Interview de M. Charles Pasqua, président du RPF, à RMC le 5 mars 2001, sur l'éventualité d'une victoire de la gauche aux élections municipales à Paris et sur la nécessité de faire des alliances électorales entre les listes de Philippe Séguin et de Jean Tiberi pour le deuxième tour.

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Texte intégral

P. Lapousterle On va d'abord parler de la bataille politique à Paris. Vous êtes président du Conseil général des Hauts-de-Seine, un département qui touche la capitale. Donc, je suppose que vous vous intéressez à ce qui se passe à Paris, même si vous n'êtes pas vous-même candidat. Il apparaît de plus en plus possible, probable, que la gauche gagne, que les électeurs de Paris donnent leur confiance à la gauche. Si Paris votait à gauche, est-ce que ce se serait un choc majeur pour la région parisienne en entier et même pour le pays ?
- "Pour la région parisienne, non ; pour le pays, c'est une autre histoire. Je pense qu'une victoire éventuelle de la gauche à Paris - parce que ce sont des probabilités - serait quand même un événement. Je pense que cela aura certainement des conséquences, psychologiquement et politiquement. D'abord, pour les partis politiques institutionnels, subventionnés, c'est-à-dire le RPR, l'UDF, Démocratie libérale, etc. qui se seraient à ce moment-là montrés incapables d'assumer dans de bonnes conditions d'une part la préparation des élections et d'autre part la conduite des choses. Cela aura des conséquences pour eux et aussi pour le Président de la République, parce que ce ne sera pas un succès pour lui. Ce ne sera peut-être pas définitivement et dramatiquement porté à son débit, mais enfin..."
Dites-vous que ce serait une défaite supplémentaire par rapport aux défaites déjà connues ?
- "En tous cas, ce ne serait pas une victoire, c'est tout ce qu'on peut dire."
Si Delanoë devenait maire de Paris - tout le monde sait que monsieur Delanoë est très proche de monsieur Jospin - est-ce que cela aura une conséquence sur l'élection présidentielle ?
- "Je ne suis pas certain. Psychologiquement, ce ne sera pas bon pour le Président de la République, c'est clair, puisque pendant vingt ans, il a incarné lui-même l'avenir de la capitale. Voir qu'en définitive sa succession - même s'il y a eu Tiberi entre-temps - finalement passe entre les mains de la gauche, ce ne sera pas très bon."
Vous n'avez pas beaucoup aidé les partis officiels subventionnés, comme vous les appelez, puisque vous avez apporté votre soutien à la liste de droite concurrente ?
- "Absolument. D'abord parce que j'ai été choqué par la façon dont on a traité Tiberi, j'ai trouvé cela assez indigne de la part d'un mouvement auquel il a apporté sa contribution, sa participation, son dynamisme pendant des années. Pendant près de cinquante ans, il a été fidèle au mouvement gaulliste. Je trouve que ce n'est pas très bon. Ce n'est pas une attitude très convenable de leur part. Ensuite parce que je trouve anormal que les partis s'arrogent le droit de décider qui doit diriger une ville. J'ai entendu dire que Paris devait être RPR, Lyon devait être UDF... Que l'on présente le candidat qui semble le meilleur, c'est très bien, mais c'est aux électeurs de décider. On n'a pas a faire au préalable une distribution des postes aux partis politiques. C'est la raison pour laquelle j'ai soutenu Tiberi. Je l'ai fait aussi dans un autre esprit, je l'ai indiqué d'ailleurs. Je crois qu'au second tour, il faut que tout le monde se rassemble et le meilleur moyen pour que tout le monde se rassemble, c'est qu'il y ait, avec J. Tiberi, des gens qui poussent à la fusion des listes."
Précisément, pour l'entre-deux-tours qui commencera dans une semaine ...
- "Qui commencera dimanche soir, à la proclamation des résultats."
Est-ce que c'est possible que des listes qui se sont fait la guerre pendant six mois - les listes Séguin et Tiberi - se rassemblent et fassent semblant d'avoir un programme commun, des équipes communes ?
- "Je crois qu'elles ne se sont pas fait la guerre pendant six mois. Mais au cours des dernières semaines, c'est vrai qu'il y a eu un certain nombre de mots prononcés qu'on aurait pu éviter. C'est vrai également que certains considéraient Tiberi comme le principal adversaire, ce qui est une erreur. Parce que l'adversaire, à partir du moment où l'on est dans ce camp, c'est la gauche. Alors, que les listes se rassemblent..."
Pensez-vous que c'est possible ?
- "Oui, je crois que c'est possible, à condition qu'on le veuille. Mais tout cela est une affaire de raison et, en politique, la raison ne l'emporte pas toujours."
Vous avez peut-être entendu monsieur J.-L. Debré, président du groupe RPR à l'Assemblée nationale, qui disait hier souhaiter l'entente entre les différentes listes pour le deuxième tour. Est-ce un signe ?
- "Il est dans son rôle : il est un des dirigeants du RPR, il est président du groupe à l'Assemblée nationale. L'entente n'est pas suffisante. Je veux dire par là que si l'on veut que les électeurs se rassemblent - et je crois que la droite a encore les moyens de susciter une certaine mobilisation - il faut que chacun retrouve les gens auxquels il a fait confiance au premier tour. Il ne suffit donc pas que l'on se retire en disant : "Votez pour ceux qui restent." Non, je crois qu'il faut qu'il y ait réellement une fusion. S'il y en a qui sont hostiles à la fusion, il faut en tirer les leçons."
C'est-à-dire ?
- "Il faut qu'ils se retirent."
Il faut que monsieur Séguin se retire ?
- "Je ne dis pas que Séguin se retire. C'est à lui ..."
Tout le monde sait très bien qu'il a dit qu'il n'accepterait jamais le principe de la fusion ?
- "Oh oui ! Mais on verra ce qu'il dira le soir du résultat."
Pensez-vous qu'il pourrait encore changer d'avis ?
- "Il ne s'agit pas de changer d'avis. Il s'agit de faire une analyse politique. C'est la raison pour laquelle il aurait mieux valu ne pas être si catégorique. Mais à partir du moment où l'on est confronté aux résultats, on est devant un autre cas de figure. Je le redis une nouvelle fois, la raison devrait l'emporter. Je n'en suis pas sûr mais je le souhaite."
Un dernier point sur cette affaire : est-ce qu'il faut que les choses se décident arrondissement par arrondissement ou bien qu'il y ait une décision générale d'ensemble pour tous les arrondissements de Paris ?
- "C'est à la fois aux têtes de liste et à ceux qui ont la responsabilité des affaires dans l'ensemble de la capitale de décider. Moi, je suis persuadé qu'il faut qu'il y ait une union sur l'ensemble de la capitale. Si on veut créer une dynamique, c'est ce qu'il faut faire."
Le schéma que vous proposez pour Paris devrait-il s'appliquer aussi à Lyon ?
- "Cela me paraît évident. J'ai fait tout ce que j'ai pu dans ce sens. J'ai incité à la constitution d'une liste d'union il y a déjà plusieurs semaines, j'ai dit qu'il m'apparaissait que le plus apte à réaliser cette union était Mercier. Maintenant, à eux d'agir."
Imaginons toujours - on reste dans cette hypothèse qui est quand même une probabilité - que la droite connaisse une défaite à Paris, s'il y avait à la suite de cette espèce de choc politique qui s'en suivrait, une volonté des partis de droite de se refonder, de se mettre autour d'une table, de dire qu'il faut mettre fin aux divisions, d'élaborer un programme, et si vous étiez invité, est-ce que vous auriez envie de participer à une réunion de ce style ?
- "Non. Je ne me sens pas concerné. Quand vous parlez des partis de droite, je pense que vous pensez au RPR, à l'UDF et à Démocratie libérale."
Exactement.
- "Ils n'auront aucun mal à se rassembler et même à fusionner, puisque sur la plupart des sujets, ils ont la même démarche : ils sont libéraux, centristes et européens - ce qui n'est pas mon cas. Je pense qu'il est souhaitable, à tous les points de vue, pour la démocratie, qu'il existe dans ce pays un courant souverainiste fort qui défende l'identité nationale et qui ouvre une autre perspective aux Français à la fois pour l'Europe et pour la France."
Mais cela ne peut-il pas se faire dans une organisation commune ? Vos idées ne pourraient-elle pas cohabiter dans un ensemble commun, comme la gauche plurielle a su le faire ?
- "On peut toujours essayer de faire cohabiter des gens qui ne sont pas d'accord, sauf sur un point : se partager les places. Ce n'est pas mon ambition."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 5 mars 2001)