Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur les relations entre la France et la Russie, la situation en Abkhazie et en Ossétie du Sud, la coopération en matière climatique, énergétique et spatiale et sur la dépendance économique réciproque entre l'Europe et la Russie, Sotchi le 20 septembre 2008.

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Circonstance : 13ème séminaire intergouvernemental franco-russe à Sotchi (Russie) le 20 septembre 2008

Texte intégral

Merci monsieur le Premier ministre.
Je voudrais vous remercier pour votre accueil à Sotchi. Cette rencontre fait suite au séminaire gouvernemental qui s'était tenu à Paris en novembre dernier et à la visite que vous-même, monsieur POUTINE, vous aviez effectuée le 29 mai. Elle a été remarquablement préparée par la commission économique, financière, industrielle et commerciale qui s'est tenue à Saint-Pétersbourg le 25 juillet entre madame LAGARDE et monsieur SOBYANINE, que je veux remercier pour leur travail. Les liens entre la France et la Russie sont anciens ; ils sont denses, ils sont étroits et c'est justement cette densité de nos relations qui nous permet d'envisager ensemble les grands enjeux internationaux avec confiance et avec respect mutuel. Ce treizième séminaire gouvernemental s'inscrit évidemment dans un contexte particulier, celui de la crise géorgienne. Nous en avons discuté avec beaucoup de franchise et je veux dire que c'est bien là la caractéristique d'une vraie relation d'amitié que d'être capables de parler ensemble des sujets sur lesquels nous avons des désaccords. Le Premier ministre connaît la position de la France. Il sait en particulier notre désaccord sur l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, mais la France a pris acte du retrait des forces russes des cinq postes de contrôle situés sur la ligne Poti-Senaki, conformément aux décisions du 8 septembre, et nous considérons qu'il s'agit là d'un premier signe extrêmement positif. De son côté, l'Union européenne a décidé de l'envoi de plus de 200 observateurs, qui seront déployés sur le terrain avant le 1er octobre, et je veux dire que la France sera le premier contributeur de cette mission, avec plus de 40 personnes.
Nous sommes aussi d'accord pour avancer très vite vers une solution politique dans le cadre des discussions internationales qui se tiendront à Genève en octobre. Je suis sûr que la Russie facilitera leur préparation, c'est aussi naturellement notre volonté. La France et la Russie sont deux grandes nations, toutes deux membres du Conseil de sécurité des Nations unies, et nous savons que les grandes nations ont plus de devoirs que de droits.
Je suis venu à Sotchi pour dire au président du Gouvernement russe que la France et la Russie sont dans une situation d'interdépendance. Elles sont en effet confrontées aux mêmes enjeux, aux mêmes crises internationales, la crise financière, le terrorisme, la prolifération nucléaire, le réchauffement climatique, il n'y a pas d'alternative à une relation forte fondée sur la coopération, sur la confiance, sur le dialogue et sur le respect du droit.
La France et la Russie ont beaucoup à y gagner, qu'il s'agisse de l'aéronautique, du spatial, de la banque, de l'énergie, des transports ou de la lutte contre le réchauffement climatique, qui a fait l'objet d'un des accords que nous avons signés à l'instant. Ce sont des sujets sur lesquels on ne peut pas gagner seuls, ce sont des sujets sur lesquels nous avons beaucoup travaillé, et sur lequel nous avons aujourd'hui beaucoup avancé.
On dit parfois que l'Europe est dépendante de la Russie en matière énergétique, la vérité, c'est que la Russie est aussi dépendante de l'Europe, que l'Europe l'est de la Russie. Nous sommes dans un monde globalisé, et s'agissant de la Russie et de l'Europe, nos relations économiques, culturelles sont particulièrement étroites, et plus nous les développerons, plus nous créerons à la fois des conditions de prospérité dans nos pays, et en même temps les conditions de la stabilité et de la paix.
Je vous renvoie pour l'essentiel au relevé de conclusions. Il y a deux accords en particulier que je voudrais à nouveau mentionner, celui sur la mis en oeuvre conjointe du protocole de Kyoto, au moment même où la France pousse l'Union européenne à adopter un accord ambitieux sur le réchauffement climatique avant la conférence de Copenhague. Et puis, le deuxième sur l'efficacité énergétique.
Il est clair qu'aucun Etat ne peut lutter seul contre le réchauffement climatique, et que tous les Etats ont beaucoup à perdre à ne pas travailler ensemble. Je pense qu'il en va de même pour tous les biens publics mondiaux, et notamment la paix et la sécurité.
Nos coopérations spatiales progressent de façon spectaculaire, des équipes russes sont arrivées à Kourou cet été, et il y aura un premier lancement de fusée Soyouz à Kourou en 2009. C'est d'ailleurs pour moi l'occasion, puisque j'avais été - et monsieur Le Gall a bien voulu le rappeler - à l'origine de la création de la première coopération franco-russe en matière spatiale, dans le domaine commercial en 1994, c'est l'occasion de rappeler combien il est nécessaire de résister aux conservatismes et aux pesanteurs, et aux habitudes. Lorsque nous avions voulu lancer cette société franco-russe en 1994, tout le monde en France était contre. Pourquoi aller offrir aux Russes des moyens de nous concurrencer ? Pourquoi aller tendre la main à notre concurrent en matière de lanceurs ? Et du côté russe, l'hostilité était à peu près aussi forte : pourquoi avons-nous besoin de la France, nous qui avons une telle maîtrise technologique en matière spatiale ?
On voit bien que la conjonction de notre expertise, de notre savoir-faire, de nos capacités dans le domaine commercial, de la technologie russe, de l'expérience russe, ont donné un résultat qui est exceptionnel et qui peut nous conduire à vouloir occuper les premières places en matière de lancement commercial.
Nous avons abordé longuement les questions d'énergie, secteur évidemment très important en Russie et où nos entreprises sont de plus en plus actives et je crois - et on s'en est rendus compte au cours de cette rencontre - particulièrement appréciées.
Enfin, un dernier aspect de notre travail d'aujourd'hui, c'est l'effort que nous avons décidé pour mieux nous comprendre et pour renforcer les échanges entre la société russe et la société française. Nous avons beaucoup évoqué cette question avec monsieur Poutine hier soir. Il n'est pas totalement anormal que nos populations aient un regard qui soit décalé sur la réalité de ce qu'est la Russie aujourd'hui ou de ce qu'est la France aujourd'hui. Pour changer ce regard, il faut augmenter le volume des échanges entre nos deux sociétés et en particulier des échanges de jeunes. La coopération éducative, la recherche seront des priorités absolues de la coopération franco-russe, et en particulier dans le cadre des deux années culturelles croisées France-Russie 2010, qui vont marquer une nouvelle étape dans le rapprochement de nos deux pays.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 24 septembre 2008