Texte intégral
Je suis particulièrement heureuse d'être à vos côtés ce matin pour ouvrir cette conférence européenne qui, pour la troisième fois, réunit tous ceux qui, partout en Europe, font vivre la recherche en sécurité.
Aux 1 200 délégués qui, tout au long des deux journées qui viennent, vont réfléchir ensemble aux besoins nouveaux de nos sociétés en matière de sécurité et aux réponses inédites que les progrès de la recherche permettront de leur apporter, je veux tout d'abord souhaiter la bienvenue au nom de la France.
Au travers des conférences SRC, c'est donc à l'intelligence collective des Européens que les Présidences autrichienne, puis allemande de l'Union européenne ont souhaité faire appel et, à l'évidence, le succès a été au rendez-vous : sans la conférence de Vienne, puis celle de Berlin, le Programme européen de recherche en sécurité se serait développé sans aucun doute beaucoup plus lentement et les peuples d'Europe auraient ainsi perdu une occasion décisive d'avancer un peu plus loin encore en direction de la société de paix, de liberté et de prospérité à laquelle nous aspirons tous.
Aux yeux de la France, c'est une joie et un honneur que de vous accueillir ce matin, et de le faire à un double titre : comme nation en charge de la Présidence de l'Union tout d'abord, et pour l'ensemble du peuple de France, cette Présidence revêt une signification et une importance bien particulière puisqu'elle est l'occasion, au moment où s'invente une nouvelle fois l'avenir de l'Europe, d'accueillir sur son sol nombre de manifestations qui sont autant de laboratoires de l'Union de demain.
Mais la France qui vous souhaite la bienvenue ce matin est aussi une nation qui a fait de la recherche en sécurité l'une de ses priorités politiques et scientifiques. Aussi ne pouvait-elle rester indifférente à vos travaux, qui à ses yeux représentent autant d'occasions de prolonger les recherches entreprises au sein du CNES, du CEA ou bien encore de l'INRIA et de leur donner, j'en suis certaine, un nouvel élan.
Ce nouvel élan, les citoyens français l'attendent comme tous les Européens. Il n'est en effet pas un sondage, pas une consultation, pas une conférence qui n'en atteste : la sécurité est le premier besoin des peuples et tous espèrent que demain, l'Europe y tiendra une part grandissante.
Quand la folie meurtrière et la violence aveugle s'abattent indistinctement sur Londres et sur Madrid, confondant ainsi dans une même vindicte tous les peuples d'Europe accusés de partager les mêmes valeurs de paix, de tolérance et de justice, il n'en est effet pas d'autre réponse qu'européenne. Et je sais, chère Michèle, que toutes les nations d'Europe n'ont de cesse d'unir leurs capacités de renseignement pour déjouer demain les nouveaux attentats qui ne manqueront pas, et il n'est de certitude plus amère, de se préparer.
Mais cette solidarité de coeur et de fait ne s'arrête pas aux seules menaces humaines, elle trouve également à s'employer à chaque fois qu'une catastrophe naturelle survient, plaçant ainsi brutalement telle ou telle région d'Europe dans une situation de criant besoin. Chacun à notre tour, nous avons ainsi besoin de l'aide de tous les autres et c'est l'honneur et le devoir des peuples de l'Union que d'apporter alors tout le secours et tout l'appui nécessaires à celui d'entre eux qui le demande.
Mais pour que cette solidarité ne reste pas qu'un élan généreux, mais se traduise par une aide rapide et efficace, il nous faut l'organiser et la structurer. Il nous faut aussi, et à mes yeux, il n'est peut-être rien de plus important, lui permettre de s'appuyer sur les nouvelles technologies qui offriront demain un merveilleux relai à ces élans de solidarité.
Et je souhaite prendre l'exemple des technologies spatiales alors que l'Union européenne est désormais chargée de deux programmes exceptionnels que sont Galileo, la navigation par satellite européenne, et Kopernikus, le système d'observation de la terre ouvert à tous les utilisateurs européens.
Avec les technologies spatiales, nous disposons en effet de nouveaux moyens de prévenir les crises et d'y réagir lorsque, malgré tous nos efforts, nous ne pouvons éviter qu'elles surviennent. En quelques années, nous sommes ainsi devenus capables de prédire le passage d'un cyclone avec deux, et non plus seulement un jour d'avance, offrant ainsi aux secours 24 heures de plus pour s'organiser et protéger les populations des régions menacées.
Les technologies spatiales nous offrent également la possibilité de réagir plus efficacement encore lorsqu'une catastrophe survient. Je pense ainsi à la cartographie rapide qui permet, grâce au passage d'un seul satellite, de recenser les zones touchées et de connaître immédiatement les voies de circulation encore utilisables, évitant ainsi aux secours le travail d'exploration préalable qui les ralentit encore si souvent.
Voilà pourquoi, avec le concours décisif de Gunther Verheugen, qui ne peut malheureusement être parmi nous aujourd'hui, mais auquel je veux rendre l'hommage le plus chaleureux, voilà pourquoi, disais-je, les ministres chargés de l'espace de l'Union viennent de décider d'aller plus loin encore et de construire une politique spatiale européenne offrant toujours davantage d'applications concrètes et utiles aux citoyens européens.
Et ce que nous venons de faire pour la politique spatiale, je crois que nous pouvons et que nous devons le faire aussi pour la recherche en sécurité dans son ensemble. Car là aussi, pourquoi nous faudrait-il encore avancer chacun de son côté et chacun à son rythme alors que nous pourrions en unissant nos efforts faire plus rapidement encore de plus grands progrès ?
J'en veux pour preuve le succès du Premier programme européen de recherche en sécurité : à peine était-il mis en place que les initiales nationales fleurissaient partout, démontrant ainsi à qui en doutait encore que la recherche en sécurité était riche de bien des promesses.
Mais ces projets qui ont partout vu le jour, il nous faut à présent apprendre à les coordonner pour ne pas, chacun par devers nous, explorer les mêmes pistes, essuyer les mêmes échecs ou parvenir aux mêmes succès. Aussi ne devons-nous pas seulement nous donner les mêmes objectifs, nous devons aussi les poursuivre ensemble et nous répartir la tâche pour les atteindre au plus vite.
Et c'est ainsi que nous parviendrons également à nous doter de systèmes de sécurité qui ne resteront pas éternellement étrangers les uns aux autres, faute d'avoir été conçus dans le même esprit. Car à mes yeux, rien n'est plus essentiel que de concevoir des technologies interopérables dans leur principe même, pour que les élans de solidarité des peuples d'Europe ne se brisent plus sur les frontières des Etats qui, en matière de sécurité, demeurent encore souvent si difficiles à franchir.
Pour faire de l'Europe un espace de liberté, de sécurité et de justice en progrès constant, cher Jacques, il faudra donc nous donner une recherche en sécurité commune. Aux yeux de la France, cette dernière a donc toute sa place dans la vision 2020 que nous nous apprêtons à dessiner ensemble pour l'espace européen de la recherche.
Au fondement de cette vision, il y a en effet une décision essentielle, celle de faire de la science le premier moteur du progrès de nos sociétés. Mais pour honorer cette promesse faite aux peuples d'Europe et construire la programmation conjointe sans laquelle elle resterait lettre morte, il nous faudra faire naître et entretenir un dialogue constant entre les scientifiques et les citoyens de l'Union.
Mettre la science au service de la société, c'est en effet d'abord concentrer nos forces scientifiques autour des enjeux qui, aux yeux des Européens eux-mêmes, sont les plus cruciaux. Aussi nous faut-il dès à présent engager la réflexion sur les besoins cardinaux de nos sociétés en matière de sécurité et nouer avec l'ensemble de la société civile européenne le dialogue qui nous permettra d'agir au plus vite.
Aussi serais-je particulièrement attentive aux conclusions de vos travaux sur ce point. Ils viendront ainsi compléter l'état des lieux dressés, dans chacun de nos pays et dans l'Europe tout entière, par les agences nationales et européennes qui ont fait de l'analyse des besoins sociaux en matière de sécurité l'une de leurs priorités.
Mais pour aller plus loin encore et parvenir à un tableau fidèle des attentes communes aux peuples de l'Union, je crois également nécessaire de mieux structurer ce réseau d'agences, qui reste encore trop morcelé. Par nature, elles ont en vocation à travailler ensemble pour, au-delà de la diversité des structures nationales, offrir à la recherche européenne en sécurité les bases solides sans lesquelles elle ne pourra se développer.
Et parmi ces bases, il en est une qui revêt à mes yeux une importance toute particulière : il s'agit de la réflexion qu'il nous faut à présent engager sur la nature de la politique globale de sécurité que nous allons construire ensemble.
Partout dans le monde, deux écoles se font face : l'une fait de la prévention une priorité absolue et appelle dès lors à miser sur le renseignement et l'observation pour prévoir la survenance des crises ; l'autre en appelle à la notion de résilience pour mettre l'accent sur la capacité de nos sociétés à réagir lorsqu'une catastrophe survient et à rétablir au plus vite le cours normal des choses.
Entre ces deux modèles, l'Europe doit tracer sa voie. A mes yeux, elle ne peut qu'être médiane. Rien ne serait en effet plus périlleux que de sacrifier aux querelles d'école et de prendre ainsi des risques inconsidérés en renonçant, sous couvert de cohérence doctrinale, à des pans entiers de nos politiques de sécurité.
Mais la voie médiane n'est pas une voie moyenne. Pour chaque type de risque, il y a en effet un équilibre à trouver entre la prévention et la gestion de crise, entre l'effort de préparation et de prévision et le renforcement de la résilience. Car prévenir n'est pas toujours prévoir et entre les comportements humains et les phénomènes naturels, il est une différence essentielle que nous ne devons jamais oublier.
Réduire les uns aux autres, ce ne serait pas seulement commettre une faute intellectuelle, mais ce serait également engager la recherche en sécurité sur un chemin périlleux. Aussi ne devons-nous jamais perdre de vue les valeurs qui nous unissent et qui font le sens même de l'aventure européenne.
Au premier rang d'entre elles, il y a l'attachement aux libertés fondamentales qui, dans tout Etat de droit, viennent garantir les droits de chaque individu. Au nom de l'intérêt de tous, nous ne pouvons en effet exercer une emprise illimitée sur l'existence de chacun.
Ce principe, nous ne devons jamais le perdre de vue et c'est pourquoi il me paraît essentiel de le placer au coeur même de la définition des besoins de sécurité qui sont les nôtres. Prise à sa racine, la liberté est en effet la soeur du risque et supprimer celui-ci, c'est aussi assécher celle-là.
Permettez-moi donc de dire les choses très clairement : si la prévention des risques humains a toute sa place dans la recherche en sécurité, elle doit également s'accorder aux règles éthiques et juridiques qui gouvernent des sociétés libres et démocratiques.
C'est pourquoi je crois nécessaire qu'aux côtés des experts et des chercheurs en sécurité, des spécialistes des sciences humaines, et tout particulièrement de la sociologie et de la philosophie participent à la réflexion qui s'engage sur les besoins de nos sociétés en la matière.
Car c'est ainsi que nous dissiperons toutes les inquiétudes qui parfois se font jour à mesure que les nouvelles technologies se mettent au service de notre sécurité : en ouvrant grandes les portes de nos laboratoires et de ces conférences à la réflexion éthique sans laquelle il n'est pas de progrès véritable.
C'est ainsi, en tissant de nouveaux liens de confiance entre les citoyens et tous ceux qui font vivre la recherche en sécurité dans nos pays, que nous permettrons à ces nouvelles technologies de se diffuser.
Les conditions seront alors réunies pour que naisse en Europe un véritable marché de la sécurité, mais un marché dont le dynamisme même s'alimentera à ces deux sources jumelles que sont l'innovation et la confiance.
Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, loin d'être déjà dessiné, le visage définitif de la recherche européenne en sécurité reste encore à inventer. A vous qui avez déjà tant fait pour elle, je dois donc encore demander un effort : pour répondre à cette attente essentielle des peuples de l'Union, nous avons besoin de votre concours.
Ce sont en effet vos expériences et vos réflexions, si diverses, mais également si riches, qui nous guideront non seulement pour actualiser le 7e PCRD, mais aussi et surtout pour construire la recherche européenne de demain.
Nous comptons sur vous.
Je vous remercie.
Source http://www.src08.fr, le 8 octobre 2008