Texte intégral
La prévention des risques professionnels est vous le savez, une dimension importante de notre action pour améliorer les conditions de travail. Travailler plus, oui, travailler mieux aussi.
Voilà pourquoi les conditions de travail sont essentielles et leur amélioration également.
Depuis notre précédente rencontre de juillet 2007, nous avons, ensemble, fait beaucoup évoluer les choses. Pour autant, il nous reste encore beaucoup à faire.
I- J'aimerais d'abord vous présenter un bref bilan statistique de la santé au travail.
Nous pouvons tout d'abord nous réjouir que les accidents du travail soient moins fréquents :
39,4 accidents pour 1 000 salariés au lieu de 46 pour 1 000 dix ans plus tôt. Ils sont surtout moins graves : ceux donnant lieu à un arrêt de travail sont ainsi moins nombreux qu'il y a sept ans. Depuis 20 ans, le nombre des accidents graves a été divisé par 2, et celui des accidents mortels divisés par 3.
Mais ces progrès doivent encore être consolidés. J'en veux pour preuve le fait que les accidents mortels ont, hélas, augmenté cette année de 13 %. Cette hausse, que j'espère seulement conjoncturelle dans ce contexte d'amélioration générale, est bien le signe que nous ne devons jamais relâcher nos efforts.
Cette réunion de rentrée doit ainsi être l'occasion de renforcer notre détermination pour améliorer la santé et la sécurité au travail dans les entreprises, toutes les entreprises.
II- Un certain nombre d'actions ont déjà été engagées cette année.
Dans le domaine de la prévention du risque chimique, la réglementation nationale a profondément évolué sous l'impact notamment du règlement REACH. Mais la loi n'est efficace que si elle est comprise et appliquée sur le terrain. C'est pourquoi je tiens à rappeler le rôle important des contrôles. Dans le secteur du bois par exemple, la campagne qui vient de s'achever a donné lieu à plus de 3 000 contrôles, participant ainsi à la prévention des cancers dus aux poussières de bois.
III- La Conférence sur les conditions de travail du 4 octobre nous avait permis de déterminer ensemble les grands chantiers prioritaires : où en sommes-nous ?
1) La 1ère priorité est d'assurer une meilleure efficacité de la prévention.
Cela exige d'abord d'améliorer les outils de prévention.
En aidant les entreprises, en donnant priorité aux TPE-PME, pour s'approprier les outils de prévention. D'ici la fin de l'année, grâce au concours de tous les organismes de prévention, un site Internet va permettre à toutes les entreprises et à tous les salariés d'accéder à des informations sur la santé et la sécurité au travail en privilégiant des outils simples, il n'y a que cela qui marche, des outils pédagogiques et directement utiles par les entreprises, les salariés ou et leurs représentants.
Rendre la prévention plus efficace, cela demande également de mieux coordonner et de mieux impliquer les différents acteurs.
Au niveau national, le décret portant création du COCT est en cours d'examen par le Conseil d'Etat et je souhaite que ce conseil, qui succèdera à l'instance qui vous réunit, puisse être installé dès janvier prochain. Vous y disposerez d'un pouvoir d'initiative nouveau et étendu dont vous ferez, j'en suis persuadé, bon usage....
Au niveau régional, les premiers travaux des comités régionaux de prévention des risques professionnels (CRPRP) montrent une réelle implication des acteurs locaux dans le diagnostic territorial et la hiérarchisation des actions à mener. Ils permettront d'enrichir les plans régionaux de santé au travail (PRST) dont je vous adresserai prochainement un bilan d'activité. Enfin, la CAT/MP a présenté un bilan des ORST en février dernier ; il nous faut maintenant réfléchir aux modalités de rapprochement entre les ORST et les CRPRP. Je reste attentif aux propositions que vous pourrez formuler à ce sujet.
2) La deuxième priorité est d'améliorer la prise en compte des risques professionnels Cette année a vu de réelles avancées dans la lutte contre les trois risques majeurs que nous avions choisi de cibler lors de la conférence du 4 octobre dernier :
S'agissant tout d'abord des risques psychosociaux :
La transposition de l'accord européen sur le stress au travail constitue une première avancée dont je veux vous féliciter et j'espère que les branches professionnelles le déclineront rapidement pour qu'il trouve une application concrète dans les entreprises, ce que chacun souhaite.
De mon côté, pour mettre en oeuvre les propositions du rapport Nasse/Légeron sur les indicateurs, j'ai demandé à l'INSEE, à la DRESS et à la DARES d'améliorer l'appareil statistique existant et de lancer les travaux préparatoires à la grande enquête nationale, dont nous avions déjà parlée. Dès la fin de l'année, ils seront en mesure également de nous proposer un tableau de bord sur des indicateurs pertinents disponibles ou perfectibles à partir des enquêtes existantes, dont certaines vont être améliorées, à l'instar de SUMER. Parallèlement, l'INSEE va mettre en place un collège d'expertise scientifique qui travaillera sur la mise en place de l'enquête nationale sur les risques psychosociaux en 2009.
Parlons maintenant des CMR Nous avons signé, le 21 avril dernier, avec les branches professionnelles de la métallurgie, de la chimie et de la peinture des conventions d'objectifs en vue d'appuyer l'évaluation des risques et la substitution. Ces conventions permettront d'améliorer la protection des salariés de ces industries ainsi que celle de leurs sous-traitants, ce qui est une nouveauté dont nous pouvons nous féliciter.
Dans la même perspective, les travaux que vous menez actuellement dans le cadre de la CATMP sur la traçabilité des expositions professionnelles sont particulièrement attendus et nous permettront, je l'espère, de construire un dispositif simple et surtout efficace.
En matière de lutte contre les TMS la campagne nationale d'information que nous avons lancée en mars dernier a permis de faire mieux connaître ces pathologies au grand public et d'insister sur la nécessité d'en parler dans l'entreprise.
Nous allons poursuivre cette campagne qui ciblera désormais en priorité les employeurs et les entreprises.
Enfin, l'issue de vos négociations - très attendues- en matière de médecine du travail et de dialogue social sur les conditions de travail dans les entreprises- constituera je l'espère le socle sur lequel nous pourrons élaborer une réforme en profondeur de la prévention et les bases d'un nouveau plan Santé au travail pour prendre la suite de celui qui s'achèvera en 2009.
J'ai noté avec satisfaction l'accord de la plupart d'entre-vous au lancement des négociations sur la médecine du travail. Comme je vous l'ai indiqué lors de la deuxième conférence sur les conditions de travail du 27 juin dernier, j'attache beaucoup d'importance à la réforme des services de santé au travail, réforme urgente à mon sens après la production de nombreux rapport qui ont constaté, de manière unanimes, les difficultés, les insuffisances et les risques à venir de et pour la médecine du travail.
Il y a également la question des 3 autres sujets de négociations qui ressortent de la première conférence sur les conditions de travail du 4 octobre 2007 (la réforme des CHSCT, les dispositifs d'alerte et du cadre d'un dialogue social sur les conditions de travail dans les TPE-PME), vous aviez estimé utile avant d'ouvrir ces négociations que les mesures nécessaires à la transposition de l'accord des partenaires sociaux de mars 2007 sur la prévention, la tarification et la réparation des AT-MP soient mis en oeuvre. Le groupe constitué à ma demande sur cette transposition autour du Directeur de la Sécurité Sociale, Dominique Libault a rendu ses conclusions. Elles seront mises en oeuvre pour une part dans le PLFSS qui sera rendu public lors de la Commission des comptes du 29 septembre et pour une autre part lors dans la prochaine Convention d'Objectifs et de Gestion (COG) de la branche AT-MP. Dès lors, vos négociations sur les sujets issus de la conférence sur les conditions de travail de l'an dernier vont donc pouvoir commencer.
IV- Parallèlement à ces chantiers prioritaires que nous avons engagés, quatre autres sujets me tiennent à coeur
La pénibilité : C'est une question sur laquelle il est crucial que nous avancions. Nous devons d'abord réduire les facteurs de pénibilité par des actions ciblées. Nous devons aussi réfléchir aux moyens de compenser la perte d'espérance de vie qui affecte les travailleurs qui en ont le plus souffert.
Vos négociations n'ont pas pu aboutir à un accord ; je vous rencontrerai donc prochainement pour envisager la poursuite des discussions en ce domaine.
Concernant l'amiante
Comme vous le savez, la transposition de la directive européenne de 2003 a permis de faire évoluer la réglementation. Trois arrêtés ont déjà été publiés au premier semestre 2007 ; deux autres sont en préparation : le premier sur la validation de la formation des travailleurs à la prévention du risque amiante et le second sur l'accréditation et la certification des organismes prestataires de formation.
En matière de réparation, je sais que ce sujet suscite de grandes attentes. Le projet de réforme du FCAATA constitue un chantier majeur ; les propositions du groupe de travail présidé par Jean LE GARREC sont riches et je vous indiquerai, d'ici la fin de l'année, les évolutions que nous envisageons.
Les risques émergents suscitent par ailleurs également beaucoup d'interrogations En effet, face à une technologie qui ne cesse de se renouveler et dont les dangers, il faut le dire, sont encore mal connus, comment prendre en compte le principe de précaution sans freiner l'innovation ?
Dans un tel contexte, il nous faut améliorer nos connaissances et réfléchir de façon rationnelle aux risques sanitaires et aux mesures préventives à mettre en oeuvre.
Dans son rapport de juin 2006 sur les nanotechnologies, l'AFSSET préconisait de développer des outils de mesure adaptés et d'étudier l'efficacité des équipements de protection existants. En juin dernier, l'agence a rendu un nouveau rapport dont les propositions permettront de nourrir la réflexion collective. En ce domaine, soyez assurés que les pouvoirs ont le souci de concilier le principe de précaution avec le développement de l'innovation.
Enfin, il faut que nous soyons tous mobilisés pour l'emploi des seniors L'intégration ou le maintien dans l'emploi des salariés âgés constitue une priorité pour le gouvernement, comme nous l'avons rappelé avec Christine LAGARDE et Laurent. WAUQUIEZ le 26 juin dernier de façon à ce que les comportements changent vraiment, au-delà des bonnes intentions affichées par tous mais qui tardent hélas à se concrétiser sur le terrain.
Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui sera présenté le 29 septembre prochain, nous traduirons dans les textes ces annonces avec des mesures portant par exemple sur le cumul emploi retraite, la surcote, la question des limites d'âge ou la négociation d'ici 2010 d'accords de branches ou d'entreprises en faveur de l'emploi des salariés âgés.
Pour garder notre système de protection sociale solidaire, si nous vivons plus longtemps, il faut nécessairement accepter individuellement et collectivement de travailler un peu plus longtemps. Préserver le "capital santé" des salariés devient donc plus que jamais une nécessité.
Le Conseil européen de Stockholm de 2002, vous le savez s'est fixé l'objectif de porter à 50% le taux d'emploi moyen dans l'Union européenne sur les salariés de 55 à 64 ans. La France en est loin aujourd'hui, très loin, trop loin.
Pour relever ensemble ce défi, chaque entreprise doit adapter la formation professionnelle, l'organisation du travail ainsi que la santé et la sécurité des séniors et maximiser la capacité de travail et la qualité de vie de chacun.
En 2007, seuls deux accords de branche ont décliné l'accord national interprofessionnel sur l'emploi des seniors du 13 octobre 2005, notamment sur le point des conditions de travail. Je serais donc particulièrement attentif au contenu des accords conclus d'ici le 31 décembre 2009 par les entreprises et les branches en ce domaine. Nous avons vraiment besoin de la mobilisation de tous.
Je ne voudrais pas conclure sans évoquer la dimension européenne que nous voulons donner à notre politique d'amélioration des conditions de travail.
La huitième édition du Forum International Travail-Santé (FITS) se déroulera les 3 et 4 novembre 2008 à Paris et constituera un temps fort de la Présidence française de l'Union européenne en matière de santé et sécurité au travail.
J'ai souhaité que ce forum vienne prolonger les débats que nous avons pu avoir lors des conférences sur les conditions de travail avec : l'évaluation des risques dans les TPE-PME ; le rôle des représentants du personnel en matière de prévention des risques professionnels, les âges et les conditions de travail, les risques psychosociaux et les risques émergents, Toutes ces problématiques trouvent une résonance dans les autres pays de l'Union et le FITS sera donc l'occasion de confronter nos points de vue et de renforcer nos politiques de prévention des risques professionnels.
En ce domaine, je le répète, les partenaires sociaux ont un rôle essentiel à jouer. C'est pourquoi il est essentiel pour nous de recueillir vos avis, vos questions et vos propositions.
Je donne la parole à Jean-Denis Combrexelle, Directeur Général du Travail.
Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 17 septembre 2008