Texte intégral
En vous écoutant, j'ai évidemment envie d'évoquer avec vous le rôle que nous avons pu jouer, les uns et les autres, dans les médiations diverses auxquelles nous avons participées.
De ce point de vue, je veux saluer la présidence burkinabé et le rôle éminent joué par le président Compaoré. Je profite de son absence, sa modestie dût-elle en souffrir, pour saluer l'efficacité de sa médiation dans bien des occasions, en particulier bien sûr en Côte d'Ivoire et au Togo.
Je veux également saluer Lakhdar Brahimi parce que j'ai senti à la fois le technicien et l'homme d'engagement dans son propos. Je veux dire que rien n'est plus vrai que ce qu'il a dit à propos de la lenteur nécessaire pour arriver doucement mais rapidement à son but. Bravo! Cela prend du temps en effet.
Je saluerai aussi ce qu'a dit mon ami Franco Frattini parce que le rôle des femmes, et surtout de la société civile - merci également à vous Monsieur le Ministre des Affaires étrangères belge - est tout à fait essentiel.
Qu'il me soit permis de dire que donner un aspect scientifique à la médiation est certes très louable, mais il y a là quelque chose d'impalpable et peut-être d'un peu inventé à chaque seconde. La médiation est faite d'analyses de la situation, peut-être d'un peu de spontanéité, et puis de chance - une formidable chance à saisir de temps en temps. On ne sait pas vraiment pourquoi on se trompe parfois. Et puis, une autre fois, une voie s'ouvre et là, on a la chance d'obtenir un résultat.
Je voudrais rappeler qu'il y a 60 ans, le comte Folke Bernadotte a été envoyé en qualité de tout premier médiateur des Nations unies pour "promouvoir un ajustement pacifique de la situation future en Palestine". Nous y sommes encore. Ses ambitions ont été stoppées, on s'en souvient, par un acte de terrorisme au cours duquel lui et son conseiller militaire français, le colonel Serot, furent assassinés. Le compte Folke Bernadotte a été le premier négociateur des Nations unies mais aussi le premier représentant de l'ONU à payer de sa vie ses tentatives pour trouver une solution par le dialogue et la coopération. Depuis, d'autres médiateurs notables des Nations unies - et d'autres moins connus -, ont également consacré leur vie au service de la paix ; je dois évidemment citer Dag Hammarskjöld et Sérgio Vieira de Mello.
Le début de ce processus est donc connu ; la fin, nous ne la connaissons pas encore. Elle nous appartient à tous ; c'est un long mouvement. Le débat de ce jour nous offre la possibilité d'honorer ces efforts et de souligner notre appui au rôle des Nations unies afin de trouver des solutions, par la négociation, à des problèmes bien difficiles, que ce soit en Palestine ou au Darfour.
Je voudrais souligner trois points très rapidement. La médiation est au coeur de l'activité diplomatique et politique. Certains en doutent. La diplomatie est souvent critiquée. Les bons offices permettent de transmettre des messages entre des parties qui ne dialoguent plus, c'est l'évidence. La médiation propose une solution, un compromis, pour sortir d'une situation figée. Ces initiatives sont l'instrument, le réflexe des chefs d'Etat et des personnalités politiques qui luttent en faveur de la paix. Cela ne suffit pas. Cela suppose naturellement un savoir-faire, des qualités personnelles, la capacité de s'adapter selon l'équilibre des forces et, surtout, l'aptitude à demeurer légitime et crédible - et c'est là le plus difficile.
Nous sommes tous tentés de donner un petit avantage. Nous sommes tous tentés de dire que l'un a raison et que l'autre a tort. Mais c'est impossible, car cela pourrait affecter la légitimité et la crédibilité de notre action. Si j'avais le temps, je raconterais au Conseil la tentation que nous avons eue, il y a quelques jours, au sein de la Présidence française de l'Union européenne, de tenter d'apporter une médiation un peu positive au problème posé au Caucase entre la Géorgie et la Russie. Ce serait peut-être un exemple, inachevé, certes, et peut-être un peu prétentieux de souligner ces efforts nécessaires.
La création d'une unité de soutien à la médiation et d'une équipe d'experts affectés aux principaux domaines clefs de la négociation représente certes une avancée, mais c'est un peu comme dans le domaine humanitaire : au début, c'était une grande surprise et tout le monde l'approuvait, puis c'est devenu un enseignement d'université et ce n'est plus pareil.
D'ailleurs, à propos d'humanitaire, je suis à côté du Premier ministre de la Croatie et je signale que dans la médiation, il y a une étape nécessaire pour permettre un accès humanitaire, n'oublions pas cela. Je pense évidemment à Dubrovnik, Monsieur le Premier Ministre. Tout est politique, bien sûr, dans l'humanitaire aussi, mais essayer de soulager d'un point de vue humanitaire était une préoccupation essentielle, c'est beaucoup moins le cas maintenant et je le déplore.
Les exemples de succès de l'Organisation des Nations unies sont très nombreux : El Salvador, le Cambodge, la Namibie, le Guatemala, le Burundi, etc. Il faut les souligner car ils sont très vite oubliés. Lorsque cela ne marche pas, tout le monde, bien sûr, critique les Nations unies : "Que font les Nations unies?". Mais quand cela marche, tout est oublié à toute allure. La liste des succès des Nations unies, en ce qui concerne les médiations de ces vingt dernières années - depuis la fin de la guerre froide en particulier - est considérable. Quand on critique l'Organisation des Nations unies, il faut penser aussi à ses succès.
Des organisations et des acteurs régionaux jouent un rôle croissant. On peut évidemment citer l'Organisation des Etats américains en Haïti, le Forum des îles du Pacifique, l'Union africaine, etc. Ce sont des organisations essentielles. L'Union européenne a également renforcé, ces dernières années, son rôle de médiation, d'abord dans les Balkans - Serbie, Monténégro, Kosovo, échanges de prisonniers, Croatie, etc. Chacun sait cela. Plus largement, l'Union européenne se tient prête à proposer son appui et sa médiation, en particulier en faveur du processus du Moyen-Orient. L'Union européenne croit, de façon peut-être un peu légitime, que l'association de ses vingt-sept pays peut jouer un rôle politique dans bien des domaines et qu'il n'est pas assez exploité ; aujourd'hui, son action consiste davantage à fournir de l'aide financière qu'à intervenir dans un processus de médiation. A chaque fois que nous nous sommes engagés, cela n'a pas été complètement négatif.
Deuxième point, les médiations doivent s'inscrire dans une approche globale de la crise. Il s'agit là de quelque chose de très politique, évidemment, et pas seulement de flair et de tactique. S'il n'y a pas une appréciation globale, régionale, et je dirais même presque mondiale, alors cela ne marche que très difficilement. Même si la distinction existe, il ne faut pas s'enfermer dans une logique de séparation entre chapitre VI et chapitre VII de la Charte. Chaque décision du Conseil de sécurité, je le rappelle, s'impose à tous.
Les sanctions peuvent être nécessaires et constituer un outil au service de la médiation et du règlement des conflits, lorsque la communauté internationale refuse le dialogue avec les terroristes et les criminels de guerre ou lorsqu'il s'agit de conduire ceux qui refusent d'entrer dans un processus de paix à négocier et à coopérer. A titre d'exemple, en République démocratique du Congo, sont visées par les sanctions les personnes "faisant obstacle au désarmement, à la démobilisation, au rapatriement, à la réinstallation et à l'insertion". Il y a tout un débat à mener sur les sanctions. Honnêtement, nous avons des exemples positifs et des exemples négatifs.
A la frontière du règlement pacifique des différends et de la coercition, les opérations de maintien de la paix maintiennent une présence stabilisatrice sur le terrain qui, dans certains cas, peut être mobilisée en appui aux efforts de dialogue. Parce que le mandat est en principe la conclusion de l'accord de paix, les médiateurs sont souvent les annonciateurs d'un réinvestissement de la communauté internationale sur un théâtre de crise. Il faut alors agir vite.
Dans les semaines cruciales qui suivent l'annonce de la paix, la communauté internationale doit soutenir les institutions nationales encore fragiles. Il faut leur permettre de répondre aux besoins critiques de la population et de favoriser - mots importants - la sortie de crise. On ne souligne pas assez l'importance de la sortie de crise, c'est-à-dire que le "nation-building" n'est pas assez enseigné. Je crois qu'il est essentiel, si l'on parle de médiation, de souligner que cela est suivi de tout un déploiement qui peut durer de nombreuses années, parfois une génération. Quand on commence une médiation et qu'elle est un succès, n'oublions pas qu'il n'est pas possible de déterminer une vraie date de sortie de crise.
Nous parlons de médiation. Nous parlons aussi de responsabilité de protéger ; je ne vais pas prononcer le mot "ingérence", c'est interdit, bien entendu. C'est à peine crédible, ici, mais je le prononce quand même.
Je voulais souligner tous ces aspects. Nous devons évidemment poursuivre nos efforts pour mieux articuler les interventions de la communauté internationale depuis le début : l'alerte - toujours trop tardive -, depuis l'intrusion, les efforts de la communauté internationale - toujours trop tardifs - jusqu'à la sortie de crise, qui n'est jamais vraiment prévisible.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 septembre 2008
De ce point de vue, je veux saluer la présidence burkinabé et le rôle éminent joué par le président Compaoré. Je profite de son absence, sa modestie dût-elle en souffrir, pour saluer l'efficacité de sa médiation dans bien des occasions, en particulier bien sûr en Côte d'Ivoire et au Togo.
Je veux également saluer Lakhdar Brahimi parce que j'ai senti à la fois le technicien et l'homme d'engagement dans son propos. Je veux dire que rien n'est plus vrai que ce qu'il a dit à propos de la lenteur nécessaire pour arriver doucement mais rapidement à son but. Bravo! Cela prend du temps en effet.
Je saluerai aussi ce qu'a dit mon ami Franco Frattini parce que le rôle des femmes, et surtout de la société civile - merci également à vous Monsieur le Ministre des Affaires étrangères belge - est tout à fait essentiel.
Qu'il me soit permis de dire que donner un aspect scientifique à la médiation est certes très louable, mais il y a là quelque chose d'impalpable et peut-être d'un peu inventé à chaque seconde. La médiation est faite d'analyses de la situation, peut-être d'un peu de spontanéité, et puis de chance - une formidable chance à saisir de temps en temps. On ne sait pas vraiment pourquoi on se trompe parfois. Et puis, une autre fois, une voie s'ouvre et là, on a la chance d'obtenir un résultat.
Je voudrais rappeler qu'il y a 60 ans, le comte Folke Bernadotte a été envoyé en qualité de tout premier médiateur des Nations unies pour "promouvoir un ajustement pacifique de la situation future en Palestine". Nous y sommes encore. Ses ambitions ont été stoppées, on s'en souvient, par un acte de terrorisme au cours duquel lui et son conseiller militaire français, le colonel Serot, furent assassinés. Le compte Folke Bernadotte a été le premier négociateur des Nations unies mais aussi le premier représentant de l'ONU à payer de sa vie ses tentatives pour trouver une solution par le dialogue et la coopération. Depuis, d'autres médiateurs notables des Nations unies - et d'autres moins connus -, ont également consacré leur vie au service de la paix ; je dois évidemment citer Dag Hammarskjöld et Sérgio Vieira de Mello.
Le début de ce processus est donc connu ; la fin, nous ne la connaissons pas encore. Elle nous appartient à tous ; c'est un long mouvement. Le débat de ce jour nous offre la possibilité d'honorer ces efforts et de souligner notre appui au rôle des Nations unies afin de trouver des solutions, par la négociation, à des problèmes bien difficiles, que ce soit en Palestine ou au Darfour.
Je voudrais souligner trois points très rapidement. La médiation est au coeur de l'activité diplomatique et politique. Certains en doutent. La diplomatie est souvent critiquée. Les bons offices permettent de transmettre des messages entre des parties qui ne dialoguent plus, c'est l'évidence. La médiation propose une solution, un compromis, pour sortir d'une situation figée. Ces initiatives sont l'instrument, le réflexe des chefs d'Etat et des personnalités politiques qui luttent en faveur de la paix. Cela ne suffit pas. Cela suppose naturellement un savoir-faire, des qualités personnelles, la capacité de s'adapter selon l'équilibre des forces et, surtout, l'aptitude à demeurer légitime et crédible - et c'est là le plus difficile.
Nous sommes tous tentés de donner un petit avantage. Nous sommes tous tentés de dire que l'un a raison et que l'autre a tort. Mais c'est impossible, car cela pourrait affecter la légitimité et la crédibilité de notre action. Si j'avais le temps, je raconterais au Conseil la tentation que nous avons eue, il y a quelques jours, au sein de la Présidence française de l'Union européenne, de tenter d'apporter une médiation un peu positive au problème posé au Caucase entre la Géorgie et la Russie. Ce serait peut-être un exemple, inachevé, certes, et peut-être un peu prétentieux de souligner ces efforts nécessaires.
La création d'une unité de soutien à la médiation et d'une équipe d'experts affectés aux principaux domaines clefs de la négociation représente certes une avancée, mais c'est un peu comme dans le domaine humanitaire : au début, c'était une grande surprise et tout le monde l'approuvait, puis c'est devenu un enseignement d'université et ce n'est plus pareil.
D'ailleurs, à propos d'humanitaire, je suis à côté du Premier ministre de la Croatie et je signale que dans la médiation, il y a une étape nécessaire pour permettre un accès humanitaire, n'oublions pas cela. Je pense évidemment à Dubrovnik, Monsieur le Premier Ministre. Tout est politique, bien sûr, dans l'humanitaire aussi, mais essayer de soulager d'un point de vue humanitaire était une préoccupation essentielle, c'est beaucoup moins le cas maintenant et je le déplore.
Les exemples de succès de l'Organisation des Nations unies sont très nombreux : El Salvador, le Cambodge, la Namibie, le Guatemala, le Burundi, etc. Il faut les souligner car ils sont très vite oubliés. Lorsque cela ne marche pas, tout le monde, bien sûr, critique les Nations unies : "Que font les Nations unies?". Mais quand cela marche, tout est oublié à toute allure. La liste des succès des Nations unies, en ce qui concerne les médiations de ces vingt dernières années - depuis la fin de la guerre froide en particulier - est considérable. Quand on critique l'Organisation des Nations unies, il faut penser aussi à ses succès.
Des organisations et des acteurs régionaux jouent un rôle croissant. On peut évidemment citer l'Organisation des Etats américains en Haïti, le Forum des îles du Pacifique, l'Union africaine, etc. Ce sont des organisations essentielles. L'Union européenne a également renforcé, ces dernières années, son rôle de médiation, d'abord dans les Balkans - Serbie, Monténégro, Kosovo, échanges de prisonniers, Croatie, etc. Chacun sait cela. Plus largement, l'Union européenne se tient prête à proposer son appui et sa médiation, en particulier en faveur du processus du Moyen-Orient. L'Union européenne croit, de façon peut-être un peu légitime, que l'association de ses vingt-sept pays peut jouer un rôle politique dans bien des domaines et qu'il n'est pas assez exploité ; aujourd'hui, son action consiste davantage à fournir de l'aide financière qu'à intervenir dans un processus de médiation. A chaque fois que nous nous sommes engagés, cela n'a pas été complètement négatif.
Deuxième point, les médiations doivent s'inscrire dans une approche globale de la crise. Il s'agit là de quelque chose de très politique, évidemment, et pas seulement de flair et de tactique. S'il n'y a pas une appréciation globale, régionale, et je dirais même presque mondiale, alors cela ne marche que très difficilement. Même si la distinction existe, il ne faut pas s'enfermer dans une logique de séparation entre chapitre VI et chapitre VII de la Charte. Chaque décision du Conseil de sécurité, je le rappelle, s'impose à tous.
Les sanctions peuvent être nécessaires et constituer un outil au service de la médiation et du règlement des conflits, lorsque la communauté internationale refuse le dialogue avec les terroristes et les criminels de guerre ou lorsqu'il s'agit de conduire ceux qui refusent d'entrer dans un processus de paix à négocier et à coopérer. A titre d'exemple, en République démocratique du Congo, sont visées par les sanctions les personnes "faisant obstacle au désarmement, à la démobilisation, au rapatriement, à la réinstallation et à l'insertion". Il y a tout un débat à mener sur les sanctions. Honnêtement, nous avons des exemples positifs et des exemples négatifs.
A la frontière du règlement pacifique des différends et de la coercition, les opérations de maintien de la paix maintiennent une présence stabilisatrice sur le terrain qui, dans certains cas, peut être mobilisée en appui aux efforts de dialogue. Parce que le mandat est en principe la conclusion de l'accord de paix, les médiateurs sont souvent les annonciateurs d'un réinvestissement de la communauté internationale sur un théâtre de crise. Il faut alors agir vite.
Dans les semaines cruciales qui suivent l'annonce de la paix, la communauté internationale doit soutenir les institutions nationales encore fragiles. Il faut leur permettre de répondre aux besoins critiques de la population et de favoriser - mots importants - la sortie de crise. On ne souligne pas assez l'importance de la sortie de crise, c'est-à-dire que le "nation-building" n'est pas assez enseigné. Je crois qu'il est essentiel, si l'on parle de médiation, de souligner que cela est suivi de tout un déploiement qui peut durer de nombreuses années, parfois une génération. Quand on commence une médiation et qu'elle est un succès, n'oublions pas qu'il n'est pas possible de déterminer une vraie date de sortie de crise.
Nous parlons de médiation. Nous parlons aussi de responsabilité de protéger ; je ne vais pas prononcer le mot "ingérence", c'est interdit, bien entendu. C'est à peine crédible, ici, mais je le prononce quand même.
Je voulais souligner tous ces aspects. Nous devons évidemment poursuivre nos efforts pour mieux articuler les interventions de la communauté internationale depuis le début : l'alerte - toujours trop tardive -, depuis l'intrusion, les efforts de la communauté internationale - toujours trop tardifs - jusqu'à la sortie de crise, qui n'est jamais vraiment prévisible.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 septembre 2008