Interview de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique à "Europe 1" le 16 octobre 2008, sur le plan gouvernemental de 360 milliards d'euros de soutien aux banques.

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Média : Europe 1

Texte intégral

M.-O. Fogiel.- Le Parlement français a donné hier soir, son feu vert définitif au plan d'urgence de 360 milliards d'euros de soutien aux banques. Et pourtant, les Bourses ont replongé hier. Le plan de soutien n'aura pas rassuré les marchés financiers plus de deux jours ?

Non, ce n'est ça. Le plan était absolument nécessaire, il fallait arrêter l'hémorragie financière, c'est-à-dire le blocage complet du système financier, qui a été absolument mortel pour l'économie. La réaction de la Bourse a été positive au début, aujourd'hui, selon les cas, les Bourses sont très affectées mais on voit bien que ce que redoutent les Bourses aujourd'hui, c'est plus du tout uniquement les problèmes financiers...

C'est la récession... Ceux-là sont en voie de... En tout cas, les Etat y travaillent, et évidemment, je pense que cela aura un impact très, très positif.

Vous alliez dire "en voie d'être réglé" ?

Le crédit va redémarrer. Les Bourses anticipent un ralentissement fort et durable de l'économie.

Mais vous alliez dire "la crise est en passe d'être réglée" ?

Non, surtout pas ! On ne peut absolument pas dire ce genre de choses. Je vois simplement que la réponse est appropriée. L'unité européenne, en ce moment, l'Union européenne se réunit avec N. Sarkozy à Bruxelles ; l'Union européenne apporte une réponse unitaire. La crise, elle vient des Etats-Unis, la réponse elle vient de l'Europe. Donc c'est vraiment quelque chose de très, très, important. Il faut maintenant, après avoir - ce qu'ont fait les Européens hier soir - décidé d'étendre le plan de sauvetage du système financier pour sauver l'économie, décider de le faire à 27. Il faut maintenant parler avec les Etats-Unis et les autres grands pays du monde pour faire en sorte, d'une part, de régler définitivement ce problème de crise financière qui est majeur, et puis, deuxième point, éviter d'affecter l'économie réelle comme on le dit.

Justement, l'économie réelle...

Stopper la panne de croissance majeure à laquelle on peut être confronté.

L'économie réelle, concrètement, pour ceux qui nous écoutent monsieur Woerth : le Premier ministre a évoqué une crise profonde exceptionnelle, il avouait craindre une panne de croissance pour la France l'an prochain, des conséquences pour l'emploi. Que dites-vous aux auditeurs, qui sont certainement inquiets et qui ont vu des milliards injectés dans l'économie, qui se disent "ça ne va rien changer pour nous".

Les milliards ne sont pas encore injectés. Le plan français a été voté hier soir, les autres pays sont aujourd'hui dans la même situation, c'est-à-dire sont en passe d'injecter beaucoup d'argent dans l'économie pour faire repartir la machine, la machine, elle s'est complètement enrayée. Donc, on espère bien, évidemment, sur le plan financier, ça va donner des résultats. Il faut juste que ce soit des résultats objectifs, c'est-à-dire que le crédit reparte vers les entreprises.

Mais vous êtes optimiste ce matin ?

On voit que les entreprises qui, aujourd'hui, ont beaucoup baissé en Bourse, sont des entreprises qui sont très consommatrices de crédits. Donc les marchés, les gens qui vendent ces titres disent "on a peur que ces entreprises ne trouvent pas de crédit". Il faut évidemment les rassurer.



Mais êtes-vous optimiste ce matin, monsieur Woerth ? Je ne suis ni optimiste ni pessimiste. On est très combatifs. Il faut continuer à faire l'unité. L'unité pour la crise financière parce que c'est le sauvetage de l'économie, mais l'unité aussi sur les réponses qu'on doit apporter à cette panne de croissance qui est généralisée, qui est mondiale. Il ne faut pas qu'elle soit durable. On est très, très combatifs...

Vous êtes combatif mais vous aviez déposé un budget pour 2009 ; aujourd'hui, il est caduc.

Non, il n'est pas caduc, parce qu'il est fondé sur une... Vous savez, un budget, c'est des prévisions de recettes, donc les prévisions on verra en fonction de l'économie et du ralentissement.

Oui, mais maintenant, on parle de récession, vous aviez prévu de la croissance.

Oui, mais les prévisions de recettes, ce sont des prévisions. Si les recettes sont inférieures à nos prévisions, qui sont déjà d'ailleurs très, très prudentes, si c'est inférieur, à ce moment-là, évidemment, on ne cherchera pas à compenser ces recettes qui seraient inférieures. Donc il faudra absorber cela. En tout cas, on ne compensera pas par une augmentation des impôts si c'est la question.

C'était ça la question...

Parce que ce serait pire que tout, cela ajouterait, comme on dit, "de la crise à la crise" ! Et puis, les dépenses, il faut les tenir, il faut maîtriser la dépense. Ce n'est pas parce qu'il y a une crise économique forte comme jamais on a connu jusqu'à présent, avec une réponse, comme jamais non plus on a connu jusqu'à présent sous l'impulsion de N. Sarkozy, donc ça c'est une bonne chose. Et derrière ça, il y a un peu d'optimisme à avoir.

Pour résumer, ce que vous nous dites ce matin, vous dites à nos auditeurs "faites-nous confiance, on est aux manettes, on travaille" ?

Je dis qu'il faut être réaliste, il faut que l'on ait un dialogue avec tout le monde, extrêmement réaliste et lucide. Il faut dire la vérité, il faut se battre, c'est une crise généralisée, mondiale. L'Europe apporte aujourd'hui des solutions. Il faut évidemment que ce sommet mondial que N. Sarkozy appelle de ses voeux depuis maintenant plusieurs semaines, ait lieu et que l'économie réelle, comme on dit, que les entreprises retrouvent de l'oxygène au travers des crédits.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 16 octobre 2008