Texte intégral
Je suis très heureuse d'être présente à Bobigny, avec madame la maire et monsieur le président du Conseil Général aujourd'hui pour vous présenter le grand projet de collaboration entre la Comédie-Française et la MC93. Un projet qui témoigne d'une ambition majeure pour ce territoire, où l'accès à la culture est un enjeu de développement encore plus vital qu'ailleurs.
Ce projet a fait couler beaucoup d'encre ces derniers jours, avec une vague d'informations parfois fantaisistes, voire de désinformation, et il me paraissait important de vous réunir aujourd'hui pour vous expliquer ce que nous allons faire et pourquoi nous allons le faire.
« Nous », c'est l'Etat, ainsi que les collectivités partenaires, d'horizons politiques divers - une ville, un conseil général, une région. Nous nous sommes tous mis autour de la table pour parler culture, pour parler de ces établissements que nous gérons ensemble, en partenariat, dont nous fixons les missions et dont nous assurons le financement. Une quasi révolution j'en conviens ! Cette révolution, je l'assume et je la revendique.
Elle est l'illustration même de la politique de partenariat avec les collectivités territoriales que j'ai voulu revivifier depuis mon arrivée, dans le cadre notamment des Entretiens de Valois. Et le projet que nous portons tous ensemble aujourd'hui montre bien que cela en vaut la peine.
Nous avons eu une interrogation commune à propos de la MC 93 de Bobigny. Nous sommes d'accord pour dire que cette maison de la culture a écrit une page essentielle de la décentralisation théâtrale voulue par Malraux et représenté la pointe de l'ouverture sur les formes théâtrales d'ailleurs ; c'est sur ce plateau que Lev Dodine nous a fait découvrir l'incroyable force du théâtre Maly de Saint Petersbourg ; c'est ici aussi que nous sommes restés sidérés devant la beauté hypnotique du « Einstein on the Beach » de Philip Glass par Bob Wilson ; nous sommes tous convenus que cette histoire faisait de ce lieu un symbole important d'une ambition culturelle française. Et nous sommes tous tombés d'accord pour dire qu'il fallait à la MC 93 un avenir à la hauteur de son passé et des défis qu'elle aura à relever.
Or depuis quelques années, le public répond moins présent, le nombre de spectacles et de représentions diminue sensiblement, et l'image même de la MC 93 en France comme à l'étranger pâlit, même si des temps de programmation, comme le festival « Standard idéal » sont encore des moments de découvertes et de rencontres de grande qualité.
Et cette baisse de régime, je tiens à affirmer ici qu'elle n'est en aucun cas liée à un soi disant désengagement des collectivités, et de l'Etat en particulier, qui n'ont jamais cessé de soutenir financièrement le fonctionnement de cette structure : les chiffres qui figurent dans le dossier de presse, en sont l'illustration la plus transparente.
Il est donc de la responsabilité des collectivités publiques - qui, je le répète financent et gèrent ce lieu - de tenir compte de ces constats et de tenter d'infléchir ces tendances en inventant ensemble un nouveau projet : c'est ce que nous proposons de faire avec la Comédie-Française.
La Comédie-Française de la même manière, dame vénérable du théâtre, doit continuer à se réinventer et mener un travail pédagogique sur la durée à destination de tous les publics et en particulier des publics nouveaux. Or, tout le monde sait qu'il faut du temps à un spectacle pour toucher de nouveaux publics, pour que le bouche-à-oreille fonctionne audelà du cercle des habitués.
La Comédie-Française doit partir à la conquête de nouveaux spectateurs. Bien sûr, la salle Richelieu est un lieu magnifique, historique, coeur toujours battant de la Comédie-Française, dont les ors et les velours incarnent l'histoire même du théâtre. Mais il faut parvenir à pousser cette porte et ce n'est pas si simple pour ceux qui ne l'ont jamais fait et que la grande dame peut intimider. Il faut vaincre le sentiment que ce lieu-là est réservé aux initiés, qui y ont leurs habitudes, que ce langage-là n'est plus en lien avec celui d'aujourd'hui.
Alors cette porte, nous allons l'ouvrir ailleurs, ici, à Bobigny. Cette forme même d'excellence artistique, nous voulons l'offrir aux populations qui aujourd'hui pensent encore trop souvent qu'elles n'y ont pas droit.
Ce projet, collectivités et Etat, nous le portons ensemble, nous le financerons ensemble. Ce n'est donc pas une Offre Publique d'Achat, c'est une Offre Publique d'Ambition pour un lieu, une ville, un territoire qui le méritent.
Nous voulons un projet culturel qui allie l'excellence des propositions artistiques à la proximité avec les publics les plus variés ; un projet qui présente aussi bien les plus grandes oeuvres du répertoire, ce qui reste la mission essentielle du Français, que les créations des auteurs contemporains ; un projet qui assure la permanence artistique d'une troupe, celle de la Comédie-Française, et qui fasse une part belle à l'accueil des plus grandes troupes étrangères, et en particulier européennes, à l'image de ce que réussit depuis des années le festival « le standard idéal ».
Ce projet, nous en formons le souhait, Muriel Mayette et la troupe de la Comédie-Française le mèneront avec la MC 93, et notamment avec son directeur Patrick Sommier, si lui-même le désire : cette nouvelle forme de collaboration nous paraît une chance de conjuguer les savoir faire de ces deux maisons, avec ambition et inventivité.
Le travail commence aujourd'hui, compte tenu des temps nécessaires à l'élaboration d'une programmation pour imaginer, pour construire, pour réussir ce défi de faire se rencontrer la maison de Molière et la maison de la culture de Bobigny, pour en faire la maison de tous.
C'est la mission qui est la nôtre et je serai fière de la mener, aux cotés des collectivités.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 8 octobre 2008