Texte intégral
Nous voici donc au bout d'une longue séance. Ce fut un débat ouvert, approfondi et franc, c'est-à-dire assez développé, musclé. Nous avons, les uns et les autres - c'est cela l'intérêt du Gymnich, c'est que l'on se dit tout, avec une certaine fraternité qui permet parfois une certaine rudesse -, exprimé nos sensibilités. Personnellement, je n'étais que le président et le rôle de la présidence c'est d'essayer de dégager un consensus et de tenir compte de tous les avis, ce que nous nous sommes efforcés de faire.
Nous nous sommes tous engagés, malgré des points de vue différents, à maintenir l'unité européenne. Ce mot, vous l'entendez souvent mais il est parfois complètement indispensable, surtout face à la situation qui prévaut en Géorgie. Nous jugeons que l'unité européenne est déterminante et, dans ce cadre, nous avons tous soutenu - les 27 pays - la démarche du président de la République Nicolas Sarkozy et de la Présidence française du Conseil de l'Union européenne à Moscou et à Tbilissi, lundi prochain. Il convient de noter la détermination de l'Union européenne à continuer d'assumer ses responsabilités dans cette crise, mais aussi de songer à en assumer d'autres préventivement afin de diminuer les tensions qui pourraient naître et que les uns et les autres nous signale un peu partout.
Puisque les crises sont tellement difficiles à arrêter, peut-être vaut-il mieux prévenir. Nous nous sommes efforcés d'y penser. Nous avons aussi renforcé l'appui de l'Union européenne à notre présence en Géorgie. D'abord dans le domaine humanitaire, Benita Ferrero-Waldner vous en parlera ; dans la reconstruction, nous vous dirons les sommes qui ont été déjà dégagés ; et nous avons renforcé, Javier Solana vous en parlera, notre appui au déploiement d'une mission autonome de la PESD en coordination, avec les missions de l'OSCE et des Nations unies.
Nous avons également noté, tous ensemble, l'importance de maintenir le dialogue à long terme - à court également - avec la Russie. A cet égard, le voyage de lundi prochain à Moscou est très important. Les Russes nous ont dit, nous en verrons la forme, qu'ils respecteraient leurs engagements, c'est-à-dire les engagements qu'ils ont contracté en signant l'accord en six points. Nous avons tous souligné la nécessité d'une enquête internationale sur le déroulement du conflit en Géorgie. Il faut que cette enquête soit lancée au plus vite. Nous avons également tous souligné la nécessité d'une conférence internationale.
Et puis nous avons entendu ce matin, la position des Turcs par la voix du ministre des Affaires étrangères, Ali Babacan, sur le projet turc d'une plateforme régionale Russie-Turquie-Caucase, c'est-à-dire Azerbaïdjan, Arménie et Géorgie. Nous avons noté, avec beaucoup d'intérêt, que pour la première fois les Turcs allaient en Arménie, d'accord à l'occasion du match de football, mais qu'ils allaient rencontrer pendant trois heures les dirigeants arméniens. Nous avons affirmé, dans le cadre qui nous intéressait, l'importance de rétablir un contact. Il n'y en avait pas eu depuis 18 ans. Je me souviens du tremblement de terre en Erevan, parce que nous avions réussi - grand exploit - à faire passer un train de secours par la frontière turque jusqu'en Arménie - et pas deux, il y en avait deux. Maintenant, ils vont se parler et je trouve que c'est encourageant par rapport à nos démarches. Qu'attendons-nous des Russes lundi ? Nous attendons des Russes le respect de l'engagement donné dans la mise en oeuvre de l'accord en six points : le retrait des troupes russes, donc, et un esprit de dialogue maintenu avec l'Union européenne et jusque-là cet esprit n'a pas fait défaut.
Cet après-midi nous avons parlé d'un certain nombres de points très importants. Mais c'est toujours difficile d'en avoir plus de deux ; trois c'est déjà trop long ; six ce n'est pas possible. Nous avons parlé du Processus de paix au Moyen-Orient et nous avons décidé d'y revenir bientôt.
Q - Avez-vous abordé ce plan avec le président Medvedev d'essayer de mettre en place un nouvel encadrement des relations sécuritaires entre l'Ouest et la Russie ? Qu'est-ce qui a été évoqué ? Quelle a été l'ambiance des discussions ? Certains ministres ont laissé entendre qu'ils étaient certains qu'il fallait faire quelque chose, un geste envers la Russie, lui tendre la main. Alors ? L'impression qu'on en a tiré, c'est que quelque chose pourrait évoluer dans les relations avec la Russie, dans le sens de ce que souhaitait le président Medvedev. Est-ce également votre impression ?
R - Oui, bien sûr, mais vous avez peut-être remarqué que quelque chose a changé depuis l'excellent discours du président Medvedev. Nous sommes tout à fait déterminés à trouver un terrain d'entente, à parler la même langue avec la Russie, ce grand pays voisin. Il ne fait aucun doute qu'il faudra trouver des modalités d'entretenir le dialogue. Pas lorsqu'il sera trop tard.
Cette crise est importante parce que nous nous sommes aperçus que ce n'est pas tout à fait ce que M. Medvedev nous avait proposé. Je pense qu'il faut prendre un peu de recul et relancer les contacts. Disons que pour cette fois ce n'est pas entièrement le problème. Nous sommes prêts à développer notre relation en toute amitié, mais l'horizon est lundi, à Moscou, on va voir d'abord s'il est prêt à honorer sa signature. Des six points, deux, trois, ont été mis en place, qu'en est-il du reste ?
Les 27 Etats membres appuient cette démarche consistant pour la présidence française du Conseil de l'Union européenne à se rendre à Moscou lundi. Si c'est un succès, il sera opportun de relancer le processus et de suivre la voie proposée par le président Medvedev.
Q - Monsieur Kouchner, vous avez dit que vous alliez aller à Moscou pour faire en sorte que les Russes s'en tiennent à leurs engagements. A votre avis, combien de temps faudra-t-il attendre pour qu'ils remplissent leurs engagements ? Quelques semaines ? Quelques mois ? D'autre part, vous avez mentionné qu'un futur objectif pourrait être l'Ukraine ou la république moldave. Qu'en est-il ?
R - Tout d'abord, il faut attendre lundi, au moins lundi. Tout dépendra de la réponse qui sera apportée par la Russie. Est-ce que les Russes vont apporter une réponse sur les deux ou trois points encore en suspens ? Je l'espère. Est-ce que l'on va vers l'avènement d'un véritable accord lié à cette crise en Géorgie ou est-ce que les Russes, avec les Nations unies, avec l'OSCE, sont prêts à s'asseoir à la même table et, si c'est le cas, quand ? Pourront-ils le faire ? Nous, en tout cas, nous sommes bien sûr prêts à favoriser cette situation.
Mais vous savez, à chaque fois que vous nous en parlez, il y a toujours cette idée sous-jacente de sanctions. Pour nous, ce n'est pas l'essentiel. Pour nous, l'essentiel c'est de trouver une solution afin de résoudre les problèmes que nous rencontrons. Est-ce que vous pensez vraiment que des sanctions seraient utiles ? La diplomatie, la politique ne reposent pas uniquement sur les sanctions. Il y a un inventaire très long de sanctions qui ont été inutiles même si, effectivement, certaines d'entre-elles ont été utiles. Mais je crois, de toute façon, que l'heure n'est pas aux sanctions. Nous verrons ce qui se passera lundi avec M. Sarkozy et Javier Solana à Moscou.
Pour ce qui est du reste, bien sûr nous en avons discuté. C'est la raison pour laquelle j'ai dit quelques mots sur la prévention. Nous savons, en effet, que dans ces pays tout particulièrement, on a peur de subir la même pression. L'Union européenne en est tout à fait consciente et fera en sorte de prévenir l'avènement d'autres crises.
Q - A propos de la présence américaine en Géorgie et dans la région. Dick Cheney vient de terminer une tournée dans la région et vient de visiter la Géorgie et l'Ukraine. En même temps, des navires américains s'approchent. Ce sont deux facteurs qui braquent les Russes. Ne pensez-vous pas qu'en même temps que l'on discute avec les Russes, on devrait également voir quelles sont les vraies ambitions américaines, parce que si les Américains nous sabotent, en quelque sorte, s'ils veulent autre chose que ce que nous souhaitons, est-ce que les Russes cèderont aux exigences européennes ?
R - Nous parlons avec nos amis américains. Nous parlons également avec nos amis russes. Alors je sais que l'on me reproche de dire "nos amis". N'oubliez pas que c'est Mme Rice qui est allé faire signer - parce que nous avions oublié la signature - l'accord à M. Saakachvili. Cette proposition de la Présidence française du Conseil de l'Union européenne est donc une proposition euro-américaine. Nous sommes ensemble en permanence et nous nous entretenons en permanence.
Du côté russe, nous attendons lundi mais nous avons des échanges trois ou quatre fois par jour. Nous jouons donc notre rôle. Nous avons dit que l'Union européenne était de retour dans une crise qui la concerne. Ce n'est pas l'Union européenne mais c'est juste à côté. Nous avons joué notre rôle pleinement. Heureusement d'ailleurs parce que je vous rappelle que si nous n'avions pas joué ce rôle, je ne vois pas qui l'aurait fait. On ne se précipitait pas au portillon. Il y avait un vide total.
Le vice-président Cheney a visité la région mais qu'est-ce que cela a changé ? Ils ont donné beaucoup d'argent pour la reconstruction, cela est très important. Nous allons donner beaucoup d'argent pour la reconstruction également. Il n'y a pas de compétition à ce niveau, nous pouvons le faire ensemble. Je pense que soutenir l'économie géorgienne est très important dans cette période de crise. Pour le reste, cela ne se règlera que politiquement et pas par des bateaux de guerre.
Est-ce que cela braque les Russes ? Il est évident que tout ce qui entretient une tension autour de la Russie peut agacer les Russes. Mais qui entretient la tension autour de la Russie ? Souvent, ce sont les Russes. Il faut donc détendre cette atmosphère.
Pour le moment, nous voulons que les Russes regagnent les lignes d'avant la crise, c'est-à-dire les lignes d'avant le 7 août. Il restera évidemment des forces russes en Ossétie du Sud. A partir de là, on commencera, je l'espère, à entreprendre un dialogue politique.
Que voulez-vous que l'on fasse autrement ? Crier "sanctions, sanctions" et sauter comme un cabri. Pour ceux qui peuvent se rappeler les vrais propos de l'histoire, cela changera quoi ? Il faut régler ce problème et il n'est pas facile à régler.
Q - Il paraît que M. Miliband proposait hier pendant votre réunion que chacun d'entre vous écrive sur un petit bout de papier le nom du candidat présidentiel américain que vous prévoyez comme gagnant de l'élection. Combien d'entre vous y ont répondu et quelle a été votre réponse ?
R - Cela ne vous regarde pas, mais j'ai répondu. J'avais déjà répondu à M. Miliband à Paris. Je crois que tout le monde a répondu.
Q - On parle beaucoup du plan en six points. Existe-t-il un document signé par les présidents Sarkozy et Medvedev ? Si oui, d'où vient la difficulté d'interprétation de cet accord ?
R - De la traduction, comme toujours. Le document en français a été approuvé en ma présence. Il a été traduit en anglais et en russe. Je connais en particulier une difficulté d'interprétation - les autres sont sans importance -, il s'agit des expressions "de l'Ossétie" et "en Ossétie". Il y a eu une lettre du président Sarkozy précisant ces points, dans notre interprétation française puisque c'est nous qui avions écrit ce texte. A part cela, il s'agit exactement du même document.
Q - Sur le Proche-Orient, sur le Processus de paix, quelle était l'évaluation de la situation et comment l'Union européenne va inciter la prochaine administration américaine à s'attaquer aux problèmes du Proche-Orient dès les premiers jours ?
R - Nous allons essayer de convaincre la nouvelle administration américaine de ne pas attendre la dernière année pour s'attaquer à ce problème majeur. Pour ce qui nous concerne, pour Bruxelles et pour de nombreux autres pays, le candidat McCain comme le candidat Obama ont visité nos pays et nous en avons parlé, comme d'ailleurs nous avons parlé de bien d'autres sujets. Mais cela ne dépend pas seulement de notre bon vouloir. C'est ce que nous avons voulu évoquer dans nos conversations - qui ne sont pas terminés - qui s'achèveront, je l'espère, par un texte à l'occasion du deuxième Gymnich, à Paris.
Nous avons voulu parler de ces problèmes, très particulièrement au Moyen-Orient, dans lesquelles la présence politique où l'appui politique de l'Union européenne nous paraissaient intéressants et que nous devions développer avec nos partenaires américains.
Mais n'allez pas trop vite en besogne, le Processus d'Annapolis, même s'il est endommagé ou même s'il y a des regards pessimistes à son égard, comporte quelques avancées qu'il ne faut pas négliger. Il y a un an et demi, il n'y avait pas les pourparlers.
Ce matin M. Babacan, le ministre turc, est venu nous dire où en était la médiation turque entre les Syriens et les Israéliens. Une quatrième réunion va avoir lieu, le médiateur est revenu et, apparemment, on va passer à la négociation directe. Je ne sais pas quand mais dans un avenir assez proche. Les Israéliens et les Syriens se parlent.
Par ailleurs, il était inimaginable que l'on puisse compter sur un président libanais, un gouvernement libanais, une acceptation du plan gouvernemental par une assemblée libanaise : c'est fait. Il était inimaginable que l'on échange des ambassadeurs. Il y a une reconnaissance de jure et non de facto du Liban par la Syrie : c'est fait.
Du côté palestinien, il y a théoriquement une trêve à Gaza et le Hamas, par l'intermédiaire de l'Egypte, s'est entendu avec Israël. Et puis, je ne sais pas comment cela va se passer puisqu'il y a des élections au parti Kadima, le 17 septembre, mais M. Olmert et M. Mazen, pour l'heure, continuent à se parler et on évoque un document qui sera peut-être proposé.
Tous ces éléments sont positifs et nous insistons, il faut absolument que cela se poursuive. Là aussi il y a un progrès. Tout le monde disait, parce que le président Bush l'avait dit, qu'avant la fin de l'année... Eh bien non ! Il faut que le processus soit continu, il ne faut pas que cela s'arrête. Tout cela va dans le sens d'une réponse moins négative que prévu même si les colonies de peuplement continuent, même si on n'a pas été assez précis sur ce point, etc. Il faut tout de même poursuivre ce processus en espérant fortement.
Q - Les Russes ayant reconnu l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie, en ce qui concerne la visite à Moscou de lundi prochain, comment peut-on estimer que les Russes coopèrent avec les six points du plan ? Sur un autre sujet, soutenez-vous l'idée que le ministre des Affaires étrangères biélorusse devrait être invité au prochain conseil, à Bruxelles, le 15 septembre ?
R - La décision n'est pas prise pour le 15 septembre. Pour le reste, dans les six points, il n'y a rien sur la reconnaissance. Nous parlons de l'arrêt de la guerre et du début des pourparlers. Quant à l'Ossétie, la référence, si je ne m'abuse, dans le sixième point, c'est l'idée d'une conférence qui s'intéresse à la stabilité et à la sécurité de l'Ossétie et de l'Abkhazie.
Q - Pouvez-vous nous dire quels sont les pays qui sont intervenus plus fortement durant la réunion ?
R - Je ne veux pas jouer les délateurs, je présidais la réunion, mais en effet - et c'est cela le Gymnich, on s'exprime fortement - cela change un petit peu du ton habituel et des ronrons. Il y a des gens qui ont subi de près une domination, encore récente, et qui sont très déterminés, ce que nous comprenons très bien.
Pour finir, cette session qui était vouée à l'échec puisque les sujets étaient difficiles, surtout la Géorgie, a pourtant, de l'avis de tous les ministres, été très utile. Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est un succès mais on n'est pas loin. Nous verrons lundi, prochaine échéance, et mardi puisque nous avons le sommet UE-Ukraine, et puis également le 15 septembre.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 septembre 2008
Nous nous sommes tous engagés, malgré des points de vue différents, à maintenir l'unité européenne. Ce mot, vous l'entendez souvent mais il est parfois complètement indispensable, surtout face à la situation qui prévaut en Géorgie. Nous jugeons que l'unité européenne est déterminante et, dans ce cadre, nous avons tous soutenu - les 27 pays - la démarche du président de la République Nicolas Sarkozy et de la Présidence française du Conseil de l'Union européenne à Moscou et à Tbilissi, lundi prochain. Il convient de noter la détermination de l'Union européenne à continuer d'assumer ses responsabilités dans cette crise, mais aussi de songer à en assumer d'autres préventivement afin de diminuer les tensions qui pourraient naître et que les uns et les autres nous signale un peu partout.
Puisque les crises sont tellement difficiles à arrêter, peut-être vaut-il mieux prévenir. Nous nous sommes efforcés d'y penser. Nous avons aussi renforcé l'appui de l'Union européenne à notre présence en Géorgie. D'abord dans le domaine humanitaire, Benita Ferrero-Waldner vous en parlera ; dans la reconstruction, nous vous dirons les sommes qui ont été déjà dégagés ; et nous avons renforcé, Javier Solana vous en parlera, notre appui au déploiement d'une mission autonome de la PESD en coordination, avec les missions de l'OSCE et des Nations unies.
Nous avons également noté, tous ensemble, l'importance de maintenir le dialogue à long terme - à court également - avec la Russie. A cet égard, le voyage de lundi prochain à Moscou est très important. Les Russes nous ont dit, nous en verrons la forme, qu'ils respecteraient leurs engagements, c'est-à-dire les engagements qu'ils ont contracté en signant l'accord en six points. Nous avons tous souligné la nécessité d'une enquête internationale sur le déroulement du conflit en Géorgie. Il faut que cette enquête soit lancée au plus vite. Nous avons également tous souligné la nécessité d'une conférence internationale.
Et puis nous avons entendu ce matin, la position des Turcs par la voix du ministre des Affaires étrangères, Ali Babacan, sur le projet turc d'une plateforme régionale Russie-Turquie-Caucase, c'est-à-dire Azerbaïdjan, Arménie et Géorgie. Nous avons noté, avec beaucoup d'intérêt, que pour la première fois les Turcs allaient en Arménie, d'accord à l'occasion du match de football, mais qu'ils allaient rencontrer pendant trois heures les dirigeants arméniens. Nous avons affirmé, dans le cadre qui nous intéressait, l'importance de rétablir un contact. Il n'y en avait pas eu depuis 18 ans. Je me souviens du tremblement de terre en Erevan, parce que nous avions réussi - grand exploit - à faire passer un train de secours par la frontière turque jusqu'en Arménie - et pas deux, il y en avait deux. Maintenant, ils vont se parler et je trouve que c'est encourageant par rapport à nos démarches. Qu'attendons-nous des Russes lundi ? Nous attendons des Russes le respect de l'engagement donné dans la mise en oeuvre de l'accord en six points : le retrait des troupes russes, donc, et un esprit de dialogue maintenu avec l'Union européenne et jusque-là cet esprit n'a pas fait défaut.
Cet après-midi nous avons parlé d'un certain nombres de points très importants. Mais c'est toujours difficile d'en avoir plus de deux ; trois c'est déjà trop long ; six ce n'est pas possible. Nous avons parlé du Processus de paix au Moyen-Orient et nous avons décidé d'y revenir bientôt.
Q - Avez-vous abordé ce plan avec le président Medvedev d'essayer de mettre en place un nouvel encadrement des relations sécuritaires entre l'Ouest et la Russie ? Qu'est-ce qui a été évoqué ? Quelle a été l'ambiance des discussions ? Certains ministres ont laissé entendre qu'ils étaient certains qu'il fallait faire quelque chose, un geste envers la Russie, lui tendre la main. Alors ? L'impression qu'on en a tiré, c'est que quelque chose pourrait évoluer dans les relations avec la Russie, dans le sens de ce que souhaitait le président Medvedev. Est-ce également votre impression ?
R - Oui, bien sûr, mais vous avez peut-être remarqué que quelque chose a changé depuis l'excellent discours du président Medvedev. Nous sommes tout à fait déterminés à trouver un terrain d'entente, à parler la même langue avec la Russie, ce grand pays voisin. Il ne fait aucun doute qu'il faudra trouver des modalités d'entretenir le dialogue. Pas lorsqu'il sera trop tard.
Cette crise est importante parce que nous nous sommes aperçus que ce n'est pas tout à fait ce que M. Medvedev nous avait proposé. Je pense qu'il faut prendre un peu de recul et relancer les contacts. Disons que pour cette fois ce n'est pas entièrement le problème. Nous sommes prêts à développer notre relation en toute amitié, mais l'horizon est lundi, à Moscou, on va voir d'abord s'il est prêt à honorer sa signature. Des six points, deux, trois, ont été mis en place, qu'en est-il du reste ?
Les 27 Etats membres appuient cette démarche consistant pour la présidence française du Conseil de l'Union européenne à se rendre à Moscou lundi. Si c'est un succès, il sera opportun de relancer le processus et de suivre la voie proposée par le président Medvedev.
Q - Monsieur Kouchner, vous avez dit que vous alliez aller à Moscou pour faire en sorte que les Russes s'en tiennent à leurs engagements. A votre avis, combien de temps faudra-t-il attendre pour qu'ils remplissent leurs engagements ? Quelques semaines ? Quelques mois ? D'autre part, vous avez mentionné qu'un futur objectif pourrait être l'Ukraine ou la république moldave. Qu'en est-il ?
R - Tout d'abord, il faut attendre lundi, au moins lundi. Tout dépendra de la réponse qui sera apportée par la Russie. Est-ce que les Russes vont apporter une réponse sur les deux ou trois points encore en suspens ? Je l'espère. Est-ce que l'on va vers l'avènement d'un véritable accord lié à cette crise en Géorgie ou est-ce que les Russes, avec les Nations unies, avec l'OSCE, sont prêts à s'asseoir à la même table et, si c'est le cas, quand ? Pourront-ils le faire ? Nous, en tout cas, nous sommes bien sûr prêts à favoriser cette situation.
Mais vous savez, à chaque fois que vous nous en parlez, il y a toujours cette idée sous-jacente de sanctions. Pour nous, ce n'est pas l'essentiel. Pour nous, l'essentiel c'est de trouver une solution afin de résoudre les problèmes que nous rencontrons. Est-ce que vous pensez vraiment que des sanctions seraient utiles ? La diplomatie, la politique ne reposent pas uniquement sur les sanctions. Il y a un inventaire très long de sanctions qui ont été inutiles même si, effectivement, certaines d'entre-elles ont été utiles. Mais je crois, de toute façon, que l'heure n'est pas aux sanctions. Nous verrons ce qui se passera lundi avec M. Sarkozy et Javier Solana à Moscou.
Pour ce qui est du reste, bien sûr nous en avons discuté. C'est la raison pour laquelle j'ai dit quelques mots sur la prévention. Nous savons, en effet, que dans ces pays tout particulièrement, on a peur de subir la même pression. L'Union européenne en est tout à fait consciente et fera en sorte de prévenir l'avènement d'autres crises.
Q - A propos de la présence américaine en Géorgie et dans la région. Dick Cheney vient de terminer une tournée dans la région et vient de visiter la Géorgie et l'Ukraine. En même temps, des navires américains s'approchent. Ce sont deux facteurs qui braquent les Russes. Ne pensez-vous pas qu'en même temps que l'on discute avec les Russes, on devrait également voir quelles sont les vraies ambitions américaines, parce que si les Américains nous sabotent, en quelque sorte, s'ils veulent autre chose que ce que nous souhaitons, est-ce que les Russes cèderont aux exigences européennes ?
R - Nous parlons avec nos amis américains. Nous parlons également avec nos amis russes. Alors je sais que l'on me reproche de dire "nos amis". N'oubliez pas que c'est Mme Rice qui est allé faire signer - parce que nous avions oublié la signature - l'accord à M. Saakachvili. Cette proposition de la Présidence française du Conseil de l'Union européenne est donc une proposition euro-américaine. Nous sommes ensemble en permanence et nous nous entretenons en permanence.
Du côté russe, nous attendons lundi mais nous avons des échanges trois ou quatre fois par jour. Nous jouons donc notre rôle. Nous avons dit que l'Union européenne était de retour dans une crise qui la concerne. Ce n'est pas l'Union européenne mais c'est juste à côté. Nous avons joué notre rôle pleinement. Heureusement d'ailleurs parce que je vous rappelle que si nous n'avions pas joué ce rôle, je ne vois pas qui l'aurait fait. On ne se précipitait pas au portillon. Il y avait un vide total.
Le vice-président Cheney a visité la région mais qu'est-ce que cela a changé ? Ils ont donné beaucoup d'argent pour la reconstruction, cela est très important. Nous allons donner beaucoup d'argent pour la reconstruction également. Il n'y a pas de compétition à ce niveau, nous pouvons le faire ensemble. Je pense que soutenir l'économie géorgienne est très important dans cette période de crise. Pour le reste, cela ne se règlera que politiquement et pas par des bateaux de guerre.
Est-ce que cela braque les Russes ? Il est évident que tout ce qui entretient une tension autour de la Russie peut agacer les Russes. Mais qui entretient la tension autour de la Russie ? Souvent, ce sont les Russes. Il faut donc détendre cette atmosphère.
Pour le moment, nous voulons que les Russes regagnent les lignes d'avant la crise, c'est-à-dire les lignes d'avant le 7 août. Il restera évidemment des forces russes en Ossétie du Sud. A partir de là, on commencera, je l'espère, à entreprendre un dialogue politique.
Que voulez-vous que l'on fasse autrement ? Crier "sanctions, sanctions" et sauter comme un cabri. Pour ceux qui peuvent se rappeler les vrais propos de l'histoire, cela changera quoi ? Il faut régler ce problème et il n'est pas facile à régler.
Q - Il paraît que M. Miliband proposait hier pendant votre réunion que chacun d'entre vous écrive sur un petit bout de papier le nom du candidat présidentiel américain que vous prévoyez comme gagnant de l'élection. Combien d'entre vous y ont répondu et quelle a été votre réponse ?
R - Cela ne vous regarde pas, mais j'ai répondu. J'avais déjà répondu à M. Miliband à Paris. Je crois que tout le monde a répondu.
Q - On parle beaucoup du plan en six points. Existe-t-il un document signé par les présidents Sarkozy et Medvedev ? Si oui, d'où vient la difficulté d'interprétation de cet accord ?
R - De la traduction, comme toujours. Le document en français a été approuvé en ma présence. Il a été traduit en anglais et en russe. Je connais en particulier une difficulté d'interprétation - les autres sont sans importance -, il s'agit des expressions "de l'Ossétie" et "en Ossétie". Il y a eu une lettre du président Sarkozy précisant ces points, dans notre interprétation française puisque c'est nous qui avions écrit ce texte. A part cela, il s'agit exactement du même document.
Q - Sur le Proche-Orient, sur le Processus de paix, quelle était l'évaluation de la situation et comment l'Union européenne va inciter la prochaine administration américaine à s'attaquer aux problèmes du Proche-Orient dès les premiers jours ?
R - Nous allons essayer de convaincre la nouvelle administration américaine de ne pas attendre la dernière année pour s'attaquer à ce problème majeur. Pour ce qui nous concerne, pour Bruxelles et pour de nombreux autres pays, le candidat McCain comme le candidat Obama ont visité nos pays et nous en avons parlé, comme d'ailleurs nous avons parlé de bien d'autres sujets. Mais cela ne dépend pas seulement de notre bon vouloir. C'est ce que nous avons voulu évoquer dans nos conversations - qui ne sont pas terminés - qui s'achèveront, je l'espère, par un texte à l'occasion du deuxième Gymnich, à Paris.
Nous avons voulu parler de ces problèmes, très particulièrement au Moyen-Orient, dans lesquelles la présence politique où l'appui politique de l'Union européenne nous paraissaient intéressants et que nous devions développer avec nos partenaires américains.
Mais n'allez pas trop vite en besogne, le Processus d'Annapolis, même s'il est endommagé ou même s'il y a des regards pessimistes à son égard, comporte quelques avancées qu'il ne faut pas négliger. Il y a un an et demi, il n'y avait pas les pourparlers.
Ce matin M. Babacan, le ministre turc, est venu nous dire où en était la médiation turque entre les Syriens et les Israéliens. Une quatrième réunion va avoir lieu, le médiateur est revenu et, apparemment, on va passer à la négociation directe. Je ne sais pas quand mais dans un avenir assez proche. Les Israéliens et les Syriens se parlent.
Par ailleurs, il était inimaginable que l'on puisse compter sur un président libanais, un gouvernement libanais, une acceptation du plan gouvernemental par une assemblée libanaise : c'est fait. Il était inimaginable que l'on échange des ambassadeurs. Il y a une reconnaissance de jure et non de facto du Liban par la Syrie : c'est fait.
Du côté palestinien, il y a théoriquement une trêve à Gaza et le Hamas, par l'intermédiaire de l'Egypte, s'est entendu avec Israël. Et puis, je ne sais pas comment cela va se passer puisqu'il y a des élections au parti Kadima, le 17 septembre, mais M. Olmert et M. Mazen, pour l'heure, continuent à se parler et on évoque un document qui sera peut-être proposé.
Tous ces éléments sont positifs et nous insistons, il faut absolument que cela se poursuive. Là aussi il y a un progrès. Tout le monde disait, parce que le président Bush l'avait dit, qu'avant la fin de l'année... Eh bien non ! Il faut que le processus soit continu, il ne faut pas que cela s'arrête. Tout cela va dans le sens d'une réponse moins négative que prévu même si les colonies de peuplement continuent, même si on n'a pas été assez précis sur ce point, etc. Il faut tout de même poursuivre ce processus en espérant fortement.
Q - Les Russes ayant reconnu l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie, en ce qui concerne la visite à Moscou de lundi prochain, comment peut-on estimer que les Russes coopèrent avec les six points du plan ? Sur un autre sujet, soutenez-vous l'idée que le ministre des Affaires étrangères biélorusse devrait être invité au prochain conseil, à Bruxelles, le 15 septembre ?
R - La décision n'est pas prise pour le 15 septembre. Pour le reste, dans les six points, il n'y a rien sur la reconnaissance. Nous parlons de l'arrêt de la guerre et du début des pourparlers. Quant à l'Ossétie, la référence, si je ne m'abuse, dans le sixième point, c'est l'idée d'une conférence qui s'intéresse à la stabilité et à la sécurité de l'Ossétie et de l'Abkhazie.
Q - Pouvez-vous nous dire quels sont les pays qui sont intervenus plus fortement durant la réunion ?
R - Je ne veux pas jouer les délateurs, je présidais la réunion, mais en effet - et c'est cela le Gymnich, on s'exprime fortement - cela change un petit peu du ton habituel et des ronrons. Il y a des gens qui ont subi de près une domination, encore récente, et qui sont très déterminés, ce que nous comprenons très bien.
Pour finir, cette session qui était vouée à l'échec puisque les sujets étaient difficiles, surtout la Géorgie, a pourtant, de l'avis de tous les ministres, été très utile. Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est un succès mais on n'est pas loin. Nous verrons lundi, prochaine échéance, et mardi puisque nous avons le sommet UE-Ukraine, et puis également le 15 septembre.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 septembre 2008