Interview de M. Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, à Canal Plus le 6 octobre 2008, sur la crise financière, le rachat de Fortis par la BNP, l'aide de l'Etat pour soutenir DEXIA et sur l'éventualité de sortir du Pacte de stabilité pour relancer l'économie.

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Média : Canal Plus

Texte intégral

M. Biraben, C. Roux & L.  Mercadet.-  M. Biraben : Léon est à son poste, vous pouvez donc poser vos questions  à R. Karoutchi, secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement, qui  est notre invité. Caroline.  C. Roux : Oui, le Parlement très discret jusqu'à présent sur la crise  financière, le Parlement qui débattra finalement mercredi donc à  l'Assemblée, et au Sénat. En attendant, la majorité se divise sur les  critères de Maastricht, après avoir fait front face à la crise financière.  L'Elysée attend les retombées du G4, en espérant avoir redonné  confiance aux Français et aux Européens.  M. Biraben : R. Karoutchi, bonjour.  Bonjour.  M. Biraben : Installez-vous. La BNP rachète la banque Fortis in  extremis ; l'Allemagne, elle, fait un très gros chèque pour sauver Hypo  Real Estate. Est-ce que nous sommes au beau milieu de la tempête ? 
 
Au milieu, je ne sais pas, mais en tout cas, la tempête est évidemment encore  en cours, elle n'est pas finie. Le fait que la BNP intervienne sur Fortis prouve  que les banques françaises dans cet océan de turbulences vont plutôt bien,  parce que si elle est en situation de dégager des sommes considérables pour  acheter Fortis, ça veut dire que la situation de la BNP est plutôt bonne. Mais  c'est vrai qu'il faut faire très attention, on a vu qu'il y avait une nouvelle  intervention allemande sur une banque immobilière, qu'il y a encore des  problèmes sur des banques néerlandaises, bon... 
 
M. Biraben : Ça continue... 
 
La situation est un peu meilleure, si je puis dire, depuis le vote acquis du plan  américain, parce que ça a un peu stabilisé et calmé les marchés financiers,  mais les raisons profondes sont encore là. Il faut donc arriver maintenant à un  rééquilibrage... 
 
C. Roux : C'est curieux, parce qu'on avait parlé quand même du G4  dans les raisons d'espérer... 
 
Oui, alors, non, mais... 
 
C. Roux : Non ? 
 
C'est autre chose, si je puis dire, il y a le plan de 700 milliards américain, qui  calme le côté outre-Atlantique... 
 
C. Roux : Les marchés... 
 
Le G4, et c'est là la force de l'intervention du président Sarkozy, c'est de  dire : on va prendre des mesures au niveau européen, on sait bien que chacun  des Etats pris isolément n'a pas forcément la capacité de tout enrayer. En  revanche, si l'ensemble de l'Europe a une même politique de contrôle des  banques, a une même politique de soutien, a une même politique sur les  marchés financiers, a une même politique d'ailleurs de sanctions éventuelles  par rapport à des dirigeants qui auraient failli, eh bien, c'est vrai que ça donne  une force qui est considérable. Et c'est cela la force de cette réunion du G4  samedi. 
 
C. Roux : Une politique coordonnée, ce qui n'empêche pas l'Allemagne  d'agir dans son coin, pour sauver la quatrième banque allemande... 
 
Attendez, une politique coordonnée, ça ne veut pas dire que chacun des Etats  n'intervient pas ; la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni peuvent avoir à  intervenir. Ce que ça veut dire, c'est qu'on le fait de manière coordonnée, en  sachant exactement ce qui se passe chez les uns et chez les autres, et en  ayant des règles d'intervention qui se rapprochent, ce qui n'était pas le cas  jusqu'ici. La France, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie n'ont pas du tout les  mêmes règles de contrôle des banques. En France, le contrôle des banques,  toutes les banques, par la Banque De France, [ce] sont des règles plus strictes  que chez la plupart de nos voisins. Eh bien, il faut qu'on ait un système de  contrôle plus approprié, et c'est l'initiative du Président. 
 
C. Roux : Alors la question qui se pose aujourd'hui - il y a tout un  débat autour de la maîtrise des déficits, on va y venir - c'est sans doute  la question que se posent les gens ce matin : quand on met de l'argent,  comme ça, par exemple pour financer Dexia, où est-ce qu'on trouve  l'argent ? Le budget va être en débat à l'Assemblée dans quelques  jours, dans quelques semaines, dans quelques jours, je crois... 
 
Deux semaines. 
 
C. Roux : Deux semaines. Comment on fait, expliquez-nous, où l'Etat  français trouve l'argent ? 
 
Les interventions françaises, jusqu'ici, que ce soit d'ailleurs les milliards qui  ont été mis sur l'aide aux PME, au travers d'Oseo, que ce soit le milliard mis  sur Dexia, ce sont soit des mobilisations de crédits existants, qui sont revenus  ou qui sont réorientés, et ce ne sont pas des... par exemple, sur les PME, ce  ne sont pas des crédits nouveaux, ce ne sont pas des déficits en plus, ce sont  des crédits réorientés. Sur le milliard pour Dexia, c'est un emprunt qui, à  terme, vaudra revente par l'Etat français, c'est-à-dire, il n'y a pas de création  d'un déficit ou d'un découvert permanent. 
 
C. Roux : Ce qu'on ne comprend pas, c'est pourquoi c'est si difficile de  trouver de l'argent pour le RSA, et pourquoi ça paraît simple de faire  un milliard pour Dexia ? 
 
Alors parce que sur le RSA... 
 
C. Roux : Je vous jure que c'est comme ça qu'on le voit... 
 
Non, mais je comprends, mais sur le RSA, c'est du fonctionnement, c'est-à-dire, si je vous dis : vous allez retrouver de l'emploi, mais dans la période  où vous sortez du RMI et des autres allocations et où vous rentrez dans  l'emploi, vous gagnez moins, je vais vous verser un complément, le RSA,  pour que ça vaille le coup que vous repreniez un job. Naturellement, ça va  concerner des centaines de milliers de Français, c'est un élément  d'intervention de l'Etat, mais je vous le donne, je ne le revends pas. Si je  donne un milliard à Dexia et que dans un an, dans deux ans ou trois ans, je  revends, je récupère mon milliard ; ce que je vous donne par le RSA, par  définition, il y a assez peu de chances que vous me le rendiez. 
 
C. Roux : Alors, les députés ont fait part, vous ont fait part de leur  inquiétude après la phrase à la fois de H. Guaino et la phrase de N.  Sarkozy ce week-end, disant que l'application du Pacte de stabilité  devrait refléter les circonstances exceptionnelles dans lesquelles nous  nous trouvons. Est-ce qu'ils ont des raisons d'être inquiets, les  députés ?  
 
Non, enfin, pas là-dessus. La vérité, elle est simple : nous sommes  aujourd'hui dans les critères de Maastricht, nous sommes à 2,7% de déficit,  c'est le budget qui est présenté, et c'est le budget qui est présenté sur les trois  ans, puisque dorénavant, on a des lois pluriannuelles de finances, donc  jusqu'en 2011. Maintenant que Guaino... que H. Guaino dise : écoutez, la  situation est ce qu'elle est, aujourd'hui, on est à 2,7, parfait ; imaginons,  imaginons que la situation empire, que la crise financière s'approfondisse,  qu'il y ait de véritables perturbations, est-ce qu'à ce moment-là, il ne faut pas  dire : on est dans les circonstances exceptionnelles, moi, je n'en sais rien, on  ne va pas commencer à s'inquiéter les uns et les autres pour rien, mais si un  jour les circonstances exceptionnelles existent, alors, il faudra bien en tenir  compte, et qu'au niveau européen, on ait une réflexion et un accord...
 
M. Biraben : On n'y est pas encore... 
 
Non, on n'y est pas encore, pas de ce côté-là, puisque, grâce au G4, on a  trouvé une sorte de pacte de stabilité à terme européen au niveau bancaire. 
 
M. Biraben : Une question d'un de nos téléspectateurs, grâce à Léon.  L. Mercadet : C'est Philippe qui vous demande : est-ce que la BNP  Paribas a fait le rachat de Fortis toute seule ou sous les ordres de  Sarkozy pour remonter le moral des Français ? 
 
Non, alors... 
 
M. Biraben : Une question de Philippe... 
 
Je pense, et je veux le dire à Philippe, le jour où une banque simplement pour  remonter le moral des Français sortira des milliards et des milliards d'euros,  ça se saura et ça se verra... 
 
L. Mercadet : C'est une question sur le rôle du Président. Est-ce que le  Président est à l'écart ou est-ce qu'il est partie prenante ? 
 
Non, non, on a un président de la République, c'est clair, très engagé, très  dynamique, qui dit : moi, je suis là pour protéger les Français, pour faire en  sorte que le système bancaire tienne, je ne veux pas d'inquiétude chez les  épargnants. Pour autant, je ne suis pas sûr que rassurer les épargnants  français vaille rachat de Fortis. Donc... 
 
C. Roux : Mais il a été consulté sur cette opération... 
 
Ah, mais, de toute façon, écoutez, l'Etat français est, heureusement, consulté  sur des opérations de cette ampleur-là quand même, oui, bien sûr. Mais,  « consulté » ne veut pas dire que c'est nous qui l'avons initié, et « consulté »,  ça veut dire aussi qu'on a regardé probablement quel était l'état de stabilité  réelle de la BNP, et si les choses ont pu se faire, ça veut dire que la BNP est  en bon état. 
 
C. Roux : Alors, H. Guaino, encore lui, excusez-moi... 
 
Ah, mais c'est Guaino Story ! 
 
C. Roux : C'est vrai, oui, mais oui, c'est lui qui a fait l'actualité... 
 
C'est bien, c'est bien, c'est un homme de bien... 
 
C. Roux : ...A dit : le temps n'est pas aux débats, est-ce que... le temps  est à l'action... 
 
Non... 
 
C. Roux : Est-ce que - alors, cette semaine, il y a un débat - est-ce que  ça y est, le Parlement va avoir son mot à dire sur la crise financière ? 
 
Eh bien, le Parlement, enfin, tous les groupes politiques ont demandé un  débat sur la situation financière, il aura lieu mercredi à l'Assemblée et au  Sénat. C'est normal. Mais déjà, tous les groupes politiques sont intervenus,  par exemple dans la « Séance des questions d'actualité » de la semaine  dernière, sur cette situation financière. C'est assez normal que le Parlement  ait son mot à dire. Et c'est d'autant plus normal que, comme vous l'avez dit,  dès le 20 octobre, on aborde le débat budgétaire. Les parlementaires, avant  d'aborder le débat budgétaire veulent savoir exactement quelle est la situation  financière internationale et nationale, et est-ce que le budget de la France  correspond dans ses orientations et ses choix à la situation financière qui est  créée aujourd'hui ; donc c'est tout à fait normal qu'il y ait débat, le Premier  ministre, madame Lagarde veilleront naturellement à répondre... 
 
M. Biraben : Donc vous allez aimer le débat, ça tombe bien, on va  passer...
 
Oui, oui, mais moi, j'adore les débats... 
 
M. Biraben : Oui, ça ne m'étonne pas... 
 
Ah, mais moi, j'adore les débats. D'abord, parce qu'en général, ça permet  d'échanger et de clarifier des choses parce que ce n'est pas la peine de  laisser circuler des idées fausses. 
 
M. Biraben : On va vous interroger sur d'autres choses que vous aimez  ou que vous n'aimez pas peut-être... 
 
Ah, alors, ça, je ne sais pas. 
 
M. Biraben : J'aime/j'aime pas l'expo Picasso ? 
 
Ah, j'aime, oui, oui. 
 
M. Biraben : Vous allez y aller ? 
 
Oui.  C. Roux : J'aime/j'aime pas reporter les régionales ? 
 
Ça, ce n'est pas une question d'aimer ou de ne pas aimer... 
 
C. Roux : Ah, ben si ! 
 
Je pense que... 
 
C. Roux : C'est un débat dans la majorité... 
 
Je pense qu'aujourd'hui, si on veut faire une vraie réforme des structures  territoriales en 2009, on ne peut pas avoir les élections régionales début 2010.  Il ne faut pas une confusion des genres. Voilà. Donc si on a une grande  réforme des structures territoriales, je suis pour le report. 
 
C. Roux : Les mauvaises langues disent... 
 
M. Biraben : Et donc vous aimez... 
 
C. Roux : Pardonnez-moi, les mauvaises langues disent que vous voulez  reporter parce que vous êtes mal engagé dans la campagne pour les  régionales... 
 
Ah, non, non, ça... 
 
C. Roux : ...Face à V. Pécresse... 
 
Ça, alors, rassurez-vous... 
 
C. Roux : Parce qu'il y a eu un sondage... 
 
Oui, oui, oui, les sondages, plus ou moins manipulés, laissons ! Mais, non,  non, je ne dis pas d'ailleurs que, en cas de difficulté ou de report régionales, il faudrait reporter les primaires, je dis simplement que si nous  avons un texte de loi fin 2009 pour dire : voilà la nouvelle structure  territoriale, les conseillers territoriaux, etc., c'est compliqué d'avoir des  élections régionales début 2010. 
 
M. Biraben : Juste pour finir, de manière plus anecdotique, le Mondial  de l'automobile, vous aimez, vous n'aimez pas ? 
 
Je n'aime pas, je n'ai pas le permis de conduire. 
 
C. Roux : C'est incroyable le nombre d'invités qui n'ont pas le permis  de conduire ! C'est inouï ! 
 
Ah, ben, non, vous vous spécialisez peut-être ! 
 
M. Biraben : Ça pullule. Vous avez un chauffeur ? 
 
Depuis que je suis ministre, oui. Avant, non, mais bon... 
 
M. Biraben : C'est pratique. 
 
Ah, ben, oui. 
 
M. Biraben : Merci beaucoup R. Karoutchi. 
 
Merci à vous. 
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 14 octobre 2008