repli manifeste des Russes pour que cela soit opéré alors qu'évidemment les autorités politiques sont d'accord puisqu'elles ont signé ce document.
Le cinquième point a fait l'objet de beaucoup de discussions : les forces militaires russes devront se retirer sur les lignes antérieures au déclenchement des hostilités. C'est assez simple, c'est théoriquement ce qui a été annoncé à Moscou aujourd'hui. Attendons.
Dans l'attente d'un mécanisme international, les forces de paix russes mettront en oeuvre les mesures additionnelles de sécurité. Il est très important que vous compreniez cela. Ce ne sont pas les forces russes qui ont pénétré à travers la frontière entre la Russie et la Géorgie, qui venaient de l'Ossétie du Nord, ce sont les forces qui stationnaient déjà en Ossétie du Sud, qui peuvent peut-être changer si les Russes le souhaitent, mais ce sont les forces acceptées par l'OSCE comme les forces de paix qui sont en présence depuis plusieurs années avec d'ailleurs une participation des forces de paix géorgiennes. La proportion était de deux tiers un tiers. C'est cela qui est accepté comme devant ou pouvant - en attendant les forces internationales - patrouiller devant les frontières de l'Ossétie qui sont vraiment très proches. C'est une zone que nous n'avons pas voulu définir et qui est définie comme "l'immédiate proximité " dans la lettre du président de la République française.
C'est donc une discussion très difficile et qui nous porte vers le sixième point, parce que tant que nous n'aurons pas de discussions internationales sur les modalités de sécurité et de stabilité nous ne pourrons pas compter sur beaucoup d'observateurs, de facilitateurs ou de modérateurs qui pourraient remplacer les troupes de paix russes. D'où l'importance de ce qui se passe aujourd'hui à l'OSCE sur la question des cent observateurs de l'Organisation. Vous savez que l'Abkhazie était sous la tutelle, faible tutelle d'ailleurs, des Nations unies et que l'Ossétie était sous la tutelle de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à mon ami Alexander Stubb, le ministre finlandais des Affaires étrangères qui préside actuellement l'OSCE, de venir avec moi le premier jour.
Il y a cent observateurs de l'OSCE qui seraient prêts à partir, alors qu'il y en avait très peu jusqu'à présent sur le terrain - il y en avait huit - et qui pourraient immédiatement se déployer dans cette zone de patrouille. Seulement, pour l'heure, la discussion se fait avec difficulté et les Russes ne sont pas pour le moment enclins à accepter. J'espère qu'avec le développement attendu dans la soirée, on pourra compter sur ces observateurs.
Je rappelle qu'à l'OSCE, il y a eu des décisions prises à l'unanimité pour envoyer huit observateurs. Il ne faudrait, par conséquent, pas nécessairement un nouvel accord pour en envoyer cent. Les discussions ne sont pas aisées.
Tout ce processus nous ramène aux Nations unies. Il me semble tout à fait impératif, nécessaire et indispensable qu'il y ait une résolution des Nations unies pour que nous puissions reprendre le cadre de ce qui s'est passé mercredi dernier à Bruxelles où les 27 pays de l'Union européenne ont accepté d'être présents sur le terrain et de contribuer, sous la forme d'observateurs, de modérateurs - et non pas sous la forme de "peace keepers". Nous travaillons à ce déploiement. Il y a encore eu une réunion à Paris cet après-midi avec les Européens, en particulier avec l'équipe de Javier Solana, le Haut représentant pour la politique extérieure de l'Union européenne et la Commission européenne représentée par Olli Rehn. Olli Rehn, de la Commission, travaille avec l'équipe de Javier Solana qui travaille avec la Présidence française pour que l'on ait très vite des observateurs déployés sur le terrain.
Tout cela semble et est un peu compliqué. Plus c'est compliqué et plus ce sera difficile d'arriver à une décision claire, nette et définitive. Néanmoins, ce qui a été fait est déjà net, clair et définitif, il y a eu un cessez-le-feu. Si on admet que les hostilités ont commencé dans la nuit du 7 au 8 août, nous sommes intervenus dès le 10 août. Je me suis rendu à Tbilissi le 10 août au nom de la Présidence française accompagné d'Alexandre Stubb, au nom de la présidence de l'OSCE, et nous avons été vraiment au plus vite. Les résultats sont intervenus relativement vite. Etablir un cessez-le-feu dans les deux, trois jours après une intrusion aussi massive n'était pas commode. Il ne faut, cependant, pas se satisfaire de cela, c'est la mise en place du suivi qui mobilise toutes nos équipes, ici au Quai d'Orsay, à l'Elysée et bien entendu le président de la République lui-même. Nous passons notre journée au téléphone. Et sur le terrain, nous avons une ambassade à Tbilissi extrêmement active, avec un ambassadeur, Eric Fournier, qui est en permanence sur le terrain. C'est une diplomatie plus réactive, une diplomatie du mouvement, conforme à notre volonté de réforme du Quai d'Orsay. Je salue tous les agents, revenus de vacances ou qui n'étaient pas encore partis, qui travaillent tous les jours pour que l'ensemble des six points de ce protocole d'accord puisse être mis en oeuvre afin de parvenir à un accord politique.
Tout le monde aura remarqué que la Présidence française de l'Union européenne a été active et a obtenu des résultats. Ces résultats sont-ils satisfaisants ? Non. Est-ce suffisant ? Non. Est-ce que nous continuons ? Oui. Est-ce que la réaction a été rapide ? Oui, très rapide. Malheureusement - je ne vais pas vous énoncer les chiffres qui font toujours l'objet de discussions -, il y a eu trop de morts, trop de réfugiés, trop de souffrance de part et d'autre. J'espère que, dans les jours qui viennent, nous pourrons - même au milieu de ce mois d'août - annoncer une aide internationale conséquente qui pourra apaiser les souffrances.
J'ajoute que je ne me suis pas contenté d'observer les souffrances que d'un côté. Je suis aussi allé, avec l'équipe qui était avec moi, visiter les réfugiés en Ossétie du Nord. Je suis passé par le territoire russe pour entendre les récits des réfugiés qui, dans la nuit du 7 au 8 août, avaient été bombardés à Tskhinvali, la capitale de l'Ossétie, et qui se trouvaient dans de très mauvaises conditions. De ce côté là, je pense que les Russes avaient fait tout ce qu'ils pouvaient. Les récits que j'ai entendus étaient, de la part de tous les réfugiés, des récits de misère, de pertes dans les familles, de souffrance et de mort.
Voilà, nous continuons. Nous connaissions l'urgence de la situation et la difficulté qu'il y avait à réagir, en particulier grâce à un certain nombre de ministres des Affaires étrangères et de chefs d'Etat qui avaient visité la Géorgie et qui prévenaient la Présidence de l'Union européenne. Je crois que nous l'avons fait de façon relativement satisfaisante même si ce ne l'est jamais totalement.
Je vais vous résumer la situation. Nous avons le problème de l'OSCE, qui je l'espère sera réglé après l'interruption de séance qui a eu lieu en fin d'après-midi. J'espère que nous aurons des observateurs. Nous verrons ce qui nous attend à l'OTAN demain avec des questions sur la qualification de l'action russe et ce que nous devons faire ensuite.
Dans tous les cas, ce que nous devons faire à l'OSCE comme à l'OTAN, c'est diminuer la tension sinon la guerre peut reprendre à tout moment. Aujourd'hui, il y a certes eu une voiture de police écrasée mais elle était vide. Il n'y a pas de réelles menaces même s'il y a bien sûr des possibilités que les hostilités reprennent. Dans un pays occupé, les habitants sont évidemment légitimement en colère et les hostilités peuvent reprendre à chaque seconde. Mais pour le moment le cessez-le-feu tient. Il est essentiel que les troupes russes reviennent à leurs bases de départ.
Et puis, il y a une solution politique proposée par l'Union européenne qui était la seule capable - on l'a bien vu - de s'interposer. C'est ce que nous avons fait avec le soutien de l'ensemble des pays de l'Union européenne et de nos amis américains. C'est en effet Mme Rice, dans un second temps - après qu'il y ait eu deux allers-retours entre Tbilissi et Moscou -, qui est allée porter et faire signer la résolution au président Saakachvili. Nous continuons de nous entretenir tous les jours avec Mme Rice, avec le président Bush et avec les alliés de l'OTAN. Encore une fois, nous recherchons la diminution des tensions mais cela ne veut pas dire qu'il ne faille pas être très attentif au langage de fermeté nécessaire à l'égard de la Russie. En même temps, vous le savez, il n'y aura pas de solution pacifique sans la Russie, ce grand voisin de l'Union européenne.
Voilà donc pour la partie politique qui se clôturera certainement un jour, je l'espère, par des pourparlers, des nouvelles résolutions et la paix. Cela n'est pas prévu pour le moment même si ce point a été signé par les deux parties, la Russie et la Géorgie, c'est le point 6. Il faudra pour cela que la tension cesse sur le terrain, que les réfugiés retrouvent leurs foyers, que la reconstruction commence. Nous sommes prêts à y participer. Nous avons proposé, parmi les cent observateurs de l'OSCE, dix Français. Nous travaillons durement avec Javier Solana et Olli Rehn.
Voilà, Mesdames et Messieurs où nous en sommes, nous sommes satisfaits de ce que nous avons fait mais ce n'est pas suffisant. Il faut continuer notre effort.
Q - Quelles sont les marges de manoeuvre des Européens pour faire bouger la Russie aujourd'hui ?
R - Tout d'abord, bien entendu, la persuasion. Les contacts que nous maintenons avec les Russes sont de bons contacts. Nous avons eu, Nicolas Sarkozy et moi-même, cinq heures de discussions, je vous l'ai dit, avec M. Dmitri Medvedev et M. Sergueï Lavrov. La discussion a été très vive, très franche et je crois positive car nous avons avancé. Au départ, je vous assure que le ton n'était pas le même que celui de la fin des discussions.
Mais il y a d'autres moyens de pression. Il y a évidemment l'Union européenne qui dans son ensemble a prouvé son unité. Je ne dis pas que tout le monde était d'accord. D'abord, les liens avec l'Histoire ne sont pas les mêmes selon les vingt-sept pays. Les pays qui sortent du bloc des pays de "l'Est" ont une attitude extrêmement tranchée qui n'est pas celle des pays fondateurs de l'Europe. C'est normal, c'est toujours ainsi mais il faut faire avec. Non seulement il faut faire avec mais il faut se saisir de ces contradictions pour aller plus loin et plus fort. L'Union européenne a manifesté son unité. Vous savez, convoquer au mois d'août un Conseil Affaires générales, comme nous l'avons fait, n'est pas la coutume, cela n'a jamais été fait sauf une fois pour le Liban et il n'y a pas eu de conclusions comme il y en a eu à cette session extraordinaire. Les vingt-sept pays ont accepté les conclusions. C'est un moyen de pression. Si cela ne suffit pas, le président Sarkozy a dit très clairement qu'il convoquerait un Conseil européen, c'est-à-dire avec les chefs d'Etat et de gouvernement des vingt-sept Etats membres.
Il faut que l'on sache, et nous l'avons dit dans une conclusion dès le premier jour du conflit, qu'une telle attitude de nos amis russes, attitude militaire, réaction disproportionnée, nous semblait de nature à endommager les rapports entre l'Union européenne et la Russie. Une rencontre est prévue à Sotchi avec l'Union européenne. Il y a la perspective de l'accord d'entrée à l'Organisation Mondiale du Commerce...
Il y a, je vous le rappelle - et on s'interrogeait sur les priorités de la Présidence française - la priorité de l'énergie. Il s'agit tout de même de constituer une unité européenne autour d'une forme de marché, non pas seulement commercial mais politique, psychologique et humain de ceux qui achètent le gaz, ensemble, les vingt-sept pays de l'Union européenne, c'est tout à fait essentiel. L'énergie constitue une question capitale et la défense européenne est également tout à fait nécessaire. La mise en oeuvre du Traité de Lisbonne est nécessaire pour avoir tout cela plus vite. Si nous avions eu le Traité de Lisbonne, les problèmes que nous affrontons maintenant n'auraient pas été de même nature et cela aurait facilité les choses.
Nous prenons donc cela très sérieusement avec, bien sûr, d'autres pays qui ont des moyens différents des nôtres. Ce sont évidemment les Etats-Unis d'Amérique, ce sont les alliés de l'OTAN... Vous avez vu le ton de la lettre de Nicolas Sarkozy et vous avez certainement observé que les choses se sont un peu durcies depuis que la lettre a été signée. Mais si ce soir nous avons une bonne surprise, nous passerons au point suivant.
Q - Monsieur le Ministre, demain aura lieu une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'OTAN. Hier Angela Merkel, qui était à Tbilissi, a tenu des propos assez tranchés sur l'OTAN et la Géorgie. Estimez-vous, par rapport au sommet de l'OTAN au printemps dernier, que l'Allemagne a fait un pas de plus vers le soutien à l'adhésion de la Géorgie un jour à l'OTAN et qu'elle a donné un coup d'accélérateur sur ce dossier ?
R - Je n'ai pas du tout cette impression, au contraire. J'ai bien lu le texte et ce n'est pas ce qu'elle a dit. Elle a repris les positions de Bucarest. Dans les conclusions de Bucarest, il y a : "vous ferez un jour partie de l'OTAN" ; elle a répété cette phrase mais en ne s'engageant pas davantage. Nous avons maintenu des contacts très précis avec nos amis allemands et je pense que nous partageons la même attitude. Pour autant, je ne sais pas ce qui nous sera exactement demandé concernant les deux points sur lesquels nous devons nous prononcer, avec les ministres des Affaires étrangères, lors de la réunion de demain, puisque les discussions sont encore en cours. Je ne peux pas préjuger de la position de nos amis. La phrase "vous faites partie de l'OTAN" est peut être citée en dehors de son contexte : rien avant, rien après, c'est un vieux truc classique. Elle n'a pas dit que cela et franchement je ne crois pas - je peux me tromper - qu'elle se soit beaucoup écartée du document de Bucarest. J'étais là au moment où, discutant sur le contenu du document, Mme Merkel à mes côtés, nous avons écrit cette phrase : "vous ferez un jour partie de l'OTAN". C'est avec Mme Merkel que cette phrase a été définie parce qu'il y avait des discussions. Je crois qu'elle est restée sur cette position. Enfin, on verra demain. Il est essentiel que l'unité soit préservée.
Q - Quelle est votre position face au gouvernement russe ? et deuxièmement, pouvez vous nous parler des conséquences des évènements de cette dernière semaine sur les relations entre l'Union européenne et la Russie en général ?
R - Oui, la persuasion était mon premier point, ensuite j'ai énuméré sur 4 ou 5 mesures, plus fermes que la persuasion. Nous verrons. La premières de mesures plus fermes est certainement contenue dans la tribune du président Sarkozy publiée dans le quotidien Le Figaro où il fait part de la réunion d'un Conseil européen spécial des Vingt sept chefs d'Etat et de gouvernement. Nous ne voulons pas les menacer mais nous sommes sérieux : il y a une ligne rouge qui consiste dans le retrait des troupes russes. Il n'y a pas d'autre alternative, ils ont signé les deux documents, ils doivent retirer leurs troupes.
Quant à votre seconde question, ces derniers mois nous sommes confrontés à une relation particulière avec le gouvernement russe, la façon dont ils parlaient, dont ils se comportaient étaient un peu trop provocatrice, notamment pour les pays de l'ancien bloc de l'Est. Nous autres, Français, nous avons mis en évidence la nécessité d'adopter un nouveau langage avec le gouvernement fédéral de Russie. C'est un grand pays, c'est notre voisin dont nous sommes complètement dépendants en termes d'énergie, enfin pas mon pays puisque nous importons également du gaz de Norvège et d'Algérie à la hauteur de 25 à 30 %, donc nous ne sommes pas complètement dépendants. Nous avons une relation, un lien particulier qui nous unit à la Russie. C'est une raison supplémentaire, non pas politique mais économique. Politiquement, nous devons parler ouvertement avec des personnes qui souhaitent la paix, qui veulent négocier pour résoudre les problèmes et éviter de tomber dans une sorte de ce que certains d'entre vous ont appelé guerre froide. Nous ne sommes plus en guerre froide depuis longtemps. Nous faisons face à une nouvelle ère de la mondialisation et au sein de la mondialisation, nous assistons à l'émergence de nationalismes, de nationalismes qui menacent les populations et exacerbent les confrontations politiques. Nous devons prendre garde. C'est exactement ce à quoi nous devons faire face avec nos amis européens, les Vingt-sept, mais aussi avec nos amis Américains, ce qui est totalement nouveau. Nous entretenons, maintenons d'excellentes relations avec nos amis américains et spécialement dans les situations où nous ne sommes pas d'accord avec eux. C'est facile de parler avec eux, nous sommes sincères, ils sont sincères et c'est quelque chose de tellement important.
Q - Moscou s'était engagé à ce que les troupes russes quittent aujourd'hui le territoire géorgien. Or, ce n'est pas le cas. Il est 18h15, considérez-vous que vous avez été floués par Moscou ?
R - Je n'emploierai pas ce mot. Nous avons dit qu'il était très important et particulièrement indiscutable que le retrait des troupes se fasse et, hier soir, M. Medvedev a promis que cela se ferait dans la journée, dans l'après midi. Nous verrons, après la déclaration de ce général à Moscou annonçant que cela se ferait au crépuscule, aujourd'hui, si les choses suivent leur cours. Mais vous savez, il y a eu tellement de divisions et de matériel envoyés sur le terrain que, techniquement, je pense bien que ce n'est pas simple. Nous nous en tenons à l'accord signé et il n'est pas question d'accepter autre chose que le retrait des troupes. Chaque fois que nous téléphonons à nos amis russes, ils nous disent que le retrait des troupes va commencer mais que c'est compliqué. Nous voulons que ce soit aujourd'hui. Il ne s'agit pas d'être floué ou trompé, c'est un accord qui a été signé politiquement. Les Russes ne devraient pas même imaginer que leur signature ne soit pas respectée et j'espère qu'ils le comprennent.
Q - S'agit-il d'un ultimatum ?
R - Ce n'est pas un ultimatum. S'ils se retirent aujourd'hui, comme ces deux divisions qui ont déjà été bien inspirées de le faire en direction de l'Ossétie, ils vont bien nous dire qu'il leur faudra quelques jours, j'en suis sûr parce qu'il y a beaucoup de monde, hélas, sur le terrain. J'ai parlé de disproportion des forces.
Q - Pour revenir sur la question de l'adhésion de la Géorgie à l'OTAN, est-ce que la position française, après cette crise, change par rapport à cette perspective ? Autrement dit, faut-il accélérer l'entrée de la Géorgie dans l'OTAN ? Cette crise montre-t-elle que si la Géorgie avait été dans l'OTAN, cela aurait pu constituer une garantie ou, au contraire, cela devrait-il nous inciter à être encore plus prudents par rapport à une future entrée de la Géorgie dans l'OTAN ? Quelle est aujourd'hui votre position avec le premier bilan de la crise ?
R - La crise a évidemment renforcé notre attention à l'égard de la Russie ; c'est sûr mais cela ne date pas d'hier. Encore une fois, l'une des principales directions de travail de la présidence de l'Union européenne, nous l'avons dit, c'était un langage nouveau avec la Russie ainsi que dans les relations transatlantiques. Nous sommes très prétentieux, nous voulons avancer des deux côtés. Cette crise nous conduit à être plus attentifs, bien sûr, mais ne doit pas créer plus de tensions. Il faut absolument que cette crise majeure s'achève.
J'entends les critiques en France mais, enfin, lisez la presse étrangère, il y a aussi des observateurs qui portent un jugement plus équilibré. Si la Présidence française ne s'était pas interposée, les forces armées russes seraient à Tbilissi, très facilement, avec des sacrifices de gens courageux. Je crois que nous avons déjà, dans un premier temps, évité le pire. Je pense bien sûr aux victimes qu'il aurait fallu pouvoir éviter mais c'est assez difficile dans le cas d'une guerre. C'était une vraie guerre. Nous avons fait ce que nous avons pu.
Maintenant, cela signifie-t-il qu'il faut être encore plus attentif et parler de toute la configuration psychologique, politique, sociologique, économique de l'Europe ? Oui. Cela veut-il dire qu'il faut menacer de telle façon que la crise ne soit pas dénouée, comme nous le souhaitons, dans les jours qui viennent ? Non.
Vous m'avez offert deux butoirs, oui c'est entre les deux que l'on va voir demain comment se développe la discussion à Bruxelles. J'ai dit que Mme Merkel était sur cette ligne, je le sais et, je le crois, un certain nombre d'autres pays aussi. Nous ne voulons pas mettre de l'huile sur le feu mais nous voulons fermement prévenir, comme nous l'avons déjà fait. Je le répète, une telle attitude, si elle se maintenait, ne pourrait pas être sans conséquences sur les rapports entre l'Union européenne, donc la France, et la Russie. C'est exactement ce qu'a dit M. Sarkozy à M. Medvedev. Oui, c'est un élément très important dans un sens ou dans l'autre.
Q - Entre Mme Rice qui souhaite un signe d'ouverture vers l'adhésion de la Géorgie au sein de l'OTAN et l'Europe qui joue l'intermédiaire, que peut-on attendre concrètement demain par rapport à l'adhésion de la Géorgie et par rapport à l'avenir des relations entre l'OTAN et la Russie ?
R - Une fermeté sans menace. C'est, je crois, ce qui se passera. Bien sûr, il ne s'agit pas de revenir sur le MAP, sur ce qui s'est passé à Bucarest, puisque pour cela nous avons un rendez-vous avec les ministres des Affaires étrangères en décembre. Enfin, on verra bien demain après la discussion. Il s'agit de rappeler notre détermination à ne pas supporter, ne pas soutenir une intervention armée dans un pays proche aux portes de l'Europe. C'est pour cela que nous nous sommes allés très rapidement là-bas mais, en même temps, je crois que tout ce qui exacerberait les conflits, renforcerait les tensions. Il faut tout d'abord le cessez-le-feu pour que les conditions de la paix soient réunies. Nous sommes dans le cessez-le-feu, il faut que les troupes se retirent et nous verrons bien après. Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas être attentifs.
Q - Qu'est ce qui motiverait l'appel en urgence d'un sommet européen ?
R - Le non retrait des troupes.
Q - Demain matin ?
R - Non, si vous raisonniez ainsi, on aurait des guerres tous les jours...
Q - Dans une semaine, vous constaterez ce qui s'est passé et ce qui ne s'est pas passé ?
R - Ce n'est pas ainsi que se mesurent les conflits qui peuvent dégénérer. Je pense qu'il faut véritablement oeuvrer avec patience et impatience à la fois, avec doigté politique et avec persuasion. Ce qu'il faut, c'est obtenir un succès, c'est-à-dire, après le cessez-le-feu qui déjà est un succès, le retrait des troupes. Il me semble, mais je peux me tromper complètement, que nous assisterons à cette amorce du retrait des troupes aujourd'hui et dans la nuit. Sinon, je crois que le président de la République sera amené dans les jours qui viennent à convoquer en urgence une réunion du Conseil européen avec les vingt-sept chefs d'Etat et de gouvernement.
Q - Monsieur le Ministre, que pensez-vous des informations parues sur le site du New York Times et de celles de l'association Memorial en Russie qui évoque des missiles pré-positionnés qui pourraient atteindre la capitale Tbilissi ? Est-ce que c'est quelque chose dont vous avez parlé avec vos homologues ?
R - Je ne suis pas très étonné. Et encore vous ne signalez pas qu'un sous-marin qui se trouve en mer Noire peut avec ses missiles atteindre tout le territoire géorgien. C'est la raison pour laquelle il faut absolument, après le cessez-le-feu, qu'il y ait le retrait des troupes et une solution politique. Je sais cela, les Russes sont très capables avec leurs missiles d'atteindre tous les points du territoire et cela ne me satisfait pas. Vous savez, ce n'est pas une situation nouvelle et, d'ailleurs, on pourrait reprendre - et je vous engage à le faire, c'est votre travail, ce n'est pas le mien - cette succession d'incidents qui ont eu lieu de part et d'autre, surtout dans les trois derniers mois en Ossétie du Sud. Il y avait aussi un missile, il y avait des drones, il y avait tout cela. N'accentuons donc pas la tension, ce serait le pire service à rendre à la paix, mais soyons lucides, les Russes sont en effet déterminés, nous l'avons vu. Il serait cependant intéressant de pouvoir clairement connaître cette succession de provocations, avec ses effets sur le moral et sur l'opinion des populations d'Ossétie du Sud et d'Ossétie du Nord avant ce bombardement qui a déclenché l'invasion russe. Je n'ai pas encore lu ces analyses, on va les faire. Il faut que les journalistes et les historiens de cette région le disent très vite. Tout cela est très dangereux.
Q - Monsieur le Ministre, après la publication dimanche soir de la tribune de M. Sarkozy, nous avons pensé qu'il y avait de l'urgence et un calendrier. Pourriez-vous une nouvelle fois vous exprimer là-dessus ? Par ailleurs, partagez-vous le point de vue de Mme Rice qui a dit que la Russie paiera un lourd prix pour ce qu'elle a fait ?
Demandez à Condoleezza Rice et non pas à moi quel prix il s'agit de payer. Quel prix et quand ? Je ne sais pas. Toujours est-il que nous étions et que nous sommes toujours en accord. Etre d'accord, entretenir des relations bonnes et amicales ne signifie pas pour autant que nous sommes au même moment dirigés vers le même but, avec la même attitude. Pas du tout. Je comprends la réaction de Condoleezza Rice, mais par ailleurs, un jour avant qu'elle ne prononce cette phrase que vous avez reprise, elle se trouvait à Tbilissi, et elle a encouragé le président Saakachvili à signer le document. Nous sommes parfaitement d'accord et le président Bush non seulement soutient la mission menée par la France mais il nous a fait part de ses remerciements et de ses félicitations à plusieurs reprises. Je ne peux pas répondre à votre question, il faut que vous demandiez à Condoleezza Rice.
Il y a, en effet, urgence. Elle est rapportée par la diplomatie française - je vous assure qu'elle change -, nos amis, nos compagnons de travail, qui sont sur le terrain et qui signalent les besoins des populations, l'accès à la nourriture. La première des choses, c'est l'accès à l'aide humanitaire. Quand il n'y a pas de cessez-le-feu, il faut aussi que l'action humanitaire agisse et donc nous avons insisté là-dessus. Je ne peux pas vous dire si demain, à un moment donné, nous en serons aux ultimatums. Je déteste ce mot. Nous n'en sommes pas là du tout. Nous parlons très clairement et facilement avec nos amis russes et ils nous ont dit, certes plusieurs fois, qu'ils allaient se retirer et on leur accorde encore ce crédit. Cela vaut la peine de les croire car ce n'est pas nous qui paierons les pots cassés, ce ne sont pas les personnes qui menacent qui paieront les pots cassés, ce ne sont pas les personnes qui vont dire que l'on va faire payer le prix, ce sont les Géorgiens. Maintenant, il faut leur donner des chances de rentrer chez eux, ils ont eu assez de souffrances. C'est mon avis. Maintenant, politiquement, je ne méconnais pas la nécessité d'un calendrier.
Q - Vous avez parlé de ligne rouge tout à l'heure, considériez-vous qu'en cas d'un retrait qui s'effilocherait ou de retrait partiel, cette fameuse ligne rouge que vous avez définie serait franchie ? Deuxième question, vous avez parlé d'un effort financier important qui serait fait dans les jours à venir, pourriez-vous nous en dire plus là-dessus ?
R - Je ne comprends pas votre première question.
Q - Vous avez parlé d'une ligne rouge qui pourrait être franchie. Considériez-vous qu'en cas de retrait qui s'effiloche, qui s'étire sur quinze jours, trois semaines ou de retrait partiel, la fameuse ligne rouge serait franchie ?
R - D'abord, c'est le président de la République qui décidera. Je ne pense pas, s'il y a un mouvement de retrait net et évident, que l'on puisse parler de ligne rouge en termes de contingents retirés, de nombre de chars d'assaut ou de dates. Si le mouvement s'amorce, je pense que la communauté internationale devra le reconnaître.
Deuxièmement, cela permettra très vite, je vous l'ai dit, l'accès des observateurs, soit de l'OSCE, soit de l'Union européenne ou d'autres. Cela veut dire que nous aurons avancé politiquement vers des pourparlers, des résolutions, aux Nations unies, à l'OSCE... Cela permettrait d'espérer plus de discours politiques et de rencontres. Il y a aussi, par exemple, le problème des soldats échangés, des prisonniers échangés par les deux camps. Là aussi, si vous créez une atmosphère de tension, vous n'échangez pas vos prisonniers. Il faut tenir compte de tout cela dans une mission de paix.
Q - Si la Russie n'accepte pas d'observateurs supplémentaires ce soir, quelle sera votre attitude ?
R - Notre attitude serait très négative, mais ils l'ont accepté. La lettre du président Sarkozy est très claire et chacune des parties en a accepté les termes. Bien sûr, ils préfèreraient une intervention de l'OSCE plutôt qu'une résolution des Nations unies qui entamerait un processus plus lourd. Tout cela, c'est de la politique, de la diplomatie, il faut peser le pour et le contre. Comme à chaque fois, il y a deux aspects, c'est très compliqué. Personne n'a la science infuse et personne ne sait exactement à quel moment il faut faire preuve de pression. On sent parfois des ouvertures dans la négociation, alors on se précipite. Mais enfin, je voudrais connaître ceux qui me donneront les recettes des missions de paix. Il n'y a qu'une seule recette, l'obstination - "never complain, never give up".
Q - Le président de l'Ossétie du Sud, M. Edouard Kokoity, a dit aujourd'hui qu'il était contre des observateurs. Comment peut-on travailler dans cette situation ?
R - Avec constance, en affrontant les difficultés et en allant - en les évitant - de pièges en pièges. Que voulez-vous, ils ne sont pas d'accord sinon ils ne feraient pas la guerre. Tout le monde ne peut pas être d'accord surtout après un tel désaccord qui s'est soldé par une attaque massive, un déploiement de forces considérables et des bombardements partout.
Q - Même si les Russes sont d'accord, si l'Ossétie n'est pas d'accord, alors...
R - Quelle Ossétie, il y a deux gouvernements... Tout cela, il faut essayer de l'apaiser. Vous savez, ce sont les consensus qui se travaillent à chaque fois et les consensus veulent dire sacrifices de positions par rapport à une autre. C'est la négociation. Nous l'avons fait avec les principaux protagonistes. Ensuite, il a fallu signer avec les Ossètes, nous l'avons fait aussi. Il reste des difficultés, c'est pourquoi je vous dis que rien n'est achevé, je ne fais pas un chant de triomphe devant vous, pas du tout. Nous avons fait ce que nous avons pu et nous allons continuer.
Q - Mme Merkel a plaidé pour une aide humanitaire de l'OTAN...
R - Pour ma part, je préfère que les aides humanitaires ne soient pas apportées par l'OTAN.
Q - Si tout le monde est d'accord sur le cessez-le-feu, pourquoi le texte français est-il bloqué au Conseil de sécurité ?
R - Ils ne sont pas tous d'accord. Le texte français se discute entre les Américains, les Britanniques et les autres membres non permanents du Conseil de sécurité. Pour le moment, en effet, les Américains pensent que l'on doit voir les preuves que doivent fournir les Russes de ce retrait. Mais les discussions ne sont pas arrêtées, on continue. En ce moment, à New York, on discute encore le texte. Je doute, hélas, que cela soit fait ce soir mais je pense que nous n'avons pas du tout perdu espoir. J'étais un peu en retard parce que je parlais avec M. Ban Ki-moon qui pense avoir un texte, ce serait une bonne surprise ce soir. Nous sommes en contact en permanence avec eux, il y a des avancées, des reculs. Ce sera un texte certainement très court, avec des annexes. On ne peut pas tout minuter et dans les détails savoir comment cela se passe.
Q - Si vous me le permettez, une question sur le Dalaï-Lama, très simple, très factuelle, on a bien compris que vous ne le verrez pas mercredi prochain. Est-ce que d'ici à son départ, vous aurez un moment pour vous rencontrer, si ce n'est pas vous, ce peut être Rama Yade ?
R - Ce n'est pas exactement pareil. Si Rama Yade veut rencontrer le Dalaï-Lama, je le comprends très bien. J'ai rencontré le Dalaï-Lama en mai 1989, contre l'avis de tout le monde, à l'hôtel Meurice, en catimini. J'étais ministre de François Mitterrand et de Michel Rocard. A chaque fois que le Dalaï-Lama vient, nous sommes vraiment très amis, même si je ne suis pas bouddhiste. Pardonnez-moi, parce qu'il y a des amis bouddhistes, pas bouddhistes, il faudrait faire un jour l'exégèse de tout cela. Je souhaite le rencontrer comme je le rencontre à chaque fois, sans amener les motards et les caméras de télévision. Je voulais le faire mercredi mais, hélas, avec le calendrier que j'ai, cela n'est pas possible. De toutes façons, je le rencontrerai le 22 août avec Carla Bruni-Sarkozy. J'essaierai de le rencontrer avant mais cela paraît vraiment très difficile sinon impossible.
Il n'est pas question que je ne rencontre pas mon ami le Dalaï-Lama que je vois à chaque fois. En tout cas, ce sera fait le 22 août parce que j'ai aussi un voyage au Moyen-Orient, très difficile, et je dois retourner à Tbilissi. Je ne sais pas si cela se fera. Je vous donnerai les détails, mon emploi du temps est d'ailleurs rendu public.
Merci beaucoup.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 août 2008
Tout d'abord, comme vous le savez, le retrait des troupes russes a été annoncé plusieurs fois alors que sur le terrain il n'y avait aucun signe de ce qui pourrait correspondre à un début de retrait.
Hier, le président Sarkozy s'est longuement entretenu avec le président Medvedev, comme nous l'avons fait très souvent, avec beaucoup de détermination. Vous avez lu sa tribune dans la presse ce matin. Le président a répété que ce qui avait été accepté à Moscou par M. Poutine, M. Medvedev et M. Lavrov n'était pas négociable. Aussitôt après la signature des documents - l'un devant être signé par M. Saakachvili, le président géorgien, l'autre par M. Medvedev, ainsi que des documents de travail puisqu'ils souhaitaient que ce soient les Ossètes et les Géorgiens qui signent -, les troupes russes devaient entamer leur retrait vers les positions qui, d'un côté pour les Géorgiens, étaient leur cantonnement et, de l'autre pour les Russes, étaient les positions qui prévalaient avant la crise, c'est-à-dire au début du mois d'août.
Nous espérons toujours que cela se fera aujourd'hui mais ce n'est pas ce que je veux principalement souligner. Deux mouvements de troupes ont été opérés à partir de Gori aujourd'hui, sur d'ailleurs peu de kilomètres - sept kilomètres - mais dans la direction de l'Ossétie. Vous savez, tout cela se passe sur un territoire très petit, Gori est très proche de l'Ossétie. La frontière de l'Ossétie du Sud se trouve parfois à deux kilomètres de la route principale qui traverse la Géorgie. Ce sont de petites distances. Il y a donc eu deux colonnes qui allaient de Gori à Shindissi, c'est-à-dire à sept kilomètres en direction de l'Ossétie.
Maintenant, un général vient d'annoncer à Moscou - donc très officiellement alors que les généraux avaient des attitudes sur le terrain, que vos collègues ont dû vous rapporter, qui étaient mitigées, soit ils n'avaient jamais reçu d'ordres, soit ils disaient qu'il n'était pas question de se retirer - que le mouvement de repli se ferait au crépuscule. Je vous rappelle qu'il doit se faire pour toutes les troupes russes. Je ne me fais pas d'illusion mais je souhaite qu'il soit fait pour toutes les troupes russes à partir de ce soir.
Seules les troupes russes du maintien de la paix pourraient bénéficier, d'abord, d'un séjour en Ossétie et, également, d'une zone que nous voulons définir et qui a déjà été proposée dans la lettre du président de la République à M. Saakachvili. Il s'agirait de mesures de sécurité particulières consenties jusqu'à ce que des observateurs de l'OSCE, de l'Union européenne ou des Nations unies, des observateurs internationaux, peut-être tous ensemble d'ailleurs, puissent remplacer les forces de maintien de la paix russes qui étaient stationnées en Ossétie et qui sont encore sur le territoire géorgien.
Je n'imagine pas que les choses puissent évoluer très vite. Il faudra encore quelques jours voire peut-être quelques semaines et tout cela est évidemment très dommageable pour les populations civiles et pour les réfugiés qui sont au nombre approximatif, sans doute exagéré - j'espère qu'il est exagéré -, de 150.000. M. Antonio Guterres, le Haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés, est actuellement sur place. La situation est également difficile pour ceux qui ne sont pas réfugiés, qui restent chez eux, en particulier dans la ville de Gori qui est la plus visitée de toutes les villes encerclées, sinon assiégées par les troupes russes. Les populations souffrent, en particulier du manque de nourriture, même si aujourd'hui on est sûr que la Croix-Rouge et les Nations unies peuvent acheminer de l'aide alimentaire.
Il est donc nécessaire de s'occuper tout de suite d'un des premiers points du protocole d'accord que la Présidence française du Conseil de l'Union européenne, c'est-à-dire la France et le président de la République Nicolas Sarkozy et moi-même, avons fait signer de part et d'autre.
Tout d'abord ne pas recourir à la force : depuis que les troupes russes sont entrées en Géorgie, on ne peut pas dire que cela ait été respecté, mais on peut dire que, depuis deux jours, le recours à la force brutale s'est atténué - le mot est doux.
Deuxième point, cesser les hostilités de façon définitive : c'est accepté par la signature des chefs d'Etat mais cela n'est pas encore la réalité sur le terrain et nous espérons que dans les jours qui viennent ce sera le cas.
Troisième point, donner libre accès à l'aide humanitaire : cela n'est pas encore le cas. Vous savez que la France a envoyé trois avions, a envoyé du matériel, a envoyé des volontaires. Des ONG françaises sont sur place. Nous avons également un accord avec la Croix-Rouge. Si la situation se développe, il ne sera pas nécessaire d'envoyer la Croix-Rouge française puisque la Croix-Rouge géorgienne et les autres ONG pourront - je l'espère - se déployer. En tout cas, cela n'est pas le cas pour tous les habitants de la Géorgie. Ces habitants, ces victimes ne peuvent pas bénéficier encore suffisamment de l'accès à l'aide humanitaire.
Quatrième point, les forces militaires géorgiennes devront se retirer dans leur lieu habituel de cantonnement : ce n'est pas fait. Il faudra attendre le repli manifeste des Russes pour que cela soit opéré alors qu'évidemment les autorités politiques sont d'accord puisqu'elles ont signé ce document.
Le cinquième point a fait l'objet de beaucoup de discussions : les forces militaires russes devront se retirer sur les lignes antérieures au déclenchement des hostilités. C'est assez simple, c'est théoriquement ce qui a été annoncé à Moscou aujourd'hui. Attendons.
Dans l'attente d'un mécanisme international, les forces de paix russes mettront en oeuvre les mesures additionnelles de sécurité. Il est très important que vous compreniez cela. Ce ne sont pas les forces russes qui ont pénétré à travers la frontière entre la Russie et la Géorgie, qui venaient de l'Ossétie du Nord, ce sont les forces qui stationnaient déjà en Ossétie du Sud, qui peuvent peut-être changer si les Russes le souhaitent, mais ce sont les forces acceptées par l'OSCE comme les forces de paix qui sont en présence depuis plusieurs années avec d'ailleurs une participation des forces de paix géorgiennes. La proportion était de deux tiers un tiers. C'est cela qui est accepté comme devant ou pouvant - en attendant les forces internationales - patrouiller devant les frontières de l'Ossétie qui sont vraiment très proches. C'est une zone que nous n'avons pas voulu définir et qui est définie comme "l'immédiate proximité " dans la lettre du président de la République française.
C'est donc une discussion très difficile et qui nous porte vers le sixième point, parce que tant que nous n'aurons pas de discussions internationales sur les modalités de sécurité et de stabilité nous ne pourrons pas compter sur beaucoup d'observateurs, de facilitateurs ou de modérateurs qui pourraient remplacer les troupes de paix russes. D'où l'importance de ce qui se passe aujourd'hui à l'OSCE sur la question des cent observateurs de l'Organisation. Vous savez que l'Abkhazie était sous la tutelle, faible tutelle d'ailleurs, des Nations unies et que l'Ossétie était sous la tutelle de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à mon ami Alexander Stubb, le ministre finlandais des Affaires étrangères qui préside actuellement l'OSCE, de venir avec moi le premier jour.
Il y a cent observateurs de l'OSCE qui seraient prêts à partir, alors qu'il y en avait très peu jusqu'à présent sur le terrain - il y en avait huit - et qui pourraient immédiatement se déployer dans cette zone de patrouille. Seulement, pour l'heure, la discussion se fait avec difficulté et les Russes ne sont pas pour le moment enclins à accepter. J'espère qu'avec le développement attendu dans la soirée, on pourra compter sur ces observateurs.
Je rappelle qu'à l'OSCE, il y a eu des décisions prises à l'unanimité pour envoyer huit observateurs. Il ne faudrait, par conséquent, pas nécessairement un nouvel accord pour en envoyer cent. Les discussions ne sont pas aisées.
Tout ce processus nous ramène aux Nations unies. Il me semble tout à fait impératif, nécessaire et indispensable qu'il y ait une résolution des Nations unies pour que nous puissions reprendre le cadre de ce qui s'est passé mercredi dernier à Bruxelles où les 27 pays de l'Union européenne ont accepté d'être présents sur le terrain et de contribuer, sous la forme d'observateurs, de modérateurs - et non pas sous la forme de "peace keepers". Nous travaillons à ce déploiement. Il y a encore eu une réunion à Paris cet après-midi avec les Européens, en particulier avec l'équipe de Javier Solana, le Haut représentant pour la politique extérieure de l'Union européenne et la Commission européenne représentée par Olli Rehn. Olli Rehn, de la Commission, travaille avec l'équipe de Javier Solana qui travaille avec la Présidence française pour que l'on ait très vite des observateurs déployés sur le terrain.
Tout cela semble et est un peu compliqué. Plus c'est compliqué et plus ce sera difficile d'arriver à une décision claire, nette et définitive. Néanmoins, ce qui a été fait est déjà net, clair et définitif, il y a eu un cessez-le-feu. Si on admet que les hostilités ont commencé dans la nuit du 7 au 8 août, nous sommes intervenus dès le 10 août. Je me suis rendu à Tbilissi le 10 août au nom de la Présidence française accompagné d'Alexandre Stubb, au nom de la présidence de l'OSCE, et nous avons été vraiment au plus vite. Les résultats sont intervenus relativement vite. Etablir un cessez-le-feu dans les deux, trois jours après une intrusion aussi massive n'était pas commode. Il ne faut, cependant, pas se satisfaire de cela, c'est la mise en place du suivi qui mobilise toutes nos équipes, ici au Quai d'Orsay, à l'Elysée et bien entendu le président de la République lui-même. Nous passons notre journée au téléphone. Et sur le terrain, nous avons une ambassade à Tbilissi extrêmement active, avec un ambassadeur, Eric Fournier, qui est en permanence sur le terrain. C'est une diplomatie plus réactive, une diplomatie du mouvement, conforme à notre volonté de réforme du Quai d'Orsay. Je salue tous les agents, revenus de vacances ou qui n'étaient pas encore partis, qui travaillent tous les jours pour que l'ensemble des six points de ce protocole d'accord puisse être mis en oeuvre afin de parvenir à un accord politique.
Tout le monde aura remarqué que la Présidence française de l'Union européenne a été active et a obtenu des résultats. Ces résultats sont-ils satisfaisants ? Non. Est-ce suffisant ? Non. Est-ce que nous continuons ? Oui. Est-ce que la réaction a été rapide ? Oui, très rapide. Malheureusement - je ne vais pas vous énoncer les chiffres qui font toujours l'objet de discussions -, il y a eu trop de morts, trop de réfugiés, trop de souffrance de part et d'autre. J'espère que, dans les jours qui viennent, nous pourrons - même au milieu de ce mois d'août - annoncer une aide internationale conséquente qui pourra apaiser les souffrances.
J'ajoute que je ne me suis pas contenté d'observer les souffrances que d'un côté. Je suis aussi allé, avec l'équipe qui était avec moi, visiter les réfugiés en Ossétie du Nord. Je suis passé par le territoire russe pour entendre les récits des réfugiés qui, dans la nuit du 7 au 8 août, avaient été bombardés à Tskhinvali, la capitale de l'Ossétie, et qui se trouvaient dans de très mauvaises conditions. De ce côté là, je pense que les Russes avaient fait tout ce qu'ils pouvaient. Les récits que j'ai entendus étaient, de la part de tous les réfugiés, des récits de misère, de pertes dans les familles, de souffrance et de mort.
Voilà, nous continuons. Nous connaissions l'urgence de la situation et la difficulté qu'il y avait à réagir, en particulier grâce à un certain nombre de ministres des Affaires étrangères et de chefs d'Etat qui avaient visité la Géorgie et qui prévenaient la Présidence de l'Union européenne. Je crois que nous l'avons fait de façon relativement satisfaisante même si ce ne l'est jamais totalement.
Je vais vous résumer la situation. Nous avons le problème de l'OSCE, qui je l'espère sera réglé après l'interruption de séance qui a eu lieu en fin d'après-midi. J'espère que nous aurons des observateurs. Nous verrons ce qui nous attend à l'OTAN demain avec des questions sur la qualification de l'action russe et ce que nous devons faire ensuite.
Dans tous les cas, ce que nous devons faire à l'OSCE comme à l'OTAN, c'est diminuer la tension sinon la guerre peut reprendre à tout moment. Aujourd'hui, il y a certes eu une voiture de police écrasée mais elle était vide. Il n'y a pas de réelles menaces même s'il y a bien sûr des possibilités que les hostilités reprennent. Dans un pays occupé, les habitants sont évidemment légitimement en colère et les hostilités peuvent reprendre à chaque seconde. Mais pour le moment le cessez-le-feu tient. Il est essentiel que les troupes russes reviennent à leurs bases de départ.
Et puis, il y a une solution politique proposée par l'Union européenne qui était la seule capable - on l'a bien vu - de s'interposer. C'est ce que nous avons fait avec le soutien de l'ensemble des pays de l'Union européenne et de nos amis américains. C'est en effet Mme Rice, dans un second temps - après qu'il y ait eu deux allers-retours entre Tbilissi et Moscou -, qui est allée porter et faire signer la résolution au président Saakachvili. Nous continuons de nous entretenir tous les jours avec Mme Rice, avec le président Bush et avec les alliés de l'OTAN. Encore une fois, nous recherchons la diminution des tensions mais cela ne veut pas dire qu'il ne faille pas être très attentif au langage de fermeté nécessaire à l'égard de la Russie. En même temps, vous le savez, il n'y aura pas de solution pacifique sans la Russie, ce grand voisin de l'Union européenne.
Voilà donc pour la partie politique qui se clôturera certainement un jour, je l'espère, par des pourparlers, des nouvelles résolutions et la paix. Cela n'est pas prévu pour le moment même si ce point a été signé par les deux parties, la Russie et la Géorgie, c'est le point 6. Il faudra pour cela que la tension cesse sur le terrain, que les réfugiés retrouvent leurs foyers, que la reconstruction commence. Nous sommes prêts à y participer. Nous avons proposé, parmi les cent observateurs de l'OSCE, dix Français. Nous travaillons durement avec Javier Solana et Olli Rehn.
Voilà, Mesdames et Messieurs où nous en sommes, nous sommes satisfaits de ce que nous avons fait mais ce n'est pas suffisant. Il faut continuer notre effort.
Q - Quelles sont les marges de manoeuvre des Européens pour faire bouger la Russie aujourd'hui ?
R - Tout d'abord, bien entendu, la persuasion. Les contacts que nous maintenons avec les Russes sont de bons contacts. Nous avons eu, Nicolas Sarkozy et moi-même, cinq heures de discussions, je vous l'ai dit, avec M. Dmitri Medvedev et M. Sergueï Lavrov. La discussion a été très vive, très franche et je crois positive car nous avons avancé. Au départ, je vous assure que le ton n'était pas le même que celui de la fin des discussions.
Mais il y a d'autres moyens de pression. Il y a évidemment l'Union européenne qui dans son ensemble a prouvé son unité. Je ne dis pas que tout le monde était d'accord. D'abord, les liens avec l'Histoire ne sont pas les mêmes selon les vingt-sept pays. Les pays qui sortent du bloc des pays de "l'Est" ont une attitude extrêmement tranchée qui n'est pas celle des pays fondateurs de l'Europe. C'est normal, c'est toujours ainsi mais il faut faire avec. Non seulement il faut faire avec mais il faut se saisir de ces contradictions pour aller plus loin et plus fort. L'Union européenne a manifesté son unité. Vous savez, convoquer au mois d'août un Conseil Affaires générales, comme nous l'avons fait, n'est pas la coutume, cela n'a jamais été fait sauf une fois pour le Liban et il n'y a pas eu de conclusions comme il y en a eu à cette session extraordinaire. Les vingt-sept pays ont accepté les conclusions. C'est un moyen de pression. Si cela ne suffit pas, le président Sarkozy a dit très clairement qu'il convoquerait un Conseil européen, c'est-à-dire avec les chefs d'Etat et de gouvernement des vingt-sept Etats membres.
Il faut que l'on sache, et nous l'avons dit dans une conclusion dès le premier jour du conflit, qu'une telle attitude de nos amis russes, attitude militaire, réaction disproportionnée, nous semblait de nature à endommager les rapports entre l'Union européenne et la Russie. Une rencontre est prévue à Sotchi avec l'Union européenne. Il y a la perspective de l'accord d'entrée à l'Organisation Mondiale du Commerce...
Il y a, je vous le rappelle - et on s'interrogeait sur les priorités de la Présidence française - la priorité de l'énergie. Il s'agit tout de même de constituer une unité européenne autour d'une forme de marché, non pas seulement commercial mais politique, psychologique et humain de ceux qui achètent le gaz, ensemble, les vingt-sept pays de l'Union européenne, c'est tout à fait essentiel. L'énergie constitue une question capitale et la défense européenne est également tout à fait nécessaire. La mise en oeuvre du Traité de Lisbonne est nécessaire pour avoir tout cela plus vite. Si nous avions eu le Traité de Lisbonne, les problèmes que nous affrontons maintenant n'auraient pas été de même nature et cela aurait facilité les choses.
Nous prenons donc cela très sérieusement avec, bien sûr, d'autres pays qui ont des moyens différents des nôtres. Ce sont évidemment les Etats-Unis d'Amérique, ce sont les alliés de l'OTAN... Vous avez vu le ton de la lettre de Nicolas Sarkozy et vous avez certainement observé que les choses se sont un peu durcies depuis que la lettre a été signée. Mais si ce soir nous avons une bonne surprise, nous passerons au point suivant.
Q - Monsieur le Ministre, demain aura lieu une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'OTAN. Hier Angela Merkel, qui était à Tbilissi, a tenu des propos assez tranchés sur l'OTAN et la Géorgie. Estimez-vous, par rapport au sommet de l'OTAN au printemps dernier, que l'Allemagne a fait un pas de plus vers le soutien à l'adhésion de la Géorgie un jour à l'OTAN et qu'elle a donné un coup d'accélérateur sur ce dossier ?
R - Je n'ai pas du tout cette impression, au contraire. J'ai bien lu le texte et ce n'est pas ce qu'elle a dit. Elle a repris les positions de Bucarest. Dans les conclusions de Bucarest, il y a : "vous ferez un jour partie de l'OTAN" ; elle a répété cette phrase mais en ne s'engageant pas davantage. Nous avons maintenu des contacts très précis avec nos amis allemands et je pense que nous partageons la même attitude. Pour autant, je ne sais pas ce qui nous sera exactement demandé concernant les deux points sur lesquels nous devons nous prononcer, avec les ministres des Affaires étrangères, lors de la réunion de demain, puisque les discussions sont encore en cours. Je ne peux pas préjuger de la position de nos amis. La phrase "vous faites partie de l'OTAN" est peut être citée en dehors de son contexte : rien avant, rien après, c'est un vieux truc classique. Elle n'a pas dit que cela et franchement je ne crois pas - je peux me tromper - qu'elle se soit beaucoup écartée du document de Bucarest. J'étais là au moment où, discutant sur le contenu du document, Mme Merkel à mes côtés, nous avons écrit cette phrase : "vous ferez un jour partie de l'OTAN". C'est avec Mme Merkel que cette phrase a été définie parce qu'il y avait des discussions. Je crois qu'elle est restée sur cette position. Enfin, on verra demain. Il est essentiel que l'unité soit préservée.
Q - Quelle est votre position face au gouvernement russe ? et deuxièmement, pouvez vous nous parler des conséquences des évènements de cette dernière semaine sur les relations entre l'Union européenne et la Russie en général ?
R - Oui, la persuasion était mon premier point, ensuite j'ai énuméré sur 4 ou 5 mesures, plus fermes que la persuasion. Nous verrons. La premières de mesures plus fermes est certainement contenue dans la tribune du président Sarkozy publiée dans le quotidien Le Figaro où il fait part de la réunion d'un Conseil européen spécial des Vingt sept chefs d'Etat et de gouvernement. Nous ne voulons pas les menacer mais nous sommes sérieux : il y a une ligne rouge qui consiste dans le retrait des troupes russes. Il n'y a pas d'autre alternative, ils ont signé les deux documents, ils doivent retirer leurs troupes.
Quant à votre seconde question, ces derniers mois nous sommes confrontés à une relation particulière avec le gouvernement russe, la façon dont ils parlaient, dont ils se comportaient étaient un peu trop provocatrice, notamment pour les pays de l'ancien bloc de l'Est. Nous autres, Français, nous avons mis en évidence la nécessité d'adopter un nouveau langage avec le gouvernement fédéral de Russie. C'est un grand pays, c'est notre voisin dont nous sommes complètement dépendants en termes d'énergie, enfin pas mon pays puisque nous importons également du gaz de Norvège et d'Algérie à la hauteur de 25 à 30 %, donc nous ne sommes pas complètement dépendants. Nous avons une relation, un lien particulier qui nous unit à la Russie. C'est une raison supplémentaire, non pas politique mais économique. Politiquement, nous devons parler ouvertement avec des personnes qui souhaitent la paix, qui veulent négocier pour résoudre les problèmes et éviter de tomber dans une sorte de ce que certains d'entre vous ont appelé guerre froide. Nous ne sommes plus en guerre froide depuis longtemps. Nous faisons face à une nouvelle ère de la mondialisation et au sein de la mondialisation, nous assistons à l'émergence de nationalismes, de nationalismes qui menacent les populations et exacerbent les confrontations politiques. Nous devons prendre garde. C'est exactement ce à quoi nous devons faire face avec nos amis européens, les Vingt-sept, mais aussi avec nos amis Américains, ce qui est totalement nouveau. Nous entretenons, maintenons d'excellentes relations avec nos amis américains et spécialement dans les situations où nous ne sommes pas d'accord avec eux. C'est facile de parler avec eux, nous sommes sincères, ils sont sincères et c'est quelque chose de tellement important.
Q - Moscou s'était engagé à ce que les troupes russes quittent aujourd'hui le territoire géorgien. Or, ce n'est pas le cas. Il est 18h15, considérez-vous que vous avez été floués par Moscou ?
R - Je n'emploierai pas ce mot. Nous avons dit qu'il était très important et particulièrement indiscutable que le retrait des troupes se fasse et, hier soir, M. Medvedev a promis que cela se ferait dans la journée, dans l'après midi. Nous verrons, après la déclaration de ce général à Moscou annonçant que cela se ferait au crépuscule, aujourd'hui, si les choses suivent leur cours. Mais vous savez, il y a eu tellement de divisions et de matériel envoyés sur le terrain que, techniquement, je pense bien que ce n'est pas simple. Nous nous en tenons à l'accord signé et il n'est pas question d'accepter autre chose que le retrait des troupes. Chaque fois que nous téléphonons à nos amis russes, ils nous disent que le retrait des troupes va commencer mais que c'est compliqué. Nous voulons que ce soit aujourd'hui. Il ne s'agit pas d'être floué ou trompé, c'est un accord qui a été signé politiquement. Les Russes ne devraient pas même imaginer que leur signature ne soit pas respectée et j'espère qu'ils le comprennent.
Q - S'agit-il d'un ultimatum ?
R - Ce n'est pas un ultimatum. S'ils se retirent aujourd'hui, comme ces deux divisions qui ont déjà été bien inspirées de le faire en direction de l'Ossétie, ils vont bien nous dire qu'il leur faudra quelques jours, j'en suis sûr parce qu'il y a beaucoup de monde, hélas, sur le terrain. J'ai parlé de disproportion des forces.
Q - Pour revenir sur la question de l'adhésion de la Géorgie à l'OTAN, est-ce que la position française, après cette crise, change par rapport à cette perspective ? Autrement dit, faut-il accélérer l'entrée de la Géorgie dans l'OTAN ? Cette crise montre-t-elle que si la Géorgie avait été dans l'OTAN, cela aurait pu constituer une garantie ou, au contraire, cela devrait-il nous inciter à être encore plus prudents par rapport à une future entrée de la Géorgie dans l'OTAN ? Quelle est aujourd'hui votre position avec le premier bilan de la crise ?
R - La crise a évidemment renforcé notre attention à l'égard de la Russie ; c'est sûr mais cela ne date pas d'hier. Encore une fois, l'une des principales directions de travail de la présidence de l'Union européenne, nous l'avons dit, c'était un langage nouveau avec la Russie ainsi que dans les relations transatlantiques. Nous sommes très prétentieux, nous voulons avancer des deux côtés. Cette crise nous conduit à être plus attentifs, bien sûr, mais ne doit pas créer plus de tensions. Il faut absolument que cette crise majeure s'achève.
J'entends les critiques en France mais, enfin, lisez la presse étrangère, il y a aussi des observateurs qui portent un jugement plus équilibré. Si la Présidence française ne s'était pas interposée, les forces armées russes seraient à Tbilissi, très facilement, avec des sacrifices de gens courageux. Je crois que nous avons déjà, dans un premier temps, évité le pire. Je pense bien sûr aux victimes qu'il aurait fallu pouvoir éviter mais c'est assez difficile dans le cas d'une guerre. C'était une vraie guerre. Nous avons fait ce que nous avons pu.
Maintenant, cela signifie-t-il qu'il faut être encore plus attentif et parler de toute la configuration psychologique, politique, sociologique, économique de l'Europe ? Oui. Cela veut-il dire qu'il faut menacer de telle façon que la crise ne soit pas dénouée, comme nous le souhaitons, dans les jours qui viennent ? Non.
Vous m'avez offert deux butoirs, oui c'est entre les deux que l'on va voir demain comment se développe la discussion à Bruxelles. J'ai dit que Mme Merkel était sur cette ligne, je le sais et, je le crois, un certain nombre d'autres pays aussi. Nous ne voulons pas mettre de l'huile sur le feu mais nous voulons fermement prévenir, comme nous l'avons déjà fait. Je le répète, une telle attitude, si elle se maintenait, ne pourrait pas être sans conséquences sur les rapports entre l'Union européenne, donc la France, et la Russie. C'est exactement ce qu'a dit M. Sarkozy à M. Medvedev. Oui, c'est un élément très important dans un sens ou dans l'autre.
Q - Entre Mme Rice qui souhaite un signe d'ouverture vers l'adhésion de la Géorgie au sein de l'OTAN et l'Europe qui joue l'intermédiaire, que peut-on attendre concrètement demain par rapport à l'adhésion de la Géorgie et par rapport à l'avenir des relations entre l'OTAN et la Russie ?
R - Une fermeté sans menace. C'est, je crois, ce qui se passera. Bien sûr, il ne s'agit pas de revenir sur le MAP, sur ce qui s'est passé à Bucarest, puisque pour cela nous avons un rendez-vous avec les ministres des Affaires étrangères en décembre. Enfin, on verra bien demain après la discussion. Il s'agit de rappeler notre détermination à ne pas supporter, ne pas soutenir une intervention armée dans un pays proche aux portes de l'Europe. C'est pour cela que nous nous sommes allés très rapidement là-bas mais, en même temps, je crois que tout ce qui exacerberait les conflits, renforcerait les tensions. Il faut tout d'abord le cessez-le-feu pour que les conditions de la paix soient réunies. Nous sommes dans le cessez-le-feu, il faut que les troupes se retirent et nous verrons bien après. Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas être attentifs.
Q - Qu'est ce qui motiverait l'appel en urgence d'un sommet européen ?
R - Le non retrait des troupes.
Q - Demain matin ?
R - Non, si vous raisonniez ainsi, on aurait des guerres tous les jours...
Q - Dans une semaine, vous constaterez ce qui s'est passé et ce qui ne s'est pas passé ?
R - Ce n'est pas ainsi que se mesurent les conflits qui peuvent dégénérer. Je pense qu'il faut véritablement oeuvrer avec patience et impatience à la fois, avec doigté politique et avec persuasion. Ce qu'il faut, c'est obtenir un succès, c'est-à-dire, après le cessez-le-feu qui déjà est un succès, le retrait des troupes. Il me semble, mais je peux me tromper complètement, que nous assisterons à cette amorce du retrait des troupes aujourd'hui et dans la nuit. Sinon, je crois que le président de la République sera amené dans les jours qui viennent à convoquer en urgence une réunion du Conseil européen avec les vingt-sept chefs d'Etat et de gouvernement.
Q - Monsieur le Ministre, que pensez-vous des informations parues sur le site du New York Times et de celles de l'association Memorial en Russie qui évoque des missiles pré-positionnés qui pourraient atteindre la capitale Tbilissi ? Est-ce que c'est quelque chose dont vous avez parlé avec vos homologues ?
R - Je ne suis pas très étonné. Et encore vous ne signalez pas qu'un sous-marin qui se trouve en mer Noire peut avec ses missiles atteindre tout le territoire géorgien. C'est la raison pour laquelle il faut absolument, après le cessez-le-feu, qu'il y ait le retrait des troupes et une solution politique. Je sais cela, les Russes sont très capables avec leurs missiles d'atteindre tous les points du territoire et cela ne me satisfait pas. Vous savez, ce n'est pas une situation nouvelle et, d'ailleurs, on pourrait reprendre - et je vous engage à le faire, c'est votre travail, ce n'est pas le mien - cette succession d'incidents qui ont eu lieu de part et d'autre, surtout dans les trois derniers mois en Ossétie du Sud. Il y avait aussi un missile, il y avait des drones, il y avait tout cela. N'accentuons donc pas la tension, ce serait le pire service à rendre à la paix, mais soyons lucides, les Russes sont en effet déterminés, nous l'avons vu. Il serait cependant intéressant de pouvoir clairement connaître cette succession de provocations, avec ses effets sur le moral et sur l'opinion des populations d'Ossétie du Sud et d'Ossétie du Nord avant ce bombardement qui a déclenché l'invasion russe. Je n'ai pas encore lu ces analyses, on va les faire. Il faut que les journalistes et les historiens de cette région le disent très vite. Tout cela est très dangereux.
Q - Monsieur le Ministre, après la publication dimanche soir de la tribune de M. Sarkozy, nous avons pensé qu'il y avait de l'urgence et un calendrier. Pourriez-vous une nouvelle fois vous exprimer là-dessus ? Par ailleurs, partagez-vous le point de vue de Mme Rice qui a dit que la Russie paiera un lourd prix pour ce qu'elle a fait ?
Demandez à Condoleezza Rice et non pas à moi quel prix il s'agit de payer. Quel prix et quand ? Je ne sais pas. Toujours est-il que nous étions et que nous sommes toujours en accord. Etre d'accord, entretenir des relations bonnes et amicales ne signifie pas pour autant que nous sommes au même moment dirigés vers le même but, avec la même attitude. Pas du tout. Je comprends la réaction de Condoleezza Rice, mais par ailleurs, un jour avant qu'elle ne prononce cette phrase que vous avez reprise, elle se trouvait à Tbilissi, et elle a encouragé le président Saakachvili à signer le document. Nous sommes parfaitement d'accord et le président Bush non seulement soutient la mission menée par la France mais il nous a fait part de ses remerciements et de ses félicitations à plusieurs reprises. Je ne peux pas répondre à votre question, il faut que vous demandiez à Condoleezza Rice.
Il y a, en effet, urgence. Elle est rapportée par la diplomatie française - je vous assure qu'elle change -, nos amis, nos compagnons de travail, qui sont sur le terrain et qui signalent les besoins des populations, l'accès à la nourriture. La première des choses, c'est l'accès à l'aide humanitaire. Quand il n'y a pas de cessez-le-feu, il faut aussi que l'action humanitaire agisse et donc nous avons insisté là-dessus. Je ne peux pas vous dire si demain, à un moment donné, nous en serons aux ultimatums. Je déteste ce mot. Nous n'en sommes pas là du tout. Nous parlons très clairement et facilement avec nos amis russes et ils nous ont dit, certes plusieurs fois, qu'ils allaient se retirer et on leur accorde encore ce crédit. Cela vaut la peine de les croire car ce n'est pas nous qui paierons les pots cassés, ce ne sont pas les personnes qui menacent qui paieront les pots cassés, ce ne sont pas les personnes qui vont dire que l'on va faire payer le prix, ce sont les Géorgiens. Maintenant, il faut leur donner des chances de rentrer chez eux, ils ont eu assez de souffrances. C'est mon avis. Maintenant, politiquement, je ne méconnais pas la nécessité d'un calendrier.
Q - Vous avez parlé de ligne rouge tout à l'heure, considériez-vous qu'en cas d'un retrait qui s'effilocherait ou de retrait partiel, cette fameuse ligne rouge que vous avez définie serait franchie ? Deuxième question, vous avez parlé d'un effort financier important qui serait fait dans les jours à venir, pourriez-vous nous en dire plus là-dessus ?
R - Je ne comprends pas votre première question.
Q - Vous avez parlé d'une ligne rouge qui pourrait être franchie. Considériez-vous qu'en cas de retrait qui s'effiloche, qui s'étire sur quinze jours, trois semaines ou de retrait partiel, la fameuse ligne rouge serait franchie ?
R - D'abord, c'est le président de la République qui décidera. Je ne pense pas, s'il y a un mouvement de retrait net et évident, que l'on puisse parler de ligne rouge en termes de contingents retirés, de nombre de chars d'assaut ou de dates. Si le mouvement s'amorce, je pense que la communauté internationale devra le reconnaître.
Deuxièmement, cela permettra très vite, je vous l'ai dit, l'accès des observateurs, soit de l'OSCE, soit de l'Union européenne ou d'autres. Cela veut dire que nous aurons avancé politiquement vers des pourparlers, des résolutions, aux Nations unies, à l'OSCE... Cela permettrait d'espérer plus de discours politiques et de rencontres. Il y a aussi, par exemple, le problème des soldats échangés, des prisonniers échangés par les deux camps. Là aussi, si vous créez une atmosphère de tension, vous n'échangez pas vos prisonniers. Il faut tenir compte de tout cela dans une mission de paix.
Q - Si la Russie n'accepte pas d'observateurs supplémentaires ce soir, quelle sera votre attitude ?
R - Notre attitude serait très négative, mais ils l'ont accepté. La lettre du président Sarkozy est très claire et chacune des parties en a accepté les termes. Bien sûr, ils préfèreraient une intervention de l'OSCE plutôt qu'une résolution des Nations unies qui entamerait un processus plus lourd. Tout cela, c'est de la politique, de la diplomatie, il faut peser le pour et le contre. Comme à chaque fois, il y a deux aspects, c'est très compliqué. Personne n'a la science infuse et personne ne sait exactement à quel moment il faut faire preuve de pression. On sent parfois des ouvertures dans la négociation, alors on se précipite. Mais enfin, je voudrais connaître ceux qui me donneront les recettes des missions de paix. Il n'y a qu'une seule recette, l'obstination - "never complain, never give up".
Q - Le président de l'Ossétie du Sud, M. Edouard Kokoity, a dit aujourd'hui qu'il était contre des observateurs. Comment peut-on travailler dans cette situation ?
R - Avec constance, en affrontant les difficultés et en allant - en les évitant - de pièges en pièges. Que voulez-vous, ils ne sont pas d'accord sinon ils ne feraient pas la guerre. Tout le monde ne peut pas être d'accord surtout après un tel désaccord qui s'est soldé par une attaque massive, un déploiement de forces considérables et des bombardements partout.
Q - Même si les Russes sont d'accord, si l'Ossétie n'est pas d'accord, alors...
R - Quelle Ossétie, il y a deux gouvernements... Tout cela, il faut essayer de l'apaiser. Vous savez, ce sont les consensus qui se travaillent à chaque fois et les consensus veulent dire sacrifices de positions par rapport à une autre. C'est la négociation. Nous l'avons fait avec les principaux protagonistes. Ensuite, il a fallu signer avec les Ossètes, nous l'avons fait aussi. Il reste des difficultés, c'est pourquoi je vous dis que rien n'est achevé, je ne fais pas un chant de triomphe devant vous, pas du tout. Nous avons fait ce que nous avons pu et nous allons continuer.
Q - Mme Merkel a plaidé pour une aide humanitaire de l'OTAN...
R - Pour ma part, je préfère que les aides humanitaires ne soient pas apportées par l'OTAN.
Q - Si tout le monde est d'accord sur le cessez-le-feu, pourquoi le texte français est-il bloqué au Conseil de sécurité ?
R - Ils ne sont pas tous d'accord. Le texte français se discute entre les Américains, les Britanniques et les autres membres non permanents du Conseil de sécurité. Pour le moment, en effet, les Américains pensent que l'on doit voir les preuves que doivent fournir les Russes de ce retrait. Mais les discussions ne sont pas arrêtées, on continue. En ce moment, à New York, on discute encore le texte. Je doute, hélas, que cela soit fait ce soir mais je pense que nous n'avons pas du tout perdu espoir. J'étais un peu en retard parce que je parlais avec M. Ban Ki-moon qui pense avoir un texte, ce serait une bonne surprise ce soir. Nous sommes en contact en permanence avec eux, il y a des avancées, des reculs. Ce sera un texte certainement très court, avec des annexes. On ne peut pas tout minuter et dans les détails savoir comment cela se passe.
Q - Si vous me le permettez, une question sur le Dalaï-Lama, très simple, très factuelle, on a bien compris que vous ne le verrez pas mercredi prochain. Est-ce que d'ici à son départ, vous aurez un moment pour vous rencontrer, si ce n'est pas vous, ce peut être Rama Yade ?
R - Ce n'est pas exactement pareil. Si Rama Yade veut rencontrer le Dalaï-Lama, je le comprends très bien. J'ai rencontré le Dalaï-Lama en mai 1989, contre l'avis de tout le monde, à l'hôtel Meurice, en catimini. J'étais ministre de François Mitterrand et de Michel Rocard. A chaque fois que le Dalaï-Lama vient, nous sommes vraiment très amis, même si je ne suis pas bouddhiste. Pardonnez-moi, parce qu'il y a des amis bouddhistes, pas bouddhistes, il faudrait faire un jour l'exégèse de tout cela. Je souhaite le rencontrer comme je le rencontre à chaque fois, sans amener les motards et les caméras de télévision. Je voulais le faire mercredi mais, hélas, avec le calendrier que j'ai, cela n'est pas possible. De toutes façons, je le rencontrerai le 22 août avec Carla Bruni-Sarkozy. J'essaierai de le rencontrer avant mais cela paraît vraiment très difficile sinon impossible.
Il n'est pas question que je ne rencontre pas mon ami le Dalaï-Lama que je vois à chaque fois. En tout cas, ce sera fait le 22 août parce que j'ai aussi un voyage au Moyen-Orient, très difficile, et je dois retourner à Tbilissi. Je ne sais pas si cela se fera. Je vous donnerai les détails, mon emploi du temps est d'ailleurs rendu public.
Merci beaucoup.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 août 2008