Entretien de Mme Rama Yade, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères et aux droits de l'homme, dans "Metro" du 18 septembre 2008, sur le rôle de la France dans la lutte contre le terrorisme et l'aide au développement en Afghanistan.

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Circonstance : Déplacement en Afghanistan, du 14 au 16 septembre 2008

Média : Métro

Texte intégral


Q - Quel était le but de votre déplacement en Afghanistan ?
R - J'ai d'abord tenu à rendre hommage à nos soldats. Ensuite, je voulais aller à la rencontre de la population afghane et aussi montrer aux Afghans que nous sommes avec eux et pas contre eux. Ici, on entend dire que les Afghans ne veulent plus de notre présence. C'est faux. Parmi les personnes rencontrées, je n'en ai pas entendu une seule dire qu'elle ne voulait plus de la présence française en Afghanistan. Au contraire.
Q - La mission de stabilisation et la guerre contre le terrorisme ne sont-elles pas incompatibles aux yeux de la population ?
R - En fait, les Français sont positivement perçus. Nos relations ne datent pas d'aujourd'hui. Les Afghans ont encore en mémoire l'ancienneté de notre coopération. Nous avons là-bas deux lycées français, créés dans les années 20, qui ont une excellente réputation. L'hôpital français de Kaboul est une référence. Notre coopération archéologique pour la connaissance du patrimoine afghan, que les talibans avaient saccagé, comme avec la destruction des Buddah de Bamyian, est exemplaire. Et notre armée a noué des relations de proximité avec la population. Bref, la France a une relation particulière avec l'Afghanistan.
Q - Sommes-nous en guerre ?
R - Etre en en guerre ou pas, c'est un débat très franco-français. Pour qu'il y ait une guerre d'un point de vue juridique et diplomatique, il eut fallu une déclaration de guerre. Or, nous ne sommes pas en guerre avec l'Etat afghan. Nous sommes là à sa demande, sous mandat de l'ONU. Ce à quoi nous devons faire face, c'est le terrorisme mené par des talibans dont beaucoup viennent de l'étranger et qui se jouent des frontières, notamment celles du Pakistan, dont les intentions ne sont pas claires. Si les talibans reviennent au pouvoir, il n'y aura plus de paix pour personne dans le monde.
Q - Que pensez-vous du reportage de Paris Match sur les Talibans qui a suscité une polémique ?
R - Les militaires français que j'ai rencontrés là-bas ont été choqués par les photos qui sont tout de même assez voyeuristes. Le récit fait de l'embuscade est également très partial. Fallait-il vraiment donner la parole aux talibans sans précaution ni discernement et les laisser parader devant les objectifs avec leur butin ? Il s'agit aussi d'une bataille de communication et je ne voudrais pas que les talibans considèrent que notre opinion publique est un talon d'Achille. Ils veulent jouer sur la peur. Quant à nos troupes, elles savent qu'être soldat, c'est l'un des seuls métiers qu'on fait en se disant qu'on peut mourir. Mais c'est vrai que l'on n'a plus l'habitude d'être confrontés aussi directement à la mort, ce qui est le signe d'une civilisation qui accorde un prix élevé à la vie.
Q - Quelles sont les raisons du gaspillage de l'aide internationale ?
R - D'après l'ONU, il faut améliorer la coordination de l'aide internationale entre les différents pays qui agissent chacun dans leur zone. La conférence de Paris, en permettant de rassembler 20 milliards d'euros, a été un succès. La France, à cette occasion, a doublé son effort de coopération. Le défi maintenant est de mettre en oeuvre le plan d'action nationale qui permette une utilisation efficace de cette aide. L'Etat afghan doit également relever le défi de la corruption. Et puis, nous-mêmes devons être exemplaires dans notre coopération. Mais l'aide est indispensable pour que l'Afghanistan ne sombre pas dans l'extrémisme ou le sous-développement durable.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 septembre 2008