Déclaration de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur la recherche technologique au sein de l'Union européenne face aux défis du changement climatique, à Paris le 28 octobre 2008.

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Circonstance : Ouverture de la Conférence "Vers une énergie bas carbone. Le plan européen stratégique pour les technologie énergétiques", à Paris le 28 octobre 2008

Texte intégral

Monsieur le commissaire Potocnik,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de remercier, très chaleureusement, en votre nom, Valérie Pécresse et Jean-Louis Borloo pour avoir soutenu le principe de cette conférence qui se tient dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l'Union européenne et dont l'intérêt pour l'avenir de notre planète est évident. La qualité des participants est à la mesure des attentes qui sont les vôtres et qui, je n'en doute pas, ne seront pas déçues. Je voudrais également saluer le Commissaire Potocnik et le Commissaire Piebalgs dont la présence à nos côtés est un gage supplémentaire de réussite de cet événement.
Je suis un peu un "ovni" dans cet environnement industriel et scientifique. Vous vous en doutez, je serais bien dans l'embarras si je devais, en ouvrant cette conférence, m'efforcer de vous éclairer sur le réacteur de fission nucléaire de 4ème génération. Heureusement pour vous, je n'essaierai pas. Je vous parlerai simplement, en Européen, des enjeux de vos échanges pour notre Europe, à horizon 2020 et même 2050.
Il y a quinze jours, avec Felipe Gonzalez et Vaira Vike-Freiberga, président et vice-président du groupe de réflexion sur l'avenir de l'Europe, j'ai participé à Nantes à une rencontre avec cinq cents jeunes Européens venus de tous horizons. Ils devaient nous dire, au terme d'échanges qui ont duré deux jours, quels projets ils souhaitaient voir l'Europe porter pour les vingt prochaines années. Sur les douze projets, librement sélectionnés, car il n'en fallait pas plus, trois d'entre eux portaient spécifiquement sur des thématiques environnementales; et l'un demandait la mise en réseau des établissements de recherche sur tout le territoire européen.
Vous le voyez, nous sommes en phase avec les aspirations et les attentes des jeunes européens.
Car, en réalité, pourquoi sommes-nous réunis ici aujourd'hui ? Pour trouver, ensemble, les réponses que doit apporter la recherche technologique aux défis du changement climatique, de la sécurité de l'approvisionnement en énergie et de la compétitivité des entreprises européennes. Notre conférence incarne ainsi un idéal européen qui repose sur le constat que seul, en tant qu'Etat pris individuellement, nous n'y arriverons pas. C'est l'addition de nos compétences et de nos moyens qui nous permettra de relever ce défi.
C'est dans cet état d'esprit que la Présidence française négocie en ce moment même, avec détermination, le paquet énergie/climat. C'est une des plus hautes priorités de notre Présidence du conseil de l'Union européenne.
Comme le président de la République française l'a rappelé encore à Strasbourg, devant le Parlement européen réuni en session plénière, le 21 octobre, ce qui est en jeu avec ce paquet, c'est l'adoption d'une politique énergétique et environnementale ambitieuse capable d'accroître l'influence de l'Europe comme acteur global aux côtés des Etats-Unis, du Japon et des pays émergents. Il serait dramatique d'abandonner cette ambition au motif que la crise économique et financière nous a frappés. Au contraire, cette crise révèle l'épuisement du modèle de croissance actuel fondé sur l'endettement et la recherche d'une profitabilité excessive. C'est pourquoi il nous faut un mode de développement plus durable, plus économe en énergies fossiles et en ressources naturelles pour tirer la croissance de demain et favoriser le développement de produits technologiques à faible intensité carbonique. C'est le développement de ces modes de production propre qui permettra un rebond de la croissance.
Le président de la République a donc rappelé ce qui n'était pas négociable à nos yeux :
- nous ne reviendrons pas sur l'objectif "3 fois 20" que l'Union européenne s'est fixée à l'horizon 2020, c'est-à-dire réduire de 20 % nos émissions de gaz à effet de serre (ETS), augmenter à 20 % la part des énergies renouvelables et améliorer de 20 % l'efficacité énergétique ;
- nous ne reviendrons pas, non plus, sur le calendrier : une solution appropriée doit être trouvée d'ici la fin de l'année. C'est la responsabilité de la Présidence française de dégager un compromis européen ambitieux en vue des réunions de Poznan et de Copenhague.
Comment l'Europe pourra-t-elle remplir l'objectif des 3 fois 20 ? En investissant abondamment dans la recherche et le développement des technologies de l'énergie. C'est toute l'ambition du plan Stratégique européen pour les Technologies de l'énergie, le "SET Plan" qui nous réunit aujourd'hui, grands acteurs européens de la recherche, de l'industrie et de la finance.
Vous avez fixé le cap :
- à l'horizon 2020, nous devons réduire le coût des technologies bas carbone existantes et permettre aux entreprises européennes d'être à la pointe dans ce domaine ;
- à l'horizon 2050, nous devons avoir mis au point de nouvelles générations de technologies, en rupture totale avec les technologies actuelles.
Comment y arriver ? En passant à la vitesse supérieure. Vous serez, vous êtes déjà, les acteurs de cette révolution écologique. Vous savez donc que chercheurs et industriels doivent coopérer plus encore qu'aujourd'hui, dans un cadre national, européen et avec des partenaires tiers. Ceci implique également une augmentation des ressources. Cette responsabilité là est collective.
Six initiatives industrielles prioritaires ont déjà été identifiées. Elles sont parties intégrantes du SET-PLAN. Nos efforts doivent se concentrer en particulier sur ces technologies nouvelles. Vous les connaissez : la bioénergie; le captage et le stockage du carbone; la fission nucléaire; une distribution de l'électricité plus efficace; l'éolien et le solaire.
C'est pour des projets comme ceux-là que les partenariats public/privé prennent tout leur sens car ils appellent d'emblée des applications industrielles. Le rendez-vous de 2009, où la Commission doit nous proposer des pistes concrètes de financement, est à cet égard essentiel.
A cet égard, ne négligeons pas les enseignements des "plateformes technologiques conjointes" (JTI), pilotées par l'industrie. Un travail considérable a déjà été accompli. Certaines de ces plate-formes ont abouti à des initiatives concrètes (exemple : la pile à combustible). La preuve a été faite que les barrières technologiques pouvaient tomber lorsque les efforts étaient coordonnés, entre industriels, au niveau national et communautaire.
Je voudrais enfin souligner que l'efficacité du SET Plan repose largement sur le suivi méthodique qui en est assuré par le comité de pilotage. Cela paraît une évidence de le dire. Mais nous savons tous que les plus beaux projets peuvent faire l'objet d'annonces spectaculaires et rester sans lendemain car l'intendance ne suit pas. Le comité de pilotage du SET Plan, présidé par la Commission, et composé de représentants de haut niveau des administrations des Etats Membres, a un mandat essentiel : tracer les axes de recherche prioritaires, mettre en commun les résultats des recherches et évaluer d'une manière systématique les progrès accomplis. Je compte bien évidemment sur les représentants français à ce comité pour y porter nos ambitions.
Vos travaux aujourd'hui sont cruciaux pour notre avenir. Ils s'inscrivent pleinement dans les priorités de notre présidence et bien au-delà. Ils conditionnent l'influence qu'aura l'Europe sur la construction d'un nouvel ordre économique international. Je souhaite que vous réussissiez à concilier la nécessaire ambition avec les propositions les plus opérationnelles possibles. C'est tout le mal que je souhaite à votre conférence tout à fait essentielle et novatrice.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 octobre 2008