Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je vais m'efforcer de répondre rapidement à quelques questions techniques. Après vous avoir entendus, je reste fermement et très sincèrement persuadé qu'il ne faut pas abandonner nos amis afghans, aussi difficiles et incertains soient-ils.
Je voudrais corriger quelques erreurs. J'ai beaucoup écouté - et je les recevais ce matin encore - les ONG françaises qui travaillent en Afghanistan depuis des années. Elles n'ont pas du tout demandé le retrait des troupes françaises. Elles ont au contraire souhaité, comme nous l'avons fait avec le président de la République, à Bucarest et lors de la Conférence de Paris, que nous nous rapprochions davantage des populations afghanes. C'est d'ailleurs ce que vous souhaitez tous. C'est précisément ce que nous faisons, avec les ONG françaises qui sont elles aussi très courageuses d'être sur place depuis plus d'une vingtaine d'années.
Elles n'ont donc pas du tout réclamé notre retrait, pas plus d'ailleurs que les ONG afghanes que nous avons entendues lors d'une conférence spéciale à Paris en mai dernier avant la conférence des organisations internationales et des Etats. Elles nous ont demandé de rester pour que nous leur apportions notre concours, et non pas pour que nous nous substituions à elles. Elles souhaitent que nous restions à leurs côtés.
Nous sommes d'accord - et ce point fait d'ailleurs l'objet d'un consensus - : il n'y a ni certitude absolue, ni sauveur suprême en Afghanistan, et cela fait des années que cela dure.
Pour ceux qui ont connu la révolte du peuple afghan contre l'occupation britannique ou soviétique et bien avant déjà contre Alexandre. C'est toujours la même chose.
En effet, il est difficile de comprendre cette résistance, cette obstination si particulière, conséquence de la culture, des difficultés et de la religion, chacune étant au premier plan. Devant le peuple afghan, nous sommes dans l'incertitude. C'est pourquoi il faut travailler beaucoup plus avec eux : nous avons besoin d'établir des échanges ; il faut que les parlementaires afghans soient reçus plus souvent dans votre assemblée, que les techniciens afghans soient reçus dans notre pays, que l'éducation soit une priorité chez eux comme chez nous, et que tous les progrès soient soulignés au lieu d'être sous-évalués même si, bien sûr, il n'y en a pas assez !
On nous demande de changer de stratégie.
Or c'est exactement ce que nous faisons. Mais il est impossible de le faire en deux mois ! Nous l'avons dit avec force : il n'y aura pas de solution seulement militaire en Afghanistan. Nous l'avons affirmé à Bucarest et à la Conférence de Paris. Mais cela n'implique pas de tout abandonner pour qu'il n'y ait pas de solution du tout ! Au contraire, nous devons nous rapprocher des populations afghanes, qui le demandent. Je vous l'assure, dans leur majorité, les Afghans sont fatigués des attentats, des meurtres et des difficultés quotidiennes. Bien sûr que le développement agricole est insuffisant et que le système d'irrigation n'est pas satisfaisant mais les progrès sont manifestes : pourquoi refusez-vous de les voir ?
C'est à Bucarest et à Paris que nous avons amorcé le changement de stratégie, ce rapprochement vers les populations afghanes que vous appelez de vos voeux. Mais n'espérez pas que les choses se passent aussi vite ! C'est impossible ! Cela fait vingt-cinq ans que nous sommes aux côtés des Afghans, qui affrontent régulièrement des difficultés supplémentaires. Ne les trahissez pas au moment où nous obtenons un certain nombre de résultats.
Mesdames et Messieurs les Députés,
On vous a abreuvés de chiffres. Je ne vous en donnerai qu'un : alors qu'il n'y avait pas un seul dispensaire sur le territoire afghan, il y en a maintenant 718. Certes, ce n'est pas assez, mais le développement va se poursuivre. Reconnaissez avec nous que, de ce point de vue, les choses vont bien mieux.
Relisez les conclusions de la Conférence de Paris, vous y retrouverez la quasi-totalité de vos demandes, comme vient de le rappeler le président de la commission de la Défense.
Monsieur Mamère, ne vous trompez pas : les Afghans souhaitent précisément pouvoir travailler au plus près des populations. Cela exige que la sécurité soit suffisamment assurée dans un certain nombre de régions - bien entendu nous ne pouvons le faire sur tout le territoire. Les médecins afghans pourront ainsi se déplacer. Je rappelle que deux d'entre eux ont été assassinés par les Taliban la semaine dernière. Il faut nous donner un peu de temps.
Quant à la thèse de notre alignement sur Washington, elle ne résiste pas aux faits.
Tout d'abord, vous avez raison de demander que l'opération "Enduring Freedom" et la FIAS soient sous l'autorité d'un commandement unique. Il faut le demander avec insistance et nous le ferons. Mais reconnaissez aussi qu'en 2001, lorsque M. Lionel Jospin et le président Chirac ont proposé l'intervention de la France, c'était sous le seul commandement américain au sein de l'opération "Enduring Freedom" !
A présent, il y a, d'une part, un commandement américain et, de l'autre, un commandement international. Alors, Monsieur Mamère, ne faites pas d'amalgame. Vous dites que nous nous sommes alignés sur les Américains. Nous sommes au contraire en train de définir une position commune aux vingt-cinq pays européens engagés en Afghanistan. En ce moment, le débat a lieu principalement avec les Britanniques, qui, je vous le rappelle, ont beaucoup plus d'hommes que nous sur le terrain, déplorent de nombreux blessés et tués et ont une connaissance particulière de ce pays.
Nous nous engageons avec eux pour que l'"afghanisation" ne soit pas un vain mot. Aujourd'hui, toute la politique étrangère de la France, que ce soit à Damas, à Tripoli ou en Géorgie, c'est le contraire de l'alignement ! Regardez les faits ! Les Américains étaient-ils à Damas, à Tripoli ou en Géorgie ? Toutes ces critiques constituent un tissu d'approximations.
Monsieur Ayrault, vous demandez un directoire politique. Celui-ci existe déjà : il s'agit du Conseil de sécurité des Nations unies. Cet après-midi même, le Conseil de sécurité va voter une résolution qui va reconduire la FIAS pour un an. Vous voulez un meilleur directoire ? Il n'y en a pas. Vous voulez un directoire militaire ? Pour le moment, c'est l'OTAN.
La stratégie mise en place ne sera ni celle de la FIAS ni celle de l'OTAN. Ce sera une stratégie qui écoutera davantage la France.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 septembre 2008