Interview de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat à l'emploi, à "Europe 1" le 11 septembre 2008, sur l'emploi, le développement économique et le limogeage d'un haut fonctionnaire en Corse et sur les suppressions d'emploi annoncées par Renault.

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Média : Europe 1

Texte intégral

M.-O. Fogiel.- L. Wauquiez, bonjour. Huit jours après l'affaire Clavier, vous êtes le premier membre du Gouvernement à vous rendre en Corse. Vous y êtes allé pour parler emploi, mais est-ce que vous y êtes allé avec appréhension ?

Non. Vous savez, j'ai déjà travaillé en Corse pendant plus d'un an.

Mais depuis, il s'est passé des petites choses quand même !

Oui, mais ce qui est finalement étonnant quand on parle de la Corse, c'est quand on regarde la façon dont on la traite au niveau national, c'est qu'on en parle trop souvent sous l'angle des faits divers et de l'aspect négatif. C'est un peu ce que m'ont fait remarquer les Corse. Ils m'ont dit : "là, ça nous fait plaisir, on va enfin parler des vrais dossiers et des vrais enjeux de la Corse : l'emploi, le développement économique".

On va en parler. Pour conclure sur cette affaire Clavier, vous dormez chez C. Clavier, L. Wauquiez ?

Non, pas du tout. Par contre, c'est vrai que je vois depuis l'endroit où je suis, pas très loin, le lotissement de Punta d'Oro où est intervenu cet incident.

Vous ne craignez pas d'être pris à parti, qu'on vous demande des comptes sur le limogeage du "Monsieur sécurité" D. Rossi, puisque c'est quand même ça le contexte actuel ?

Non. En tout cas, les réactions que j'ai eues de la part des habitants, notamment de Porto-Vecchio, qu'on a déjà été amenés à rencontrer, c'est de nous dire : "enfin, c'est quand même évident que quand il y a une violation du droit de propriété, il faut quand même regarder ce qu'il s'est passé, c'est cinquante personnes qui traversent cinq propriétés successivement pour aller se flanquer de chez vous, les force de police qui sont alertées la veille et qui ne font rien".

Mais ce n'est pas la première fois que ça se passe en Corse. Est-ce que N. Sarkozy vous a fait passer un message particulier avant votre déplacement, du style "vas-y la tête haute et ne te laisse pas impressionner" ?

Non, le seul message que j'essaie de faire passer, c'est dire : "parlons de la Corse pour le positif, parlons de la Corse pour ce qui est vraiment important, c'est-à-dire notamment l'emploi, et parlons en un peu moins pour les faits divers". Qui, par exemple, sait que la Corse est la région de France qui a eu la meilleure amélioration de la situation de l'emploi au cours de l'année qui s'est écoulée ?

Je comprends. Sur le dossier corse proprement dit, la fonction publique représente 31 % de l'emploi salarié sur l'île. En France métropolitaine, par comparaison, c'est 23 %. Est-ce qu'il y a trop de fonctionnaires en Corse ?

Ce qui justement est intéressant, c'est que le Président de la République, à travers les investissements en Corse, a enclenché un développement important du secteur privé. C'est lui qui aujourd'hui tient l'emploi. Tout à l'heure, je vais aller voir un chantier d'un barrage qui est notamment construit entre autres avec EDF et qui a permis d'insérer une trentaine de jeunes qu'on a réorientés en direction du BTP. Hier, j'étais avec un certain nombre d'entrepreneurs dont notamment un créateur d'entreprise qui a crée la bière Pietra, à partir de rien, il y a sept à huit ans ; aujourd'hui ils emploient cinquante personnes.

Excusez-moi, je n'ai pas compris la réponse à ma question. Est-ce qu'il trop de fonctionnaires en Corse ?

Non. Je pense que par contre, il y a un secteur économique privé qu'on doit développer. Ce n'est pas qu'il y ait trop de fonctionnaires, c'est qu'on a un secteur économique privé qu'il faut qu'on tire vers le haut.

Pour terminer, vous êtes donc le secrétaire d'Etat chargé de l'Emploi. Aujourd'hui les salariés de Renault font grève à l'appel de la CGT. Vous avez estimé qu'il fallait faire payer leur responsabilité aux grands groupes qui suppriment des emplois en France et parfois délocalisent. Alors, clairement, vous exigez qu'ils rendent toutes les aides auxquelles ils ont eu droit ?

Ce que j'exige, c'est qu'on applique et qu'on explique de façon rigoureuse - c'est d'ailleurs ce à quoi je vais veiller parce que c'est mon travail - que quand un grand groupe, tout d'un coup, supprime un certain nombre d'emplois sur un bassin économique, je ne peux pas accepter qu'il laisse derrière lui une politique de terre brûlée. Il y a notamment une loi qu'on applique de façon trop insuffisante qui consiste à exiger que derrière, il investisse pour revitaliser et recréer de nouveaux emplois. Ce que je ne peux pas accepter, c'est qu'un groupe comme Renault, du jour au lendemain, lève tous les emplois et laisse derrière lui un champ de ruines. Parce que derrière, il y a des entreprises qu'on doit reconstruire, des sous-traitants qui vont peut-être souffrir, d'autres entreprises et d'autres emplois que je ne veux pas voir menacés. Donc je suis très clair, ils ont une responsabilité, il y a une loi qui est là pour faire en sorte qu'elle soit exercée et je veillerai à ce qu'elle soit appliquée.

Très bien. Pour terminer, j'imagine qu'en Corse, vous avez acheté l'Express ou le Nouvel Obs, N. Sarkozy et ses amis, notamment C. Clavier.

Oui, j'ai regardé évidemment. Je trouve cela assez surréaliste. Il y a quelque chose qu'on oublie un peu, la Corse n'est pas une chasse gardée du Président, c'est un territoire qui a voté pour lui à plus de 60 % et c'est aussi sans doute pour cela que ça nous oblige à ne pas reproduire les vieilles pratiques et les vieux petits accords qui existaient en Corse, mais porter une image plus positive.

Merci L. Wauquiez d'avoir été en ligne ce matin sur Europe 1.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 11 septembre 2008