Texte intégral
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, je me félicite de l'intérêt que vous portez au renforcement de notre relation avec l'Inde. Le sommet Union européenne-Inde qui se tiendra, vous l'avez rappelé, Madame la Vice-Présidente de la Commission, Chère Margot Wallström, à Marseille le 29 septembre en présence du Premier ministre indien, M. Manmohan Singh, du président de la Commission, M. Barroso, et du président du Conseil de l'Union européenne, Nicolas Sarkozy, compte parmi la dizaine de sommets que nous organisons avec les pays tiers sous notre Présidence. Vous remarquerez que le calendrier de ces rencontres est riche en sommets avec les grands pays émergents. Cette succession de sommets représente pour l'Union européenne une occasion unique de développer son dialogue avec les grands pays émergents sur les sujets d'intérêt commun, et le sommet avec l'Inde s'inscrit pleinement dans cette logique.
Je sais que votre commission des Affaires étrangères, Monsieur le Président, a participé récemment à un atelier fructueux sur les relations entre l'Union européenne et l'Inde en présence de nombreux experts. Il en est ressorti un désir profond d'encourager le renforcement du dialogue et de la coopération entre l'Union européenne et l'Inde.
La Présidence est animée de la même volonté que votre Assemblée. Avec une population de plus d'un milliard d'habitants qui devrait dépasser celle de la Chine en 2025, avec une croissance économique annuelle de plus de 8 % depuis 2005, l'Inde a vocation à devenir un partenaire incontournable de l'Union européenne, et nous voulons donc faire de ce prochain sommet une étape importante pour l'approfondissement de nos relations avec ce pays.
Depuis 2000, date de notre premier sommet, nous avons étendu le champ de notre dialogue et de notre coopération. L'Union européenne est désormais le principal partenaire commercial de l'Inde. Elle est également l'un des plus importants investisseurs dans ce pays et dans plusieurs secteurs essentiels de son économie : l'énergie, les transports, les télécommunications notamment, et les sommets que nous avons organisés ont contribué de manière décisive à l'approfondissement de nos relations : à l'occasion du Sommet de 2004, nous avons hissé notre relation au rang de partenariat stratégique ; nous avons adopté au Sommet de 2005, un plan d'action destiné à lui donner vie ; au Sommet de 2006, nous avons annoncé des négociations en vue de la conclusion d'un accord de libre-échange qui ont été lancées l'année dernière.
Mais nous devons faire plus pour hisser notre dialogue politique et notre coopération à son potentiel. Nous souhaitons que le Sommet de Marseille serve cet objectif. Nous souhaitons également renforcer notre coopération avec l'Inde dans des domaines qui correspondent aux priorités actuelles de l'Union, la lutte contre le changement climatique et l'énergie. Ces discussions sont loin d'être faciles avec nos grands partenaires émergents, mais nous devons les avoir et nous travaillons avec nos homologues indiens à la réalisation d'un certain nombre d'objectifs.
En premier lieu, nous souhaitons adopter, au cours de ce sommet, un plan d'action rénové plus court, plus opérationnel et qui nous permette d'adapter notre partenariat à ces nouveaux enjeux que sont la sécurité énergétique et le développement durable. Nous souhaitons également renforcer nos perspectives de coopération dans le domaine de la recherche et des nouvelles technologies, de l'énergie solaire ou du projet ITER, par exemple.
Ce plan d'action devra être complété par l'adoption d'un programme de travail sur l'énergie, sur le développement propre et sur le changement climatique, et prévoir notamment des coopérations dans le domaine de l'efficacité énergétique, du charbon propre et du déploiement des énergies renouvelables.
Ces actions pourront, le cas échéant, être soutenues par le nouveau Centre européen pour les Affaires et les Technologies. Ce nouveau centre devrait voir le jour à New Delhi d'ici la fin de l'année et, bien évidemment, au cours de ce sommet, nous aborderons les questions régionales cruciales pour la stabilité internationale, qu'il s'agisse de l'Afghanistan, du Pakistan, de la Birmanie ou de l'Iran.
Nous souhaitons aussi faire progresser, au cours de ce sommet, notre partenariat stratégique avec l'Inde par le lancement ou par la poursuite de projets concrets de coopération. Nous espérons être en mesure de signer un accord très important dans le domaine aérien. C'est un accord qui a déjà été paraphé par les négociateurs au début de cette année. Nous souhaitons le signer parce qu'il permettra de mettre en conformité nos législations nationales avec le droit communautaire tout en renforçant la sécurité juridique des opérateurs européens.
Nous souhaitons donner une nouvelle impulsion aux négociations grâce à un accord de commerce et d'investissement. Naturellement, il appartient à la Commission, dont c'est la compétence, de négocier cet accord. Nous souhaitons assurer la Commission, en la personne de Mme Wallström, de notre entier soutien car notre relation avec l'Inde mérite d'être approfondie.
Alors qu'elle présente un très grand potentiel de développement des relations, il faut rappeler que l'Inde n'est que le neuvième partenaire commercial de l'Union européenne derrière la Corée du Sud.
Les trois documents que nous adopterons lors de ce sommet - un plan d'action conjoint révisé, un programme de travail sur l'énergie, le développement propre et le changement climatique ainsi qu'un communiqué de presse conjoint - sont actuellement en cours de négociation avec la partie indienne. Il est difficile, dans ces conditions, de rentrer dans les détails de ces textes. Mais nous sommes optimistes quant aux résultats que nous pourrons obtenir à l'issue de ce sommet.
Je souhaiterais, en conclusion, saluer le rôle très constructif, Monsieur le Président, qu'a joué le Parlement européen dans les relations entre l'Union européenne et l'Inde. La création, en 2007, d'une délégation spéciale pour l'Inde - dont je salue la présence, parmi nous, de la présidente, Mme Gill, qui anime avec dynamisme cette délégation - a donné une nouvelle impulsion aux contacts avec le Lok Sabha, le Parlement indien, et la délégation de votre Assemblée sera certainement appelée à jouer un rôle important, notamment en ce qui concerne la préparation des futures résolutions parlementaires sur les questions sensibles qui touchent aux relations entre l'Inde et l'Union européenne.
Monsieur le Président, merci pour ce débat qui a permis de montrer que nous étions attachés au développement de notre partenariat avec l'Inde, parce que c'est une puissance qui concourt à la stabilité internationale et à la stabilité régionale, parce que c'est - comme cela a été dit - la plus grande démocratie du monde et aussi, parce que c'est un pays qui est attaché, en dépit des difficultés qui ont été soulignées, au pluralisme culturel et religieux. Plus précisément, pour répondre aux inquiétudes qui ont été exprimées, notamment par M. Tannock, la lutte contre le terrorisme est un élément central du dialogue entre l'Union européenne et l'Inde. S'agissant des violences terroristes qui ont frappé l'Inde, l'Union a condamné tous les attentats dont ce pays a été victime et nous sommes solidaires - ainsi que Mme Gill l'a souligné - des victimes de ces attentats qui portent atteinte au caractère multiethnique et multiconfessionnel de l'Inde.
Plusieurs orateurs sont revenus, à juste titre, sur les violences, persécutions, exactions commises contre, notamment, la communauté chrétienne, en général, et la communauté chrétienne d'Orissa, en particulier. Nous sommes extrêmement vigilants à cet égard et nous ferons, bien évidemment, droit à ces observations dans le cadre du sommet que nous tiendrons avec les autorités indiennes. Mais, comme l'a dit Mme Gill, nous devons avoir des critiques constructives et nous devons faire en sorte de saluer aussi l'attitude courageuse - cela a été souligné par plusieurs intervenants - du Premier ministre indien qui a qualifié ces faits de "honte nationale" et qui n'est pas resté passif puisque trois mille policiers ont tout de même été dépêchés sur place à Orissa. Enfin, il reste que nous sommes gravement préoccupés par ces attaques et les violences qui sont commises contre les différentes confessions, et notamment les communautés chrétiennes. La lutte contre le terrorisme doit s'inscrire dans le respect de l'Etat de droit et des normes internationales, comme nous le rappelons.
Sur la question de la stabilité régionale, évoquée par M. Menéndez del Valle et par M. Berman notamment : à la demande de l'Union européenne, la situation en Birmanie figure à l'ordre du jour du sommet. L'Union européenne souhaite convaincre tous les voisins de la Birmanie que leur intérêt réside dans les réformes démocratiques et dans une transition pacifique dans ce pays. Nous l'évoquerons avec l'Inde et aussi avec d'autres pays. Nous souhaitons également une plus grande stabilité et aussi que des négociations puissent s'ouvrir sur la question du Cachemire et des relations entre l'Inde et le Pakistan.
S'agissant des aspects sociaux qui ont été évoqués, et le travail des enfants, notamment, par Mme Kallenbach, le Conseil partage cette préoccupation, et pas seulement à l'égard de l'Inde. Nous négocions avec la partie indienne un plan d'action en vue de renforcer les engagements dans le domaine de la responsabilité sociale des entreprises, du travail décent et de la lutte contre le travail des enfants, et nous incluons dans la difficile négociation de l'accord de commerce et d'investissement des dispositions sur les droits fondamentaux du travail conformes aux normes de l'Organisation internationale du travail. Comme je l'ai dit, je partage l'avis qui a été exprimé par Mme Gill, qui m'a paru très équilibré. Nous devons être solidaires des victimes de toutes les attaques terroristes, nous devons également condamner l'Inde lorsque des mesures contre les actes terroristes nous semblent insuffisantes, mais aussi soutenir les autorités indiennes lorsqu'elles prennent les mesures adéquates.
En ce qui concerne les observations qui ont été faites à propos de la coopération nucléaire, je rappelle qu'il y a eu le 6 septembre dernier un accord conclu par le groupe des fournisseurs nucléaires, par lequel il a été décidé d'accorder une dérogation permettant de nouer avec l'Inde des relations commerciales dans le domaine nucléaire civil, sous le contrôle, avec l'accord et dans le respect des conditions posées par l'Agence internationale de l'énergie atomique, et je rappellerai également que l'Inde s'est engagée à prolonger son moratoire sur les essais nucléaires et, enfin, que les programmes civils et militaires doivent être clairement séparés.
En conclusion, l'Union européenne - je le rappelle - est la seule qui développe un dialogue rigoureux avec l'ensemble des pays émergents et qui applique à chacun de ses partenaires les mêmes critères en matière de Droits de l'Homme, avec la clause obligatoire dans tout nouvel accord depuis 1995, avec une exigence de respect des normes internationales, qu'il s'agisse de la CPI, des conventions des Nations unies sur les droits politiques ou de l'application des droits sociaux et environnementaux. Cela vaut pour tous les pays émergents, y compris, par nos partenaires indiens.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 septembre 2008