Déclaration de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur le bilan à mi-parcours de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, à Strasbourg le 21 octobre 2008.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conférence des présidents de commissions du Parlement européen, à Strasbourg le 21 octobre 2008

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Présidents de Commissions,
Lorsque je suis venu exposer les priorités de la Présidence française devant vous, le 20 mai dernier, j'avais mis en avant quatre axes : l'immigration, le paquet énergie-climat et la sécurité énergétique, la modernisation de la Politique agricole commune et la relance de l'Europe de la défense et de la sécurité.
Bien entendu, nous gardons le cap sur ces quatre axes, sur lesquels nous avons déjà sensiblement progressé.
Mais, au fil des événements, le 12 juin avec le référendum irlandais, le conflit entre la Géorgie et la Russie au début du mois d'août, et les tensions croissantes sur le marché interbancaire à la suite des faillites d'institutions financières aux Etats-Unis et en Europe à partir d'août et de septembre, nous avons dû faire face à des circonstances exceptionnelles. La gestion de ces trois évènements par la Présidence, dans le respect des procédures communautaires et européennes est ainsi devenue un impératif.
Je reviendrai sur ces évènements, si vous le voulez bien, avant de dresser un bilan à mi-parcours et les perspectives de coopération institutionnelle entre le Conseil et le Parlement européen pour remplir nos engagements.
1. Une présidence de gestion de crise...
Crise institutionnelle tout d'abord. L'objectif commun qui a été fixé est de définir une feuille de route aussi substantielle que possible pour le Conseil européen de décembre. Il est dans l'intérêt de tous que les éléments de solution et la voie commune qui sera ainsi arrêtée sur la base des propositions irlandaises soient ensuite adoptées par ce pays. C'est dans l'intérêt de l'Union européenne et de l'Irlande, c'est aussi l'intérêt du Parlement européen, qui pourra acquérir et exercer ses nouveaux pouvoirs de co-décision.
J'ai bien noté que le président Pöttering avait formé le souhait que cette solution puisse être adoptée avant même les élections européennes de juin prochain, tout en notant qu'il s'agissait d'un objectif extrêmement ambitieux.
Je suis au demeurant confiant dans la détermination des Irlandais à assumer leurs responsabilités. Le Premier ministre irlandais a d'ailleurs, à la suite de l'intervention du président Pöttering, reconnu "qu'il y a des rendez-vous importants dans le courant de 2009 qui nécessitent qu'une clarification soit apportée avant ces échéances".
Ainsi que je l'ai indiqué à la commission des affaires constitutionnelles hier, je suis à la disposition du Parlement européen pour faire le point sur ces travaux.
Géorgie-Russie :
- La Conférence de Genève marque le lancement d'un processus. Poursuite des discussions le 18 novembre prochain autour de deux questions importantes : la stabilité et la sécurité dans la région, et le sort des populations réfugiées et déplacées. Engagement complet de l'Union européenne : politique (accords du 14 août et du 8 septembre) PESD (mission d'observation) économique (conférence sur la reconstruction le 22 octobre), compte-rendus réguliers en commission AFET.
- Russie : Le Sommet du 14 novembre sera l'occasion d'une discussion franche avec les Russes sur la relation Union européenne-Russie que nous souhaitons voir se développer sans renier notre condamnation de la violation de l'intégrité territoriale de la Géorgie.
- Poursuite le moment venu des négociations d'un nouvel accord de partenariat avec la Russie sur la base d'une évaluation de la relation Union européenne/Russie par le Conseil et la Commission.
Crise financière :
- Action commune efficace : principes communs (Conseil ECOFIN, Eurogroupe au niveau des chefs d'Etats et de gouvernements, lignes directrices de la Commission sur les aides d'Etat) pour les injections de capital et les garanties d'émission, mise en place de la cellule d'urgence, prise en compte des intérêts des contribuables.
- aller au-delà sur la régulation+ financière : agences de notation, normes comptables, supervision intégrée, rémunérations, transparences, titrisation.
- régulation internationale : G8 élargi pour donner de nouvelles responsabilités au FMI en lien avec le FSF, le comité de Bâle et les groupes de régulateurs. Aller vers plus de normes contraignantes, plus de surveillance, un mécanisme d'alerte précoce et de nouveaux outils de sauvetage.
- réponse à la crise économique : mobilisation de la BEI, solidarité européenne avec les pays de l'Est menacés par la crise, pour les PME, stabilisateurs automatiques budgétaires, action de la BCE, relance de dépenses d'infrastructure ?
2. ...qui ne néglige pas les quatre principaux axes définis en juillet
Flux migratoires :
En ce qui concerne la gestion des flux migratoires, des travaux substantiels ont déjà été réalisés. Je remercie le Parlement européen, et en particulier la commission Libertés, du bon accueil qui a été réservé au Pacte européen pour l'immigration et l'asile, que nous avons eu l'occasion de discuter en détail notamment lors de la réunion avec les Parlements nationaux du 11 septembre dernier.
Les travaux législatifs en cours, qui s'inscrivent en cohérence avec le Pacte, méritent également toute notre attention.
Je me félicite du vote de la commission Libertés le 13 octobre dernier sur la "carte bleue européenne". Le Conseil JAI du 24 octobre prochain devrait permettre de dégager un accord entre les Etats membres sur ce texte ambitieux en tenant compte des propositions que vous avez formulées. Nous avons reçu des signaux positifs de l'Etat membre qui conservait encore des réserves sur le texte par crainte d'une discrimination à rebours au détriment des salariés des nouveaux Etats membres sur le compromis que nous lui avons proposé.
Les contacts entre le Parlement européen et le Conseil vont s'intensifier dans l'objectif de conclure un accord en première lecture sur la directive relative aux sanctions en matière de travail illégal, à la suite des votes des commissions Libertés et Emploi.
Il en va de même sur les instructions consulaires communes. Il est nécessaire que ce texte puisse faire l'objet d'un accord en seconde lecture afin que le système d'information sur les visas puisse être mis en place dans de bonnes conditions en 2009. Enfin, la Présidence se réjouit de la participation du Parlement européen aux deux grandes conférences à venir : la conférence sur l'intégration des 4 et 5 novembre prochains, et la conférence euro-africaine des 24 et 25 novembre prochain, qui pourrait ouvrir la perspective de plans pluriannuels de gestion des flux migratoires négociés avec les pays d'origine.
Energie-climat et sécurité énergétique :
- Paquet énergie climat : le Conseil européen a confirmé sa détermination à tenir ses engagements ambitieux en matière de politique climatique et énergétique. Des flexibilités devront toutefois être trouvées pour tenir compte des difficultés de chacun. Dans les prochaines semaines la Commission européenne et la Présidence française mettront tout en oeuvre pour rechercher et obtenir le meilleur compromis possible, notamment avec le parlement européen.
Enfin, il reviendra au Conseil européen de décembre 2008 de procéder aux derniers arbitrages au plus haut niveau politique pour décider des mesures appropriées aux enjeux de la mise en oeuvre de cette politique climatique et énergétique ambitieuse.
- Sécurité énergétique : le Conseil européen a confirmé la nécessité d'accélérer les travaux permettant d'améliorer la sécurité énergétique des Européens. Des progrès devraient notamment être obtenus dans les domaines suivants : l'efficacité énergétique ; les technologies énergétiques ; la diversification des sources d'énergie ; la transparence sur les flux et les stocks de pétrole et de gaz ; les mécanismes de crise et de solidarité en cas de rupture temporaire des approvisionnements ; et enfin les relations avec les pays producteurs et de transit. La prochaine grande étape est la présentation de la seconde revue stratégique de la Commission, début novembre. Compte tenu des enjeux liés à cette problématique, la Présidence engagera les débats sur cette revue dès que possible.
Bilan de santé de la PAC :
- Bilan de santé de la PAC : les débats entre les ministres ont bien progressé sur les propositions de la Commission. La présidence a bon espoir de conclure un accord au Conseil de novembre. Les dernières discussions portent sur la flexibilité offerte aux Etats membres dans la distribution des aides, sur les quotas laitiers et sur le maintien d'instruments d'intervention.
- Avenir de la PAC après 2013 : la Présidence a, comme prévu, proposé à ses partenaires de commencer une réflexion sur les principes sur lesquels construire la PAC dans le futur. L'informelle d'Annecy a permis de lancer ce débat. Un accord assez large peut être constaté sur les grands objectifs de la PAC. Le débat s'annonce, sans surprise, plus compliqué s'agissant des instruments et des moyens à dégager dans l'avenir. Il se poursuivra sous présidence tchèque en vue des échéances budgétaires de 2009 et 2010.
Défense :
- Après une phase de concertation active, à mi-parcours, le constat est que nous sommes parvenus à changer les termes traditionnels du débat sur l'Europe de la défense, que le consensus des Vingt-sept sur nos initiatives se consolide, et que des avancées concrètes sont déjà enregistrées.
- La réunion informelle des ministres de la Défense de l'Union européenne les 1er et 2 octobre 2008 à Deauville, a notamment permis d'obtenir des avancées concrètes et pragmatiques pour renforcer les capacités militaires européennes : hélicoptères, flotte multinationale de transport aérien, groupe aéronaval européen, capacités d'observation spatiale militaire, déminage maritime, coordination des opérations d'évacuation de ressortissants, sans oublier le renforcement de l'Erasmus militaire.
- Le travail de révision de la Stratégie européenne de sécurité, sous la responsabilité du SG/HR M. Solana se poursuit dans une bonne direction et devrait aboutir fin novembre.
- Le prochain grand rendez-vous est le Conseil Affaires générales - Relations extérieures du 10 novembre, qui sera l'étape décisive avant le Conseil européen de Décembre prochain.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 octobre 2008