Texte intégral
L. Bazin - On va parler politique maintenant, avec L. Wauquiez, le secrétaire d'État à l'emploi, bonjour.
Bonjour.
Les Bourses, on parlait de rebond spectaculaire, c'est en dessous de la réalité. Vous parlez de flambée incroyable au Japon, cette nuit, par exemple ; 14 % de hausse c'est énorme. Est-ce que vous attendez un effet aussi immédiat du plan Sarkozy, du plan européen sur l'économie réelle et notamment sur le chômage ?
D'abord la première chose, c'est que je me méfie beaucoup de cette opposition entre l'économie financière et l'économie réelle. Juste un chiffre : en France, l'économie financière c'est 400 000 emplois. L'agent de banque du Crédit Agricole de Saint-Étienne, si on lui explique qu'il est dans une autre planète, il ne va pas tout à fait comprendre. Donc déjà sauver cette économie-là, c'est un enjeu en terme d'emploi. Ensuite la deuxième chose, c'est que si on ne fait pas ça, si l'argent ne circule plus, si on ne prête plus aux PME, c'est toute l'économie qui flanche. Donc, là c'est une condition qui est nécessaire, pour que l'économie réelle ne soit pas trop atteinte. Et il était vital qu'on arrive à réenclencher la mécanique de confiance.
Elle est nécessaire, est-ce qu'elle est suffisante ? M. Sapin par exemple, du Parti socialiste, dit : on a aujourd'hui une France hémiplégique qui ne pense qu'à ses banques ?
Non, parce que précisément, en même temps, il faut s'occuper effectivement de derrière toutes les autres pans de l'économie, et tous les autres emplois qui sont en jeu. Qu'est-ce que d'ores et déjà on a commencé à faire ? Première chose, réinjecter de la construction au niveau de 30 000 logements en France. Ça c'est extrêmement important, soutenir le secteur immobilier, qui est un pourvoyeur d'emplois fondamental.
Quand on fera des logements sociaux, si on n'arrive pas à les vendre ?
Pas forcément, mais le but est juste où l'on ait toujours un plan de construction qui soit à niveau. La semaine dernière, j'étais sur un chantier de Vinci pour voir comment se portait le secteur du BTP, qui est un secteur fondamental de l'emploi.
Moins 580 000 emplois, dit ce matin, encore le patron de Nexity sur Canal+ ?
Oui, enfin le patron de Nexity...
Vous trouvez qu'il pousse un peu le bouchon ?
Parce que ce qui me fait un peu sourire, c'est que peut-être que chacun gère comme il veut, mais dans le même temps, Vinci, lui prévoit un programme d'embauches chaque année, de l'ordre de 6.000 personnes. Donc voilà, on n'est pas sur un secteur qui est non plus au bord de l'hémiplégie.
Il y aurait un peu de surenchère ?
La deuxième chose, ce n'est pas se contenter d'être en défensif, aller chercher les emplois qui sont les secteurs où on va pouvoir employer demain. C'est pour ça que le président de la République a voulu qu'on fasse une relance sur les emplois dans le secteur des nouvelles technologies et du numérique. C'est pour cette raison qu'au niveau de mon ministère, on est en train de travailler sur un plan pour la relance des emplois dans le cadre des services à la personne, notamment auprès de toutes les personnes âgées, qui peut être un secteur très pourvoyeur d'emploi.
L. Wauquiez, on entend tout ça, et on a répercuté les annonces, quand elles sont venues. Hier, F. Fillon a dit : il va y avoir un plan pour l'emploi. Quoi ? Quand ? Et combien ?
Alors c'est un plan sur lequel on travaille avec mon ministère depuis à peu près trois à quatre semaines. Parce qu'il est évident qu'on ne se leurre pas. La crise financière a un impact sur la situation économique et donc sur l'emploi. On est en train de le finaliser. Il sera annoncé la semaine prochaine par le président de la république.
Motus et bouche cousue jusque-là ? Ou est-ce qu'on a le droit de dire, par exemple, que vous envisagez de relancer la politique de contrats aidés, si c'est nécessaire ?
Juste un mot sur les contrats aidés, le but n'est pas de faire des contrats aidés pour faire des contrats aidés. Ça ne m'intéresse pas de faire un contrat aidé comme on fait l'aumône, pour mettre un demandeur d'emploi sur le côté et le sortir des statistiques. Aujourd'hui, un chômeur qui est en contrat aidé sur 5 seulement, fait l'objet d'un accompagnement. Qu'est-ce que ça signifie ? Ca signifie qu'on lui donne un contrat aidé, qu'on le met de côté et qu'on lui dit : "sois sage et tais-toi. Et on en reparlera dans un an, quand ton contrat aidé sera fini". Ca c'est de la mauvaise politique de l'emploi. Donc si c'est faire de la relance de contrats aidés pour ça, ça ne nous intéresse pas.
Donc ce sera quoi ?
Par contre, essayer de réfléchir à comment utiliser vraiment les contrats aidés pour mettre un pied à l'étrier à des demandeurs d'emploi qui ont du mal à se réinsérer, essayer de le faire, en ayant un raisonnement en terme de formation professionnelle, en ayant des passerelles avec des entreprises pour que ce soit une vraie passerelle vers un emploi durable, ça, ça nous intéresse. Et ça fera partie des mesures qui seront incorporées dans le temps.
Ce n'est pas autre chose que l'ambition de la gauche quand elle a créé les emplois jeunes, d'une certaine manière ?
Oui, avec, si je puis me permettre, deux remarques : 1, les emplois jeunes n'étaient absolument pas suivis. Pour avoir suivi au niveau de mon département en Haute Loire...
Pas tous pérennisés, oui ?
Personne n'était pérennisé et 2, c'était souvent des jeunes qui auraient pu trouver un emploi et ça n'a pas bénéficié à ceux qui en avaient vraiment besoin.
On n'en saura pas plus ce matin, parlons clair ?
Non...
Vous attendez que N. Sarkozy l'annonce. Motus et bouche cousue jusque-là ?
Bien sûr, mais il y a un deuxième point quand même, qui me semble important, c'est que le but n'est pas seulement de faire un plan emploi, qui soit de la poudre aux yeux, pendant six mois. On a aussi des réformes de fond qu'il faut qu'on tienne, sur la formation professionnelle, qui ne va pas suffisamment à ceux qui en ont besoin. Et également sur la réforme de l'ANPE/Assedic, la mise en place du nouvel opérateur de l'emploi, qui doit être plus efficace.
Officiellement, jeudi, si je ne m'abuse ?
Officiellement jeudi.
On peut dire que ce sera en milliard, en dizaine de milliard ? Est-ce qu'on doit parler comme ça, d'un plan pour l'emploi ?
Non, parce que ce n'est pas l'objectif.
On peut le chiffrer ? Ce n'est pas possible ?
L'objectif n'est pas d'injecter des milliards d'euros, comme ça, sur l'emploi ou d'en mettre sur l'automobile, ou d'en mettre sur le numérique. Le but est de faire des dispositifs qui soient efficaces. Ce qui se passe, parce que je vois bien l'analogie de dire : mais vous mettez autant de milliards d'euros sur la table dans le secteur bancaire...
C'est ce que tout le monde se pose ?
Qu'est-ce que vous faites sur le reste ? Il faut bien comprendre que ces milliards d'euros ne sont pas des milliards d'euros qu'on va prendre dans la poche des Français, c'est l'Etat qui met sa signature sur la table, ce n'est pas de l'argent frais qu'on sort. Donc ça n'a rien à voir. Ce n'est pas le même type de dispositifs. L'Etat apporte sa caution bancaire, ça ne veut pas dire que c'est ce l'argent frais qu'on sort. Et donc ça n'a rien à voir en terme d'argent qui est investi.
On va en reparler, il y a quand même 40 milliards qui sont à disposition éventuellement pour recapitaliser les banques, ça c'est de l'argent frais, de l'argent en dur, d'une certaine manière, même si vous allez l'emprunter. Je vous redonne la parole après une petite pause, si vous le voulez bien, on rappelle les titres, à tout de suite.
(Rappel des titres)
Toujours avec L. Wauquiez, le secrétaire d'Etat à l'Emploi. A quelques heures de la venue des banquiers et des assureurs maintenant à l'Elysée, que va leur dire N. Sarkozy au fait ?
Leur dire très clairement qu'on n'est pas là pour leur faire un cadeau. Qu'il y a des contreparties et que les contreparties c'est qu'ils fassent leur job : financer l'économie, les PME, et donc préserver les emplois.
Et quelle garantie ?
C'est-à-dire que toute banque et assurance qui utilisera la signature de l'Etat, la garantie qu'on a mis sur la table...
Sera sous contrôle ?
Sera sous contrôle et aura des contreparties à apporter en terme de financement de l'économie, des PME, des investissements qui à terme, créeront nos emplois de demain.
En fait de l'argent pour spéculer sur d'autres marchés demain, voilà le message ?
Exactement. Le message c'est : on vous ne sauve pas pour vous sauver, on vous sauve pour que vous fassiez votre job, financer l'économie, les PME, l'emploi.
Ecoutez, ce que dit votre collègue du Gouvernement, J.-L. Borloo, du Plan Sarkozy.
J.-L.. Borloo (document France Inter) : C'est quand même, je crois la première fois depuis très, très longtemps, que face à une crise pareille, l'Europe de manière coordonnée, sous une présidence française, au fond est en train de, alors je ne sais pas si on peut dire sauver le monde, mais enfin en tous les cas d'influencer non seulement l'Europe, mais le reste de la planète.
N. Demorand (Inter) : Elle est née, là, l'Europe politique ?
J.-L. Borloo : En tous les cas, c'est la démonstration que lorsque l'Europe, lorsqu'il y a une présidence qui voit claire, oui l'Europe, elle est dans ce cas-là absolument décisive.
Enfin l'Europe ! ?
Oui, je pense que très clairement, dimanche c'était l'acte de naissance d'une gouvernance économique européenne.
Economique ?
Oui, parce que c'est ce qui nous manquait. C'était incroyable quand on y pense, jamais il n'y avait eu autour de la table, des chefs d'Etat, la BCE et la présidence de la Commission européenne. Et ça, je crois quand même que c'est vraiment une conviction qu'a portée le président de la République de dire : dans cette crise, il faut une gouvernance économique européenne.
Alors je vais vous faire entendre quelqu'un qui va vous ravir, qui n'a pas l'habitude de vous ravir d'ailleurs.
Ah bon !
L. Bazin : C'est F. Bayrou. Va-t-il voter ou pas, tout à l'heure à l'Assemblée, le plan présenté par le Président et le Gouvernement.
F. Bayrou, (président du MoDem, document RTL) : Avec le temps, c'est allé plutôt dans le bon sens, et je le voterai.
J.-M. Aphatie (RTL) : Le président de la République a été à la hauteur ?
F. Bayrou : En tout cas, il a été présent. Il a été présent, il a été engagé, et c'est ce qu'il fallait dans cette crise. Quand les choses vont dans le bon sens, on est capable de le dire.
Voilà un bon point rare !
C'est exceptionnel qu'on ait un bon point de la part de monsieur Bayrou. C'est un motif de satisfaction très fort.
Est-ce que c'est plus important de sa part que ça ne le serait si le Parti socialiste disait la même chose cet après-midi ?
Non, j'écoutais les déclarations du Parti socialiste, et je me disais juste : il faut arrêter avec les pudeurs de politiciens. Si le Parti socialiste trouve que c'est bien, il vote pour. Je ne voudrais pas que le Parti socialiste devienne le parti des abstentionnistes, parce qu'on a l'impression que pour eux, comme ça ne vient pas de leur famille politique, c'est un interdit. Non, il faut arrêter, ce n'est pas un drame pour un homme politique ou pour, si jamais on vote, pour un projet qui ne vient pas de votre famille. Il faut un tout petit peu, surtout en période de crise, qu'on soit capable de hausser le niveau.
Le parti des abstentionnistes, vous avez dit ?
Oui parce que...
C'est un risque ?
Oui, je trouve que c'est un risque. Sur le RSA, le Parti socialiste dit : oui, c'est un bon projet, mais quand même on s'abstient. Là sur ce plan, ils disent que c'est un bon plan, mais quand même on s'abstient. Je pense qu'il y a un moment où il faut arrêter ces pudeurs de politiciens.
Pour l'instant, ils n'ont pas dit abstention. J.-M. Ayrault a dit qu'en tout état de cause, il ne voterait pas non, on verra ce que ça donne évidemment, cet après-midi.
Oui mais je vais être très intéressé, parce que je pense qu'effectivement, pour eux - mais quelque part pour tous les politiques - il y a un défi, c'est être un peu plus mature, et être capable de dire que quand il y a des bonnes choses, on vote pour.
Ecoutez B. Thibault, maintenant qui est plutôt sceptique, lui, ce matin, qui ne votera pas puisqu'il n'est pas élu.
B. Thibault, (secr. gén. de la CGT, document Canal+) : Il n'y a pas le plus petit début d'une réflexion sur un financement public pérenne d'activités productives, alors qu'on défend l'Etat pompier, qui intervient lorsque le système ne va pas. Et j'ai dit, moi, je trouve que le système est assez facile pour ceux à qui ça rapporte. C'est en gros : pile je gagne et face tu perds. Pile, je gagne quand tout va bien, il y a des dividendes, j'encaisse. Quand ça ne va pas, l'Etat à la rescousse, garantit, en tout cas, je suis sûr de gagner à tous les coups. Pour ce qui est des salariés, ce n'est pas du tout comme ça qu'ils sont traités.
Il trouve l'idée de l'Etat banquier, pour les banquiers et pas pour les gens ?
Oui, c'est de la bonne démagogie. D'abord je l'ai rappelé, il y a quelques...
Ce n'est pas tout à fait, il n'y a pas de plan de relance de l'autre côté ?
Non, mais attendez, le plan de relance c'est quoi ? C'est que si jamais les banques explosent, il n'est même pas la peine de penser à un plan de relance. C'est-à-dire qu'on n'aura plus d'économie, plus d'emploi. J'étais la semaine dernière avec une PME de Haute-Loire, qui est un sous-traitant de l'automobile, secteur que défend monsieur Thibault, il n'arrive pas à financer leurs investissements de demain. Avec ce plan, on va pouvoir débloquer la machine. Ce qui est en jeu, sur cette entreprise particulier, c'est 150 emplois. Donc l'opposition, elle marche très bien, elle est très démagogique, consistant à dire : on aide le secteur bancaire, on n'aide pas les emplois. Le secteur bancaire, si vous ne les sauvez pas, il n'y a plus d'emplois derrière. Donc c'est la condition nécessaire. Par contre, je suis d'accord, derrière, il y a tout un travail à faire sur les emplois et ce sera l'objet de la semaine prochaine avec un plan sur l'emploi.
C'est entendu, merci d'avoir été notre invité ce matin et bon travail puisque d'ici la semaine prochaine, vous avez un plan à livrer au Premier ministre et au président de la République.
Merci.
Bonne journée à vous.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 14 octobre 2008