Texte intégral
Monsieur l'Ambassadeur, Mesdames et Messieurs les officiers généraux, Mesdames et Messieurs, chers amis,
Nous sommes aujourd'hui réunis autour de M. Franck Buckles et de sa famille, afin que lui soit remis devant vous une très haute distinction de la République Française.
Nous commémorons cette année le 90e anniversaire de l'Armistice de 1918, qui mit un terme aux combats de la Première Guerre mondiale, et c'est dans ce contexte particulier que j'ai proposé au Président de la République Nicolas Sarkozy de me rendre aux Etats-Unis afin de remettre à M. Franck Buckles cette distinction, qui honore sa participation à la Première Guerre mondiale, dont il est aujourd'hui le dernier survivant aux Etats-Unis d'Amérique.
Aujourd'hui, nous rendons ainsi hommage à l'engagement individuel de M. Franck Buckles au service de la cause Alliée, mais nous honorons également à travers lui l'engagement de tout le peuple américain aux côtés de la France et de ses Alliés dans la Grande Guerre, au nom d'une certaine idée de la démocratie et de la liberté du monde.
Ce 90e anniversaire de l'année 1918 est pour nous, Français, l'occasion de rappeler la contribution décisive de l'Amérique à la grande victoire acquise en 1918 contre les Empires Centraux.
Nous savons aujourd'hui combien ce renfort de l'Amérique modifia en profondeur l'équilibre des forces en cette année 1918, décisive, où une véritable course contre la montre était engagée entre les belligérants européens. Outre l'indispensable renfort numérique, l'arrivée en France des troupes américaines, sous le commandement du général Pershing, galvanisa le moral des combattants. Les jeunes recrues venues d'Amérique redonnèrent le goût de vaincre à des soldats épuisés par quatre années de terribles combats dans les tranchées tandis que le pays tout entier découvrait avec intérêt et curiosité les visages de ces jeunes Américains qui venaient se battre pour eux.
Franck Buckles, vous êtes né dans le Missouri en 1901 et vous avez décidé de vous engager dès le Printemps de l'année 1917, alors que vous n'aviez que seize ans. Vous êtes arrivé en France au mois de décembre 1917 par l'un des nombreux navires qui convoyaient alors les jeunes recrues américaines vers les ports français de l'Atlantique. Votre navire a cela de particulier qu'il s'agissait du RMS Carpathia, célèbre pour avoir secouru en 1912 les survivants du Titanic.
Le 4 juillet 1917, le peuple de Paris fait un triomphe au général Pershing, lorsqu'il se rend au cimetière de Picpus, pour se recueillir sur la tombe de Lafayette.
A la fin de l'année 1918, ils seront deux millions d'hommes à avoir traversé l'Atlantique pour venir combattre en Europe. Ces troupes s'illustreront dès le Printemps 1918, dans la Somme, lors de la seconde bataille de la Marne et dans les rudes combats de la Meuse et de l'Argonne, où beaucoup laisseront leur vie.
Cher Franck Buckles, j'ai vu les tombes de ces jeunes soldats alignées en silence dans les travées du cimetière militaire américain de Romagne-sous-Montfaucon. J'ai vu, gravés dans la pierre, les noms de beaucoup de ces jeunes hommes tombés en France pour la liberté de l'Europe.
J'ai également inauguré, il y a quelques jours dans la Meuse, une stèle en hommage à l'un des vôtres, le soldat Harry Gunther, dernier mort américain de cette Grande Guerre, tué le 11 novembre 1918, à une minute de l'entrée en vigueur de l'Armistice. Je voudrais vous dire que ces hommes ne sont pas morts en vain, car ils ont précipité, par leur sacrifice, l'issue d'un conflit meurtrier et donc épargné de nombreuses vies humaines.
Aujourd'hui, la France se souvient et honore tous ces morts américains tombés en 1918 pour rendre sa liberté à notre pays. A travers vous, qui êtes leur dernier représentant, nous rendons aujourd'hui un hommage solennel au sacrifice héroïque de tous ces enfants d'Amérique.
Cher Franck Buckles, je ne peux m'empêcher d'évoquer devant vous cette extraordinaire idée que vous avez été à la fois le spectateur de la fin d'un monde et l'acteur engagé d'un nouveau. Je ne peux m'empêcher d'être ému par le fait que vous avez été le contemporain de l'avènement de la grande puissance américaine au XXe siècle, que vous avez vu de votre vivant l'émergence de cette grande nation qui s'appelle les Etats-Unis d'Amérique. Vous avez vu l'Amérique conquérir l'espace et la lune, mais aussi affronter de grands périls, dont certains menacent encore aujourd'hui notre civilisation. Vous avez été l'acteur et le témoin de cette extraordinaire histoire du XXe siècle, tantôt tragique et meurtrière, tantôt porteuse d'espoir.
Vous avez assisté, depuis l'Europe où vous étiez resté en 1919, au règlement de la paix, où vous avez pu voir les Alliés confronté à la rude tâche d'établir une paix juste et durable pour le continent européen et pour le monde. Puis vous avez dû voir avec tristesse l'effondrement de la belle promesse de la Société Des Nations, jusqu'à la renaissance de cette noble idée avec la création des Nations Unies.
Vétéran de la Première Guerre mondiale, vous avez été replongé dans les vicissitudes de la guerre, qui vous a conduit à rester trois longues années comme prisonnier, dans un camp Japonais, durant la Seconde Guerre mondiale.
Alors vous comprendrez, je l'espère, l'émotion qui m'étreint lorsque je vous regarde et que j'évoque devant vous les épisodes de ce XXe siècle qui défile aujourd'hui grâce à vous devant nous.
Aujourd'hui, en ce 90e anniversaire de l'armistice de 1918, nous nous retournons pour contempler le siècle écoulé et nous voyons que la Grande Guerre est toujours une référence où notre monde contemporain prend sa source. Dans toute les capitales de l'Europe, où les nations turbulentes ont pu finalement s'unir pour bâtir une paix durable, on célèbre aujourd'hui une mémoire réconciliée de la Grande Guerre.
Franck Buckles, vous êtes l'un des tous derniers témoins de ce monde disparu mais étrangement contemporain. Ce testament historique est le vôtre. Nous sommes tous les enfants de ce siècle tragique et nous méditons cet héritage sacré que vous nous avez légué. Nous honorons aujourd'hui les Etats-Unis d'Amérique qui, par deux fois, nous envoyèrent ses enfants pour que les jeunesses d'Europe vivent libre.
Jamais nous n'oublierons ce geste. Jamais la France n'oubliera le sang versé par les enfants d'Amérique.
Franck Buckles, aujourd'hui nous sommes tous les enfants de ce siècle Américain. Nous sommes tous vos petits-enfants.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 16 octobre 2008
Nous sommes aujourd'hui réunis autour de M. Franck Buckles et de sa famille, afin que lui soit remis devant vous une très haute distinction de la République Française.
Nous commémorons cette année le 90e anniversaire de l'Armistice de 1918, qui mit un terme aux combats de la Première Guerre mondiale, et c'est dans ce contexte particulier que j'ai proposé au Président de la République Nicolas Sarkozy de me rendre aux Etats-Unis afin de remettre à M. Franck Buckles cette distinction, qui honore sa participation à la Première Guerre mondiale, dont il est aujourd'hui le dernier survivant aux Etats-Unis d'Amérique.
Aujourd'hui, nous rendons ainsi hommage à l'engagement individuel de M. Franck Buckles au service de la cause Alliée, mais nous honorons également à travers lui l'engagement de tout le peuple américain aux côtés de la France et de ses Alliés dans la Grande Guerre, au nom d'une certaine idée de la démocratie et de la liberté du monde.
Ce 90e anniversaire de l'année 1918 est pour nous, Français, l'occasion de rappeler la contribution décisive de l'Amérique à la grande victoire acquise en 1918 contre les Empires Centraux.
Nous savons aujourd'hui combien ce renfort de l'Amérique modifia en profondeur l'équilibre des forces en cette année 1918, décisive, où une véritable course contre la montre était engagée entre les belligérants européens. Outre l'indispensable renfort numérique, l'arrivée en France des troupes américaines, sous le commandement du général Pershing, galvanisa le moral des combattants. Les jeunes recrues venues d'Amérique redonnèrent le goût de vaincre à des soldats épuisés par quatre années de terribles combats dans les tranchées tandis que le pays tout entier découvrait avec intérêt et curiosité les visages de ces jeunes Américains qui venaient se battre pour eux.
Franck Buckles, vous êtes né dans le Missouri en 1901 et vous avez décidé de vous engager dès le Printemps de l'année 1917, alors que vous n'aviez que seize ans. Vous êtes arrivé en France au mois de décembre 1917 par l'un des nombreux navires qui convoyaient alors les jeunes recrues américaines vers les ports français de l'Atlantique. Votre navire a cela de particulier qu'il s'agissait du RMS Carpathia, célèbre pour avoir secouru en 1912 les survivants du Titanic.
Le 4 juillet 1917, le peuple de Paris fait un triomphe au général Pershing, lorsqu'il se rend au cimetière de Picpus, pour se recueillir sur la tombe de Lafayette.
A la fin de l'année 1918, ils seront deux millions d'hommes à avoir traversé l'Atlantique pour venir combattre en Europe. Ces troupes s'illustreront dès le Printemps 1918, dans la Somme, lors de la seconde bataille de la Marne et dans les rudes combats de la Meuse et de l'Argonne, où beaucoup laisseront leur vie.
Cher Franck Buckles, j'ai vu les tombes de ces jeunes soldats alignées en silence dans les travées du cimetière militaire américain de Romagne-sous-Montfaucon. J'ai vu, gravés dans la pierre, les noms de beaucoup de ces jeunes hommes tombés en France pour la liberté de l'Europe.
J'ai également inauguré, il y a quelques jours dans la Meuse, une stèle en hommage à l'un des vôtres, le soldat Harry Gunther, dernier mort américain de cette Grande Guerre, tué le 11 novembre 1918, à une minute de l'entrée en vigueur de l'Armistice. Je voudrais vous dire que ces hommes ne sont pas morts en vain, car ils ont précipité, par leur sacrifice, l'issue d'un conflit meurtrier et donc épargné de nombreuses vies humaines.
Aujourd'hui, la France se souvient et honore tous ces morts américains tombés en 1918 pour rendre sa liberté à notre pays. A travers vous, qui êtes leur dernier représentant, nous rendons aujourd'hui un hommage solennel au sacrifice héroïque de tous ces enfants d'Amérique.
Cher Franck Buckles, je ne peux m'empêcher d'évoquer devant vous cette extraordinaire idée que vous avez été à la fois le spectateur de la fin d'un monde et l'acteur engagé d'un nouveau. Je ne peux m'empêcher d'être ému par le fait que vous avez été le contemporain de l'avènement de la grande puissance américaine au XXe siècle, que vous avez vu de votre vivant l'émergence de cette grande nation qui s'appelle les Etats-Unis d'Amérique. Vous avez vu l'Amérique conquérir l'espace et la lune, mais aussi affronter de grands périls, dont certains menacent encore aujourd'hui notre civilisation. Vous avez été l'acteur et le témoin de cette extraordinaire histoire du XXe siècle, tantôt tragique et meurtrière, tantôt porteuse d'espoir.
Vous avez assisté, depuis l'Europe où vous étiez resté en 1919, au règlement de la paix, où vous avez pu voir les Alliés confronté à la rude tâche d'établir une paix juste et durable pour le continent européen et pour le monde. Puis vous avez dû voir avec tristesse l'effondrement de la belle promesse de la Société Des Nations, jusqu'à la renaissance de cette noble idée avec la création des Nations Unies.
Vétéran de la Première Guerre mondiale, vous avez été replongé dans les vicissitudes de la guerre, qui vous a conduit à rester trois longues années comme prisonnier, dans un camp Japonais, durant la Seconde Guerre mondiale.
Alors vous comprendrez, je l'espère, l'émotion qui m'étreint lorsque je vous regarde et que j'évoque devant vous les épisodes de ce XXe siècle qui défile aujourd'hui grâce à vous devant nous.
Aujourd'hui, en ce 90e anniversaire de l'armistice de 1918, nous nous retournons pour contempler le siècle écoulé et nous voyons que la Grande Guerre est toujours une référence où notre monde contemporain prend sa source. Dans toute les capitales de l'Europe, où les nations turbulentes ont pu finalement s'unir pour bâtir une paix durable, on célèbre aujourd'hui une mémoire réconciliée de la Grande Guerre.
Franck Buckles, vous êtes l'un des tous derniers témoins de ce monde disparu mais étrangement contemporain. Ce testament historique est le vôtre. Nous sommes tous les enfants de ce siècle tragique et nous méditons cet héritage sacré que vous nous avez légué. Nous honorons aujourd'hui les Etats-Unis d'Amérique qui, par deux fois, nous envoyèrent ses enfants pour que les jeunesses d'Europe vivent libre.
Jamais nous n'oublierons ce geste. Jamais la France n'oubliera le sang versé par les enfants d'Amérique.
Franck Buckles, aujourd'hui nous sommes tous les enfants de ce siècle Américain. Nous sommes tous vos petits-enfants.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 16 octobre 2008