Déclaration de M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur les orientations du schéma prévisionnel national des formations de l'enseignement agricole, Paris le 7 octobre 2008.

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Circonstance : Conseil national de l'enseignement agricole à Paris le 7 octobre 2008

Texte intégral

Madame la sénatrice,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
Je suis particulièrement heureux de vous retrouver, cinq mois après notre rencontre de ce printemps, pour vous présenter les orientations du 5éme Schéma Prévisionnel National des Formations de l'enseignement agricole
[Introduction]
Pourquoi un nouveau Schéma Prévisionnel National des Formations ?
Parler du futur de l'agriculture et du monde rural est vain si on fait l'impasse sur son socle : les jeunes.
Une agriculture durable, c'est une agriculture dont les générations se renouvellent, bien formées.
C'est pour cela, vous le savez, que je fais de l'enseignement agricole une priorité :
- pour qu'il conserve les spécificités qui font sa richesse,
- pour qu'il retrouve confiance et sorte des doutes qui s'installent aujourd'hui, je le sais.
- Tout cela, ne nous mentons, dans un cadre contraint : celui de la maîtrise nécessaire de nos dépenses publiques.
C'est tout le sens de ce 5ème Schéma Prévisionnel National des Formations.
Le rapport Ferrat
Je voudrais tout d'abord remercier Françoise Ferrat et les membres de son groupe pour le travail remarquable qu'ils ont accompli.
Leur rapport, vous l'avez reçu, a été unanimement salué.
Il nous permet aujourd'hui, et c'était mon objectif:
- de disposer d'un constat sans détours,
- de disposer également de propositions pour construire l'avenir de notre enseignement agricole.
Pour la construction du 5ème schéma, j'ai retenu trois axes que je veux vous présenter :
- Le choix de la qualité de l'enseignement
- La nécessité de l'innovation
- La réforme du pilotage
1/ Le choix de la qualité de l'enseignement
C'est par ce choix que nous garantirons à chaque jeune, quelle que soit sa filière ou son niveau d'études, toutes les chances de réussir.
Et c'est ainsi que nous serons fidèle à cette culture d'excellence qui a fait notre réussite.
Choisir la qualité, c'est : donner la priorité à l'accueil, à la promotion et à l'insertion.
Pour cela, il nous faut :
Simplifier nos diplômes.
Notre public a changé, il ne vient plus du seul monde agricole et rural. Nous devons en tenir compte et rendre plus lisibles nos formations.
Je souhaite donc un éventail plus réduit de diplômes et la généralisation des options adaptées aux situations locales, pour maintenir le lien indispensable entre territoire et formation.
Promouvoir les filières d'avenir pour notre agriculture dans nos établissements : agriculture biologique, agriculture durable, pratiques économes en énergie...
Je sais que les lycées font déjà beaucoup, mais je compte les soutenir davantage dans cette voie.
Renforcer la dimension européenne de nos formations : favoriser les échanges, exporter mieux notre savoir faire.
Les moyens affectés à la coopération internationale des établissements seront donc confortés en ce sens.
Consolider la complémentarité des formations entre les différents centres, par des échanges pédagogiques entre enseignants et formateurs et par le regroupement de différents publics pour certains apprentissages.
Conforter le rôle essentiel de promotion sociale et professionnelle de notre enseignement. J'y tiens.
Je souhaite en particulier que l'accès des jeunes à l'enseignement supérieur soit facilité. C'est le sens de l'opération « Pass' pour le Sup ».
Le choix de la qualité, enfin, c'est aussi un effort en matière de recrutement et de formation (initiale et continue) des personnels : enseignants, personnels de la vie scolaire, membres des équipes de direction.
La réforme de la formation des enseignants, à travers leur recrutement niveau master, sera en ce sens une opportunité.
2/ La nécessité de l'innovation
L'innovation a toujours été notre marque au sein du système éducatif.
Pourtant, je ne l'ignore pas, un sentiment de doute sur cette capacité d'innovation inquiète la communauté éducative.
Je tenais à y répondre en redonnant son élan à l'innovation dans trois domaines : scientifique et technique, pédagogique, social.
L'innovation scientifique et technique :
Enseignement agricole et recherche doivent travailler ensemble pour relever les défis du monde qui est le nôtre.
Nous devons engager nos jeunes, les actifs des prochaines années, dans une démarche de développement durable.
Je souhaite donc une plus grande diffusion des techniques durables (en matière d'intensification écologique, d'agriculture biologique ou d'usage des produits phytosanitaires) par les exploitations des lycées agricoles, souvent déjà en pointe sur ces questions.
L'innovation pédagogique :
L'avenir de l'enseignement agricole, et je partage là entièrement l'avis de Mme Ferrat, passe par l'individualisation des parcours de formation et l'évolution de nos établissements vers des « maisons des savoirs » de plus en plus ouvertes.
Dans cette perspective, la réforme de la voie professionnelle et la modularisation des qualifications sera mise en oeuvre dès la rentrée 2009.
Mais l'innovation pédagogique c'est également une pratique quotidienne des enseignants.
C'est pourquoi je tiens à la mutualisation des initiatives pédagogiques au niveau national, avec, en particulier, l'appui des DRAAF (Directions Régionales de l'Agriculture, de l'Alimentation et de la Forêt).
L'innovation sociale :
Je tiens à ce que chaque jeune bénéficie, à égalité, des richesses de toutes nos formations.
Je compte donc accompagner la généralisation, comme le préconise Madame FERAT, des contrats éducatifs passés entre l'établissement et les jeunes pour leur garantir le meilleur accompagnement vers leur diplôme. Il conviendra de déterminer le contenu de ce contrat
Pour cette stratégie d'innovation plurielle, je tenais à le dire pour terminer sur ce point, j'ai besoin de vous, de la mobilisation de toute la communauté éducative de l'enseignement technique avec le concours de l'enseignement supérieur.
3/ La réforme du pilotage
Il ne s'agit pas là d'un élément secondaire ou purement administratif.
C'est un enjeu de cohérence de nos efforts et de nos objectifs. Il en va aussi de l'équilibre de nos territoires.
Elle suppose à mes yeux :
que Les lycées disposent de l'autonomie nécessaire pour mener leurs politiques.
Je tiens donc à ce qu'ils puissent allouer des heures d'enseignement en fonction des attentes locales dans des proportions plus fortes qu'aujourd'hui : un pourcentage de 10 % me paraît un minimum envisageable.
que Les DRAAF puissent assurer le pilotage régional de l'enseignement agricole.
Pour cela, elles doivent pouvoir arbitrer au sein de dotations, stables et définitives, après une concertation entre tous les acteurs de l'éducation et du monde rural.
Cela sera possible dès le budget 2009 puisque ces dotations leur seront notifiées le mois prochain.
et enfin que la DGER (Direction Générale de l'Enseignement et de la Recherche) soit confortée dans ses missions essentielles de cohérence d'ensemble :
- Définition des grands axes d'évolution du système de l'enseignement agricole,
- Garantie des méthodes d'organisation de l'enseignement en région,
- Offre d'expertise et de conseil à l'enseignement agricole,
- Vérification de l'effectivité des décisions prises.
Au-delà, d'autres orientations sont également nécessaires au service de ce meilleur pilotage :
L'évaluation des projets, qu'ils soient nationaux (schéma), régionaux (PREA) ou locaux (projets d'établissement).
C'est une mesure de justice face à la mobilisation impressionnante des équipes pour ces travaux.
Cette évaluation fera partie du schéma et sera confiée à des structures compétentes.
Sur ce point je fais miennes les propositions de Madame FERAT et je demande à la DGER de mobiliser en ce sens l'ONEA (Observatoire National de l'Enseignement Agricole), l'Inspection de l'enseignement agricole et le CGAAER (Conseil Général de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Espaces Ruraux).
Cette évaluation est d'autant plus nécessaire que la phase de transition est derrière nous : en quelques années nous sommes passés, pour l'enseignement technique agricole, d'un pilotage national centralisé à un pilotage national déconcentré.
C'est un renversement de culture et c'est pourquoi je tiens à ce qu'une fois par an, nous puissions débattre et analyser la situation par rapport aux objectifs que nous aurons fixés dans le schéma.
Renforcer les dynamiques de mutualisation entre établissements au niveau régional.
Les DRAAF doivent contribuer à animer cette politique de développement de la mutualisation.
Accompagner une évolution régionalement différenciée de l'offre de formation, suivant la démographie et l'évolution des secteurs.
- Ceci ne sera possible qu'en renforçant la concertation régionale : il faut réfléchir à une adaptation de la composition et du fonctionnement des CREA (Conseils régionaux de l'enseignement agricole).
- Dans cette perspective, j'insiste cependant sur l'égale légitimité des quatre secteurs de formation professionnelle (production, transformation, aménagement et services) et l'importance de leur développement harmonieux.
[Conclusion]
Mesdames et Messieurs,
Il y a beaucoup de défis à relever. Nous vivons une période de mutations profondes.
C'est pourquoi j'ai choisi des orientations pour un nouveau départ.
Elles ne se concrétiseront qu'avec votre appui et votre engagement.
Nous ne devons donc pas nous satisfaire d'un simple document de synthèse.
Nous sacrifierions nos exigences et je ne le veux pas.
Nous avons besoin d'une vision stratégique, cohérente.
Nous avons besoin d'un schéma qui réaffirme la culture propre à l'enseignement agricole.
Nous avons besoin d'un document constituant un repère clair pour chacun.
C'est ainsi que nous pourrons reprendre notre marche en avant.
L'avenir des jeunes est là, quelque part entre nos mains.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 8 octobre 2008