Texte intégral
J.-P. Elkabbach.- Le mois d'août n'est pas terminé, mais quel été ! B. Kouchner, bonjour. D'abord, que savez-vous de l'avion détourné par des pirates de l'air qui veulent atterrir à Paris ?
Qu'il a été détourné sur Kouffra, en Libye, qu'il est sur une base militaire aérienne libyenne, qu'il y a 100 passagers, que les pirates se revendiquent d'un homme qui est un des rebelles du Darfour...
Qui est à Paris.
...à qui nous avons donné asile depuis quelques années, Abdel Wahid Mohammed Nur, qui est le vrai chef de la rébellion, ou de la résistance du Darfour, qui dit qu'il ne connaît pas ces gens, et qui refuse absolument d'employer ces méthodes, ça n'est d'ailleurs pas son genre, c'est plutôt un homme pacifique. Et...
Kadhafi doit-il les garder en Libye ?
Si le colonel Kadhafi peut convaincre les pirates et ne pas endommager la vie des passagers, c'est très bien. Sinon, il faut tout faire pour que la vie des passagers soit protégée.
Cela veut-il dire que la France pourrait accepter d'accueillir chez elle les dix pirates de l'air ?
Je ne peux rien vous dire maintenant, mais nous envisageons tout pour que les passagers, les 100 passagers soient protégés.
Alors, la crise avec la Russie. M. Gorbatchev n'a pas caché ses craintes dès hier soir, il a dit : "la menace d'une nouvelle division du monde et d'un cataclysme planétaire augmentent". Est-ce qu'il exagère ?
Il "exagère" en donnant son plein appui à la reconnaissance annoncée par le Président Medvedev de l'Ossétie et de l'Abkhazie comme pays indépendants. Il exagère, il va trop vite et c'est très dangereux.
Mais il y a une menace qui monte ?
Ce sont les Russes qui la font monter, et en particulier, M. Gorbatchev, qui nous avait habitués à un peu plus de discernement.
D'accord, mais ce n'est pas lui qui est au pouvoir, c'est Poutine et Medvedev.
Non, mais lui soutient le pouvoir, soyons précis. D'accord.
Il explique que la Russie - M. Medvedev - ne craint pas la Guerre Froide. Est-ce que...
Oui, c'est un langage de...
Est-ce que c'est pour l'Europe une grave crise Est-Ouest ? Comment le définissez-vous ?
Je le définis comme un danger, et je la définis comme un refus très clair de la part de l'Europe, qui se manifestera mieux lors de la réunion des chefs d'Etat de lundi 1er septembre, les 27 chefs d'Etat vont évidemment réagir. Nous ne pouvons pas accepter ces violations de tout le droit international, des accords de sécurité et de coopération en Europe, des résolutions des Nations Unies, et la prise, c'est vrai, pour la première fois depuis longtemps, d'un territoire, par une armée d'un pays voisin.
Mais vous avez même hier dit et redouté que l'armée russe commence un nettoyage ethnique dans les deux petites républiques.
Oui, et je souhaite évidemment que ça ne se fasse pas, j'espère que ça ne s'est pas déroulé cette nuit. Mais il y a déjà eu des preuves que les armées poussent devant elles les Ossètes qui étaient favorables à la Géorgie, et que, d'une certaine façon, oui, se produit un nettoyage ethnique : les uns vont chez les Géorgiens, les autres chez les Russes. Et comme ça, évidemment ça va empirer et c'est une situation extrêmement dangereuse.
Est-ce que, pour l'Union européenne, la Russie est ce matin hors-la-loi internationale ?
Mais elle est hors-la-loi internationale, ce n'est pas seulement selon l'opinion de l'Union européenne. J'ai entendu tout à l'heure de très justes phrases. C'est l'occasion ou jamais, mauvaise occasion, triste occasion, nous ne l'avons pas cherchée, de faire exister l'Europe, dans une période où les Etats-Unis vont changer d'administration, dans une période où, finalement, un certain nombre d'échecs ont été clairement identifiés - échec de la politique américaine - l'Europe, l'Union européenne, les 27 pays, les 500 millions de personnes, la force économique de l'Europe, doivent se manifester dans cette crise pour l'arrêter et négocier une solution politique.
Mais est-ce que ça veut dire qu'il y a désormais un changement, que la Russie fait ce qu'elle veut, en toute impunité ? Et est-ce les Russes préfèrent aujourd'hui la confrontation à la coopération ? C'est-à-dire qu'on va les voir s'opposer et défier l'Union européenne, les Occidentaux en toutes circonstances ?
Ça n'est pas impossible. Je répète que c'est très dangereux. Il y a d'autres objectifs que l'on peut supposer être des objectifs pour la Russie, en particulier, la Crimée, l'Ukraine, la Moldavie, enfin, il y a d'autres objectifs. Je vous rappelle que tout ça ne date pas d'hier, que les conflits dans le Caucase sont des conflits extrêmement durs. Pendant des siècles, on s'est affrontés. Ces petites nationalités ou petites communautés, car elles ne sont pas nombreuses...En Ossétie, il y avait 70.0000 personnes, certainement séparées par deux clans : l'un, pro russe, l'autre, pro géorgien, ça fait 30. 000 personnes de chaque côté. Donc, faut-il qu'il y ait une confrontation à ce propos ? J'espère que non. C'est la solution politique qui doit être préférée, et nous verrons bien à la réunion de lundi. Mais je rappelle que la France, N. Sarkozy, votre serviteur, la diplomatie française, ont fait en sorte que la guerre ait cessé après quelques jours, c'est déjà un succès, parce que, sinon...
Oui, mais on en voit les effets ! Est-ce que...
Attendez, pardon, non, non, non !
...le plan à compromis, que vous êtes allé discuter...
Non, non ! Ne me montrez pas du doigt Monsieur ! Non, non !
... est-ce que le plan français est caduc ?
Non ! Laissez-moi finir. Ne dites pas "on en voit les effets" ! Les effets, vous les auriez vus si nous n'avions rien fait, parce que Tbilissi, la capitale aurait été prise, et le gouvernement de M. Saakachvili renversé par les Russes. Alors, je pense que ce n'est pas mal d'avoir existé comme Europe pour arrêter d'abord la bataille, et puis évidemment, les crimes, enfin... ! Deuxièmement, ils se...
Les chars russes sont toujours en Géorgie !
Oui, certains sont toujours en Géorgie, mais l'immense majorité s'est retirée. Donc, il y a d'autres points du protocole d'accord, il y en a quatre autres qu'il faut absolument appliquer, et je crois qu'au contraire, il faut suivre ce protocole d'accord.
Est-ce que vous allez retourner à Moscou ?
Si c'est nécessaire, bien sûr, oui, pourquoi pas.
Et N. Sarkozy, aussi ?
Ça, c'est au Président de décider.
... pour discuter avec M. Poutine ?
Je conseille à Monsieur Sarkozy de ne pas y aller tout de suite.
Que pouvez-vous faire, qu'est-ce qui peut être décidé lundi ? Vous dites qu'il y a une réunion du Conseil européen. Vous allez condamner, la condamnation sera unanime ? Qu'allez-vous faire ? Est-ce que, par exemple...
C'est drôle, il y a un vent de guerre ces temps-ci, il faut absolument qu'on prenne des attitudes de matamores. Une seconde ! Ce genre de conflit, ça dure des années, il va falloir 20 ans pour régler le conflit de la Géorgie, Monsieur Elkabbach ! Alors, ne nous précipitons pas, ne provoquons personne, c'est déjà assez provoqué d'un seul côté. Alors, nous verrons bien, je ne vais pas vous dire... on n'a pas encore le document, il faut consulter nos 26 partenaires, évidemment c'est en train d'être fait. Nous nous y employons, il y a d'ailleurs une Conférence des ambassadeurs qui se tient à Paris aujourd'hui, avec un discours de N. Sarkozy, qui ne manquera pas d'en parler.
Mais c'est vous qui parliez hier de "guerre" et de "menace de guerre". Donc, ce n'est pas nous qui l'avons inventé.
J'en parlais... Oui, bien sûr, mais personne n'ignore qu'il y a eu une pénétration militaire qui ressemblait à une guerre il y a quelques jours en Géorgie. Ne nous cachons pas derrière les mots, pas de querelle à ce propos ! C'est assez grave comme ça.
L'Afghanistan, vous avez dit hier devant les parlementaires : "il y aura encore des pertes".
Vous parlez maintenant de l'Afghanistan...
C'est ce que je dis... Quels que soient les risques, on reste en Afghanistan ?
Je crois que c'est nécessaire, je crois que c'est non seulement notre devoir mais c'est notre honneur. Je crois que la France n'a pas à même se poser la question d'abandonner ses alliés qui sont les 24 autres pays européens. Il n'y a que deux pays qui ne participent pas à cette opération, qu'on appelle "Peace making", et qu'on n'appelle pas "la guerre" - mais je ne veux pas me battre avec vous là-dessus, il y a des opérations de guerre, bien entendu. Simplement, nous sommes appelés par un gouvernement légitime et élu, le gouvernement de M. Karzaï, et nous ne faisons pas la guerre aux Afghans, ce sont eux qui nous appellent. Alors, ce n'est pas complètement pareil. On découvre des choses...
F. Hollande et le Parti socialiste disent que l'Otan doit redéfinir sa stratégie, et qu'il faudrait un calendrier de retrait.
Il a raison de dire cela, mais justement, c'est ce qu'on fait. Et si F. Hollande avait été plus attentif, ce que je lui propose, il se serait aperçu qu'à la Conférence de Paris, que nous avons organisée, la diplomatie française, eh bien c'est ce que nous avons décidé, ça a été accepté par tout le monde, et que ce plan est en voie d'application. Mais il change tous les jours, ce plan, il faut qu'il s'adapte. Bien sûr qu'il faut redéfinir, il faut s'adapter à une guerre très dure, une guerre faite par les talibans aux Afghans, pas à nous, et nous, nous aidons les Afghans.
Mais vous entendez la critique : en quoi les intérêts de la France sont-ils défendus en Afghanistan aux côtés des Américains ?
Je hais cette critique. D'abord, ce n'est pas une critique c'est une cécité, c'est même une couardise, parce que déjà nous sommes menacés. Regardez, Al-Qaïda se répand en face de nous, au Maghreb, ça s'appelle d'ailleurs "Al-Qaïda Maghreb", et tous les jours il y a des attentats. Alors, nous devons aussi abandonner nos amis Algériens, nos amis Mauritaniens, tous nos amis dans le monde entier ? Et d'ailleurs, qui sait si nous ne serons pas frappés ? La meilleure façon de se défendre c'est de résister à cela. Il y a des talibans qui sont très nationalistes, et ceux-là, peut-être, pourra-t-on parler avec eux, c'est ceux de Monsieur, comment il s'appelle ? Le mollah Omar. Et puis, il y en a qui ont décrété le djihad mondial, le djihad global, et ceux-là ne peuvent être que des ennemis.
Vous dites : "la solution n'est pas militaire, elle est politique".
Je le dis.
Si elle est politique, avec qui négocie-t-on ?
On négocie avec le gouvernement Karzaï, qui négociera avec qui il veut et en particulier avec ses adversaires. Nous n'en sommes pas là mais il faudra le faire. Il n'y aura pas de solution militaire, il faut donner le pouvoir, tous les pouvoirs aux Afghans.
Le PS s'est réuni à La Rochelle. Sur tous ces problèmes internationaux, que lui demandez-vous ?
Qu'il se calme.
Pourquoi, que fait-il ?
Tous les jours, il y a un concurrent différent et tous les jours, il y a une surenchère et en général, ils ne pensent pas les mots durs qu'ils prononcent. Donc, je ne vois pas pourquoi trouver - et il faut qu'ils le fassent - une stratégie et un responsable, dont ils ont besoin, doit consister à dire de plus en plus de choses négatives et violentes.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 27 août 2008
Qu'il a été détourné sur Kouffra, en Libye, qu'il est sur une base militaire aérienne libyenne, qu'il y a 100 passagers, que les pirates se revendiquent d'un homme qui est un des rebelles du Darfour...
Qui est à Paris.
...à qui nous avons donné asile depuis quelques années, Abdel Wahid Mohammed Nur, qui est le vrai chef de la rébellion, ou de la résistance du Darfour, qui dit qu'il ne connaît pas ces gens, et qui refuse absolument d'employer ces méthodes, ça n'est d'ailleurs pas son genre, c'est plutôt un homme pacifique. Et...
Kadhafi doit-il les garder en Libye ?
Si le colonel Kadhafi peut convaincre les pirates et ne pas endommager la vie des passagers, c'est très bien. Sinon, il faut tout faire pour que la vie des passagers soit protégée.
Cela veut-il dire que la France pourrait accepter d'accueillir chez elle les dix pirates de l'air ?
Je ne peux rien vous dire maintenant, mais nous envisageons tout pour que les passagers, les 100 passagers soient protégés.
Alors, la crise avec la Russie. M. Gorbatchev n'a pas caché ses craintes dès hier soir, il a dit : "la menace d'une nouvelle division du monde et d'un cataclysme planétaire augmentent". Est-ce qu'il exagère ?
Il "exagère" en donnant son plein appui à la reconnaissance annoncée par le Président Medvedev de l'Ossétie et de l'Abkhazie comme pays indépendants. Il exagère, il va trop vite et c'est très dangereux.
Mais il y a une menace qui monte ?
Ce sont les Russes qui la font monter, et en particulier, M. Gorbatchev, qui nous avait habitués à un peu plus de discernement.
D'accord, mais ce n'est pas lui qui est au pouvoir, c'est Poutine et Medvedev.
Non, mais lui soutient le pouvoir, soyons précis. D'accord.
Il explique que la Russie - M. Medvedev - ne craint pas la Guerre Froide. Est-ce que...
Oui, c'est un langage de...
Est-ce que c'est pour l'Europe une grave crise Est-Ouest ? Comment le définissez-vous ?
Je le définis comme un danger, et je la définis comme un refus très clair de la part de l'Europe, qui se manifestera mieux lors de la réunion des chefs d'Etat de lundi 1er septembre, les 27 chefs d'Etat vont évidemment réagir. Nous ne pouvons pas accepter ces violations de tout le droit international, des accords de sécurité et de coopération en Europe, des résolutions des Nations Unies, et la prise, c'est vrai, pour la première fois depuis longtemps, d'un territoire, par une armée d'un pays voisin.
Mais vous avez même hier dit et redouté que l'armée russe commence un nettoyage ethnique dans les deux petites républiques.
Oui, et je souhaite évidemment que ça ne se fasse pas, j'espère que ça ne s'est pas déroulé cette nuit. Mais il y a déjà eu des preuves que les armées poussent devant elles les Ossètes qui étaient favorables à la Géorgie, et que, d'une certaine façon, oui, se produit un nettoyage ethnique : les uns vont chez les Géorgiens, les autres chez les Russes. Et comme ça, évidemment ça va empirer et c'est une situation extrêmement dangereuse.
Est-ce que, pour l'Union européenne, la Russie est ce matin hors-la-loi internationale ?
Mais elle est hors-la-loi internationale, ce n'est pas seulement selon l'opinion de l'Union européenne. J'ai entendu tout à l'heure de très justes phrases. C'est l'occasion ou jamais, mauvaise occasion, triste occasion, nous ne l'avons pas cherchée, de faire exister l'Europe, dans une période où les Etats-Unis vont changer d'administration, dans une période où, finalement, un certain nombre d'échecs ont été clairement identifiés - échec de la politique américaine - l'Europe, l'Union européenne, les 27 pays, les 500 millions de personnes, la force économique de l'Europe, doivent se manifester dans cette crise pour l'arrêter et négocier une solution politique.
Mais est-ce que ça veut dire qu'il y a désormais un changement, que la Russie fait ce qu'elle veut, en toute impunité ? Et est-ce les Russes préfèrent aujourd'hui la confrontation à la coopération ? C'est-à-dire qu'on va les voir s'opposer et défier l'Union européenne, les Occidentaux en toutes circonstances ?
Ça n'est pas impossible. Je répète que c'est très dangereux. Il y a d'autres objectifs que l'on peut supposer être des objectifs pour la Russie, en particulier, la Crimée, l'Ukraine, la Moldavie, enfin, il y a d'autres objectifs. Je vous rappelle que tout ça ne date pas d'hier, que les conflits dans le Caucase sont des conflits extrêmement durs. Pendant des siècles, on s'est affrontés. Ces petites nationalités ou petites communautés, car elles ne sont pas nombreuses...En Ossétie, il y avait 70.0000 personnes, certainement séparées par deux clans : l'un, pro russe, l'autre, pro géorgien, ça fait 30. 000 personnes de chaque côté. Donc, faut-il qu'il y ait une confrontation à ce propos ? J'espère que non. C'est la solution politique qui doit être préférée, et nous verrons bien à la réunion de lundi. Mais je rappelle que la France, N. Sarkozy, votre serviteur, la diplomatie française, ont fait en sorte que la guerre ait cessé après quelques jours, c'est déjà un succès, parce que, sinon...
Oui, mais on en voit les effets ! Est-ce que...
Attendez, pardon, non, non, non !
...le plan à compromis, que vous êtes allé discuter...
Non, non ! Ne me montrez pas du doigt Monsieur ! Non, non !
... est-ce que le plan français est caduc ?
Non ! Laissez-moi finir. Ne dites pas "on en voit les effets" ! Les effets, vous les auriez vus si nous n'avions rien fait, parce que Tbilissi, la capitale aurait été prise, et le gouvernement de M. Saakachvili renversé par les Russes. Alors, je pense que ce n'est pas mal d'avoir existé comme Europe pour arrêter d'abord la bataille, et puis évidemment, les crimes, enfin... ! Deuxièmement, ils se...
Les chars russes sont toujours en Géorgie !
Oui, certains sont toujours en Géorgie, mais l'immense majorité s'est retirée. Donc, il y a d'autres points du protocole d'accord, il y en a quatre autres qu'il faut absolument appliquer, et je crois qu'au contraire, il faut suivre ce protocole d'accord.
Est-ce que vous allez retourner à Moscou ?
Si c'est nécessaire, bien sûr, oui, pourquoi pas.
Et N. Sarkozy, aussi ?
Ça, c'est au Président de décider.
... pour discuter avec M. Poutine ?
Je conseille à Monsieur Sarkozy de ne pas y aller tout de suite.
Que pouvez-vous faire, qu'est-ce qui peut être décidé lundi ? Vous dites qu'il y a une réunion du Conseil européen. Vous allez condamner, la condamnation sera unanime ? Qu'allez-vous faire ? Est-ce que, par exemple...
C'est drôle, il y a un vent de guerre ces temps-ci, il faut absolument qu'on prenne des attitudes de matamores. Une seconde ! Ce genre de conflit, ça dure des années, il va falloir 20 ans pour régler le conflit de la Géorgie, Monsieur Elkabbach ! Alors, ne nous précipitons pas, ne provoquons personne, c'est déjà assez provoqué d'un seul côté. Alors, nous verrons bien, je ne vais pas vous dire... on n'a pas encore le document, il faut consulter nos 26 partenaires, évidemment c'est en train d'être fait. Nous nous y employons, il y a d'ailleurs une Conférence des ambassadeurs qui se tient à Paris aujourd'hui, avec un discours de N. Sarkozy, qui ne manquera pas d'en parler.
Mais c'est vous qui parliez hier de "guerre" et de "menace de guerre". Donc, ce n'est pas nous qui l'avons inventé.
J'en parlais... Oui, bien sûr, mais personne n'ignore qu'il y a eu une pénétration militaire qui ressemblait à une guerre il y a quelques jours en Géorgie. Ne nous cachons pas derrière les mots, pas de querelle à ce propos ! C'est assez grave comme ça.
L'Afghanistan, vous avez dit hier devant les parlementaires : "il y aura encore des pertes".
Vous parlez maintenant de l'Afghanistan...
C'est ce que je dis... Quels que soient les risques, on reste en Afghanistan ?
Je crois que c'est nécessaire, je crois que c'est non seulement notre devoir mais c'est notre honneur. Je crois que la France n'a pas à même se poser la question d'abandonner ses alliés qui sont les 24 autres pays européens. Il n'y a que deux pays qui ne participent pas à cette opération, qu'on appelle "Peace making", et qu'on n'appelle pas "la guerre" - mais je ne veux pas me battre avec vous là-dessus, il y a des opérations de guerre, bien entendu. Simplement, nous sommes appelés par un gouvernement légitime et élu, le gouvernement de M. Karzaï, et nous ne faisons pas la guerre aux Afghans, ce sont eux qui nous appellent. Alors, ce n'est pas complètement pareil. On découvre des choses...
F. Hollande et le Parti socialiste disent que l'Otan doit redéfinir sa stratégie, et qu'il faudrait un calendrier de retrait.
Il a raison de dire cela, mais justement, c'est ce qu'on fait. Et si F. Hollande avait été plus attentif, ce que je lui propose, il se serait aperçu qu'à la Conférence de Paris, que nous avons organisée, la diplomatie française, eh bien c'est ce que nous avons décidé, ça a été accepté par tout le monde, et que ce plan est en voie d'application. Mais il change tous les jours, ce plan, il faut qu'il s'adapte. Bien sûr qu'il faut redéfinir, il faut s'adapter à une guerre très dure, une guerre faite par les talibans aux Afghans, pas à nous, et nous, nous aidons les Afghans.
Mais vous entendez la critique : en quoi les intérêts de la France sont-ils défendus en Afghanistan aux côtés des Américains ?
Je hais cette critique. D'abord, ce n'est pas une critique c'est une cécité, c'est même une couardise, parce que déjà nous sommes menacés. Regardez, Al-Qaïda se répand en face de nous, au Maghreb, ça s'appelle d'ailleurs "Al-Qaïda Maghreb", et tous les jours il y a des attentats. Alors, nous devons aussi abandonner nos amis Algériens, nos amis Mauritaniens, tous nos amis dans le monde entier ? Et d'ailleurs, qui sait si nous ne serons pas frappés ? La meilleure façon de se défendre c'est de résister à cela. Il y a des talibans qui sont très nationalistes, et ceux-là, peut-être, pourra-t-on parler avec eux, c'est ceux de Monsieur, comment il s'appelle ? Le mollah Omar. Et puis, il y en a qui ont décrété le djihad mondial, le djihad global, et ceux-là ne peuvent être que des ennemis.
Vous dites : "la solution n'est pas militaire, elle est politique".
Je le dis.
Si elle est politique, avec qui négocie-t-on ?
On négocie avec le gouvernement Karzaï, qui négociera avec qui il veut et en particulier avec ses adversaires. Nous n'en sommes pas là mais il faudra le faire. Il n'y aura pas de solution militaire, il faut donner le pouvoir, tous les pouvoirs aux Afghans.
Le PS s'est réuni à La Rochelle. Sur tous ces problèmes internationaux, que lui demandez-vous ?
Qu'il se calme.
Pourquoi, que fait-il ?
Tous les jours, il y a un concurrent différent et tous les jours, il y a une surenchère et en général, ils ne pensent pas les mots durs qu'ils prononcent. Donc, je ne vois pas pourquoi trouver - et il faut qu'ils le fassent - une stratégie et un responsable, dont ils ont besoin, doit consister à dire de plus en plus de choses négatives et violentes.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 27 août 2008