Déclaration de Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, sur le déficit commercial, sur les atouts du pays et les mesures gouvernementales pour dynamiser les exportations françaises à l'étranger, Paris le 26 septembre 2008

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Circonstance : Assemblée Des Français de l'étranger, à Paris le 26 septembre 2008

Texte intégral

Madame et Messieurs les Vice-présidents de l'Assemblée des Français de l'Etranger
Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs représentant les Français établis hors de France,
Messieurs les Sénateurs représentant les Français établis hors de France,
Mesdames, Messieurs les Conseillers des Français de l'Etranger,
C'est un grand plaisir pour moi de m'exprimer aujourd'hui devant les représentants des forces vives de notre Nation établies hors de nos frontières. Vous contribuez à élargir la France.
Permettez-moi d'adresser mes plus sincères félicitations aux quatre Sénateurs élus ou réélus dimanche dernier.
Mesdames, Messieurs les Conseillers, votre implication au quotidien dans vos pays de résidence respectifs est bien la preuve que, pour reprendre les mots du Président de la République, « ceux qui partent étudier aux Etats-Unis ou travailler à Londres ou à Pékin ne laissent pas la France, ils la servent ».
Vous servez la France en contribuant à son rayonnement hors de nos frontières.
Vous servez la France lorsque vous en êtes les ambassadeurs et portez ses couleurs.
Vous servez la France en accueillant et aidant nos compatriotes à l'étranger. Vous êtes donc acteurs de deux politiques dont j'ai la responsabilité : développer notre présence commerciale et nos investissements à l'étranger, favoriser l'investissement étranger en France en promouvant l'attractivité du territoire français.
Je sais que malgré la distance, et quelles que soient vos idées et options personnelles, vous suivez avec attention le vaste chantier des réformes mises en oeuvre depuis 16 mois sous l'impulsion du Président de la République.
Avant d'évoquer spécifiquement les enjeux et les modes d'actions de notre commerce extérieur, je voudrais les mettre en perspective dans un contexte de réforme économique générale.
1. La France connaît, depuis 16 mois, un vent de réformes sans précédent
La France connaît en effet depuis plus d'un an le plus vaste plan de réformes de la 5ème République. La France bouge pour renforcer et moderniser son appareil productif, avec trois mots d'ordre, que le Premier Ministre a rappelé devant l'ensemble des Ambassadeurs : travailler plus, investir plus, dépenser moins.
Travailler plus, en développant le système de « flex-sécurité » :
- la défiscalisation des heures supplémentaires, dont profitent aujourd'hui 6 millions de salariés et 560 000 entreprises ;
- la fusion de l'ANPE et des Assedic pour renforcer l'accompagnement individuel vers la formation et le retour à l'emploi ;
- le renouveau du dialogue social, comme en témoignent les deux accords historiques conclus le 11 janvier pour la réforme du contrat de travail, et le 9 avril pour celle de la représentativité syndicale. La réforme de la formation professionnelle, en cours de négociation, débouchera, je l'espère sur un accord tout aussi ambitieux.
Investir plus, en particulier dans l'innovation et la recherche à développement, pour que les entreprises françaises redressent leur compétitivité sur la scène internationale.
La loi de modernisation de l'économie, entrée en vigueur le 6 août dernier, transformera en profondeur et durablement notre économie pour la préparer à l'avenir. Elle favorisera notamment le développement de nos PME les plus innovantes et améliore l'attractivité de notre territoire.
Le triplement du crédit impôt-recherche, qui a été mis en place dans le budget 2008, fait de la France le pays de l'OCDE le plus favorable à la recherche privée. Tous les classements d'attractivité ont largement salué cette initiative. Je vous invite à cet égard à utiliser les excellents argumentaires de l'Agence Française pour les Investissements Internationaux (AFII) sur le sujet.
Enfin, comme le Premier Ministre l'a annoncé mercredi dernier, la politique gouvernementale en faveur des pôles de compétitivité est entrée dans une nouvelle phase, avec l'allocation par l'Etat de 1,5 Mdseuros supplémentaires pour les 3 ans à venir.
Nous encourageons également les partenariats entre Pôles de compétitivité français et étrangers. C'est le cas par exemple avec la Chine, la République tchèque, les Pays-Bas ou encore la Tunisie dont je me suis occupée moi-même. Vous qui êtes à l'étranger et insérés comme vous l'êtes dans les tissus locaux, je crois que vous pouvez apporter votre pierre à l'édifice tout comme je le fais à l'occasion de mes contacts bilatéraux. Dans le contexte budgétaire actuel, cette priorité de l'investissement en faveur de la recherche et de l'innovation reste une priorité nationale.
Notre troisième objectif, c'est d'assainir nos finances publiques. Il s'agit d'un impératif moral autant que financier. Les jeunes générations ont raison de ne plus accepter que leurs aînés vivent à leur crédit. C'est pourquoi nous assumons et revendiquons la non-augmentation du budget en 2009, notamment par le non-remplacement de 30 600 départs à la retraites dans la fonction publique.
Hier à Toulon, le Président de la République a lancé un nouveau chantier très structurant, celui de la réforme des collectivités locales, qui sera engagé dès 2009. Il s'agit de simplifier et donc de réduire les coûts, trop d'échelons sont devenus illisibles et trop dispendieux.
Christine Lagarde et Eric Woerth ont présenté ce matin en Conseil des Ministres le projet de loi de finances pour 2009 et le plan gouvernemental de redressement de nos finances publiques pour les années 2009 à 2012 : réduction de moitié du rythme de croissance annuelle des dépenses publiques pour le limiter à 1% en volume par an. Un plan ambitieux, lucide et responsable.
Vivant aux quatre coins du monde, vous êtes les mieux placés pour savoir que les pays qui ont connu les taux de croissance les plus élevés depuis 20 ans sont ceux qui ont su se réformer et mener une politique responsable. La France a pris ce virage. Plus tard, certes, mais avec une détermination ferme.
Et loin de nous décourager, la situation économique très difficile stimule au contraire notre volonté de réforme.
2. Ces réformes structurelles contribueront à restaurer la compétitivité de nos entreprises à l'international
Comme le Président de la République et de Premier Ministre en montrent l'exemple, je voudrais m'adresser à vous en tenant un langage de vérité.
Vous le savez, notre déficit commercial s'est détérioré en ce début d'année. Il a en effet augmenté d'un peu plus d'1 Mdeuros au premier semestre, s'établissant à 24 Mdeuros. Cela reste modéré au regard des déficits britanniques ou espagnols : le déficit commercial représente 2 % du PIB en France, 6 % au Royaume-Uni, 8 % en Espagne. Mais évidemment, vous le savez, la comparaison est beaucoup moins flatteuse avec l'Allemagne qui enregistre des excédents record depuis plusieurs années.
Nos résultats reflètent évidemment des évolutions macro-économiques globales. Nos importations sont marquées par l'alourdissement spectaculaire de notre facture énergétique et nos exportations subissent les effets du ralentissement économique notamment en Europe, qui représente les deux tiers de notre commerce extérieur.
A cet égard, les perspectives à venir pour cette année et 2009, soyons réalistes, ne seront pas bonnes pour notre solde de la balance commerciale. Raison de plus pour agir sur les causes structurelles de notre déficit, afin d'être en bonne position lorsque la croissance mondiale repartira ! Ce n'est certainement pas le moment de relâcher les efforts de réforme, mais plutôt des les intensifier pour être les plus performants après la tempête.
Certes, hors énergie, nos entreprises ont, début 2008, tiré leur épingle du jeu puisque notre déficit commercial s'est réduit de près de 3 Mdeuros sur le 1er semestre. La bonne tenue de nos exportations concerne l'agro-alimentaire, mais aussi les biens de consommation et d'équipement. Les ventes d'Airbus sont également en progression.
Mais, nous devons être conscients que notre commerce extérieur pâtit de handicaps structurels qui grèvent notre compétitivité :
Nous manquons d'entreprises exportatrices : en Allemagne, il y a 350 000 entreprises exportatrices ; en France, seulement 100 000 et, plus inquiétant encore, le nombre d'exportateurs baisse depuis 8 ans. Ceci est particulièrement net pour les entreprises de taille intermédiaire, celles qui sont capables d'aller sur les marchés en forte croissance, des marchés souvent lointains et difficiles. Un objectif ambitieux et volontaire serait que l'économie française récupère d'ici à 2012 les 10 000 entreprises exportatrices que nous avons perdues depuis 2000.
Nos entreprises innovent moins que les entreprises allemandes et sont confrontées à des problèmes de positionnement de gamme en termes de qualité. Or, plus une entreprise est innovante, mieux elle réussit à l'international : en France, une entreprise sur 20 exporte alors que près d'une entreprise innovante sur 2 exporte. C'est pourquoi je répète, dans chaque pays où je me rends, qu'il n'y a pas que Dior et Vuitton en France, il y a de nombreux Dior et Vuitton de la haute technologie. Je veux qu'ils soient plus nombreux encore.
3. Le dispositif public d'appui de nos entreprises à l'international se modernise lui aussi, pour plus de lisibilité et d'efficacité
Nous sommes dans une logique de révision générale des politiques publiques : moins de dépenses, plus d'efficacité et plus de lisibilité.
3.1. Une «Équipe France» soudée pour l'accompagnement des entreprises à l'international
La réforme s'inscrit dans la volonté de souder l'ensemble des acteurs dans une logique «d'Équipe de France» au service de l'internationalisation de nos entreprises. L'idée est de clarifier l'appui aux entreprises en utilisant au mieux les atouts de chacun.
Les chambres de commerce et d'industrie sont les partenaires naturels des entreprises. Dans le cadre d'un partenariat que je parrainais le 23 avril 2008, Ubifrance, le Ministère de l'Economie et les Chambres de Commerce en France et à l'étranger ont pris l'engagement de rationaliser l'ensemble des dispositifs existants de soutien aux exportations. Il s'agit de clarifier l'offre publique mais aussi d'éviter la mise en place de dispositifs qui se dupliquent.
Chaque acteur se voit confier, sans exclusivité, le rôle qui lui revient, en vertu de ses « avantages comparatifs », dans la séquence de l'export :
- aux CCI, le rôle d'identifier les exportateurs potentiels sur notre territoire, de les aider à établir leurs plans d'affaires et à définir leurs objectifs stratégiques ;
- à Ubifrance, la fonction d'accompagnement de la prospection et de suivi ;
- aux Chambres de Commerce à l'étranger, des services aux PME françaises ayant franchi le cap de la prospection et désormais en phase d'installation ou de développement sur le marché considéré.
Des objectifs réalistes mais ambitieux : ils ont été assignés à Ubifrance et seront repris dans la Convention d'objectifs et de Moyens 2009-2011, que l'Etat et Ubifrance signeront mercredi 1er octobre. D'ici 2012, identifier 10 000 nouvelles entreprises non exportatrices (ou faiblement), accompagner 20 000 entreprises par an à l'export par le dispositif public et doubler le nombre de Volontaire International en Entreprise, soit 10 000 VIE.
Dans l'élaboration du budget de l'Etat pour 2009, le Président de la République a confirmé l'importance du soutien et de l'accompagnement des PME, en allouant des crédits d'intervention inégalés à Ubifrance.
Le nouvel Ubifrance doit contribuer à remédier aux faiblesses de nos PME à l'export que l'évoquais tout à l'heure, en emmenant plus d'entreprises sur les marchés extérieurs et en professionnalisant encore davantage leur accompagnement, notamment sur les salons.
L'agence sera progressivement dotée de son propre réseau international grâce au transfert du personnel commercial des Missions économiques. Au total, 44 pays représentant plus de 80% du chiffre d'affaires du réseau commercial seront transférés d'ici le 1er septembre 2010. Les équipes économiques des Ambassades seront réaffirmées et recentrées sur leurs activités régaliennes et le réseau adapté aux besoins de l'Etat.
J'ai également souhaité mobiliser les grands groupes pour accompagner les PME à l'international. Le portage permet aux entreprises de mieux pénétrer des marchés étrangers grâce à l'aide d'un groupe déjà implanté. J'ai confié à un chef d'entreprise, Henri Lachmann, Président du conseil de surveillance de Schneider Electric, le soin de réfléchir à la manière la plus efficace de faire jouer ensemble petites et grandes entreprises. Il me remettra ses propositions d'ici quelques jours.
Les conseillers du commerce extérieur de la France sont aussi associés à cette démarche, par leur rôle de conseil et d'accompagnement des entreprises. Je leur ai demandé, à l'occasion de leurs Etats Généraux, d'accueillir davantage de VIE et de mieux accompagner les débutants à l'export. Je leur ai également demandé de me faire des propositions sur le soutien qu'ils peuvent apporter aux entreprises issues des pôles de compétitivité, et sur leur mobilisation sur le territoire français.
Nos Ambassadeurs, que j'ai rencontrés il y a quelques semaines, et auxquels j'ai demandé de témoigner à l'étranger que « France is back ». Je souhaite aussi qu'ils participent activement à la promotion des entreprises françaises dans leurs marchés à l'exportation en mettant en valeur les success stories de nos entreprises eten insistant sur la qualité technologiques de nos produits.
Enfin, vous, les représentants des Français à l'étranger qui, êtes les mieux placés pour rassembler les énergies afin de renforcer la dimension internationale de nos entreprises et l'attractivité du site France.
3.2. Le volontariat international en entreprise (VIE)
Le VIE représente un enjeu déterminant pour insuffler uneculture internationale dans notre pays, à la fois l'internationalisation de nos entreprises et la familiarisation de nos futurs cadres au contexte international.
Près de 6 000 VIE sont actuellement en poste à l'étranger. Je souhaite qu'ils soient 10 000 en 2012. C'est un des objectifs que j'ai assigné à Ubifrance.
A ce sujet, je sais que des problèmes statutaires ont pu apparaître dans certains de vos pays de résidence à l'occasion de la croissance spectaculaire du nombre de VIE. Ce sont des problèmes délicats vis-à-vis des administrations fiscales, de la sécurité sociale, et des services d'immigration, concernant les permis de résidence et de travail notamment.
Je suis consciente de ces quelques difficultés et déterminée à régler les problèmes existants au cas par cas au niveau approprié. Je remercie ceux d'entre vous qui les ont fait remonter. Le Volontariat International en Entreprise est une bonne mesure, ce dont témoigne son succès. Il vous permet de faire appel à des jeunes Français dans des conditions administratives et fiscales extrêmement avantageuses. Je souhaite que ce système puisse continuer à se développer.
3.3. L'assurance prospection des Français de l'étranger (APFE)
Nous avons mis en place l'assurance prospection des français à l'étranger, dispositif destiné à favoriser le développement d'entreprises créées par des résidents français à l'étranger pour la commercialisation de produits ou services français.
Le dispositif a été expérimenté dans trois pays : Chili, Argentine et Brésil. Depuis janvier 2008, il a été étendu à l'Australie, à Hong-Kong, au Japon, à la Nouvelle Zélande et à Singapour. Nous travaillerons à le développer au-delà en fonction des retours d'expérience.
4. Français de l'étranger, j'attends que vous vous fassiez les ambassadeurs d'une France en mouvement
Mesdames, Messieurs les Conseillers, nous faisons face à un changement profond du monde. J'ai pu le constater au cours des négociations à l'OMC cet été avec l'importance croissante des pays émergents, qui sont aujourd'hui capable de faire entendre leur voix.
Je suis frappée, partout où je me rends, de rencontrer une si forte attente d'Europe, et de France. Dans ce contexte, il est essentiel que nous puissions jouer un rôle, que nous ouvrions la voie à un capitalisme qui ne soit pas que financier, que nous montrions à nouveau au monde que les idées font la force de la France.
Comme vous, j'en suis sûre, je suis fière, quand je lis dans la presse internationale : « France is back, France is on the move ». Mesdames, Messieurs les Conseillers, aidez-moi donc à véhiculer cette image.
Source http://www.exporter.gouv.fr, le 2 octobre 2008