Texte intégral
Je suis particulièrement heureuse de m'exprimer au nom du Gouvernement français devant des représentants d'organisations civiques européennes venus de tous les pays de l'Union.
Votre présence, votre nombre, témoignent de la réussite de ces premières rencontres.
Ces rencontres ont reçu le soutien de l'Europe et de la Présidence française avec notamment, je le sais, toute l'attention bienveillante de mon collègue Jean-Pierre JOUYET.
Je suis également très sensible au fait que ces Journées civiques ont été conçues, portées et organisées par le mouvement associatif lui-même à travers l'action du Forum civique européen.
Merci à vous, cher Jean-Marc ROIRANT, car je sais la force de votre implication pour le succès de ces rencontres. Je note au passage que vous vous étiez donné toutes les chances de réussite non seulement par la qualité des participants et intervenants que vous avez réunis, mais aussi en choisissant d'organiser ces Journées à La Rochelle où vous jouez à proprement parler « à domicile » dans cette circonstance.
Mon expérience de parlementaire européenne, la force de mes convictions, me portent très naturellement à partager vos préoccupations.
C'est par l'échange, en effet, que l'Europe se construit : non pas simplement une Europe marchande, par l'échange des biens, mais une Europe concrète, par les mobilités des personnes.
L'Europe reste une idée neuve. C'est aux citoyens, et notamment aux plus jeunes, qu'il revient de rendre effectifs les principes qui sont les nôtres, les principes que nous défendons depuis maintenant plus d'un demi-siècle.
En ce sens, la Commission européenne souhaite promouvoir plus spécifiquement, la mobilité des jeunes volontaires en Europe, favorisant ainsi l'émergence d'un réel espace commun pour nos jeunes.
Elle propose que le Conseil des ministres adopte une Recommandation relative à la mobilité des jeunes volontaires et le Conseil des ministres européens de la jeunesse du 21 novembre prochain sera l'occasion d'avancer dans cette voie.
Plusieurs orientations sont préconisées :
1. améliorer l'information sur les dispositifs existants ;
2. développer les possibilités de volontariat européen transnational en créant des points de contact pour les jeunes volontaires européens selon le principe du « guichet unique » ;
3. favoriser l'utilisation des cartes de mobilité ;
4. réduire les barrières linguistiques à la mobilité en encourageant les volontaires à apprendre des langues ;
5. développer des normes de qualité afin de rassurer et protéger les volontaires ; ces normes pourraient porter sur le niveau de formation des volontaires et du personnel, la préparation des activités, l'encadrement et le suivi ;
6. examiner les dispositions de protection sociale dans le but d'utiliser de manière optimale les possibilités offertes par la législation nationale et européenne ; examiner, en particulier, les situations où les volontaires ne sont pas couverts de manière adéquate ;
7. prendre des mesures afin d'assurer une reconnaissance adéquate, elle aussi, de l'apprentissage lié au volontariat des jeunes dans le cadre des systèmes nationaux de certification et dans le respect des dispositions communautaires, le cas échéant ;
8. renforcer la mobilité transeuropéenne des animateurs socio-éducatifs spécialisés dans la jeunesse et des responsables de jeunesse actifs dans le volontariat transfrontalier.
Ceux qui auront suivi mes propos auront distingué pas moins de huit axes prioritaires auxquels s'ajoute en parallèle la mise en oeuvre par la Commission du projet pilote AMICUS, voulu par le Parlement européen.
Ce projet a pour but de faciliter la mobilité des jeunes volontaires en Europe en améliorant « l'interopérabilité » des formules nationales de volontariat, qu'elles soient organisées par la société civile ou par les autorités publiques, afin que chaque jeune ait la possibilité, s'il le souhaite, d'effectuer un volontariat en Europe.
Je veux vous assurer que la Présidence française de l'Union européenne veillera à faire avancer ce dossier qui est pour nous prioritaire.
Le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a souhaité que s'engage une réflexion sur le service civique. Il veut encourager les jeunes à se mettre au service des autres et de la Nation.
La montée en puissance rapide du volontariat associatif qui a été créé en France en 2006, témoigne d'un réel intérêt des jeunes français pour un dispositif permettant à chacun de consacrer un temps de sa vie à des actions d'intérêt général.
La création d'un nouveau service civique contribuerait à renforcer le lien social, à transmettre les valeurs de citoyenneté et tout simplement du vivre ensemble. Pour proposer un tel projet à notre jeunesse une large réflexion préalable doit être conduite. Les conditions de la mise en oeuvre de ce nouveau temps social, notamment son périmètre, son organisation, son financement et son pilotage méritent d'être étudiés avec soin.
A cet effet, le Président de la République a confié le 18 mars dernier une mission au vice-président du Conseil d'analyse de la société, l'ancien ministre Luc FERRY que beaucoup connaissent qui a consulté largement le monde associatif dans le cadre de cette mission.
Le projet de mise en oeuvre d'un service civique rénové est un sujet qui me tient depuis longtemps à coeur. J'ai déjà eu l'occasion de m'y intéresser de très près dans le cadre de la mission conduite par Philippe SEGUIN au moment de la suppression du service militaire.
J'ai souligné dès mon audition devant la commission FERRY qu'à mes yeux un service obligatoire serait très mal accepté par les jeunes, une telle contrainte risquant notamment de retarder leur entrée dans la vie active.
Cette appréciation se trouve confirmée par les résultats du sondage que j'ai proposé à Luc Ferry de faire effectuer auprès des jeunes sur ce sujet récemment. Le sentiment des jeunes sur cette question est sans ambiguïté : si la très large majorité des jeunes consultés trouve utile l'instauration d'un service civique, ils déclarent préférer un service reposant sur le volontariat. Ils refusent massivement un service civique à caractère obligatoire sous une forme ou une autre.
Surtout, le service civique ne saurait être conçu comme un remède à toutes les difficultés de la jeunesse, ou du moins aux problèmes que les adultes considèrent comme « les problèmes de la jeunesse ». Il y a dans ce domaine beaucoup de prêt à penser.
Le service civique, qui est un engagement, ne peut pas devenir une seconde formation, un vecteur d'insertion ou d'accompagnement à l'emploi. Pour susciter l'adhésion des jeunes concernés, il devrait s'inspirer du dispositif de volontariat associatif que j'ai évoqué. Il devrait aussi être modulable, cumulable avec une autre activité et compatible avec une formation professionnelle et universitaire. Les jeunes devraient, à ce titre, être indemnisés ou à tout le moins défrayés.
Pour que le projet soit budgétairement soutenable dans le temps, il paraît souhaitable de le faire financer par les crédits publics actuellement consacrés en France aux douze dispositifs de volontariat existants et d'adosser le dispositif, par exemple, à une fondation qui ferait office de banque de projets.
Celle-ci pourrait aussi ouvrir des opportunités de mobilité aux jeunes en lien d'ailleurs avec la « maison de la mobilité » dont j'envisage la création.
Enfin, cette Fondation pourrait également proposer aux jeunes ayant accompli leur service civique un certain nombre d'avantages, tel qu'un accès facilité à des prêts aidés pour financer leur formation, leur accès au logement ou à la création d'entreprise.
Le rapport de Luc FERRY doit être remis très prochainement. Les assemblées seront ensuite appelées à se prononcer sur ce sujet dans le cadre d'un débat que je souhaite le plus large possible.
S'agissant des apprentis, Nicolas Sarkozy, a redit en juillet dernier qu'il souhaitait renforcer le dispositif de mobilité pour les apprentis, et ferait de cet objectif une priorité de la présidence française. En s'appuyant sur l'expertise de l'Office franco-allemand pour la jeunesse et de l'Office franco-québécois, deux organismes que j'ai l'honneur de co-présider, le gouvernement entend bien développer la mobilité des jeunes qui ne bénéficient pas des programmes Erasmus ou Léonardo.
C'est la participation citoyenne qui permet, bien entendu, de s'approprier et de vivifier notre Union.
Ainsi, la France soumettra à ses partenaires et à la Commission le projet formulé par le Conseil économique et social français, au rapport de Jean-Marc ROIRANT, de créer une procédure de « labellisation » européenne des associations reconnues représentatives pour leur éligibilité au dialogue civil avec les institutions de l'Union, conformément aux dispositions nouvelles du Traité de Lisbonne en cours de ratification.
S'agissant de la réactivation du statut de l'association européenne, il me semble utile d'apporter les précisions suivantes.
Celle-ci, formellement, et nous comptons sur la Commission à cet égard, passe par une nouvelle proposition de règlement dont l'initiative appartient à la Commission, laquelle procède préalablement à une étude d'impact pour mesurer l'intérêt et la portée de la législation envisagée.
Nous envisageons ainsi d'engager durant la présidence française le processus visant à créer les conditions d'un consensus entre Etats-membres sur l'intérêt d'un statut optionnel. Celui-ci ouvrirait des possibilités nouvelles d'expression pour les citoyens européens sur des sujets d'intérêt général, social ou économique.
Cette démarche en faveur d'un statut devra être ensuite poursuivie par les présidences tchèque et suédoise conformément au fonctionnement institutionnel que vous connaissez, celui de la troïka. Votre détermination à promouvoir l'adoption d'un statut de l'association européenne conforme à vos attentes, permettra, n'en doutez-pas, de sensibiliser les Etats-membres de l'Union et leurs institutions.
Sachez que vous pouvez, sur ce point, compter sur mon soutien résolu.
En France la loi de 1901 définit l'association comme une société de personnes convenant de poursuivre une activité non lucrative correspondant à un intérêt commun. L'immense majorité des associations françaises répond à cette définition.
Dans notre droit, les associations se constituent librement ; elles peuvent même rester « de fait » si elles n'aspirent pas à la personnalité juridique. Bien entendu, une association, même déclarée, peut voir sa nullité prononcée sous le contrôle du juge pour autant qu'il est constaté qu'elle poursuit un but reconnu illicite ou contraire à l'ordre public.
A l'évidence, les associations poursuivant dans le cadre du droit civil la réalisation d'obligations contractuelles librement définies et consenties ne posent pas de problème particulier y compris vis-à-vis de l'administration fiscale ; c'est une de nos libertés fondamentales.
Le but poursuivi par une association peut aussi être altruiste ou d'intérêt général. Dans ce cas, les pouvoirs publics et demain l'Europe, ont vis-à-vis de ce type d'organisme répondant à un souci d'utilité sociale ou publique, le devoir de les entendre, de les consulter, de les associer au dialogue civil dans toutes les instances y compris communautaires.
J'observe que le projet de labellisation des associations du conseil économique et social français dont je viens de parler est de nature à faciliter cet indispensable dialogue et lui donner un caractère concret et opérationnel.
Je note aussi que ce projet est également en parfaite cohérence avec l'article 8b du Traité de Lisbonne, en cours de ratification, qui concerne le dialogue civil entre les institutions communautaires et la société civile représentée par les associations reconnues représentatives au niveau européen.
Enfin, il existe une troisième catégorie d'association constituée par une réunion d'hommes et de femmes poursuivant dans le cadre d'une habilitation ou d'un mandat des pouvoirs publics sous forme de commande publique, d'appel d'offres ou de convention pluriannuelle d'objectifs, un but d'intérêt général par le moyen d'une activité économique ouverte au secteur concurrentiel.
Je suis, croyez le bien, très attachée à cette diversité du monde associatif et à ses valeurs. Cet attachement s'enracine dans mon expérience d'élue bien sûr mais aussi dans mon passé d'engagement au sein des associations de défense et de soutien aux handicapés qui a nourri mon activité associative.
Le souci de ces entreprises de l'économie sociale, qui diffèrent de l'entreprise mutualiste ou coopérative tout en s'y apparentant par la philosophie solidariste, est de pouvoir fonctionner librement et à armes égales avec les sociétés commerciales.
Ces constats ont été effectués par le Conseil d'Etat français. La haute assemblée remarque d'abord que la distance entre organismes non lucratifs et entreprises du secteur marchand, distinction opérée par l'article 58 du traité instituant la communauté européenne qui exclut les sociétés à but non lucratif du champ communautaire, s'est estompée ; elle souligne, en outre, les difficultés rencontrées par la Commission pour élaborer un Règlement relatif à un statut de l'association européenne du fait de l'extrême hétérogénéité des législations concernant les associations au sein de l'Union.
Il paraît donc nécessaire d'en tirer la conclusion qu'il est inopportun de vouloir englober dans un texte unique les trois types d'associations de l'Union.
Il conviendrait d'adopter un statut spécifique de l'entreprise associative d'intérêt général, pour cela je me tourne bien sûr vers vous, chère Odile Quintin, puisque ce dossier passera par la Commission.
Celui-ci existe déjà en Allemagne. L'élaboration de ce statut relève du Conseil Compétitivité et des règles du marché intérieur ; il devrait comporter les aménagements nécessaires, notamment fiscaux, découlant du caractère non lucratif de ces entreprises associatives.
Ces entreprises pourraient alors sanctuariser leur activité dans la mesure où les aides publiques qui leur sont accordées seraient considérées comme des compensations aux contraintes de service public qu'elles assument.
Bien entendu, ces pistes de réflexion doivent d'abord être approfondies dans chaque Etat-membre puis au plan européen.
Ainsi seront créées les conditions permettant de s'accorder sur une définition commune du rôle et de la place des associations au sein de l'Union. Cette démarche sera de nature, j'en suis persuadée, à dégager les contours d'un statut optionnel de l'entreprise associative d'intérêt général.
Je tiens aussi à souligner, ici, que j'accorde une grande importance à la question des services sociaux d'intérêt général, les « SSIG ». Leur défense constitue une préoccupation majeure des acteurs associatifs. Le Gouvernement français entend y répondre en proposant aux autres Etats-membres et à la Commission de mettre en oeuvre un instrument sectoriel de type « directive » pour les SSIG de façon à sécuriser leur spécificité.
Je ne saurais ici omettre de vous livrer les réflexions que m'inspire la transposition de la directive aux services dans le marché intérieur, directive qui revêt une importance essentielle pour les associations.
Le Gouvernement français, mais c'est aussi une préoccupation partagée par de nombreux Etats partenaires, entend préserver l'espace spécifique des services d'intérêt général et notamment celui des services sociaux d'intérêt général.
Cet objectif n'est nullement incompatible avec la nécessité de créer les conditions de pleine réalisation du marché intérieur par la libéralisation des services, une meilleure transparence et information pour les consommateurs.
Ainsi, le Gouvernement veillera à ce que soient effectivement tenus hors du champ de la directive, outre les services de santé, les services relevant du logement social, de l'aide à la famille, à l'enfance ou aux personnes dans le besoin, que ces services fonctionnent dans le cadre de l'Etat, des collectivités et organismes publics, d'une délégation ou d'un mandat d'un organisme public.
Dans cet esprit, le Gouvernement a mis en place sous l'égide du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi un groupe interministériel de travail chargé de piloter l'exercice de transposition et d'adaptation de notre législation aux préconisations de la directive.
L'apparente technicité des questions soulevées ne saurait occulter les enjeux réels de la démarche engagée.
Il s'agit finalement de donner aux citoyens de l'Europe l'occasion de construire une Europe moins technocratique, plus concrète, une Europe plus humaine fondée sur la reconnaissance de valeurs partagées, une Europe sensiblement solidaire, instituée par la pratique de l'échange.
Il est vrai que l'Europe n'est pas un continent homogène. L'Europe est rétive à l'uniformité, n'est pas l'espace d'une seule et même culture, c'est sa force et sa richesse.
Le monde associatif est marqué du sceau de la pluralité historique.
Chaque pays a son modèle ; nul ne fonctionne de la même manière : les structures, les services, les modes de financement, diffèrent.
Les différences, cependant, sont une richesse que le projet de statut d'association européenne ne saurait abolir.
La communauté, l'unité des principes n'impliquent pas l'indifférence aux différences.
La défense du principe de la liberté de s'associer, considérée comme une liberté fondamentale au même titre que la liberté d'entreprendre, forme un point de convergence qui devrait d'ailleurs susciter, entre les différentes plateformes associatives, un fructueux dialogue.
L'Europe, là encore, moins soucieuse d'assimiler la différence que de la comprendre, semble être le creuset d'une culture spécifique fondée sur l'échange, réfractaire à l'idée de sacrifier la différence sur l'autel de l'unité.
La culture européenne n'est pas simplement une culture différente ; elle a plutôt vocation à devenir une culture de la différence.
L'Europe pourrait même connaître un regain de puissance créatrice en s'affranchissant de la crainte de l'acculturation et de la « désintégration culturelle », pour se nourrir de la pluralité de ses traditions et de la contradiction de ses points de vue.
La culture européenne se définirait alors clairement comme une culture de débat et de l'échange critique. Ainsi, l'Europe parviendrait à faire de la crise d'identité qu'elle traverse une chance, en évitant la crispation identitaire pour exploiter sa pluralité.
Il convient pour l'Europe de convertir en atouts ce qu'elle ressent comme des limites.
La pluralité des langues, par exemple, ne constitue en rien un handicap ou un obstacle à la constitution d'une Europe culturelle. Comme le signalait Ionesco, « mieux on communique, moins on parle ». Moins on débat et moins on crée, pourrait-on rajouter. La diversité des langues donne à penser. Elle invite aussi à comprendre et à saisir la différence des points de vue. Elle est une chance pour la culture et pour la démocratie.
La nécessité de recourir à la traduction pour se comprendre favorise, d'ailleurs, la culture du débat et l'exercice de l'intelligence critique.
Aussi, la culture européenne pourrait se définir comme une culture de la traduction et cette culture incarner une forme de démocratie nouvelle. L'Europe de demain n'est peut-être pas celle qu'on nous prédit : une Europe uniformisée, homogène. Elle devrait plutôt se fonder sur une culture de la différence.
L'Europe que nous voulons, l'Europe qui est notre idéal commun est bien le produit du dialogue entre les peuples.
Le monde associatif, par sa richesse et sa diversité, est, à n'en pas douter, un des plus fertiles creusets, en Europe, de ce dialogue.
Je vous remercie.
source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 11 septembre 2008