Interview de M. Charles Pasqua, président du RPF, à France 2 le 8 mars 2001, sur la campagne pour les élections municipales à Paris, le mode de désignation du candidat de la droite, son soutien à Jean Tiberi, ses relations avec Alfred Sirven et sur la parité en politique.

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Texte intégral

Charles Pasqua, bonsoir.
Bonsoir.
Ca vous inspire quoi, ces déplacements ? Le fait que madame Chirac soit le leader de la droite le plus populaire ?
Enfin, ça, je ne suis pas sûre qu'elle revendique cet titre.
On se l'arrache quand même.
On se l'arrache, c'est normal. Elle a beaucoup de qualités. Et puis, d'autre part, elle est élue locale. Elle a gagné son mandat à la force du poignet, sans rien devoir à personne, et on voit bien, à travers ce reportage, mais on le sait qu'elle a le contact facile et qu'elle aime bien ça.
Ca ne vous dérange pas que la femme du Président de la République se
Pas du tout, non. Je crois au contraire que de toute façon c'est une leçon supplémentaire. Il ne faut pas faire de politique si on n'aime pas les autres. Manifestement, elle aime les gens.
Ah, alors on va donner des noms derrière tout ça ?
Non, pas du tout !
Pour Paris, par exemple, vous diriez Paris perdu ?
Non, non. Paris n'est pas perdu, Paris n'est pas perdu et Paris n'est gagné pour l'instant par personne. Je veux dire par-là que ce qui importe, c'est que les choses soient claires.
Elles ne le sont pas tellement en ce moment.
Elles sont manifestement beaucoup plus claires à gauche qu'à droite, et j'ajouterais que ce qui est assez surprenant, c'est de voir l'absence des leaders des grandes formations institutionnelles subventionnées. On les cherche vraiment, ils ne sont pas sur le terrain. Moi, j'y suis - on en parle moins, mais je ne suis pas à la tête d'une grande formation, moi;
Non, elle est petite, le RPF, ce n'est pas grand monde, quand même.
C'est appelé à prospérer, de toute façon.
Ah oui ?
Nous n'avons qu'un an d'existence.
Parlons de Paris, c'est de la faute à qui ? C'est la faute à Philippe Seguin qui n'a pas voulu ?
D'abord, premièrement, cette recherche de la faute me paraît assez dépassée. Je crois qu'en réalité l'erreur qui a été commise, c'est de penser qu'à Paris comme ailleurs, ce sont les partis politiques qui peuvent décider par eux-mêmes de ce qui doit ou ce qui est bien pour la population, de ce qui ne l'est pas. La démocratie, c'est le débat ; c'est la liberté de choix et par conséquent que les partis décident d'investir tel ou tel, c'est très bien, mais il ne faut pas que ça ait l'air d'être une candidature officielle et que ça exclut les autres.
Ca, c'est un rappel au mode de désignation de monsieur Seguin plutôt que monsieur Tibéri. Vous soutenez Jean Tibéri : pourquoi ?
Pour plusieurs raisons. La première, c'est que c'est un militant gaulliste authentique
Comme Philippe Seguin.
Depuis plus de 50 ans - un peu plus ancien - et qui n'a jamais varié.
Le mérite est à l'ancienneté ?
Non, le mérite n'est pas à l'ancienneté, il est à la fidélité dans les convictions. Deuxièmement, je le soutiens parce que je trouve qu'il a été très maltraité par sa propre formation d'origine et il y a surtout une autre raison : j'ai décidé, compte tenu du sentiment exprimé par nos propres amis sur Paris, qui sont plusieurs milliers et qui souhaitaient qu'on soutienne Jean Tibéri, mais nous l'avons fait dans une perspective très précise qui est celle de peser de tout notre poids pour qu'au second tour il y ait fusion des listes.
Alors Philippe Seguin dit non, non, non, et il répète non.
Oui, écoutez on verra ça dimanche soir.
Mais il est vraisemblable qu'il refusera quand même ; vous le connaissez bien. C'est un ami à vous, vous avez fait couple avec lui.
Oui, on peut dire ça comme ça.
En général, vos couples ne marchent pas bien, d'ailleurs. De Villiers et Seguin
Je m'attendais tout à fait à ce genre d'observation.
Je constate.
Vous avez un côté tout à fait provocateur que tout le monde connaît bien.
C'est vrai, vous divorcez vite.
Non, je ne divorce pas. Je veux dire par-là, que moi j'ai arrêté ma ligne de conduite une fois pour toute et que je m'y tiens. Si ceux avec lesquels, comme vous dites, je fais démarche commune changent d'opinion, c'est leur problème, ce n'est pas le mien. Je ne change pas.
Alors, Philippe Seguin ne change pas non plus. Il dit pas question de fusion.
Oui, mais nous ne sommes pas - mais enfin, la question est de savoir ce que l'on veut. Veut-on perdre Paris ou veut-on maintenir Paris au sein de l'union de la droite, puisque c'est ce qu'ils disent. Bon, dans ce cas, il faut se donner les moyens. Le problème n'est pas - on ne va pas parler toute la soirée de l'ego de monsieur Seguin, ou de celui de monsieur Tibéri. A la limite, c'est secondaire. Ce qui compte, c'est le sentiment des électeurs. Y a-t-il une majorité
Oui, mais y a-t-il un système mairie de Paris, un système Tibéri et il faut en finir avec ce système ?
Ce sont des mots ! Que la Gauche dise ça je trouve ça tout à fait dommage.
Mais à droite aussi, il y a beaucoup d'élus de droite qui disent : il y a un système, il faut le changer.
Oui, mais pourquoi est-ce qu'ils y ont participé, dans ce cas ? Parce que pour la plupart d'entre eux, ils y ont participé. Moi, j'ai entendu ces mots autrefois, sur le système Deferre à Marseille. J'ai entendu ces mêmes mots sur le système Mauroy, à Lille.
Vous même, vous disiez il faut en finir avec le système.
Non, moi je n'ai jamais parlé de système. Parce que je crois que par ces mots
C'est vrai qu'on dit système Pasqua dans les Hauts-de-Seine, remarquez
Oui, mais enfin, ce n'est pas ça. Quand on dit ça, il y a un côté un peu refus de la démocratie. Parce que dans le fond, si les gens sont élus, c'est parce qu'ils ont des électeurs. C'est tout ! Si vous voulez les changer
Il y a des histoires des HLM de Paris, les fraudes électorales, les faux électeurs.
Les histoires des HLM de Paris, manifestement, enfin en tous les cas, Tibéri n'y est pour rien, c'est clair. Les faux électeurs, je serais curieux qu'on regarde ce qui se passe dans les autres arrondissements. Je ne suis pas venu pour parler ce ça.
Alors, au second tour, monsieur Seguin dit non, il n'y a pas de fusion.
Eh bien, nous verrons bien ce qui se décidera le dimanche au soir, parce que monsieur Seguin n'est pas un empereur.
Vous pensez qu'il y a moyen de le faire changer d'avis ?
Monsieur Seguin est tête de liste à Paris, il a un certain nombre de colistiers, et je pense que ceux-ci auront une ambition qui devrait être également celle de Philippe Seguin et je ne désespère pas qu'il se rende compte que l'important c'est de redonner les moyens de gagner. Je regrette beaucoup la tournure de la campagne parce qu'ils auraient mieux fait, et notamment Philippe Seguin, aurait mieux fait de concentrer ses attaques sur son véritable adversaire qui est Delanoë, plutôt que de rompre des lances contre Tibéri - ce qui était assez ridicule.
Pardon, monsieur Pasqua : après avoir tellement critiqué Jean Tibéri, ça va être compliqué de faire liste commune avec lui, quand même, non ?
Oui, c'est vrai. Le problème, c'est de savoir comment ces listes seront composées. Il n'y a pas que Seguin et Tibéri, à Paris.
Imaginons, ce qui n'est pas votre hypothèse, échec de la droite à Paris. Il va falloir - ce sera un échec de Jacques Chirac ?
Premièrement, moi, je ne me mets pas dans cette hypothèse.
Mais bon, hypothèse d'école.
Oui, hypothèse d'école.
Ce serait une défaite de Jacques Chirac ?
Ah, en tous les cas, ce ne serait sûrement pas un succès ! C'est le moins qu'on puisse dire !
Donc, des conséquences pour la droite et une nécessité de recomposition.
Des conséquences, des conséquences pour la droite, certainement, puisque ce sont les dirigeants du RPR, de l'UDF et de DL qui ont choisi cette démarche à Paris et qui de surcroît ne l'ont pas assumé jusqu'au bout, parce qu'on ne peut pas dire qu'ils aient participé d'une manière active et intense à la campagne. Il faudra en tirer les conséquences, c'est leur problème, ce n'est pas le mien.
Mais vous, vous pourriez participer à une recomposition après ?
Nous n'en sommes pas là ! Moi, je ne me situe pas dans ce schéma. Parce que je n'ai jamais considéré que la politique ce soit uniquement un problème arithmétique. J'ai connu ça au niveau des entreprises et des fusions d'entreprises : 1 + 1 +1, ça ne fait pas forcément 3. Il faut que les choix soient clairs : est-ce que nous avons les mêmes choix de société, dans une certaine mesure oui, mais est-ce que nous avons la même vision de l'avenir de la France, est-ce que nous avons la même perspective de ce que doit être l'Europe, dans le respect de la personnalité de chacun des Etats ? La réponse est non ! Et en tous les cas, ce que je voudrais savoir, c'est comment dirais-je, quelles sont les perspectives d'avenir que ces différents leaders sont capables ou susceptibles de tracer à la jeunesse française. Pour l'instant, je n'en vois pas.
Comment vous appréciez le rôle de Jacques Chirac dans cette affaire de la bataille municipale de Paris ?
Je crois qu'il est difficile pour le Président de la République de s'en mêler directement.
Enfin, il a reçu l'un, il n'a pas reçu l'autre.
Peut-être aurait-il pu où aurait-il dû, est-ce qu'il le pouvait, est-ce qu'il le voulait, je n'en sais rien. Peut-être aurait-il dû s'en saisir beaucoup plus tôt et arbitrer. S'il l'avait fait, on lui aurait également reproché de se mêler de ce qui ne concerne pas directement le Président de la République.
Monsieur Pasqua, votre nom est cité régulièrement dans le domaine des affaires, notamment à propos d'Alfred Sirven.
Ca m'étonnait que vous n'en ayez pas encore parlé.
Nous, on est content de vous avoir là, donc on veut vous poser la question. A propos d'Alfred Sirven, c'est un ami à vous, vous le connaissiez bien ?
Je l'ai bien connu, oui, je l'ai connu en 1985, je pense. C'était un homme qui se réclamait des idées gaullistes et qui, à l'époque, faisait une campagne en faveur du Président de Rhône Poullenc qui était Le Floch Prigent, et le Floch Prigent, c'est le moment où il militait pour la libération et pour la privatisation des entreprises.
Il rendait des services aux partis politiques ?
Je n'en sais rien, moi je n'étais pas en charge des partis politiques. Depuis 1969
De manière générale, vous dites, vous, je n'en sais rien, l'argent du RPF, je n'en sais rien, tout ; vous avez l'air d'être en dehors de tout ça.
Monsieur Seguillon, en ce qui concerne - le RPF est un parti récent, il n'a qu'un an d'existence, alors c'est normal que j'assume
On parle d'un financement
Ecoutez, cessez de prendre cet air un peu de ''Ramina Grobis".
Moi, Ramina Grobis ?
Oui, soyons sérieux deux minutes ! J'assume la responsabilité du RPF depuis un an, il n'y a aucun problème. Pour le RPR, moi je n'ai aucune responsabilité dans ce qui s'est passé et je l'ignore, donc ce n'est pas mon problème.
Pourtant, certains de vos collaborateurs, salariés par ELF, étaient salariés par ELF, via Alfred Sirven.
Alors, ça, c'est à la justice de faire le tri.
Vous n'étiez pas au courant ?
Monsieur Serillon, vous m'avez invité en qualité de Président du RPF, dans le cadre d'une émission consacrée aux partis politiques. Si vous voulez faire une émission consacrée aux partis politiques. Si vous voulez faire une émission consacrée à cet autre aspect des choses, je suis prêt à revenir demain, si vous voulez.
Donc, vous vous sentez tout à fait serein sur cette affaire-là ?
Je me sens plus que serein, et j'ajouterais autre chose : je crois que - moi je suis tout à fait partisan d'une justice indépendante et efficace, mais je crois qu'il faut également que la justice respecte un certain nombre de principes. Je donne un exemple : lorsque les juges viennent au siège de mon mouvement et connaissent le fichiers des adhérents, quel est l'intérêt de ça ? Le libre fonctionnement des partis politiques est garanti par la constitution, l'article 3 de la constitution.
Les juges sont indépendants, ils peuvent mener leur enquête.
Oui, mais en respectant les principes de la république et ceux de la constitution.
C'est la journée internationale des femmes.
Vous vous y intéressez, monsieur Serillon ?
Oui, je voudrais savoir quelle est votre part des tâches ménagères ?
Et vous, monsieur Serillon, quelle est votre part des tâches ménagères ?
Répondez-moi, répondez moi. C'est quoi votre part des tâches ménagères ?
Tout à l'heure, vous m'avez dit en privé que vous ne faisiez rien chez vous.
Oui, c'est ça. Est-ce que vous , vous être pour la parité par exemple ?
Oui, mais j'appartiens à une génération où ce n'était pas tellement courant et où les femmes avaient tendance à vous mettre à la porte de leur cuisine.
Oui, c'est ce que vous dites.
Non, c'est la vérité !
Vous avez passé quelquefois le balai, repassé, fait des choses comme ça ?
Repasser non, passer le balai, oui, ça m'est arrivé.
Vous faites des tâches ménagères ? Quand même.
Oui, préparer le petit-déjeuner, ça ne me paraît pas au-delà de mes compétences. Cuisiner un petit peu, oui. Mais vous dites que vous-même vous cuisinez, monsieur Serillon.
Oui, merci beaucoup mais il ne s'agit pas de moi.
Répondez quand même. Vous passez votre temps à questionner les autres, répondez !
C'est mon rôle, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ?
Alors, qu'est-ce que vous faites vous-même, chez vous ?
Pour vous, cette journée internationale des femmes, c'est quelque chose d'important, d'essentiel justement, pour rappeler des problèmes ou vous trouvez que c'est un gadget ?
Non, moi je trouve que c'est bien, que c'est important, mais qu'on ne met pas suffisamment l'accent sur ce qui est le plus en cause. Et ce qui est le plus en cause, c'est la maltraitance des femmes et les violences et aussi la mise en esclavage, comme par exemple en Afghanistan, etc. Et je suis étonné qu'il n'y ait pas davantage de réactions.
Je vais vous offrir ce livre de Catherine Boret, "on les aura", c'est des dessins assez décapants sur la situation des femmes en politique. Il y a une préface de Roseline Bachelot et de Dominique Voynet, ensemble.
C'est fabuleux !
Ça, c'est pour vous. Et puis "vous avez dit égalité", au Cherche Midi Editeur, justement, c'est pour que les hommes politiques réfléchissent sur l'égalité des femmes en politique.
Très bien, je vous remercie. J'espère que vous avez lu ces deux ouvrages.
Mais bien sûr !
Que vous ne vous contentez pas de les offrir aux autres.
Enfin, pour les municipales, je vous signale qu'il y a un dossier complet sur le site http://www.france2.fr sur le net et puis celui des étudiants en journalisme du Selsa qui est http://www.paris-municipales.net
(Source http://www.rpfie.org, le 15 mars 2001)