Texte intégral
Nous sommes réunis ce soir pour fêter le 25ème anniversaire de la création de l'Institut pour le Financement du Cinéma et des Industries Culturelles que chacun ici connaît mieux par ses initiales, « IFCIC ».
Je suis heureuse de rendre à son Président, Hugues Gall, l'hommage qui lui est dû pour conduire avec la sensibilité, l'intelligence et l'immense culture qu'on lui connait les destinées de l'Institut ; de saluer son directeur général, Laurent Vallet, qui veille à la bonne marche de la maison, et à la rigueur de son bilan, d'ailleurs irréprochable, tout en manifestant une véritable passion pour le cinéma; et de remercier toute l'équipe qui assure avec un dévouement et un professionnalisme reconnus, son fonctionnement au quotidien.
Je voudrais bien évidemment saluer tous les partenaires de l'Institut : les représentants des actionnaires de l'IFCIC (Natixis-Coficine ; Cofiloisirs et ses actionnaires BNP-Paribas et Neuflize-OBC, Fortis et sa filiale Fortis Media Com Finances), banquiers qui, malgré une réglementation financière toujours plus stricte, ont réussi à conserver au sein de leurs établissements une activité résolument orientée vers le financement des industries culturelles et particulièrement la production cinématographique et audiovisuelle. Avec tous les risques, tous les aléas, que cela comporte. Et je les en remercie.
Je n'oublie pas, bien entendu, les soutiens publics de l'IFCIC : le CNC, son premier bailleur de fonds - dont je salue la directrice générale, Véronique Cayla. Et puis aussi la DDM, future Direction des Médias et de l'Economie culturelle, et à ce titre bientôt partenaire privilégié de l'IFCIC pour la diversification de ses champs d'intervention. Ainsi Laurence Franceschini siège désormais au conseil d'administration de l'Institut.
Cet anniversaire et sa célébration sont pour moi l'occasion de rappeler à la fois l'utilité d'une institution comme l'IFCIC, la pertinence de la philosophie qui a présidé à sa création, et la nécessité d'en développer le modèle et d'élargir son champ d'action.
Au moment où nous nous apprêtons à rénover le droit du cinéma et à moderniser le CNC, c'est évidemment le souci de maintenir ce que la France a fait de meilleur pour son cinéma, et d'en accroître l'efficacité, qui anime d'aussi vastes chantiers.
Belle invention, l'IFCIC est une institution fort singulière : société privée mais exerçant une mission d'intérêt général. « Etablissement de place », au capital duquel figurent les banques, mais aussi bras financier du ministère de la Culture et de la Communication. Nous sommes fiers de disposer de cette institution unique en son genre, enviée désormais de nos voisins.
Créé en 1983 par la volonté de ce Ministère, dans le cadre du IXe Plan, l'Institut est l'héritage d'une longue tradition française d'intervention financière de l'Etat dans une activité à haut risque, le cinéma.
Chacun le sait, le cinéma et la finance ont toujours eu des relations complexes, et ce d'autant qu'elles sont indispensables, car la production d'un film a besoin du crédit.
Le génie français a su trouver assez tôt des solutions à ce problème, dans le but de soutenir l'indépendance de la création cinématographique et des entreprises qui la portent, entreprises souvent de taille artisanale. On a inventé les « sûretés cinématographiques », et, longtemps, c'est le Crédit National qui participa au financement du cinéma.
C'est la volonté de donner plus d'indépendance au système qui a présidé ensuite à la création de l'IFCIC : une institution dont la vocation est d'inciter les banques à s'engager dans le crédit aux producteurs, en garantissant leurs prêts avec la caution de l'Etat. C'est donc une aide au risque, au service de la création : c'est là son sens et sa légitimité.
Cette idée garde aujourd'hui toute sa pertinence : la garantie de crédit offre en effet un formidable « effet de levier » puisqu'1 euro de dotation permet en moyenne de garantir entre 15 et 40 euros de crédits. L'IFCIC est ainsi un outil à la fois puissant... et économe des deniers publics. Ce qui n'est pas sa moindre vertu !
Et depuis vingt-cinq ans, ce concept a fait largement ses preuves et a prospéré : l'IFCIC détient aujourd'hui 13,2 millions d'euros de fonds propres et 71 millions d'euros de fonds de garantie !
Par ailleurs, le modèle a su parfaitement s'adapter à la croissance continue de l'activité de production ces dix dernières années, tout en la stimulant, avec un stock de crédits garantis de plus de 540 Meuros fin juin 2008.
L'IFCIC, ce sont ainsi :
- une centaine de longs métrages par an, et un appui indispensable au tissu de producteurs indépendants ; au-delà des chiffres, je pense que beaucoup de films dont nous sommes fiers aujourd'hui n'auraient pas pu se faire sans son intervention ;
- des fictions de prestige, des documentaires des séries d'animation pour la télévision ;
- des dizaines de compagnies de danse ou de théâtre, de lieux, de festivals, de librairies, d'éditeurs, de labels musicaux qui trouvent chaque année auprès de l'IFCIC un soutien déterminant pour leur inscription durable dans le paysage culturel ;
- et aussi une expertise unique dans le domaine du financement de la culture, dont tous les professionnels peuvent bénéficier.
Ainsi l'IFCIC me paraît être à la fois l'outil et le symbole, toujours actuels, d'une politique culturelle « moderne ».
C'est une des premières institutions qui a mis en exergue le concept d'« industries culturelles » créé dans les années quarante par Adorno.
Ce terme est un défi : car il invite à résoudre la contradiction entre les lois de l'économie industrielle et l'irréductible singularité de la création qui distingue les biens culturels des autres marchandises. Malraux nous a rappelé que cette tension n'est jamais mieux incarnée que par le cinéma, à la fois art et industrie.
Justement, il me semble que la création de l'IFCIC a témoigné d'un nouveau regard sur la culture, considérée comme une véritable activité économique, porteuse de richesses, d'emplois, de développement des territoires. L'IFCIC, a ainsi été le pionnier d'un nouveau mode de soutien à ceux qui font vivre notre culture en facilitant leur accès à des financements « de marché ».
En ces temps de tourmente financière, le succès de cet outil original dont la finalité est d'instaurer une confiance durable là où le risque est pourtant majeur, doit nous faire méditer !
Car j'y vois bien la preuve que le monde de la culture sait inventer les outils de son propre développement, adaptés à ses particularités et qui s'avèrent finalement, sur le long terme, plus solides et plus durables que d'autres mécanismes financiers dont nous éprouvons chaque jour les défauts, les errements et parfois la cruelle irrationalité...
Et c'est bien parce que l'IFCIC constitue une réponse adaptée aux difficultés particulières d'accès au financement que rencontrent les PME culturelles européennes qu'il est un modèle pour l'avenir.
Ce thème sera d'ailleurs mis en valeur lors des premières « Arènes européennes de l'indépendance » que nous organisons à Paris à la fin du mois d'octobre, comme vous le savez, cher Patrick Zelnick, vous qui êtes un combattant inlassable de la cause des « indépendants ».
Ce doit être en effet un enjeu commun à tous les pays d'Europe que de défendre le tissu des entreprises indépendantes qui irriguent notre production culturelle, qu'il s'agisse du cinéma et de l'audiovisuel, de la musique, du livre. Et s'il est indispensable à la culture européenne de s'appuyer sur des groupes de taille à pouvoir résister aux géants d'outre-Atlantique, il n'est pas moins indispensable de faire prospérer les entreprises culturelles de petite taille, les « indépendants », qui sont le ferment de l'innovation et de la création. Et ces deux objectifs ne sont pas antagonistes.
C'est pourquoi je souhaite encourager la poursuite du développement de l'IFCIC au delà de son coeur d'activité qu'est le cinéma.
La filière musicale fait depuis 2 ans l'objet d'une attention particulière ; et sous l'impulsion décisive d'Hugues Gall, l'IFCIC s'est doté début 2006 d'un fonds d'avances aux industries musicales, destiné aux producteurs, éditeurs et distributeurs indépendants.
J'ai voulu, dès mon arrivée, consolider l'action de ce fonds. Le Président de la République a annoncé en novembre dernier son prochain triplement, dans le cadre d'un partenariat entre l'IFCIC et la Caisse des Dépôts et Consignations. Je souhaite qu'il aboutisse très rapidement. Ces moyens nouveaux permettront en effet, à la fois, de relever le plafond des avances consenties aux PME culturelles de l'industrie musicale, de prolonger leur durée et d'encourager les investissements de modernisation des indépendants - en particulier pour leur équipement numérique.
L'IFCIC a également créé fin 2005 un fonds de garantie dédié à la presse. Il préfigure un accès « de droit commun » des entreprises de presse à des prêts garantis. Ce dispositif devra être évoqué, bien sûr, lors des « Etats généraux de la Presse ».
Demain, on peut imaginer que d'autres secteurs bénéficient de l'intervention de l'IFCIC : le livre (pour le soutien aux librairies indépendantes), et le jeu vidéo (en complément du crédit d'impôt récemment mis en place).
Je sais que l'Institut est associé à la réflexion en cours sur le modèle de financement du passage au numérique pour l'exploitation indépendante. C'est un chantier important pour l'année 2009, et je serai très attentives aux conclusions du groupe de travail mené par Philippe Levrier au CNC.
Enfin, l'IFCIC doit aussi s'ouvrir à l'Europe.
Depuis près de trois ans, avec le soutien du CNC, l'Institut s'est engagé dans une activité de garantie à des crédits de productions européens.
Ce soutien à la production et à la distribution européennes doit - pour être pérennisé - bénéficier de fonds communautaires.
C'est pourquoi je veillerai à ce que les discussions engagées par l'IFCIC avec les responsables du programme MEDIA aboutissent dès 2009 et je m'en entretiendrai avec la commissaire Viviane REDING. Je souhaite aussi que l'IFCIC puisse dans ce cadre éventuellement accueillir de nouveaux actionnaires européens.
Mesdames et Messieurs, je suis heureuse et fière aujourd'hui de célébrer ce vingt cinquième anniversaire : c'est un bilan remarquable que nous présente l'IFCIC, d'autant qu'il est ouvert sur de belles perspectives d'avenir. Et je suis sûre que tous les partenaires associés à la vie de l'Institut auront à coeur de continuer à en faire un modèle pour l'économie de la culture.
Merci à tous.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 25 septembre 2008