Texte intégral
J.-J. Bourdin.- Notre invité ce matin, J.-F. Copé, président du groupe UMP à l'Assemblée nationale. J.-F. Copé bonjour ! Merci d'être avec nous ce matin. Les surplus du Livret A qui vont servir à renflouer les caisses des banques qui prêtent aux PME, c'est une bonne idée ou une mauvaise idée ?
D'abord, je crois qu'il faut voir les modalités que souhaite mettre en oeuvre le Gouvernement. Pour l'instant, c'est une annonce générique, c'est une annonce de F. Fillon. Moi je crois que ce qui est très important dans ce contexte, c'est de voir de quoi on parle et quel est le fond de sujet aujourd'hui. On est sur d'abord une crise de crédit, majeure, ça c'est un paradoxe incroyable - je ne reviens pas sur les subprimes et comment tout ça est arrivé - mais il faut voir qu'aujourd'hui notre principal problème, c'est que nous avons des banques qui ne se prêtent pas entre elles, qui ne prêtent pas aux entreprises. Et donc, il y a un risque du coup, de voir des entreprises et notamment des PME, en grandes difficultés, temporaires, mais parfois le temporaire pour une entreprise cela peut être la mort aussi. Et dans le même temps, il y a des liquidités considérables sur les marchés, mais crise de confiance. On ne prête pas, parce qu'on ne sait pas ce que va devenir l'argent. Et dans ce moment-là, pour gérer la crise avec sangfroid, c'est aux responsables politiques et aux Etats de donner leur signature et leur crédibilité.
Alors de chercher l'argent du Livret A, c'est une bonne idée ?
De ce point de vue, il va de soi, donc qu'il faut trouver des ressources qui vont permettre de faire le joint et simplement ce que je veux dire dans cette hypothèse, c'est qu'il ne faut pas perdre de vue, que tout ça doit être et est sécurisé. C'est-à-dire qu'il n'est pas question de dire : l'argent, ici ou là, on ne sait pas, on va voir. Non. C'est si on met ce tuyau en place, il n'en reste pas moins que cela doit se faire dans une logique de sécurisation complète du Livret A.
Du Livret A. Cela veut dire quoi logique de sécurisation complète du Livret A, J.-F. Copé ?
Eh bien tout simplement, par une garantie de l'Etat ou d'établissements qui dépendent de l'Etat, comme la Caisse Des Dépôts.
Parce que l'argent du Livret A va, en partie au financement du logement social, on le sait, cela veut dire quoi ? Cela veut dire qu'on limite le financement du logement social pour déplacer de l'argent, pour aller financer les PME, les banques qui prêtent aux PME ?
Comme vous le savez, le Livret A va aussi au financement du développement local, de l'équipement etc., pas seulement du logement social. Donc encore une fois, moi je n'ai pas plus d'éléments de détail là-dessus, ce que je sais simplement...
C'est une bonne piste !
C'est que c'est une piste, qui à mon sens est très intéressante, parce que c'est de la ressource sécurisée et garantie par l'Etat.
Ce n'est pas ce que disent les auditeurs, je peux vous le dire J.-F. Copé, depuis ce matin, nous croulons sous une avalanche d'appels.
Oui, mais c'est normal, parce qu'aujourd'hui...
On ne touche pas au Livret A.
Il est normal que les Français dans cette période soient en interrogation par rapport à tout ce qui se passe. Et donc notre rôle c'est de leur montrer que nous agissons avec responsabilité et maturité. Pardon de vous dire ça, mais parfois on compare avec la crise de 29, c'est vrai qu'il y a des points communs.
C'est le Premier ministre qui compare avec la crise de 29.
Oui, mais il n'est pas le seul à le faire, des économistes le font et à juste titre, il y a des points communs qui s'ajoutent à ça. D'ailleurs une deuxième crise, c'est la crise des matières premières qu'il n'y avait pas à l'époque de 29.
A force de dire c'est la crise de 29, on va vraiment tomber dans la crise de 29 ! A force de le dire !
Non, J.-J. Bourdin, c'est ça que je voulais vous dire justement, ce qui est très nouveau, c'est que nous avons des responsables politiques qui ont aujourd'hui une maturité et un recul qu'ils n'avaient pas en 1929. Rappelez-vous, si j'ose le dire - vous n'étiez pas né, naturellement, ni moi - qu'en 1929, les autorités américaines ont mis trois ans pour intervenir, trois ans. Là, c'est quelques jours. Il faut voir de quoi on parle, on est aujourd'hui dans une démarche totalement différente.
Un historien économiste nous disait : de toute façon, ce n'est pas du tout la même crise, cela ne ressemble absolument pas à 1929, alors évidemment chacun a son avis sur la question.
C'est pour ça que je dis, cela s'apparente. Mais il y a un point commun, il y a un point commun, c'est une crise de confiance. C'est-à-dire qu'il y a eu une vraie panique en 29. Bon, et nous, ce qui nous importe aujourd'hui...
Il y a crise de confiance, pas encore, c'est le risque ?
Mais si, elle existe, puisque aujourd'hui vous avez des banques qui pourraient prêter mais qui ne prêtent pas, parce qu'elles n'ont pas confiance. Vous savez bien d'où cela vient l'argent ? Ces banques centrales qui refinancent les banques et que les banques prêtent ou ne prêtent pas, en fonction des taux d'intérêt, lesquels taux d'intérêt sont déterminés par toute une série de paramètres, y compris par la confiance dans l'avenir. Bon, eh bien dans un contexte comme celui-là aujourd'hui, on voit bien que seul l'Etat, les Etats régulateurs peuvent dire : on garantit et réinjecter de la confiance.
Il y a débat aux Etats-Unis, pays très libéral, où on dit "ce n'est pas à l'Etat de protéger les banques avec l'argent des contribuables". Vous avez vu les représentants républicains !
Oui, là-dessus, deux remarques. D'abord, la première, quel pragmatisme quand même de la part des Etats-Unis dont on dit, soi-disant, comme vous le dites très justement, ils sont très libéraux. Sauf qu'il y a des moments où ils savent intervenir de manière massive pour immédiatement rétablir les choses. Ils sont intervenus sur des établissements financiers et là, ils proposent ce plan, ce n'est pas une réponse de long terme, c'est une réponse à l'urgence bon. Alors ensuite, le Congrès américain discute, ce n'est pas moi qui vais en faire le reproche. Je trouve quand même normal que les parlementaires américains dans une grande démocratie...
D'ailleurs ils sont plus indépendants que les parlementaires français, les parlementaires américains. Ils disent non à G. Bush et à son administration.
Oui, mais enfin, dites-moi, le contexte politique n'est quand même pas tout à fait le même. On est en pleine campagne présidentielle aux Etats- Unis, à quelques semaines de l'expiration du mandat du président Bush.
J'ai rarement vu les députés français dire non à un Gouvernement du même bord ou à un président de la République du même bord.
Vous avez raison, mais enfin dites, ce n'est tout de même pas une décision... Le Congrès américain dit rarement non au président des Etats-Unis, sauf sur un certain nombre de sujets. En revanche, on n'est pas dans le même contexte. Imaginez qu'on soit à quelques semaines d'une élection présidentielle française, vous imaginez le débat au Parlement français sur un sujet qui demanderait une intervention de 700 millions d'euros, quand même !
De milliards !
Donc, je crois qu'il faut mettre ça dans le contexte. Oui, 700 milliards, excusez-moi, pardon.
Les sommes sont telles.
Oui, mais enfin bon, il faut les re-proportionner au PIB du pays naturellement.
Mais bien sûr on est bien d'accord. Alors j'ai une autre question à vous poser sur le milliard d'euros que l'Etat injecte dans Dexia. Il y a deux milliards qui sont injectés par la Caisse Des Dépôts, qui est le bras financier de l'Etat. Un milliard par l'Etat, où trouver cet argent ?
Oh, l'argent, ça, l'Etat va le trouver par le biais d'un certain nombre d'outils de gestion des participations de l'Etat...
Cela veut dire quoi, vendre des actifs ?
Vous savez qu'il existe aujourd'hui une Agence des participations de l'Etat qui est au Ministère des finances et qui est une structure qui gère régulièrement les interventions de l'Etat, en positif et en négatif. Parce que l'Etat, très régulièrement, il achète, il vend des participatifs, il gère son patrimoine financier. Donc, c'est une opération qui sera gérée dans ce contexte. Maintenant, ce qui est vrai, c'est que sur la durée, de toute façon, cela doit nous rappeler à nous que l'on doit faire des économies, parce qu'on n'en fait pas assez.
L'Etat n'en fait pas assez !
Enfin l'Etat et les collectivités locales... Bon.
Et les collectivités locales, mais tout le monde !
Bien sûr, mais cela veut donc dire qu'il faut continuer les réformes de structures. C'est pour cela que moi, je soutiens à 1000% quand le président de la République dit : surtout, ce n'est pas parce qu'il y a crise qu'on arrête les réformes, c'est parce qu'il y a crise qu'on les accélère.
Oui, on va parler de la dette, de la dette qui se creuse quand même, j'ai vu les chiffres, c'est vertigineux. Tiens, je donne un chiffre : en 2009, l'Etat va devoir emprunter 165 milliards d'euros pour payer les intérêts d'une partie de la dette, donc la dette se creuse.
Oui, mais à partir du moment, à chaque fois que vous votez un budget en déficit cela fait autant de pertes, premièrement, c'est pour ça qu'il faut le réduire le déficit.
J'entends ça depuis des années, J.-F. Copé.
Oui, mais vous vous souvenez quand vous m'invitiez quand j'étais ministre du Budget, j'étais venu vous dire, à vous, avant bien d'autres que nous diminuions pour le budget 2007 et 2006 la baisse du déficit, la baisse des dépenses, la baisse des impôts et même la baisse de la dette.
Oui, mais ça, c'est fini, là aujourd'hui.
Oui, mais enfin dites-moi, entre temps, il y a eu quelques difficultés, je ne dis pas qu'il faille...
On ne les a pas vu venir ces difficultés ?
Oh écoutez, on a eu une augmentation des taux d'intérêt...
Ce problème cela fait un an et demi.
...Eh bien oui, mais dites, voilà, on le prend, on le prend plein pot...
Eh bien oui, parce qu'on n'a pas prévu, n'est-ce pas le rôle des politiques de prévoir ?
C'est la raison pour laquelle vous me voyez dire, depuis plusieurs jours maintenant, au nom de mes amis députés, que sur le budget qui va venir, que nous allons voter, nous allons le voter, parce que c'est un budget de crise et qu'il faut à fond soutenir l'exécutif dans cette période, mais que dès le 1er janvier...
Quelles modifications vous allez apporter ?
Dès le 1er janvier 2009 - je l'ai dit hier à F. Fillon et à E. Woerth, le ministre du Budget, puisque nous étions avec l'ensemble des députés à parler de ça - dès le 1er janvier 2009, nous allons nous atteler, sans attendre, à la préparation du budget 2010 et commencer ensemble à traquer les dépenses.
Il vous plaît ce budget 2009, franchement ?
Attendez ! Je vous dis les choses, c'est un budget de crise, et un budget de crise c'est un budget lequel il ne faut pas faire n'importe quoi. Moi, vous savez j'entends avec intérêt les gens qui disent : il faut un budget de rigueur super fort, il faut vite baisser les dépenses massivement...
Mais pourquoi qu'on n'ose pas employer le mot récession, on est en récession, maintenant, il faut l'avouer, il faut le dire. Disons-le, pourquoi ne pas dire les choses clairement et ne pas dire aux Français : voilà la situation, on est en récession, on est obligé, évidemment de présenter un budget de rigueur, de rigueur... On est obligé d'être rigoureux aujourd'hui dans la gestion des finances de l'Etat J.-F. Copé.
L'intérêt de notre discussion c'est que si vous me laissiez terminer ma phrase. Ce que j'étais en train de vous dire, c'est que, moi ma thèse, c'est qu'il faut faire très attention dans les périodes de crise. Si vous êtes brutal dans une réduction d'un programme de dépenses sociales ou publiques, qu'est-ce que vous faites ? Vous amplifiez les effets de la crise. Donc, la thèse que je défends, c'est de dire : dans cette période, on calme le jeu, on a un budget de crise, donc, on ne casse pas les financements de programme ; on se calme, on maîtrise ce qui doit l'être, d'accord, mais par contre sur la durée, c'est-à-dire tout au long de l'année 2009, on va travailler le budget 2010.Et ma thèse, c'est que dans ce domaine, il faut que la dépense publique baisse beaucoup plus fortement, que ce soit celle de l'Etat, de la Sécu ou des collectivités locales qui sont de ce point de vue mal gérées.
On va revenir sur les collectivités et sur les départements et les régions J.-F. Copé, mais quand même, puisqu'on parle de budget de crise, 41 000 chômeurs de plus au mois d'août. Septembre sera mauvais, les prochains mois aussi, on le sait, le chômage va augmenter. Or, j'ai regardé le budget, le budget de l'emploi est en baisse en 2009, moins 5 % et en 2010, il est prévu une baisse de moins 9%. Cela veut dire que l'on consacre de moins en moins d'argent à la lutte contre le chômage. Cela paraît quand même paradoxal, pardonnez-moi.
C'est marrant que vous me disiez ça, parce que tout à l'heure vous me disiez : quelle horreur, vous ne baissez pas les dépenses !
Non, mais attendez, il y a des priorités ! Pardon, ça c'est du cynisme, J.-F. Copé, il y a des priorités !
Non, non, c'est que j'ai voulu, pendant quelques brefs instants, vous transformer en ministre du Budget, c'était un bonheur de vous entendre.
Mais je vous pose la question !
Je vais vous dire, vous savez pourquoi que ces dépenses-là baissent un peu ? Tout simplement parce qu'entre temps, nous avons fait une réforme de structure qui fait que l'on peut dépenser mieux dans le domaine de l'emploi. Parce qu'on a fusionné l'ANPE et l'Unedic. Voilà typiquement le sujet sur lequel on modernise l'Etat. Et en réalité, moi, ce que je voudrais, c'est que l'on fasse le même travail sur les dépenses des régions et des départements.
Elles vous plaisent les mesures qui ont été prises justement pour lutter contre le chômage lundi, dans cette réunion de crise ? Elles vous plaisent, elles sont suffisantes, tout ce qu'on a annoncé ?
Je vais vous dire, la relance des contrats aidés, c'est typiquement une mesure qu'on doit prendre dans une période de crise justement. Parce que là, si vous coupez les contrats aidés qui sont donc les contrats publics ou semi publics, dans cette période là, là vous aggravez fortement le chômage. Mais encore une fois, je vais là, tout à fait dans le sens de ce que vous indiquez, les contrats aidés, cela ne peut pas être la réponse au chômage, parce que ce sont des contrats publics. La réponse au chômage c'est que les entreprises ne soient pas victimes trop longtemps d'une crise de crédit, brutale, qui les empêcherait de recevoir l'argent nécessaire pour investir et embaucher. Et c'est ça l'inquiétude première aujourd'hui.
Je termine sur le chômage et ensuite on fera la pub et puis nous parlerons effectivement des réformes institutionnelles, J.F. Copé Mais sur le chômage, quand même, tout à coup, on a semblé découvrir la catastrophe, 41 000 chômeurs de plus au mois d'août, le chômage qui va augmenter. On ne nous avait pas non plus préparés à ça. Il y a encore un an et demi, on nous disait, en campagne présidentielle : on va réduire le chômage, cela va être l'une des grandes actions de la présidence sur cinq ans.
Soyons justes quand même ! Depuis maintenant trois ans, le chômage a baissé de manière ininterrompue à, je crois, deux mois près.
Mais il remonte depuis mai.
Attendez, nous avons un choc économique, vous me dites, vous ne l'aviez pas prévue ! Vous me faites marrer vous, cela fait depuis juillet 2007 qu'on sait qu'avec la crise des subprimes...
Donc depuis juillet 2007, vous savez que le chômage, vous saviez qu'il y allait y avoir une crise économique.
Mais vous savez comme moi, que ce n'est pas le Gouvernement quel qu'il soit qui décrète les chiffres du chômage. Les chiffres du chômage ce n'est que la conséquence logique de la santé d'une économie française qui dépend d'une économie européenne et qui dépend d'une économie mondiale. Si la France était le seul pays qui voyait son chômage augmenter, je vous dirais il y a un problème ! Mais enfin, il ne vous a pas échappé...
L'Allemagne voit son chômage diminuer !
Ecoutez, il ne vous a pas échappé qu'aujourd'hui, sur l'ensemble de la moyenne européenne, le taux de chômage connaît quand même un léger ressaut. Donc, il faut quand même remettre ça en perspective sur les deux ou trois dernières années.
Le nombre de chômeurs recule plus que prévu en septembre en Allemagne, une dépêche qui est tombée hier.
Ecoutez, je n'ai pas la dépêche sur l'Allemagne, vous marquez un point, c'est très bien. Mais enfin vous êtes d'accord avec moi que sur l'ensemble de la période, un, le chômage a beaucoup baissé en France. Deux, que la moyenne européenne aujourd'hui connaît une difficulté, OK, vous avez gagné sur le chiffre de septembre en Allemagne. Mais sur le reste, vous connaissez la situation, on ne va pas se mentir, vous et moi, on se connaît depuis trop longtemps ! La vérité c'est que par rapport à ça, il y a une crise économique, il est normal que dans cette période, l'intérim soit victime de ça, et vous le savez, le ressaut de chômage en France c'est sur l'intérim et le temps partiel. C'est malheureusement comme ça que les entreprises ajustent. Notre objectif c'est donc, je le répète, de trouver des contrats aidés pour répondre à l'urgence, mais c'est surtout de rétablir la confiance pour que les entreprises ré-accèdent au crédit. [...]
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 2 octobre 2008
D'abord, je crois qu'il faut voir les modalités que souhaite mettre en oeuvre le Gouvernement. Pour l'instant, c'est une annonce générique, c'est une annonce de F. Fillon. Moi je crois que ce qui est très important dans ce contexte, c'est de voir de quoi on parle et quel est le fond de sujet aujourd'hui. On est sur d'abord une crise de crédit, majeure, ça c'est un paradoxe incroyable - je ne reviens pas sur les subprimes et comment tout ça est arrivé - mais il faut voir qu'aujourd'hui notre principal problème, c'est que nous avons des banques qui ne se prêtent pas entre elles, qui ne prêtent pas aux entreprises. Et donc, il y a un risque du coup, de voir des entreprises et notamment des PME, en grandes difficultés, temporaires, mais parfois le temporaire pour une entreprise cela peut être la mort aussi. Et dans le même temps, il y a des liquidités considérables sur les marchés, mais crise de confiance. On ne prête pas, parce qu'on ne sait pas ce que va devenir l'argent. Et dans ce moment-là, pour gérer la crise avec sangfroid, c'est aux responsables politiques et aux Etats de donner leur signature et leur crédibilité.
Alors de chercher l'argent du Livret A, c'est une bonne idée ?
De ce point de vue, il va de soi, donc qu'il faut trouver des ressources qui vont permettre de faire le joint et simplement ce que je veux dire dans cette hypothèse, c'est qu'il ne faut pas perdre de vue, que tout ça doit être et est sécurisé. C'est-à-dire qu'il n'est pas question de dire : l'argent, ici ou là, on ne sait pas, on va voir. Non. C'est si on met ce tuyau en place, il n'en reste pas moins que cela doit se faire dans une logique de sécurisation complète du Livret A.
Du Livret A. Cela veut dire quoi logique de sécurisation complète du Livret A, J.-F. Copé ?
Eh bien tout simplement, par une garantie de l'Etat ou d'établissements qui dépendent de l'Etat, comme la Caisse Des Dépôts.
Parce que l'argent du Livret A va, en partie au financement du logement social, on le sait, cela veut dire quoi ? Cela veut dire qu'on limite le financement du logement social pour déplacer de l'argent, pour aller financer les PME, les banques qui prêtent aux PME ?
Comme vous le savez, le Livret A va aussi au financement du développement local, de l'équipement etc., pas seulement du logement social. Donc encore une fois, moi je n'ai pas plus d'éléments de détail là-dessus, ce que je sais simplement...
C'est une bonne piste !
C'est que c'est une piste, qui à mon sens est très intéressante, parce que c'est de la ressource sécurisée et garantie par l'Etat.
Ce n'est pas ce que disent les auditeurs, je peux vous le dire J.-F. Copé, depuis ce matin, nous croulons sous une avalanche d'appels.
Oui, mais c'est normal, parce qu'aujourd'hui...
On ne touche pas au Livret A.
Il est normal que les Français dans cette période soient en interrogation par rapport à tout ce qui se passe. Et donc notre rôle c'est de leur montrer que nous agissons avec responsabilité et maturité. Pardon de vous dire ça, mais parfois on compare avec la crise de 29, c'est vrai qu'il y a des points communs.
C'est le Premier ministre qui compare avec la crise de 29.
Oui, mais il n'est pas le seul à le faire, des économistes le font et à juste titre, il y a des points communs qui s'ajoutent à ça. D'ailleurs une deuxième crise, c'est la crise des matières premières qu'il n'y avait pas à l'époque de 29.
A force de dire c'est la crise de 29, on va vraiment tomber dans la crise de 29 ! A force de le dire !
Non, J.-J. Bourdin, c'est ça que je voulais vous dire justement, ce qui est très nouveau, c'est que nous avons des responsables politiques qui ont aujourd'hui une maturité et un recul qu'ils n'avaient pas en 1929. Rappelez-vous, si j'ose le dire - vous n'étiez pas né, naturellement, ni moi - qu'en 1929, les autorités américaines ont mis trois ans pour intervenir, trois ans. Là, c'est quelques jours. Il faut voir de quoi on parle, on est aujourd'hui dans une démarche totalement différente.
Un historien économiste nous disait : de toute façon, ce n'est pas du tout la même crise, cela ne ressemble absolument pas à 1929, alors évidemment chacun a son avis sur la question.
C'est pour ça que je dis, cela s'apparente. Mais il y a un point commun, il y a un point commun, c'est une crise de confiance. C'est-à-dire qu'il y a eu une vraie panique en 29. Bon, et nous, ce qui nous importe aujourd'hui...
Il y a crise de confiance, pas encore, c'est le risque ?
Mais si, elle existe, puisque aujourd'hui vous avez des banques qui pourraient prêter mais qui ne prêtent pas, parce qu'elles n'ont pas confiance. Vous savez bien d'où cela vient l'argent ? Ces banques centrales qui refinancent les banques et que les banques prêtent ou ne prêtent pas, en fonction des taux d'intérêt, lesquels taux d'intérêt sont déterminés par toute une série de paramètres, y compris par la confiance dans l'avenir. Bon, eh bien dans un contexte comme celui-là aujourd'hui, on voit bien que seul l'Etat, les Etats régulateurs peuvent dire : on garantit et réinjecter de la confiance.
Il y a débat aux Etats-Unis, pays très libéral, où on dit "ce n'est pas à l'Etat de protéger les banques avec l'argent des contribuables". Vous avez vu les représentants républicains !
Oui, là-dessus, deux remarques. D'abord, la première, quel pragmatisme quand même de la part des Etats-Unis dont on dit, soi-disant, comme vous le dites très justement, ils sont très libéraux. Sauf qu'il y a des moments où ils savent intervenir de manière massive pour immédiatement rétablir les choses. Ils sont intervenus sur des établissements financiers et là, ils proposent ce plan, ce n'est pas une réponse de long terme, c'est une réponse à l'urgence bon. Alors ensuite, le Congrès américain discute, ce n'est pas moi qui vais en faire le reproche. Je trouve quand même normal que les parlementaires américains dans une grande démocratie...
D'ailleurs ils sont plus indépendants que les parlementaires français, les parlementaires américains. Ils disent non à G. Bush et à son administration.
Oui, mais enfin, dites-moi, le contexte politique n'est quand même pas tout à fait le même. On est en pleine campagne présidentielle aux Etats- Unis, à quelques semaines de l'expiration du mandat du président Bush.
J'ai rarement vu les députés français dire non à un Gouvernement du même bord ou à un président de la République du même bord.
Vous avez raison, mais enfin dites, ce n'est tout de même pas une décision... Le Congrès américain dit rarement non au président des Etats-Unis, sauf sur un certain nombre de sujets. En revanche, on n'est pas dans le même contexte. Imaginez qu'on soit à quelques semaines d'une élection présidentielle française, vous imaginez le débat au Parlement français sur un sujet qui demanderait une intervention de 700 millions d'euros, quand même !
De milliards !
Donc, je crois qu'il faut mettre ça dans le contexte. Oui, 700 milliards, excusez-moi, pardon.
Les sommes sont telles.
Oui, mais enfin bon, il faut les re-proportionner au PIB du pays naturellement.
Mais bien sûr on est bien d'accord. Alors j'ai une autre question à vous poser sur le milliard d'euros que l'Etat injecte dans Dexia. Il y a deux milliards qui sont injectés par la Caisse Des Dépôts, qui est le bras financier de l'Etat. Un milliard par l'Etat, où trouver cet argent ?
Oh, l'argent, ça, l'Etat va le trouver par le biais d'un certain nombre d'outils de gestion des participations de l'Etat...
Cela veut dire quoi, vendre des actifs ?
Vous savez qu'il existe aujourd'hui une Agence des participations de l'Etat qui est au Ministère des finances et qui est une structure qui gère régulièrement les interventions de l'Etat, en positif et en négatif. Parce que l'Etat, très régulièrement, il achète, il vend des participatifs, il gère son patrimoine financier. Donc, c'est une opération qui sera gérée dans ce contexte. Maintenant, ce qui est vrai, c'est que sur la durée, de toute façon, cela doit nous rappeler à nous que l'on doit faire des économies, parce qu'on n'en fait pas assez.
L'Etat n'en fait pas assez !
Enfin l'Etat et les collectivités locales... Bon.
Et les collectivités locales, mais tout le monde !
Bien sûr, mais cela veut donc dire qu'il faut continuer les réformes de structures. C'est pour cela que moi, je soutiens à 1000% quand le président de la République dit : surtout, ce n'est pas parce qu'il y a crise qu'on arrête les réformes, c'est parce qu'il y a crise qu'on les accélère.
Oui, on va parler de la dette, de la dette qui se creuse quand même, j'ai vu les chiffres, c'est vertigineux. Tiens, je donne un chiffre : en 2009, l'Etat va devoir emprunter 165 milliards d'euros pour payer les intérêts d'une partie de la dette, donc la dette se creuse.
Oui, mais à partir du moment, à chaque fois que vous votez un budget en déficit cela fait autant de pertes, premièrement, c'est pour ça qu'il faut le réduire le déficit.
J'entends ça depuis des années, J.-F. Copé.
Oui, mais vous vous souvenez quand vous m'invitiez quand j'étais ministre du Budget, j'étais venu vous dire, à vous, avant bien d'autres que nous diminuions pour le budget 2007 et 2006 la baisse du déficit, la baisse des dépenses, la baisse des impôts et même la baisse de la dette.
Oui, mais ça, c'est fini, là aujourd'hui.
Oui, mais enfin dites-moi, entre temps, il y a eu quelques difficultés, je ne dis pas qu'il faille...
On ne les a pas vu venir ces difficultés ?
Oh écoutez, on a eu une augmentation des taux d'intérêt...
Ce problème cela fait un an et demi.
...Eh bien oui, mais dites, voilà, on le prend, on le prend plein pot...
Eh bien oui, parce qu'on n'a pas prévu, n'est-ce pas le rôle des politiques de prévoir ?
C'est la raison pour laquelle vous me voyez dire, depuis plusieurs jours maintenant, au nom de mes amis députés, que sur le budget qui va venir, que nous allons voter, nous allons le voter, parce que c'est un budget de crise et qu'il faut à fond soutenir l'exécutif dans cette période, mais que dès le 1er janvier...
Quelles modifications vous allez apporter ?
Dès le 1er janvier 2009 - je l'ai dit hier à F. Fillon et à E. Woerth, le ministre du Budget, puisque nous étions avec l'ensemble des députés à parler de ça - dès le 1er janvier 2009, nous allons nous atteler, sans attendre, à la préparation du budget 2010 et commencer ensemble à traquer les dépenses.
Il vous plaît ce budget 2009, franchement ?
Attendez ! Je vous dis les choses, c'est un budget de crise, et un budget de crise c'est un budget lequel il ne faut pas faire n'importe quoi. Moi, vous savez j'entends avec intérêt les gens qui disent : il faut un budget de rigueur super fort, il faut vite baisser les dépenses massivement...
Mais pourquoi qu'on n'ose pas employer le mot récession, on est en récession, maintenant, il faut l'avouer, il faut le dire. Disons-le, pourquoi ne pas dire les choses clairement et ne pas dire aux Français : voilà la situation, on est en récession, on est obligé, évidemment de présenter un budget de rigueur, de rigueur... On est obligé d'être rigoureux aujourd'hui dans la gestion des finances de l'Etat J.-F. Copé.
L'intérêt de notre discussion c'est que si vous me laissiez terminer ma phrase. Ce que j'étais en train de vous dire, c'est que, moi ma thèse, c'est qu'il faut faire très attention dans les périodes de crise. Si vous êtes brutal dans une réduction d'un programme de dépenses sociales ou publiques, qu'est-ce que vous faites ? Vous amplifiez les effets de la crise. Donc, la thèse que je défends, c'est de dire : dans cette période, on calme le jeu, on a un budget de crise, donc, on ne casse pas les financements de programme ; on se calme, on maîtrise ce qui doit l'être, d'accord, mais par contre sur la durée, c'est-à-dire tout au long de l'année 2009, on va travailler le budget 2010.Et ma thèse, c'est que dans ce domaine, il faut que la dépense publique baisse beaucoup plus fortement, que ce soit celle de l'Etat, de la Sécu ou des collectivités locales qui sont de ce point de vue mal gérées.
On va revenir sur les collectivités et sur les départements et les régions J.-F. Copé, mais quand même, puisqu'on parle de budget de crise, 41 000 chômeurs de plus au mois d'août. Septembre sera mauvais, les prochains mois aussi, on le sait, le chômage va augmenter. Or, j'ai regardé le budget, le budget de l'emploi est en baisse en 2009, moins 5 % et en 2010, il est prévu une baisse de moins 9%. Cela veut dire que l'on consacre de moins en moins d'argent à la lutte contre le chômage. Cela paraît quand même paradoxal, pardonnez-moi.
C'est marrant que vous me disiez ça, parce que tout à l'heure vous me disiez : quelle horreur, vous ne baissez pas les dépenses !
Non, mais attendez, il y a des priorités ! Pardon, ça c'est du cynisme, J.-F. Copé, il y a des priorités !
Non, non, c'est que j'ai voulu, pendant quelques brefs instants, vous transformer en ministre du Budget, c'était un bonheur de vous entendre.
Mais je vous pose la question !
Je vais vous dire, vous savez pourquoi que ces dépenses-là baissent un peu ? Tout simplement parce qu'entre temps, nous avons fait une réforme de structure qui fait que l'on peut dépenser mieux dans le domaine de l'emploi. Parce qu'on a fusionné l'ANPE et l'Unedic. Voilà typiquement le sujet sur lequel on modernise l'Etat. Et en réalité, moi, ce que je voudrais, c'est que l'on fasse le même travail sur les dépenses des régions et des départements.
Elles vous plaisent les mesures qui ont été prises justement pour lutter contre le chômage lundi, dans cette réunion de crise ? Elles vous plaisent, elles sont suffisantes, tout ce qu'on a annoncé ?
Je vais vous dire, la relance des contrats aidés, c'est typiquement une mesure qu'on doit prendre dans une période de crise justement. Parce que là, si vous coupez les contrats aidés qui sont donc les contrats publics ou semi publics, dans cette période là, là vous aggravez fortement le chômage. Mais encore une fois, je vais là, tout à fait dans le sens de ce que vous indiquez, les contrats aidés, cela ne peut pas être la réponse au chômage, parce que ce sont des contrats publics. La réponse au chômage c'est que les entreprises ne soient pas victimes trop longtemps d'une crise de crédit, brutale, qui les empêcherait de recevoir l'argent nécessaire pour investir et embaucher. Et c'est ça l'inquiétude première aujourd'hui.
Je termine sur le chômage et ensuite on fera la pub et puis nous parlerons effectivement des réformes institutionnelles, J.F. Copé Mais sur le chômage, quand même, tout à coup, on a semblé découvrir la catastrophe, 41 000 chômeurs de plus au mois d'août, le chômage qui va augmenter. On ne nous avait pas non plus préparés à ça. Il y a encore un an et demi, on nous disait, en campagne présidentielle : on va réduire le chômage, cela va être l'une des grandes actions de la présidence sur cinq ans.
Soyons justes quand même ! Depuis maintenant trois ans, le chômage a baissé de manière ininterrompue à, je crois, deux mois près.
Mais il remonte depuis mai.
Attendez, nous avons un choc économique, vous me dites, vous ne l'aviez pas prévue ! Vous me faites marrer vous, cela fait depuis juillet 2007 qu'on sait qu'avec la crise des subprimes...
Donc depuis juillet 2007, vous savez que le chômage, vous saviez qu'il y allait y avoir une crise économique.
Mais vous savez comme moi, que ce n'est pas le Gouvernement quel qu'il soit qui décrète les chiffres du chômage. Les chiffres du chômage ce n'est que la conséquence logique de la santé d'une économie française qui dépend d'une économie européenne et qui dépend d'une économie mondiale. Si la France était le seul pays qui voyait son chômage augmenter, je vous dirais il y a un problème ! Mais enfin, il ne vous a pas échappé...
L'Allemagne voit son chômage diminuer !
Ecoutez, il ne vous a pas échappé qu'aujourd'hui, sur l'ensemble de la moyenne européenne, le taux de chômage connaît quand même un léger ressaut. Donc, il faut quand même remettre ça en perspective sur les deux ou trois dernières années.
Le nombre de chômeurs recule plus que prévu en septembre en Allemagne, une dépêche qui est tombée hier.
Ecoutez, je n'ai pas la dépêche sur l'Allemagne, vous marquez un point, c'est très bien. Mais enfin vous êtes d'accord avec moi que sur l'ensemble de la période, un, le chômage a beaucoup baissé en France. Deux, que la moyenne européenne aujourd'hui connaît une difficulté, OK, vous avez gagné sur le chiffre de septembre en Allemagne. Mais sur le reste, vous connaissez la situation, on ne va pas se mentir, vous et moi, on se connaît depuis trop longtemps ! La vérité c'est que par rapport à ça, il y a une crise économique, il est normal que dans cette période, l'intérim soit victime de ça, et vous le savez, le ressaut de chômage en France c'est sur l'intérim et le temps partiel. C'est malheureusement comme ça que les entreprises ajustent. Notre objectif c'est donc, je le répète, de trouver des contrats aidés pour répondre à l'urgence, mais c'est surtout de rétablir la confiance pour que les entreprises ré-accèdent au crédit. [...]
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 2 octobre 2008