Entretien de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, avec France 3 le 19 août 2008, sur la question de la présence française en Afghanistan et du respect par la Russie de l'accord de cessez-le-feu signé avec la Géorgie.

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Média : France 3

Texte intégral

Q - Bernard Kouchner, bonsoir, vous vous apprêtez à partir avec le président de la République en Afghanistan. Cette attaque est la plus meurtrière depuis que les troupes françaises se sont engagées dans ce pays. Ce drame remet-il en cause la présence française ?
R - Je pense à ce drame. Je pense à nos courageux soldats, à leurs familles, aux blessés. Je pense aux lieux où cela s'est déroulé, je connais bien ce pays. On peut se demander pourquoi ces soldats de la France sont tombés si loin de chez nous. Il faut le savoir, ils sont tombés pour la liberté du monde et la liberté de nos enfants. Il faudra longuement les remercier.
Mais, cela ne nous empêchera pas de poursuivre la lutte. Notre détermination ne faiblira pas, au contraire, nous leur devons à nos soldats. Il faut bien comprendre que nous nous battons aux côtés des Afghans contre l'extrémisme, contre les attentats, contre la régression et pour la démocratie - qui s'est déjà installée en Afghanistan -, pour un gouvernement élu, pour les femmes qui ont été aussi élues, pour la première fois dans ce pays.
C'est un triste jour.
Q - Mais comment expliquer, Bernard Kouchner, qu'après sept ans d'intervention et malgré la présence de 70.000 soldats étrangers, les taliban aient réussi à se reconstruire militairement. Est-ce un conflit qui est en train de s'enliser ?
R - Si vous me demandez s'il doit y avoir une solution politique, je vous répondrai oui. Mais pour cela, il faut préparer et sécuriser un certain nombre de zones avant de passer tous les pouvoirs aux Afghans. C'est ce que nous faisons, c'est une longue bataille, d'autres l'ont éprouvé avant nous. Cette longue bataille contre cet attentat permanent que sont l'intolérance et l'intégrisme, n'est pas terminée.
Q - A propos de la Géorgie, vous étiez ce matin à Bruxelles pour une réunion extraordinaire de l'OTAN. Hier, vous demandiez à la Russie de retirer ses troupes dans la nuit. Il ne s'est pas passé grand-chose aujourd'hui.
R - Nous avons été une fois de plus déçus et c'est une attente qui commence à devenir difficile. Par trois fois, les Russes nous ont promis le retrait des troupes. Ils ont signé un document, un protocole d'accords en six points. Les présidents Medvedev et Saakachvili ont signé ce document. Désormais, il faut que le président Medvedev respecte sa parole, la parole de la Russie. On ne peut pas accepter que le droit international, les accords internationaux, la communauté internationale qui tente de construire la paix, soient bafoués.
Q - Bernard Kouchner, cela veut dire qu'il pourrait y avoir des sanctions contre la Russie ? Et si oui, lesquelles ?
R - Nous n'en sommes pas là. Tout d'abord, il y aura une succession de rencontres à l'occasion desquelles nous pourrons manifester les uns et les autres, non seulement notre détermination, mais notre volonté très forte que soient appliqués les accords qui contraignent les troupes à se retirer. C'est cela que nous attendons, ces espoirs de dialogue.
Mais c'est dans un autre domaine que nous sommes tenus par la Russie, celui de l'énergie. Vous avez remarqué que la première priorité de la Présidence française de l'Union européenne, car nous agissons au nom de la Présidence française de l'Union européenne, était justement qu'il y ait une position commune sur l'énergie, et nous devons construire cette position commune.
La détermination européenne est nécessaire, indispensable dans ce monde qui change, dans la globalisation. Aujourd'hui, les Géorgiens, et tous ceux qui veulent construire, de façon démocratique et dans le dialogue, un monde différent, celui de la globalisation, ne peuvent pas accepter que des méthodes aussi brutales soient employées, surtout lorsque l'on a donné sa parole, surtout lorsque l'on a apporté sa signature.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 août 2008