Déclaration de M. Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, sur le revenu de solidarité active, Sénat le 22 octobre 2008.

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Circonstance : Discussion sur le projet de loi portant création du revenu de solidarité active et réforme des politiques d'insertion au sénat le 22 octobre 2008

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission des Affaires Sociales,
Madame la Rapporteure,
Monsieur le Rapporteur pour avis,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Hier, l'OCDE rendait public un travail considérable intitulé « croissance et inégalités », analysant l'évolution de la distribution des revenus et de la pauvreté dans les pays de l'OCDE. Un travail minutieux et rigoureux qui montre qu'en France sur 20 ans la pauvreté a baissé et les inégalités se sont réduites, contrairement à la situation d'autres pays de l'OCDE. Mais que, depuis plus de dix ans, les inégalités ne se réduisent plus, la pauvreté ne baisse plus et ceci malgré un poids plus important que dans d'autres pays des transferts sociaux ! Notre système brasse beaucoup de milliards, mais plus dans des conditions qui permettent de diminuer la pauvreté.
Ce rapport conclut qu'il est important de savoir exactement quelle est la nature de l'objectif d'équité visé par un gouvernement car l'impact des différentes politiques mises en oeuvre dépend des caractéristiques de la population censée en bénéficier. Il montre qu'il existe deux stratégies : la stratégie de la redistribution et la stratégie de l'accès à l'emploi. Il en tire deux conclusions. La première est que la stratégie d'accès à l'emploi est plus efficace dans des pays où les transferts sociaux sont déjà importants. La deuxième est que la combinaison des deux est la plus souhaitable.
C'est exactement ce que nous vous proposons. Je ne me suis jamais résolu et je ne me résoudrai jamais à ce que notre pays reste indifférent, neutre, sans opinion, sur la question de la pauvreté. Vous non plus, je le sais. Les travaux du Sénat sur cette question en témoignent. Nous nous en sommes inspirés. Je pense au rapport de Henri de Raincourt et de Michel Mercier, à celui de Valérie Létard, à la commission présidée par Christian Demuyinck sur la pauvreté, aux nombreux travaux de la commission que préside Nicolas About. Je me réfère aussi aux travaux de Philippe Marini et de Jean Arthuis sur les minima sociaux et les bas salaires. Je pense à l'implication de beaucoup d'entre vous, comme présidents de conseil général dans des démarches innovantes sur le plan social, dont celle du revenu de solidarité active.
Ce projet de loi ne vise certainement pas la perfection. Mais il prétend à la cohérence. Il revendique une stratégie fondée sur un diagnostic, des objectifs, une méthode, des principes, des outils, des moyens, et une éthique.
Le diagnostic, c'est que la pauvreté concerne aujourd'hui principalement les personnes d'âge actif, avec autant de pauvres parce qu'exclus du travail que de personnes maintenues dans la pauvreté malgré le travail. Le diagnostic, c'est que nous sommes passés trop longtemps à côté du phénomène des travailleurs pauvres. Le diagnostic, c'est que le nombre de travailleurs pauvres a augmenté même lorsque le salaire minimum a connu ses plus fortes augmentations.
Les objectifs, c'est pour la première fois en France, une ambition quantifiée, ayant donné lieu à un engagement politique, de réduction de la pauvreté, figurant dans un tableau de bord discuté avec les principaux acteurs sociaux. Je vous en livre quelques exemples : le taux de pauvreté monétaire, le nombre de travailleurs pauvres, le nombre de dossiers de surendettement.
Cette loi grave dans le marbre la notion d'objectifs de réduction de la pauvreté. C'est un levier indispensable pour permettre à tous les acteurs de pouvoir vérifier la réalité des engagements pris. Parmi ces objectifs, l'inversion de tendance concernant les travailleurs pauvres. Auparavant, vous aviez des annonces, souvent tonitruantes, mais pas d'engagements. Vous avez là des engagements quantifiés. Vous avez souvent eu des mots vibrants. Vous avez là des actes réels.
Une méthode. C'est de se fonder d'abord sur une phase d'expérimentation puis sur une politique partenariale, dans un cadre conventionnel, avec une articulation entre l'Etat et les collectivités territoriales, l'accès à l'emploi et l'aide sociale, avec des mécanismes d'évaluation et des rendez-vous réguliers. La méthode, c'est aussi celle d'avoir pris le temps de la concertation. La méthode, c'est d'avoir associé les personnes concernées à la conception de cette réforme et de prévoir dans le projet de loi leur place dans les instances qui concernent leur vie, leur revenu, leur dignité.
Des principes. Celui de garantir la progression des ressources avec l'augmentation des revenus tirés du travail. Celui de garantir l'équité, à travail égal et à situation familiale équivalente.
Des outils. C'est le revenu de solidarité active, bien sûr. C'est également le contrat unique d'insertion. C'est aussi le pacte territorial d'insertion.
Des moyens. Avec ce projet de loi, c'est 1,5 milliards d'euros supplémentaires qui seront destinés aux plus modestes. Un effort plus important que celui qui a été fait au moment de la création du RMI ou au moment de la mise en place de la couverture maladie universelle.
Une éthique. Celle qui consiste à rechercher la dignité, en conciliant travail et solidarité. Ce projet de loi ne part pas d'un jugement moral porté sur les personnes mais d'un jugement moral sur une société qui tolère, ce qui est le cas aujourd'hui, qu'on puisse reprendre du travail sans gagner d'argent ou, en d'autres termes, que les plus pauvres soient taxés à 100%. Une société qui a créé une prime pour l'emploi pour les salariés les plus modestes, mais qui a exclu de son bénéfice la moitié des travailleurs pauvres, trop pauvres pour avoir le droit à la prime pour l'emploi...
Le revenu de solidarité active, c'est tirer les enseignements des réformes passées. Conserver les principes qui ont encore toute leur actualité. Mais les adapter à la réalité des nouveaux visages de la pauvreté. Le RMI, promu par la gauche et voté par la droite, crée un revenu minimum ? Nous le conservons, bien évidemment, mais nous rajoutons un mécanisme qui garantit une augmentation de ce revenu quand on reprend du travail, plutôt qu'une soustraction de revenu. Il y a 10 ans, une solution temporaire a été apportée, limitée à un an. Aujourd'hui nous proposons un système qui soutient les revenus de la personne tant qu'elle en a besoin. La prime pour l'emploi, créée par la gauche et amplifiée par la droite, permet une amélioration du revenu de certains salariés sans augmentation du coût salarial ? Nous complétons pour combler les failles et les interstices en garantissant aux plus pauvres, oubliés de la prime pour l'emploi, un complément de revenu et à ceux qui ont une prime pour l'emploi insuffisante, nous garantissons de leur verser le plus avantageux pour eux entre la prime pour l'emploi et le revenu de solidarité active.
Voilà le sens du revenu de solidarité active. Voilà ce qui explique que les deux candidats du deuxième tour de l'élection présidentielle ont adopté le revenu de solidarité active. Voilà pourquoi, au deuxième tour de l'élection présidentielle, 100% des Français ont voté pour le revenu de solidarité active. Comme certains font mine de l'oublier, il n'est pas inutile de le rappeler.
Voilà aussi pourquoi des conseils généraux de droite ou de gauche et du centre se sont lancés dans l'expérimentation. Voilà pourquoi dans les conseils généraux de droite, les conseillers généraux de gauche ont soutenu l'expérimentation. Et voilà pourquoi dans les conseils généraux de gauche, les conseillers généraux de droite ont soutenu l'expérimentation. Comme certains font mine de l'oublier, il n'est pas inutile de le rappeler.
Nous, nous ne l'avons pas oublié. Nous n'avons pas changé de ligne. Nous avons été fidèle à nos engagements. Nous vous proposons de les traduire dans les textes, dans les faits, dans les pratiques.
Permettez- moi d'insister sur quelques points fondamentaux, en réponse aux interrogations que j'ai entendues si souvent.
On a dit qu'on allait créer un effet d'aubaine pour les employeurs et détériorer la qualité de l'emploi.
Non. Au contraire. Avec le revenu de solidarité active, nous n'abaissons pas le coût du travail pour l'employeur. Nous soutenons les salariés qui travaillent à temps partiel, pas les employeurs qui les embauchent. Cela a été tenté en 1992, quand il revenait moins cher à un employeur d'embaucher deux personnes à mi-temps qu'un salarié à plein temps. Nous en avons vu les conséquences, avec une augmentation du temps partiel subi. Il a fallu corriger, ce qui a été fait, par les mêmes, en 1998. Ceux qui ont des revenus trop faibles doivent être soutenus, leurs employeurs ne doivent pas être récompensés pour cela.
Au lieu de faire des procès d'intention, regardons les faits, les données, les réalités en face. Dans les zones expérimentales, les revenus d'activités déclarés ne sont pas inférieurs aux revenus d'activité dans les zones témoins où ne s'applique pas le RSA. Mieux, pour ce qui est du « 1er quartile », c'est-à-dire des plus modestes, dans les zones expérimentales, le revenu tiré de l'activité est de 100 euros en moyenne plus élevé que dans les zones témoins. Voilà les données. Dans l'Hérault, sur les bénéficiaires en activité en janvier et en juin, le temps de travail hebdomadaire moyen est passé de 22,8 heures à 23,4 heures pour les bénéficiaires du RSA en CDD, de 18,12 heures à 19, 02 heures pour ceux en CDI et de 9,71 heures à 14, 25 heures pour ceux en CESU. Nul n'est obligé de prendre ses craintes pour des réalités. Sur les trois trimestres, les emplois durables constituent 40 % des entrées dans le dispositif RSA, auxquels se rajoutent 10% de travail indépendant. L'intérim ne représente que 12%. Les faits, les faits, les faits !
On a dit que ce sont les classes moyennes qui allaient payer la majorité de l'effort.
Non. Au contraire. Cela fait longtemps que l'on dit que les revenus du capital sont moins taxés que les revenus du travail. Au lieu de financer le revenu de solidarité active par une contribution universelle, telle la CSG qui pèse sur l'ensemble des revenus - y compris les retraites et les salaires - nous avons choisi une contribution sur les seuls revenus du capital. Et comme les capitaux sont plus concentrés que les revenus du travail, ce sont les 10% des ménages les plus aisés qui supporterons plus de la moitié de la contribution. Et comme jusqu'à preuve du contraire, les classes moyennes n'incluent pas les 10% des ménages ayant les patrimoines les plus élevés, ce ne sont pas les classes moyennes qui supportent la majorité de l'effort.
J'ai entendu ce qui était dit sur le bouclier fiscal. Comme si, dans la balance, l'inclusion d'une contribution de 1,1% dans une disposition déjà votée, annulait l'effet positif du revenu de solidarité active. Je respecte bien évidemment les opinions exprimées sur le bouclier fiscal. Mais d'abord, il faut avoir le sens des symboles, mais aussi celui des proportions. L'année dernière, ici même, certains d'entre vous ont ironisé sur le fait que le projet de loi TEPA ne prévoyait que 25 millions d'euros pour les premières expérimentations du RSA et près d'un milliard pour le bouclier fiscal. Je leur avais dit que nous reviendrions. Et nous avons tenu parole, sans changer de conviction, sans faillir, sans mentir, sans trahir, sans faiblir, sans dévier, sans tarder. Si l'argument était valable était il y a un an, il se retourne aujourd'hui : l'effet de l'inclusion de la contribution dans le bouclier fiscal -déjà voté - représente 23 millions d'euros au regard d'un effort nouveau d'un milliard et demi d'euros pour les plus modestes.
Par ailleurs, le débat sur le bouclier fiscal a permis d'introduire dans ce texte le principe du plafonnement global des niches fiscales, depuis si longtemps demandé, et le projet de loi de finances permettra de lui donner une réalité, y compris dans son articulation avec le mécanisme du bouclier fiscal. Les travaux conduits hier par la commission des finances de l'Assemblée nationale sur l'assiette du bouclier vont d'ores et déjà dans ce sens. Le plafonnement des niches fiscales et la modification de leur prise en compte dans l'assiette du bouclier auront un effet 8 à 10 fois plus puissant que l'intégration de la taxe dans le bouclier fiscal. Il n'a pas d'effets collatéraux, car il ne concerne que les plus hauts revenus. Plafonner les niches fiscales, c'est être dissuasif contre l'impôt choisi.
On a dit que l'Etat allait se défausser sur les collectivités territoriales.
Non. Au contraire. Cette réforme se fait à la loyale, vis-à-vis des départements, comme je m'y suis toujours engagé. Le surcoût de la prestation est pris en charge par le fonds national des solidarités actives, créé à cet effet, et dont pas un centime ne peut sortir pour un autre usage que le revenu de solidarité active. Et nous prévoyons deux clauses de revoyure à l'égard des départements. Et dans le même temps, nous reconduisons le fonds départemental de mobilisation pour l'insertion, à hauteur de 500 millions d'euros en 2009, alors qu'il était prévu qu'il s'arrête fin 2008.
On a dit qu'on allait oublier ceux qui sont le plus éloignés de l'emploi.
Non. Au contraire. Là où on expérimente le revenu de solidarité active, la proportion de ceux qui étaient au RMI depuis plus de quatre ans et qui reprennent du travail est plus élevée que dans les zones témoins. Mois après mois. Systématiquement. Cela peut étonner. Cela peut bousculer les idées reçues. Cela peut faire tomber des arguments. Mais cela est indéniable. Le revenu de solidarité active, ce n'est pas se résigner à la relégation de ceux qui n'arrivent pas à faire oublier leur étiquette de RMIste. Les personnes éloignées de l'emploi sont souvent celles qui reprennent du travail par les contrats aidés. Or, celles là, n'ont pas le droit aux mesures d'intéressement, créées pour les allocataires du RMI qui reprennent du travail. Ecoutez-moi bien. Quand un allocataire du RMI reprend du travail dans une entreprise avec un contrat de travail classique, il a aujourd'hui droit à son salaire et pendant trois mois à conserver en plus le RMI puis pendant les 9 mois suivants une prime forfaitaire de 150 euros. Celui qui a des difficultés avec l'emploi, qui en est éloigné qui reprend du travail avec un contrat aidé, n'a le droit ni à l'un ni à l'autre. Vous trouvez cela juste ? Moi non. Cela ne sera plus possible dès l'entrée en vigueur du revenu de solidarité active. Ce n'est que justice, vis-à-vis des personnes les plus éloignées de l'emploi. Et les compagnons d'Emmaüs, auxquels se texte reconnaît un statut, 60 ans après la création de la première communauté, vous ne croyez pas qu'ils étaient considérés comme éloignés de l'emploi ?
Le RSA, ce n'est pas une prime au mérite, mais une reconnaissance pour chaque allocataire, sans stigmatisation. Le système des minima sociaux était bloqué, parce que les sorties étaient difficiles. En améliorant le taux de retour à l'emploi, nous permettons de reposer dans de nouveaux termes la question des minima sociaux. D'ailleurs, dès le mois prochain, les allocataires de minima sociaux auront, et ce n'est que justice, un rattrapage équivalent à l'écart entre l'inflation prévisionnelle et l'inflation réelle. Il fallait d'abord réformer le RMI. Cela rend possible d'autres évolutions dans l'avenir.
On a dit qu'on allait oublier les jeunes.
Ce n'est pas le cas. Il n'y a pas eu de consensus, lors de la conférence de concertation où tous les partis étaient invités, au mois de juillet, sur l'abaissement de la limite d'âge. Nous conservons donc les règles d'âge actuelles. Mais à l'Assemblée nationale nous avons accepté un amendement qui permettra de faire le point sur la situation des moins de vingt-cinq ans. Et pour que ce point ne soit pas seulement théorique, nous vous soumettons un amendement créant un fonds dédié, pour des programmes expérimentaux concernant les jeunes. Un département, le Val d'Oise, s'est d'ailleurs déjà porté candidat pour expérimenter un dispositif en direction des jeunes.
On a parfois dit qu'on allait créer deux catégories de pauvres.
Non, au contraire et loin de là. Le revenu de solidarité active pourra être perçu par des personnes qui ont des revenus faibles. Certaines parce qu'elles ne travaillent pas. D'autres parce qu'elles travaillent peu. D'autres encore, qui travaillent à plein temps mais ont des charges de famille. Nous ne faisons pas de ségrégation, de sélection, entre les unes et les autres. Nous ne les soumettons pas à des statuts différents. On a trop attisé la haine entre les pauvres. C'est pour cela que le revenu de solidarité active sera versé à 3,5 millions de ménages.
On a dit qu'il y aurait d'autres priorités en ces temps troublés et que le RSA, cela ne marcherait pas en période difficile.
Non. Au contraire. Ceux qui prétendent que le RSA ne serait pas utile en période de ralentissement de la croissance se trompent. Ils doivent être passés à côté de l'une des dimensions du RSA. Ce sont souvent les mêmes qui demandent un plan de relance ou un soutien à la consommation. Or, que fait le revenu de solidarité active ? Il injecte 1,5 milliards d'euros vers les salariés les plus modestes. 100 euros de plus par mois en moyenne par ménage à partir de juillet prochain. 200 euros de plus par mois pour une famille de deux enfants qui vit sur un SMIC à plein temps. 200 euros de plus par mois pour une mère qui travaille à mi-temps et qui élève seule son enfant. Croyez-moi ils n'y seront pas indifférents. Je n'ai jamais lu dans aucun ouvrage social qu'en période de crise, il fallait renoncer à la solidarité ! Le RSA, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, cela marche mieux en période de gros temps que l'attentisme !
Il est plus que jamais nécessaire dans ces périodes incertaines de construire une stratégie solide, de s'engager fermement dans une politique de réduction de la pauvreté. Il fallait donc sécuriser le financement. Regardez derrière vous. Au cours des vingt dernières années, quand le chômage a augmenté, le nombre de rmistes a augmenté immédiatement. Quand le chômage a baissé, le nombre de rmistes a nettement moins vite et moins nettement diminué. C'est parce que nous avons cette obsession de ne pas laisser les plus défavorisés être les premières victimes des à coups économiques que nous mettons en place le revenu de solidarité active.
Avec le financement correspondant. Que n'ai-je entendu ? Le revenu de solidarité active, c'est bien... sauf le financement. On m'a conseillé de le disjoindre. De le renvoyer à un autre texte. Comme cela, on pourra se prononcer pour le revenu de solidarité active, sans avoir à assumer le financement. Mais un tiens vaut mieux que deux tu l'auras. Nous avons vu trop de programmes de lutte contre la pauvreté, dont le financement était renvoyé à d'autres textes, d'autres temps, d'autres horizons. Cela aurait été facile, confortable pour nous, pour vous peut-être, mais sacrément inconfortable pour les personnes modestes. Et puis, je l'ai entendu si souvent. Lutter contre la pauvreté : oui. Payer pour : non. Grand classique ! Résultat ? Pile : des annonces sans lendemain. Face : des factures sournoises.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Chacun d'entre vous trouvera des motifs pour aller plus loin. Personne ne trouvera satisfaction à 100% dans un tel projet. C'est normal et logique. Nous l'avons construit comme un délicat point d'équilibre entre des intérêts contradictoires, parfois divergents.
Chacun a une solution pour réduire la pauvreté. Mais souvent une solution incompatible avec les solutions de l'autre. Les employeurs et les syndicats. Les syndicats et les associations. L'Etat et les départements. Or nous avons besoin des uns et des autres.
C'est pour cela que nous avons recherché ce point d'équilibre, qui ne donne à aucun raison à 100%, ni à aucun tort à 100%.
Cet équilibre se construit autour de quelques points clés.
Nous ne pesons pas sur le coût du travail.
Nous n'alourdissons pas les charges des entreprises.
Nous ne faisons pas de brèche dans la protection des salariés.
Nous ne remettons pas en cause le principe d'un revenu minimum.
Nous mettons fin à des situations d'inéquité.
Nous respectons un équilibre entre la solidarité nationale et l'initiative locale.
Nous permettons une redistribution importante des revenus sans pour autant consacrer de l'argent à l'inactivité.
Nous établissons un équilibre entre droits et devoirs.
Nous donnons un sens à une démarche européenne d'inclusion active.
Nous mettons fin à une des inéquités les plus grandes de notre système fiscal, qui puisent leur origine dans ces niches sans plafond !
Nous avons écouté les uns et les autres. Nous avons intégré dans ce texte, lors de son examen à l'Assemblée nationale, de nombreux amendements, dans des proportions identiques, selon la provenance de chacun des groupes politiques, de la majorité, comme de l'opposition. Je suis sûr que le débat vous permettra encore d'améliorer ce texte et permettra à chacun d'entre vous, de se forger sa propre opinion sur un sujet qui le mérite.
Votre engagement sera important. Pour l'adoption de ce texte, comme pour sa mise en oeuvre. Comme pour son évaluation. Comme pour ses améliorations ultérieures.
J'ai toujours considéré que la lutte contre la pauvreté ne pouvait se jouer à pile ou face, en fonction des majorités politiques du moment, des circonstances, ou des humeurs, ou des calculs.
Je souhaite, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, que vous amplifiez le travail réalisé à l'Assemblée nationale. Que vous montriez qu'un compromis noble est possible. Nous avons respecté tout au long du processus d'élaboration de cette réforme les souhaits de chacun en cherchant à les concilier avec les demandes des autres. Votre attachement au fond comme au symbole pourra se traduire par ce signal d'espoir et de solidarité qu'attendent nos concitoyens. Adopter le revenu de solidarité active et la rénovation des outils de l'insertion ne conduit pas à affadir vos propres convictions, à perdre tout esprit critique, mais au contraire à montrer qu'il est utile de rechercher parmi les acteurs un compromis, et non pas la pureté dangereuse, ou une sorte d'absolu inatteignable.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je défends le revenu de solidarité active depuis plus de 1000 jours. Il a été imaginé dans un consensus au sein d'une commission qui réunissait des acteurs qui avaient fait fi des consignes, des étiquettes parce qu'ils croyaient à la nécessité de réduire la pauvreté. Pendant ces 1000 jours, j'ai discuté, échangé, travaillé avec de très nombreux allocataires de minima sociaux. J'ai vu régulièrement, dans les départements expérimentateurs, ceux qui bénéficiaient du revenu de solidarité active. Leur message est clair. Il est sans ambiguïté. Il est argumenté et émouvant. Il nous oblige. Je pense que beaucoup d'entre vous ont entendu ce message. Ce n'est jamais le message du statu quo. Jamais le message de l'indifférence. Jamais, celui de la résignation. Les plus modestes nous disent avoir besoin du revenu de solidarité active. Engageons nous résolument à les soutenir au moment où ils en ont le plus besoin.Source http://www.toutsurlersa.fr, le 30 octobre 2008