Texte intégral
La généralisation du revenu de solidarité active (RSA) est aujourd'hui bien plus qu'un engagement de campagne tenu : c'est une avancée majeure, un changement de cap à la fois dans notre approche du marché du travail et notre politique de solidarité. Une politique qui a, pendant trop longtemps, cloisonné les approches et cherché à partager ce qui manque, plutôt que d'investir pour tous. Une politique dont il est temps de changer l'orientation pour aller vers une démarche pragmatique, qui allie valorisation du travail et lutte contre toutes les formes de précarité, avec un objectif : la production de revenus supplémentaires pour tous.
Pour lutter contre le travail précaire, il faut en finir avec une approche unique, qui consiste seulement à redistribuer aux plus démunis ; il faut aussi revoir en profondeur les logiques de notre marché du travail, pour apporter plus de garanties aux salariés sur le long terme. Solidarité et modernisation de notre marché du travail, l'un ne peut pas aller sans l'autre. Et c'est sur cette double logique, sur ces deux piliers qu'a été conçu le RSA.
Il est une étape nécessaire et incontournable dans la lutte contre la précarité et pour la valorisation du travail pour tous. Nécessaire d'abord parce qu'il y a urgence, les chiffres le disent : le nombre de travailleurs pauvres a augmenté de 21 % dans notre pays ces trois dernières années. Le taux de pauvreté des personnes ayant un emploi temporaire est deux fois supérieur à celui des salariés embauchés à durée indéterminée. Nous ne pouvions pas rester les bras croisés.
Nécessaire ensuite parce qu'il a déjà fait ses preuves sur le terrain : il change le quotidien des personnes qui en bénéficient là où il est expérimenté. Dans les 34 territoires concernés, le RSA augmente ainsi en moyenne de 30 % le taux de retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI, par rapport à ce qu'on constate là où l'expérimentation n'est pas menée.
Si cette réforme est par ailleurs incontournable, c'est parce qu'elle s'accompagne de solides garanties pour les bénéficiaires. La première : avec le RSA, travailler à temps plein sera toujours plus rémunérateur que de travailler à temps partiel. Le RSA sera une aide au démarrage. Deuxième garantie : le RSA ne figurera pas sur la feuille de paye. L'employeur n'en aura pas connaissance, et n'en connaîtra pas le montant. Un salarié qui bénéficiera du RSA sera donc un salarié comme un autre.
Dans le même temps, le projet de loi sur la valorisation des revenus du travail va favoriser des politiques salariales plus dynamiques, à travers la conditionnalité des allégements de charges. Le texte présenté au Parlement sur la valorisation des revenus du travail prévoit en effet une pénalité de 10 % pour les entreprises qui n'ouvriraient pas de négociation sur les salaires, et pour les branches qui n'accorderaient pas leurs minima salariaux avec le niveau du smic. Vous le voyez, notre approche est globale, pragmatique et cohérente : réforme de notre marché du travail et solidarité, tout se tient.
Le RSA, c'est aussi - et enfin ! - l'occasion inédite d'une rupture avec des choix de politique économique qui, depuis vingt ans, ont sacrifié l'emploi des salariés peu qualifiés sur l'autel de l'assistanat, et qui se sont donné bonne conscience en mettant en place un revenu minimum qui a progressivement décroché par rapport au salaire médian. Mais disons les choses clairement : le RMI est vite devenu un plafond plutôt qu'un plancher pour les personnes qui le touchent, un plafond qui enferme dans l'inactivité. Initialement prévu en 1988 pour concerner quelques dizaines de milliers de familles, le nombre des bénéficiaires du RMI n'a cessé de progresser pour atteindre 1,2 million de personnes.
Depuis 1988, c'est notre économie et notre compétitivité qui y perdent : elles perdent d'abord de l'activité parce qu'elles perdent des actifs ; elles y perdent ensuite parce que les charges des entreprises sont alourdies par le besoin de financement des dépenses de solidarité ; elles y perdent, enfin, parce que notre pays s'empêche de diversifier ses activités pour répondre aux qualifications et aux attentes de tous les salariés, et d'apporter un complément indispensable aux activités de pointe. C'est là un énorme gâchis humain, un gâchis social, mais aussi une erreur de politique économique majeure, qui a largement amputé notre potentiel de croissance.
L'ENGAGEMENT DE TOUS
Le RSA est une étape pour combattre la croissance des précarités sur le marché du travail. D'autres réformes doivent suivre. Les enjeux sont considérables pour mieux répondre aux besoins d'emploi, notamment dans des secteurs intensifs en main-d'oeuvre. Pour y répondre, il faudra que notre système de formation soit au rendez-vous et redevienne une machine efficace pour sécuriser la situation des moins qualifiés. C'est un enjeu pour les négociations qui s'ouvrent, notamment celles relatives à la formation professionnelle. La réussite du RSA ne sera pas seulement garantie par une belle loi. Elle dépend de l'engagement constant contre la pauvreté de tous ceux qui peuvent y contribuer.
La création du RSA est l'occasion de prendre un nouveau cap et de valoriser enfin le travail pour tous. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la plupart des pays européens ont opté avant nous pour une démarche de ce type : Working tax credit au Royaume-Uni, Kombilohn en Allemagne... Avec le RSA, nous arrêtons enfin de faire exception. Avec le RSA, nous faisons clairement le choix du travail : il était temps !
Source http://www.u-m-p.org, le 10 septembre 2008