Interview de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, à LCI le 16 octobre 2008, sur la violence et le respect de l'hymne national dans les stades de football et la grippe aviaire.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral


 
 
 
C. Barbier.- Arrêter un match si la Marseillaise est sifflée ! Comment appliquer une telle mesure sans provoquer une émeute autour du stade ?
 
D'abord, je veux dire, de façon très ferme, que d'insulter l'hymne national au cours d'un match de football, au début d'un match de football, n'est pas une fatalité. Et ce que nous avons voulu, avec le secrétaire d'Etat, B. Laporte, mais surtout à la demande du président de la République, c'est de rappeler aux organisateurs de spectacle que sont les organisateurs de manifestations sportives, et en particulier la Fédération de football qui organise ces matchs, qu'elle est comptable, si je puis dire, du respect de l'hymne national dans les stades. Donc, on va les aider à faire cela ; les Français d'ailleurs sont d'accord avec nous, ce sont eux qui n'ont pas supporté, ne supportent pas de voir insulter l'hymne national et le drapeau. Et donc, nous aiderons... Nous, nous posons en principe que cela ne doit pas exister, nous donnons des moyens, c'est la responsabilité de la Fédération de football que d'arrêter le match, nous l'avons dit...
 
Qui va décider, c'est l'arbitre qui décide ?
 
C'est la Fédération, l'arbitre a son rôle, sa responsabilité, bien sûr, mais c'est la Fédération qui aura la responsabilité d'arrêter éventuellement le match. Nous mettrons sur les matchs à risques, que nous connaissons bien, les forces de l'ordre nécessaires s'il se révèle que cette mesure est absolument indispensable. D'abord, une suspension du match, puis, indiquer que, si des incidents se passent au cours d'un match, eh bien le pays, enfin, les matchs amicaux qui se dérouleront avec ces pays, les pays qui auront été concernés par ces incidents, des incidents graves - il ne s'agit pas d'un sifflet isolé dans un coin du stade, mais d'un phénomène massif - comme cela s'est passé au cours du match France-Tunisie...
 
Ces pays-là, liste noire !
 
... ces pays-là, pendant un certain temps, qui sera déterminé par la Fédération, il n'y aura pas de matchs amicaux qui se dérouleront avec eux.
 
Si la Marseillaise est sifflée à l'étranger, quand l'équipe de France se déplace ?
 
C'est au pays étranger de faire la police chez eux. Alors, je signale que cette mesure, ce n'est pas une mesure anti-football, ça vaut pour tous les organisateurs de manifestations sportives. C'est vrai que les incidents, les injures, les insultes à l'hymne national ont eu lieu évidemment souvent dans des matchs de football, mais ça vaut pour tout le monde.
 
B. Laporte, secrétaire d'Etat à la Jeunesse et aux Sports, était présent mardi soir. Aurait-il dû quitter le stade ?
 
Bernard n'a pas voulu quitter le stade, parce que les organisateurs avaient décidé de faire chanter la Marseillaise par la chanteuse Lââm, qui l'a d'ailleurs très bien chantée. Et partir à ce moment-là aurait pu être considéré comme une marque de défiance vis-à-vis de Lââm. Et en tout cas, avec le président de la République, nous avons pris la décision qu'en cas d'insulte à l'hymne national, les ministres éventuellement présents, les ministres présents quitteraient immédiatement l'enceinte du stade.
 
Alors, B. Laporte a dressé la liste des pays à risques, comme vous dites, ce sont les anciennes colonies françaises du Maghreb, il dit : "il ne faut plus jouer contre ces nations-là". F. Amara n'est pas d'accord. Et vous ?
 
Je dis qu'il n'y a aucune raison de stigmatiser tel ou tel pays. Il est d'ailleurs à remarquer que des incidents ont eu lieu, avec l'Italie par exemple, ou avec le Portugal. Il y a donc... c'est une mesure qui vaut pour l'ensemble des pays. Je me refuse à stigmatiser qui que ce soit.
 
Et si on les supprimait ces hymnes ?
 
Alors, là, je trouve que c'est une dérive de notre société, de notre débat public absolument incroyable ! On baisse les bras devant les malfaisants et les imbéciles ! Non. Il faut se donner les moyens de faire en sorte que nos hymnes soient respectés, point barre.
 
Souhaitez-vous que l'on identifie les siffleurs de mardi soir, on a vu des photos, il y a des caméras vidéo, et qu'on en sanctionne ?
 
Il n'est pas inutile, C. Barbier, de rappeler à tout un chacun que l'insulte à l'hymne national...
 
Loi de 2003.
 
...loi de 2003, est un délit qui peut encourir six mois de prison et 7.500 euros d'amende, bien sûr, l'interdiction de stade d'abord, mais de rappeler à tout un chacun qu'insulter l'hymne national c'est un délit.
 
Et là, vous attendez que sur les incidents de mardi soir, on arrête des délinquants ?
 
En tout cas, la ministre de l'Intérieur, M. Alliot-Marie, a demandé au préfet de Seine-Saint-Denis, de signaler les personnes qui seraient reconnues grâces aux caméras, de le signaler au procureur de la République.
 
F. Bayrou dit : "le Gouvernement en fait des tonnes, comme ça on parle moins de la crise et du budget qui..."
 
Oh, écoutez...Vraiment ! Nous nous occupons de tout ce qu'il y a à s'occuper. Mais insulter l'hymne national, évidemment, si F. Bayrou trouve que c'est normal, tant pis pour lui.
 
Il n'y aura pas de Grand Prix de France de Formule 1 en France, en 2009, c'est une première depuis 1955. Alors, quel projet de remplacement de Magny-Cours soutenez-vous ? Flins, Sarcelles, Gonesse, Disneyland ?
 
Je ne soutiens aucun projet. Les promoteurs d'une alternative au Prix de Magny-Cours font parvenir au ministère des Sports un certain nombre de projets, qui vont donner lieu à une étude extrêmement approfondie, que je mènerai bien entendu avec le secrétaire d'Etat, B. Laporte.
 
Faut-il avoir peur de la grippe aviaire ? Le responsable de la structure de lutte en cas de pandémie tire la sonnette d'alarme. Il dit : les médicaments, les masques, on ne sait plus trop où tout ça, ou comment ça va fonctionner.
 
Je ne vais pas faire de commentaire sur la personne qui a déclaré cela. Je m'en réfère à l'analyse internationale qui juge que la France est le pays le mieux préparé à affronter une grippe aviaire. Je préfère me référer à ces notions qui sont plus objectives.
 
Le projet de loi de Finances de la Sécurité sociale pour 2009 n'est-ils pas "caduc", comme le dit le PS, à cause de la crise ?
 
Non, non, et je ne reçois pas la critique du Parti socialiste, parce que nous avons, dans cette version du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, tenu compte des modifications entraînées par la crise financière et la crise économique internationale, nous avons recalibré le projet de loi de financement, celui que j'ai présenté d'ailleurs hier soir à la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale, nous avons tenu compte de cette nouvelle donne. C'est ainsi, par exemple, que le déficit de la Sécurité sociale, que j'avais calibré à 2,8 milliards d'euros, avec E. Woerth, je l'ai recalé à 3,4 milliards d'euros pour précisément avoir une vision sincère de ce PLFSS. Et d'ailleurs, les "sages" qui ont examiné ce PLFSS, que ce soit au Conseil d'Etat, d'un côté, ou dans les organismes de Sécurité sociale, ont bien voulu reconnaître la sincérité des évaluations que nous avons faites.
 
Les 400 millions d'euros de ponction sur l'intéressement et la participation, par exemple, vous faites une croix dessus ?
 
Non. Il faut absolument que l'ensemble des revenus contribue au financement de la protection sociale, c'est extrêmement important. Et d'ailleurs, c'est réclamé par les syndicats, par les partenaires sociaux, que l'ensemble des revenus contribuent. Mais nous avons voulu surtout ne pas impacter les ménages, c'est-à-dire qu'il n'y a, dans une situation de crise et de tension sur le pouvoir d'achat, il n'y a aucune mesure qui vient impacter le pouvoir d'achat des ménages.
 
 
Alors, vous constatez justement qu'il n'y a pas de renoncement aux soins à cause des franchises médicales, elles n'ont pas empêché les gens de se soigner...
 
Non.
 
Est-ce à dire que vous envisagez d'augmenter ces franchises ?
 
Non, je viens de vous le dire, il n'y aura aucune mesure qui viendra impacter les ménages, donc aucun déremboursement, aucune augmentation de ce qu'on appelle le ticket modérateur, ou des versements forfaitaires type franchises.
 
Vous présenterez la semaine prochaine en Conseil des ministres votre plan "Hôpital, Patient, Santé, Territoire". Est-ce que vous songez à donner le pouvoir aux gestionnaires plutôt qu'aux médecins pour moins dépenser ?
 
Il ne faut pas opposer "mieux gérer" et "mieux soigner". De toute façon, le projet ce sera toujours un projet médical. Et ce projet médical il sera élaboré par la communauté soignante. Mais ensuite, pour le mettre en oeuvre, on peut gérer en soignant mieux... Je vais prendre un exemple, C. Barbier : quand vous êtes à l'hôpital, vous vous faites opérer dans un plateau technique très performant, mais vous souhaitez ensuite revenir auprès de vos proches pour les soins, ce qu'on appelle "les soins de suite", votre convalescence ; si vous injectez, comme je veux le faire, 1,5 milliard dans les systèmes d'information hospitaliers, on peut consulter le dossier du patient en direct, on évite les examens redondants, les radiographies inutiles, les examens parfois invasifs et très douloureux. Vous soigner mieux, c'est plus confortable pour vous, et vous dépensez moins.
 
Et il y aura quand même à terme moins d'hôpitaux, parce que vous encouragerez au regroupement ?
 
Non, il y aura toujours - je ne fermerai aucun hôpital - toujours le même nombre d'hôpitaux, mais ils seront recentrés autour de leurs missions. Des hôpitaux de proximité, avec les urgences, les soins courants, des plateaux techniques, des centres de référence. Nous avons besoin de tous les hôpitaux, mais centrés sur leurs missions pour le bien et le soin des malades.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 16 octobre 2008