Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Membres du Parlement européen,
Le Conseil européen se réunit les 15 et 16 octobre.
Cette nouvelle session revêt une importance singulière, dans un moment de crise et d'instabilité qui appelle de la part de l'Union européenne l'expression d'une volonté politique, des initiatives et des décisions.
I. La situation économique et financière dominera les travaux du Conseil européen.
La crise de confiance s'est encore aggravée sur les marchés et dans notre secteur financier dans les derniers jours.
L'Union doit prendre ses responsabilités. La Présidence du Conseil est déterminée à ne s'épargner aucun effort pour accroître la coordination et la cohérence des initiatives nationales. Elle l'a fait samedi avec la réunion des membres européens du G7 et hier lors du Conseil ECOFIN. Elle le fera encore en vue du Conseil européen des 15 et 16 octobre.
Nous avons trouvé un accord unanime entre européens sur la nécessité d'une concertation étroite dans la gestion par chaque Etat membre des retombées de la crise sur son propre système financier. La concertation européenne est une réalité concrète. Des contacts permanents existent entre les gouvernements, les administrations, les banques centrales et les superviseurs bancaires.
Comme l'a rappelé Jean-Claude Trichet, nous répondons à la crise avec nos moyens et nos structures propres. Nous ne sommes pas un Etat fédéral comparable aux Etats-Unis. Nous n'avons pas à rougir. Nous devons faire avec le contexte institutionnel qui est le nôtre. L'heure est à l'action. L'essentiel est que les Européens agissent ensemble et prennent leurs responsabilités aux cotés de la BCE. La déclaration du lundi 6 octobre rappelle ainsi la volonté unanime des dirigeants de l´Union européenne à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la stabilité du système financier.
Nous devons saluer le rôle de la BCE qui avec les autres banques centrales, américaine, britannique, suédoise, suisse et canadienne qui viennent de décider une baisse concertée des taux de 0,5 point.
Il nous faut continuer à agir sans délais.
Comme l'ont indiqué les ministres des Finances lors de leur réunion d'hier, il est urgent de rassurer les déposants et d'irriguer le marché interbancaire. C'est de cette manière que nous restaurerons la confiance.
Il faut aussi revoir profondément la gouvernance financière dans un sens plus favorable au financement à long terme de l'économie, à la mobilisation de l'épargne des Européens, à une réduction de la volatilité et de la spéculation.
Tout ceci n´est pas incompatible avec une industrie financière compétitive et innovante. Pour améliorer cette gouvernance, nous comptons beaucoup sur les propositions de la Commission. Elles doivent être rapides et audacieuses.
Les Etats membres ont trouvé hier un accord sur une réponse immédiate pour :
- assurer la stabilité des établissements financiers, par la recapitalisation des établissements ou par tout autre moyen exigé par les circonstances. De ce point de vue, les propositions faites ce matin par le Premier ministre britannique sont les bienvenues. Elles s'inscrivent clairement dans la perspective des engagements pris par les chefs d´Etat et de gouvernement le 6 octobre. La France envisage une structure juridique qui permette à l´Etat de prendre les mesures nécessaire où et quand elles le sont. Le président du Conseil européen continuera à s´appuyer sur ces différentes propositions pour prendre les initiatives appropriées, visant à renforcer la coordination européenne.
- préserver les déposants. Le niveau minimal de protection en Europe des dépôts va être porté à 50 000 euros. Un grand nombre d'Etats membres ont annoncé leur décision de relever cette protection à 100 000 euros.
- faire preuve de souplesse dans l'application, dans les circonstances exceptionnelles présentes, des règles communautaires relatives aux aides d'Etat et des dispositions du Pacte de stabilité et de croissance s´impose. La Commission sous l'impulsion décisive de son président nous y aide dans ces circonstances très particulières.
La coordination internationale dans le cadre du G7 de la fin de semaine est également nécessaire pour rétablir la confiance. Comme l'a indiqué le ministre japonais des Finances, le G7 doit adresser un "message fort" conjoint des ministres des finances et des gouverneurs. Ce que viennent de faire les banques centrales est de ce point de vue un signal déterminant et très positif.
Nous devons sans doute associer les grands émergents à la stabilisation des marchés compte tenu du caractère international de la crise. C'est tout le sens du G8 élargi que le président du Conseil européen a appelé de ses voeux d'ici la fin de l'année.
Enfin, le FMI doit constituer l'enceinte principale pour conduire la discussion entre grands acteurs mondiaux. Il doit retrouver son rôle de "gendarme financier" qui était le sien à l'origine et s'occuper conformément à ce qui avait été décidé dès la fin de la seconde guerre mondiale : la stabilité financière.
II. La Présidence a souhaité que le Conseil européen puisse débattre du paquet climat/énergie.
Le Conseil européen, sous l'impulsion déterminante de la présidence allemande, a pris en mars 2007 des engagements ambitieux en faveur de l'environnement.
Nous souhaitons préserver cette ambition environnementale du paquet sur lequel nous souhaitons un accord avec votre assemblée en première lecture.
Nous devons être prêts et en position de force pour les deux rendez-vous de Poznan en décembre 2008, puis de Copenhague à la fin 2009.
Toutefois, le contexte actuel de ralentissement économique tend à exacerber les préoccupations de certains de nos partenaires comme de nos industries. Nous devons ensemble répondre à ces inquiétudes. Il nous faut rechercher les flexibilités que nous pouvons leur apporter sans toutefois remettre en question les objectifs, les fondamentaux et les grands équilibres du paquet proposé par la Commission. Ce dont il est question c'est du modèle de développement que nous aurons demain, notre modèle d´aujourd'hui étant en grave crise.
La présidence a également souhaité que soit évoqué le sujet de la sécurité énergétique, conformément aux conclusions du Conseil européen extraordinaire du 1er septembre.
En la matière, beaucoup reste à faire notamment sur l'efficacité énergétique, la diversification des sources d'énergie, les interconnexions et les infrastructures, la coopération avec les grands pays fournisseurs, de transit et grands consommateurs. Nous souhaitons adopter des orientations qui répondent notamment aux préoccupations légitimes des Etats membres d'Europe centrale et orientale.
III. Conformément à la suggestion que l'Irlande avait faite en juin et qui a été agréée par tous les autres Etats membres, le Conseil européen reviendra sur la question du Traité de Lisbonne.
Vous le savez, la présidence souhaite parvenir d'ici décembre à la définition d'une voie commune à suivre. Cette question est plus que jamais nécessaire pour répondre à la crise que nous connaissons.
Le Premier ministre irlandais, Brian Cowen, a confirmé au président du Conseil européen qu'il présenterait à ses collègues chefs d'Etat et de gouvernement l'étude commandée par le gouvernement irlandais sur l'analyse des motivations du "non" et les conclusions qu'il en tire. Il a également annoncé la constitution d'une commission parlementaire ad hoc dont les réflexions nourriront, d'ici la fin du mois de novembre, les réflexions du gouvernement irlandais.
Michael Martin a confirmé devant la commission des Affaires constitutionnelles le 6 octobre que le gouvernement irlandais était déterminé à faire des propositions concrètes. Parallèlement, nous appelons ceux qui ne l'ont pas déjà fait à achever la procédure de ratification du traité. L'instabilité que nous connaissons aujourd'hui est une justification supplémentaire pour doter l'Union européenne d'un cadre juridique et institutionnel rénové.
IV. Le Conseil européen sera invité à adopter le pacte européen sur l'immigration et l'asile, dont le texte a fait l'objet d'un accord politique le 25 septembre dernier au Conseil (JAI).
L'immigration reste une chance pour l'Europe.
Le Pacte européen sur l'immigration et l'asile vise à donner une nouvelle impulsion a la politique migratoire et s'inscrit dans le cadre équilibré de l'approche globale mise en oeuvre depuis 2005.
Il fixe des orientations ambitieuses pour l'avenir, afin de progresser vers une véritable politique migratoire commune. Elle embrasse l'ensemble des volets de la gestion des flux migratoires : non seulement la lutte contre l'immigration illégale et le contrôle des frontières, mais également de nouveaux champs, tels que les migrations économiques, une harmonisation réelle de l'asile, et le développement des pays d'origine.
V. Géorgie, relations avec la Russie
Le Conseil européen évaluera le respect par la Russie de ses obligations au titre de la mise en oeuvre des accords du 12 août et du 8 septembre, s'agissant du retrait de ses troupes qui conditionne la reprise des contacts sur le futur accord de partenariat entre la Russie et l'Union européenne.
La relation Union européenne-Russie fera l'objet d'une évaluation complète et approfondie par la Commission et le Conseil dans la perspective du prochain sommet prévu à Nice le 14 novembre prochain.
Dans le même temps, l'Union européenne est déterminée à poursuivre, le soutien à ses voisins orientaux dans leurs efforts de modernisation économique et démocratique. Je rappelle à cette égard l'importance des résultats du Sommet Union européenne/Ukraine de Paris qui marquent une avancée sans précédent dans la relation de l'Union européenne avec ce pays. Dans le même esprit, le Conseil européen appellera au renforcement des relations entre l'Union et la Moldavie à travers un nouvel accord spécifique à ce pays permettant, si les prochaines élections se déroulent bien, son association à diverses politiques de l'Union.
Le Conseil "Affaires générales relations extérieures" sera par ailleurs chargé de procéder à un premier examen des propositions sur un futur "partenariat oriental" de l'Union européenne que la Commission a l'intention de présenter dès novembre.
La Présidence française se trouve confrontée à l'urgence et à la gestion de crise mais nous n'oublions pas nos priorités.
"Une Europe qui agit pour répondre aux défis d'aujourd'hui" : tel est le titre que nous avions souhaité donner, il y a quelques mois, au programme de travail de la Présidence française. Cette ambition est plus que jamais au coeur de notre action. Elle guidera les travaux du Conseil européen des 15 et 16 octobre.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 octobre 2008