Interview de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, à RMC le 18 septembre 2008, sur la crise financière internationale, l'éventualité de l'extension du bonus-malus à des produits de grande consommation, l'utilisation des transports collectifs et sur une réflexion sur les péages urbains.

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Texte intégral

J.-J. Bourdin.- D. Bussereau est notre invité. Secrétaire d'Etat aux Transports, et président du Conseil général de Charente-Maritime aussi, je ne vais pas l'oublier.
 
C'est gentil pour la Charente-Maritime, beau département.
 
Avez-vous peur pour votre argent ?
 
Je suis épargnant comme la plupart des Français, avec un compte en banque et un compte à la Caisse d'épargne. Non, je n'ai pas peur, parce que le système bancaire français est solide ; bien sûr, il doit tenir compte de ce qui compte dans le reste du monde. Mais on n'est pas dans la crise des subprimes, on n'est pas dans la crise d'une trop grande spéculation. Donc, je fais confiance au système bancaire.
 
C'est ce que disait le Trésor américain il y a quelques mois, on voit les résultats aujourd'hui !
 
Non, mais qu'il y ait aujourd'hui réflexion des grands argentiers, le président de la République s'exprimera le moment venu, tout ça est tout à fait normal.
 
Oui, parlons-en, parce que, quand même on ne l'entend pas pourquoi ? Et ça commence à monter. Y a-t-il un pilote dans l'avion, franchement ?
 
Franchement, je crois que vous avez un peu entendu parler du président de la République ces derniers temps, ce n'est pas le genre...
 
Il court partout...
 
...ce n'est pas le genre d'homme d'Etat à...
 
... il court la planète, et là, c'est...
 
...ce n'est pas le genre d'homme d'Etat à ne pas prendre en main les problèmes et à ne pas s'exprimer. Donc, il va le faire au moment qu'il choisira.
 
Vous savez quand ?
 
Je n'en sais rien, il le dira lui-même, il va à New York à la fin de la semaine, ce sera certainement l'occasion d'un certains nombre de propos intéressants. À New York, donc ? Là où il y a la crise. Non, mais je crois qu'il va à l'ONU, tout simplement.
 
Tout simplement.
 
Et le Premier ministre demain sera en Russie, et vous savez que, là aussi, c'est un pays qui est dans la boucle, puisque la Bourse de Moscou est fermée depuis deux jours.
 
Depuis deux jours. "Bonus-malus" écologique. Vous n'en avez pas assez de ces "bonus-malus" écologiques, franchement, soyons clairs.
 
D'abord, sur la petite voiture, puisque c'est ce qui existe actuellement, ça a très bien marché. J'ai acheté cet été une petite voiture...
 
Vous avez bénéficié du "bonus".
 
...j'ai eu mes 700 euros de "bonus", avec mon épouse, on était très contents. Et...
 
Vous avez acheté une voiture française, quand même ?
 
Non, alors je vais vous dire, c'est la première fois, c'est d'ailleurs ma grande tristesse...
 
Vous n'avez pas acheté une voiture française ?!
 
Non, mais je vais avouer ce que j'ai fait : j'ai acheté la Fiat 500, parce que c'était le retour à ma vie d'étudiant et de jeune homme, voilà, c'est un petit clin d'oeil. Mais ça montre bien d'ailleurs que nos marques françaises, Peugeot, Renault, n'ont peut-être pas ces derniers temps assez sorti des petits véhicules attractifs, comme les Français les aiment bien, aussi inventifs qu'avait été la Twingo par exemple en son temps, qui était une voiture extraordinaire. Bon. Alors, ça, ça a bien fonctionné.
 
200 millions d'euros à l'Etat...
 
Ensuite, maintenant, il y a une réflexion - J.-L. Borloo était hier devant la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale - avec le Parlement, pour voir si sur d'autres produits de grande consommation, on pourrait trouver des dispositifs astucieux faisant qu'on achète plutôt le produit qui rapporte bien.
 
Où en est-on ?
 
On en est dans le fait que J.-L. Borloo a dit hier : "cela ne se fera pas ordonnance", c'est-à-dire, le Parlement aura son mot à dire et à voter sur des mesures qui on une dimension fiscale. Ça, c'est la loi habituelle dans notre pays. Et maintenant, il y a débat sur les produits qui pourraient être intéressés, et ça, c'est J.-L. Borloo qui le dira le moment venu, sans le klaxonner trop à l'avance, puisque, sinon, vous créez des effets d'aubaine, c'est bien connu.
 
C'est bien connu. Et il est bien connu aussi, que J.-L. Borloo a écouté les députés UMP qui râlent. Est-ce vrai ? Ils protestent.
 
Quand on est au Gouvernement, on tient sa légitimité du président de la République et de la majorité. Donc, il faut toujours écouter sa majorité. Il faut d'ailleurs aussi écouter l'opposition qui, parfois, dit des choses également intéressantes.
 
J'ai compris le message que vous adressez à J.-L. Borloo...
 
Non, non, je n'adresse pas un message à J.-L. Borloo, parce que...
 
Mais si, mais si. Non ?
 
...parce que, sur le plan de l'expérience politique, la sienne est bien supérieure à la mienne, il est le ministre le plus populaire auprès des Français et du Gouvernement, l'Express le rappelle ce matin. Il n'a pas besoin de mes conseils pour manager un dossier difficile mais très important parce que c'est quand même l'esprit du Grenelle de l'environnement, voilà.
 
En ce qui concerne les transports, puisque c'est votre domaine, on parlait d'un "bonus-malus" sur les transports en commun, sur les cars, sur... C'est bien, c'est une bonne idée, sur les pneus aussi, les pneumatiques ? Bonne idée ça ou pas, franchement ?
 
Il faut inciter nos concitoyens le plus possible à utiliser les transports collectifs. Ils le font, puisque il y a de plus en plus de monde dans les TER, de plus en plus de monde dans les bus et le métro, on est dans la semaine de la mobilité ; hier, c'était la Journée européenne... enfin, c'était la Journée avec le ticket à 1 euro dans un grand nombre de villes, et ça marche très bien. À tel point d'ailleurs, on le voit bien en région parisienne, que la Ligne RER A est saturée, que la Ligne 14, la Ligne 13, Nord-Sud, est saturée, on réfléchit à un métro périphérique autour de Paris, donc, il y a même parfois une trop grande fréquentation des transports en commun. Donc, il faut aller dans cette direction, améliorer sans cesse la qualité. Vous savez que, dans le Grenelle de l'environnement, le Gouvernement va donner aux collectivités qui le souhaitent une aide pour développer des réseaux de tramway, des réseaux de bus en sites propres, des réseaux de métro, et partout en France, les projets fleurissent. Dans les plus grandes villes, dans les villes moyennes et à tous les niveaux, les projets de transports collectifs actuellement sont très nombreux. Il y a une véritable attirance chez les concitoyens.
 
Vous n'avez pas répondu à ma question : le "bonus-malus" sur les pneumatiques, c'est une bonne idée ou pas ?
 
Non, mais écoutez, on ne va pas... Attendez ! Le "bonus-malus" sur les pneumatiques, honnêtement, je ne sais rien...
 
Et le "bonus-malus" sur les cars, les autobus...
 
Non, attendez ! Les moyens de transports publics, il n'est naturellement pas question d'instaurer un "malus", puisqu'ils sont par nature préférables à l'automobile individuelle. Mais si vous voulez, en réalité, il faut inciter nos concitoyens à utiliser les transports collectifs à une condition : il faut que le transport collectif soit sûr, et on a fait beaucoup de progrès sur la sûreté. Hier, j'étais à Arras, le maire d'Arras m'a dit : "il n'y a plus un problème aujourd'hui dans les bus, grâce à la vidéosurveillance, d'agressions", etc. Il faut qu'ils soient sûrs ; il faut qu'ils soient à l'heure ; il faut qu'on puisse y être dans des conditions de confort correct, c'est-à-dire pas pressés et dans la limite de défaillir. Et si le transport public a toutes ces qualités-là, de fiabilité, de sûreté, de sécurité, il sera naturellement de plus en plus préféré par nos concitoyens. Et c'est une bonne évolution de la société.
 
On est dans l'écologie. Les péages urbains, vous y êtes favorable ou pas, pour rentrer dans les villes ?
 
Je suis plutôt favorable. Il y a une très bonne analyse du Conseil d'analyse économique qui sort ces jours-ci, le journal Les Echos la détaille ce matin...
 
Vous y êtes favorable ?
 
Oui, attendez, attendez ! Oui, je suis aussi un élu local, la seule chose que je crois possible, c'est de donner la possibilité aux collectivités qui le souhaitent de le faire, qui "le souhaitent", qui le décident, sur un axe...
 
Il faut changer la loi...
 
...il faut changer la loi, tout à fait, sur un axe, sur une zone, sur un quartier, ça existe partout autour de nous en Europe, mais c'est le libre arbitre des collectivités. Je pense qu'il faut donner l'instrument aux collectivités, et après, on prépare. Moi, maire de Paris, je prends ...
 
Le Gouvernement se prépare à changer la loi ?
 
On travaille à ce texte-là dans le cadre d'un texte de loi qui est "le Grenelle II", qui est donc la deuxième loi de Grenelle, que nous préparons avec J.-L. Borloo...
 
Dans le Grenelle II, il y aura la possibilité de changer la loi pour instaurer les péages urbains ?
 
Pour l'instant, le texte n'est pas définitivement arrêté, mais nous travaillons sur cette hypothèse, et l'analyse du Comité d'analyse économique nous conforte plutôt mais, je le répète, sur le volontariat : vous êtes maire de telle commune, vous décidez de le faire, vous ne le faites pas ; vous le faites sur une route, vous le faites sur un quartier, vous le faites comme vous voulez. En réalité, quand une commune met déjà toute sa ville en péage de stationnement en totalité, il y a déjà une forme de péage urbain. En réalité, c'est une forme de dissuasion aux automobilistes non résidents de traverser. Donc, voilà, déjà tous les moyens existent mais c'est au libre arbitre, ce sont les élus.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 18 septembre 2008