Texte intégral
Merci infiniment (à Michèle Reiser - ndlr) de la présentation que vous venez de nous faire . Vous me donnez l'occasion de rappeler que la politique que je mène en faveur des droits des femmes s'appuie sur deux axes fondamentaux : l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la lutte contre les violences faites aux femmes.
Je tiens à rappeler ces deux priorités car réduire les inégalités et éradiquer le phénomène des violences ne peuvent se concevoir sans réfléchir à l'image des femmes, à leurs représentations dans tous les domaines en commençant par l'éducation, dès le plus jeune âge.
Vous nous montrez combien le poids des clichés et des stéréotypes continue à peser et à compromettre les progrès en faveur des femmes.
Nous avons l'ambition de faire évoluer les mentalités. Et pour cela, il est important de prendre conscience de l'inacceptable décalage qui perdure entre les stéréotypes qui continuent à s'appliquer à la représentation des femmes et la place réelle qu'elles occupent dans la société.
On rejoint ici les raisons pour lesquelles j'ai souhaité vous confier cette mission :
1. D'abord parce que s'occuper du droit des femmes, c'est naturellement s'interroger sur le sort réservé à leur image.
2. Ensuite parce que j'ai présenté un plan de luttes contre les violences faites aux femmes : en filigrane des travaux préparatoires, la question de l'image des femmes apparaissait ici ou là.
3. Enfin, parce que les stéréotypes conditionnent l'orientation des jeunes filles et leurs évolutions professionnelles. Comment travailler sur l'égalité professionnelle et ignorer cela.
Je voudrais encore dire ici que ce n'est pas par hasard que je me suis adressée à vous, chère Michèle. Philosophe, réalisatrice, écrivain, membre du CSA..aussi. Qui mieux que vous pouvait réunir autant de talents, de compétence et d'intelligence sur cette question. Merci à vous tous, membres éminents de cette commission et merci à Brigitte Grésy, dont la tâche n'a pas été simple, compte tenu de la richesse et du foisonnement de la réflexion.
Votre rapport le montre : malgré les avancées significatives réalisées durant les trente années qui viennent de s'écouler, la question de la place de la femme dans la société française reste au coeur de l'actualité. Mais il ne suffit pas de reconnaître les progrès accomplis. Malgré ceux-ci, les femmes souffrent toujours d'un déficit de valorisation économique et sociale. Les stéréotypes et les clichés dont elles sont l'objet participent à la discrimination fondée sur le sexe et les enferment dans un modèle unique de représentation.
J'apprécie d'autant plus votre rapport que son contenu équilibré révèle parfaitement ce décalage entre la vie des femmes et leur image dans les médias.
Vous évoquez la modernité des femmes en rappelant ses trois enjeux fondamentaux que sont l'accès au savoir et au travail, l'articulation de leur vie professionnelle et familiale, le rapport au corps et au désir qui ne s'assimile pas à la minceur et à l'éternelle jeunesse.
En ce sens, votre analyse conforte mes convictions et, dans le cadre de la Présidence française de l'Union européenne, m'encourage encore davantage à impulser, aux côtés de mes collègues du Gouvernement, une nouvelle dynamique de réduction des inégalités entre les sexes.
Par ailleurs, vous rappelez clairement que la France dispose d'un arsenal juridique précis pour encadrer les pratiques des médias. Ce constat me rassure car je n'ai jamais eu l'intention en vous confiant cette mission d'envisager des mesures coercitives de nature législative ou réglementaire. Des instances et des outils de régulation existent. Il s'agit de travailler avec les professionnels et de ne pas s'instaurer en censeur.
Votre rapport est sur ce point d'un intérêt sans précédent. Tandis que les nouvelles tendances portent atteinte aux stéréotypes existants, les archaïsmes perdurent et rendent les femmes « invisibles ou secondaires ».
Ces quelques chiffres m'ont particulièrement frappée :
- Au niveau mondial, 21 % de femmes contre 79 % d'hommes sur près de 13 000 reportages.
- En France, sur 192 articles dans 7 quotidiens, on ne trouve que 18 % de femmes contre 82 % d'hommes.
- Sur 16 chaînes TNT, enfin, 37 % de femmes contre 63 % d'hommes durant une semaine de diffusion de programmes
- En outre, non seulement les femmes sont en nombre inférieur à celui des hommes, mais leur présence est fragilisée par le traitement qui leur est fait en termes d'identification et de rôle social.
A ceci s'ajoute la part fort limitée des femmes dans la fabrication de l'information et, de surcroît, leur raréfaction aux postes stratégiques. Le plafond de verre dans le monde des médias est aussi incassable qu'ailleurs.
Ces constats sont éloquents et l'analyse que vous effectuez souligne la reconduction de stéréotypes récurrents. Les hommes restent les acteurs principaux et la représentation des femmes dans les médias souffre incontestablement d'une exacerbation de modèles souvent obsolètes.
Ma Chère Michèle, parmi vos préconisations destinées à corriger ces déséquilibres, je retiendrai dans l'immédiat quelques unes :
- Celles qui consistent à mieux mesurer le phénomène.
- Je saisirai l'opportunité de la présidence française de l'Union européenne pour lancer un projet de « monitorage » des médias afin de donner une impulsion pour que les 27 Etats membres adhèrent à une démarche qui s'inscrit entièrement dans le cadre de l'approche globale du genre.
- Mais surtout, j'adhère à la nécessité de favoriser l'autorégulation des médias en proposant notamment un rendez-vous annuel impliquant l'ensemble des médias. Je souhaite travailler avec les membres de la commission et les organes régulateurs les modalités de ce rendez vous annuel.
- La prévention, la formation constituent également des axes essentiels pour déconstruire les stéréotypes.
Puisque vous venez de me remettre votre rapport, il m'incombe désormais d'approfondir vos recommandations afin que nous puissions ensemble multiplier les actions de sensibilisation auprès de tous les publics, professionnels ou non.
Je vous remercie encore très vivement.
Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 1er octobre 2008