Conférence de presse conjointe de MM. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, et Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur les thèmes liés à la crise financière et les questions d'actualité internationale notamment la situation en Georgie et les relations de l'UE avec la Russie, Luxembourg le 13 octobre 2008.

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Circonstance : Conseil des Affaires générales et Relations extérieures à Luxembourg les 12 et 13 octobre 2008

Texte intégral

M. Kouchner - Nous avons eu une longue séance, ce n'est pas très original. Ce qui est plus original, c'est que les thèmes abordés se situaient tous, pour certains beaucoup plus que les autres, dans la crise financière.
Il y a eu, vous le savez, une succession de rencontres très importantes qui ont culminé, hier à Paris, par une réunion de l'Eurogroupe avec le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, le président Sarkozy, le président de la Commission, M. Barroso et le président de la Banque européenne, Jean-Claude Trichet. Vous en connaissez les résultats, je ne vais pas revenir là-dessus, sauf si vous me posez des questions. Nous avons été tenus informés tout au long de notre longue journée de travail. Les dix marchés financiers européens concernés ont réagi aujourd'hui de façon positive et j'espère que cela continuera.
Cette crise n'était pas seulement une crise du capitalisme virtuel, il s'agissait bien de l'économie réelle, des gens qui depuis presque quatre semaines étaient bloqués dans leur vie quotidienne parce que les banques ne pouvaient offrir assez de liquidités. Sans les échanges de crédits entre les banques qui permettent de consentir des prêts, l'économie est bloquée.
Tout cela a été pris en charge avec, je le rappelle, une véritable volonté d'agir. La réunion des membres de l'Eurogroupe avait été précédée par la visite et l'approbation totale de M. Gordon Brown, le Premier ministre du Royaume-Uni, qui a soutenu ses banques. Cette succession de réunions était une affirmation politique très forte de l'existence de l'Europe et de la zone euro. Vous avez tous retenu la phrase de Jean-Claude Juncker : "Songez à ce qu'aurait été l'Europe sans cette monnaie". En effet, tout le monde aurait vu un éclatement immédiat de son système bancaire.
Il y a donc eu une volonté d'agir, une volonté politique, une existence de l'Union européenne. La BCE a agit en injectant des liquidités et en baissant les taux avec trois autres banques centrales, mais cela n'avait pas suffit malgré un début prometteur. C'est la raison pour laquelle je me méfie, bien qu'il semblerait aujourd'hui que l'espoir revienne ; je n'en jurerais pas, mais je veux y croire.
Les Etats membres ont agi. Il y a eu la décision de l'Eurogroupe, hier soir, décision collective et coordonnée dont les mises en oeuvre - les mises en oeuvre pas la mise en oeuvre - seront nationales. Il est évident que c'est en fonction des difficultés nationales, du système bancaire national et des règles nationales que les pays de l'Eurogroupe réagiront dès lors même qu'ils ont approuvé les consignes générales.
L'engagement des actions nationales sera coordonné. Les Etats membres offrent des garanties de financement interbancaires jusqu'au 31 décembre 2009, ainsi que la recapitalisation des banques et le rachat des créances critiques. Pas des créances malsaines, ce fut une des questions débattues. Il s'agit de produits fiables, il ne s'agit pas de s'intéresser à la spéculation pour la spéculation et de sauver des banquiers, il s'agit de sauver des banques pour sauver des épargnants. Il ne s'agit pas du tout de conforter un système que l'ensemble des ministres des Affaires étrangères critiquait depuis longtemps, avec d'ailleurs plus ou moins de révérence envers l'économie de marché, la non-intervention absolue des Etats, etc. Quand on voit que le président Bush a été critiqué seulement par sa majorité républicaine et que lui-même a nationalisé deux établissements, on sait que cela ne veut plus rien dire. On voit qu'il fallait prendre ces décisions parce qu'il n'y avait plus aucun moyen de faire autrement. Cela n'avait plus rien d'idéologique.
Tout le monde l'a affirmé et avant cette affirmation, je vous dirai que tout cela doit être financé par les banques elles-mêmes, qui paieront pour tout cela.
Ce ne sera pas simplement une intervention nécessaire, dans l'urgence, pour sauver le système. Nous réfléchissons et nous réfléchirons encore plus à un système plus stable, plus moral - pardon d'employer ce mot - qui reposera sur l'entreprise plutôt que sur la spéculation et les produits financiers. Ce système sera sans doute mis en place au plus vite, je ne sais pas dans quel délai. La Commission nous fera des propositions. Il est déjà dans la tête de bien des membres de ce Conseil des Affaires étrangères et de bien d'autres, en particulier de l'Ecofin.
Je reviens sur le rôle moteur de l'Union européenne et la coordination exemplaire dans cette crise. Le FMI est intervenu pour dire que ce que nous avons fait était la meilleure solution. Nous avons donc discuté de tout cela. Et nous associerons les grands pays émergeants.
Le renflouement des banques a commencé. Je n'étais pas au Conseil des ministres aujourd'hui, Jean-Pierre non plus, puisque nous étions ici, mais je pense que le plan français, la manière légale d'intervenir, ainsi que d'autres mesures d'aide, particulièrement aux PME, sont en place dès aujourd'hui. Nous reverrons également la gouvernance ; nous avons là-dessus, je crois, un rôle politique essentiel à jouer.
L'Europe, une fois de plus, sur la question de la Géorgie, du système bancaire, de la régulation nécessaire et indispensable, comme dans d'autres domaines, a un rôle à jouer. Dans cette économie de marché devenue folle, je pense que l'Europe a déjà joué et jouera un rôle très important. Il y a par ailleurs une proposition d'initiative internationale, avant la fin de l'année. Ce sera la réunion d'un G7, un G8 ou un G14.
Voilà ce que nous avions proposé à la discussion puisque nous étions chargés de préparer l'ordre du jour de la réunion des chefs d'Etat et des Premiers ministres qui aura lieu les 15 et 16 octobre prochains.
Je voudrais vous dire que nous travaillons nuit et jour, les uns et les autres, la Commission, le Conseil, les chefs d'Etat, les ministres des Affaires étrangères, les ministres des Finances sur ces questions.
Je vous assure que nous n'avons pas chômé et ceux qui croient que c'était un échec, parce que ce n'était pas parfait, ne comprendront jamais rien à l'Union européenne. L'Union européenne, c'est comme cela, c'est toujours comme cela, ce n'est pas possible d'avoir à 27 un assentiment total immédiat. Là nous sortons d'une discussion de trois heures sur les relations avec la Russie, de trois heures sur la Géorgie et pourtant l'unité est maintenue complètement. Cependant, l'unité, cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de diversité, de discussions, d'affrontements, c'est cela qui est intéressant dans l'Europe, c'est là où on apprend. Les arguments des uns et des autres sont intéressants. Ils ont, certes, des intérêts nationaux mais ils ont aussi un raisonnement et ce raisonnement les pousse par rapport à la Russie, à la Géorgie, aux Droits de l'Homme, par exemple, à offrir quand même des réflexions un tout petit peu dissonantes. C'est bien et c'est le rôle de la Présidence de les écouter tous et puis, à un moment donné, de témoigner d'un peu de fermeté parce que sinon on ne parviendrait pas à un accord.
Nous avons également parlé du Zimbabwe où cela ne va pas bien. Nous étions satisfaits parce que M. Tsvangirai, le courageux et valeureux représentant de l'opposition, et M. Mugabe et son parti avaient signé un agrément sous la houlette de M. Thabo Mbeki, qui n'est plus président de l'Afrique du Sud mais sa médiation continue.
A propos de l'Afrique du Sud, je vous invite à suivre l'évolution de ce pays qui pour l'instant nous inquiète un peu. Pour en revenir au Zimbabwe, M. Thabo Mbeki n'est pas encore revenu à Harare mais, en tout cas, nous savons que le gouvernement qui devait être composé suivant des équilibres qu'il restait à trouver, a été désigné pour ses grands ministères par un décret et une signature de M. Mugabe, ce qui ne correspond pas du tout à l'accord et qui nous inquiète beaucoup. Nous avons décidé d'être extrêmement vigilants. Des ambassadeurs d'Allemagne, de France et d'autres sans doute ont déjà été un peu inquiétés. Nous sommes très inquiets de la situation et nous devrons prendre nos responsabilités, comme doivent le faire la SADEC et l'Union africaine. Tous ensemble, comme nous l'avions convenu, si l'accord n'est pas mis en oeuvre, nous reprendrons les sanctions et nous les renforcerons. C'est très clair, nous n'allons pas abandonner maintenant et nous n'allons surtout pas abandonner M. Tsvangirai. Je crois à une solution coopérative mais on voit bien que M. Mugabe n'a pas tenu les promesses qui avaient été faites.
En ce qui concerne la Biélorussie, il y a eu un grand débat. Jean-Pierre Jouyet devra en parler parce qu'il a rencontré plusieurs opposants ces jours-ci. Nous avons décidé de suspendre temporairement, pour six mois, c'est réversible. Aux dires de tout le monde, les élections en Biélorussie n'ont pas été un miracle de transparence et de contrôle. Nous sommes inquiets même s'il y a eu des progrès : des prisonniers politiques relâchés.
A l'égard de l'Ouzbékistan, nous notons, là encore, une évolution positive depuis un an ; nous voulons l'encourager. Nous assouplissons donc le régime des sanctions individuelles sans assouplir l'embargo sur les armes. Cependant, beaucoup reste à faire. Vous avez pu observer la condamnation récente à dix ans de prison d'un journaliste indépendant. Nous sommes extrêmement attentifs à ce que la situation n'évolue pas à nouveau dans un mauvais sens.
En République démocratique du Congo, il n'y a rien à dire sauf à sonner l'alarme : la situation redevient intenable et meurtrière. Il y a des réfugiés par centaines de milliers qui vont d'un village à l'autre et qui se font attaquer à chaque village. Des femmes en particulier sont l'objet des pires sévices. Quand je dis les pires sévices, vous pouvez me croire car j'en ai vu dans ma vie et je vous assure que si vous visitez l'hôpital pour les femmes, avec le seul extraordinairement courageux médecin congolais qui est là-bas, vous ne l'oublierez jamais de votre vie.
Et puis il y a le général Nkunda qui s'apprête à passer à l'attaque dit-on. En tout cas, le conflit, évidemment alimenté des deux côtés de la frontière par le Rwanda et par la République démocratique du Congo, ne suit pas la pente qui avait été engagée par le plan d'engagement pour la paix signé, il y a six ou huit mois, afin que tous les protagonistes, y compris les réfugiés - sauf Nkunda - et les anciens du FPR puissent rentrer au Rwanda. Tout est à nouveau dans le chaos. Il y a, bien sûr, des forces de paix qui sont d'ailleurs très importantes mais qui ne savent plus où donner de la tête. C'est un endroit extrêmement difficile. Nous redoutons qu'à nouveau des massacres massifs, effrayants, ne reprennent dans cette partie de l'est du Kivu. Nous avons tout envisagé avec Javier. Tout est envisageable. Nous ne voulons pas que cela dégénère. Il faut suivre les plans de paix, il faut suivre l'accord de Goma.
Concernant l'Iran, l'Allemagne demande de ne pas oublier ce qui a été fait jusqu'à présent. Il y a eu un accord, la résolution 1835 qui maintient l'unité entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et l'Allemagne, ce que l'on appelle les P5+1.
A propos du Mexique, nous avons aujourd'hui lancé un partenariat stratégique entre l'Union européenne et le Mexique en vue de renforcer la coopération dans les instances internationales et de s'opposer ensemble aux grands défis que sont le terrorisme, le crime organisé, le trafic de stupéfiants, etc. L'Union européenne reconnaît par là le rôle absolument décisif que joue le Mexique dans la gouvernance internationale.
Un autre sujet qui nous a beaucoup occupés : la situation en Géorgie et les rapports avec la Russie. Pour être bref - vous me poserez sans doute des questions et je donnerai la parole à Javier Solana, Benita Ferrero-Waldner et Jean-Pierre Jouyet -, je me trouvais avant-hier, le 10 octobre en Géorgie, comme il y a deux mois, le 10 août. J'ai eu l'occasion d'y retourner entre temps, je n'arrête pas. Néanmoins, en l'espace de deux mois, la situation a beaucoup changé : un cessez-le-feu a été obtenu, Tbilissi n'a pas été prise, le gouvernement n'a pas été renversé, l'opposition est toujours en place et il n'y a pas d'autre document au plan en six points qui a été signé par les présidents Medvedev, Sarkozy et Saakachvili. On parle toujours du "plan Medvedev-Sarkozy", c'est négliger tout de même qu'il y a un troisième pays, celui justement sur lequel les troupes ont exercé leur pression. Les troupes russes devaient donc -nous le savions puisque les délégations françaises et russes se sont rencontrées à Evian- avoir évacué le territoire de la Géorgie avant le 10 octobre et ils l'ont fait.
Les Russes ont évacué le territoire de la Géorgie. Mais qu'est-ce que c'est que le territoire de la Géorgie ? Est-ce que c'est évacuer tout le territoire à l'exception de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie ? C'est ce que nous avions compris. Simplement l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud ne se délimitent pas exactement de la même manière d'un côté et de l'autre. Il y a une vallée frontalière qui s'appelle la vallée d'Akhalgori qui a fait partie de l'Ossétie du Sud au moment de la domination soviétique. Cette Ossétie que Staline avait dessinée est ensuite passée sous contrôle des séparatistes à l'exception de cette vallée d'Akhalgori. L'Ossétie se trouvait donc diminuée étant donné que la vallée d'Akhalgori ne faisait plus partie de l'Ossétie. Malgré les protestations véhémentes et légitimes des Géorgiens qui disent que les troupes russes ne se sont pas retirées puisqu'elles sont encore à Akhalgori, nous avons constaté - il a fallu le chercher nous-mêmes - que cette vallée d'Akhalgori, grâce à une loi votée par le parlement géorgien, a été, il y a deux ans, réintégrée dans l'Ossétie du Sud. C'est un point délicat et ce n'est pas encore réglé. Si vous voulez je vous montrerai la carte, il faut aussi savoir que la vallée d'Akhalgori était presque uniquement occupée par des Géorgiens qui en ont été chassés et qui ne peuvent pas revenir chez eux, ce qui n'est pas acceptable.
Il faut souligner que, au terme de ce que nous pensions et de ce qui était dans le plan, les Russes ont retiré leurs troupes de Géorgie. Ils ont rempli leurs obligations et nous pouvons passer maintenant au troisième point. Ce troisième point concerne l'aide humanitaire et son accès à tous. Il faut chaleureusement féliciter ce que Javier Solana ainsi que les Nations unies ont permis et autorisé à savoir l'envoi d'observateurs qui sont aujourd'hui au nombre d'environ 300. Ils sont équipés, formés, bien entraînés, ce sont des gendarmes, des carabiniers, des personnes qui connaissent la pratique des missions de paix. En moins de trois semaines, ils se sont déployés dans les zones adjacentes de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie. C'est tout de même un record dont il faut absolument se féliciter. Javier Solana aura l'occasion de vous le dire mais nous sommes très heureux que ce déploiement ait pu avoir lieu. Jamais cela n'a été aussi vite. J'ai eu l'occasion de participer à l'une de leurs patrouilles. C'est dans de tels moments que l'on rencontre les populations, que l'on parle aux réfugiés, c'est cela qui est le plus important savoir ce que ces personnes pensent, depuis quand elles sont là - sachant que la majorité est là depuis 1992.
Cela demeure compliqué, le processus n'est pas encore terminé et nous comptons sur la prochaine échéance à Genève où les pourparlers commenceront. Je pense que nous, l'Union européenne, l'OSCE avec Alexander Stubb et les Nations unies avec M. Ban Ki-moon nous retrouverons le 14 octobre au soir pour lancer cette conférence. Voilà où nous en sommes, rien n'est fini. Disons qu'en deux mois tout a été extrêmement vite et que pour les populations qui ont souffert, il valait mieux arrêter ce processus. Personne ne nous reproche de l'avoir fait. Au contraire, tout le monde nous félicite. L'Union européenne a vraiment joué un rôle décisif -ce qui était assez simple étant donné qu'il n'y avait que nous. Néanmoins le chemin est long, je vous rappelle que la conférence sur les Balkans avait duré près de cinq ans. C'est un processus de longue haleine qui nous attend.
Jean-Pierre Jouyet - Pour revenir sur la réunion d'hier : c'est un succès politique. Il faut aussi noter qu'il y a eu une étroite coordination avec le Royaume-Uni. Les initiatives britanniques ont été constructives. Les résultats de cette réunion ont été salués ce matin par l'ensemble des Etats membres. Ces acquis serviront de point d'appui au Conseil européen. Qu'on soit dans ou hors zone euro, l'euro est devenu un facteur de stabilité extrêmement important pour l'ensemble de l'Union européenne. C'est autour de cette zone que se construit la stabilité, au moment où le système bancaire ne pouvait pas, sans l'intervention des pouvoirs publics, protéger et les contribuables et les usagers et retrouver son rôle de financement normal de l'économie. De ce point de vue, je crois que c'est une première. L'ouverture des marchés américains a plus de 4% cet après-midi montre que cette action concertée a donné tous les résultats qui étaient escomptés. Nous avons assisté à une victoire des partisans de la régulation qui doit être consolidée par le sommet européen de mercredi et jeudi.
Q - Deux questions. La première question concerne la Russie. Compte tenu des progrès enregistrés, qui restent malgré tout insuffisants à vos yeux, à quel horizon pensez-vous qu'il sera possible pour l'Union européenne de décider d'une reprise des négociations du partenariat stratégique avec la Russie ? Deuxième question sur la crise financière. Est-ce que, selon vous, le Conseil européen des 15 et 16 octobre prochains aura pour objet d'inciter les Etats membres hors de la zone euro à appliquer les mêmes dispositions que celles que vous avez adoptées hier soir ?
R - Je réponds à la deuxième question, naturellement bien sûr ! Comme Jean-Pierre l'a souligné, le fait que Gordon Brown soit venu - lui qui représente plutôt traditionnellement et idéologiquement la non-intervention étatique et l'économie de marché, et qui de plus est le Premier Ministre d'un Etat qui n'appartient pas à la zone euro- nous rassure. Le 15 octobre, les membres de la zone euro proposeront aux autres une vraie participation commune. Il n'y a aucun doute à ce sujet. Le président Sarkozy ainsi que Jean-Claude Trichet, Jean-Claude Juncker et José-Manuel Barroso l'ont très bien dit hier soir. Il y a une unanimité, une unité qu'il faut saluer au moment où elle a l'air de se manifester. Oui, c'est un des buts qui sera poursuivi.
C'est très difficile de donner une date pour la reprise des discussions avec la Russie. Je crois que Benita Ferrero-Waldner a raison de souligner que ce fut un début de discussion, nous devons en reparler le 15 octobre au soir. Ce sont les ministres des Affaires étrangères qui prendront la décision et non pas les chefs d'Etat. Ils nous ont délégué cette responsabilité comme celle qui fera que l'on adoptera le MAP ou non pour la Géorgie et l'Ukraine en décembre. De temps en temps, les chefs d'Etat et de gouvernement délèguent. Je les comprends.
C'est donc au soir du 15 octobre ou dans les jours qui suivront que nous aurons à prendre cette décision. Pour l'instant, elle n'est pas prise. Ce que nous avions dit, je vous le rappelle très clairement, c'est que les discussions pour le partenariat étaient reportées tant que les Russes n'avaient pas appliqué les recommandations du programme en six points. Cela sera une question d'appréciation des Chefs d'Etat et de nous-mêmes. Nous reprendrons cette discussion dans trois jours. Vous savez qu'il y a aussi la perspective de la rencontre de Nice entre l'Union européenne et la Russie.
Q - Vous avez dit que la question du district de l'Akhalgori et celle de la Vallée de la Kodori seraient réglées à la conférence de Genève, est-ce que vous allez inviter les Abkhazes et les Ossètes ?
R - Je n'ai pas dit que cela serait réglé. J'ai dit que c'était très naturellement le lieu où cela serait abordé puisque maintenant, il n'y a plus de réunions. Vous savez, il y en a eu tous les trois jours, il ne faut pas exagérer. Donc là, c'est dans trois jours. Nous avons constaté le départ des troupes comme les Russes l'avaient promis - avec même une journée d'avance- nous avons constaté le retour des réfugiés, nous avons constaté la réouverture des postes géorgiens de police jusqu'à la frontière administrative. La question de la vallée d'Akhalgori et de la Kodori demeure.
Les luttes au sein du Caucase ont opposé des peuples les uns contre les autres pendant des siècles. C'est à Genève où l'on peut aborder le problème et qu'on doit l'aborder. Quand ? Je pense que cela pourrait être commencé dès le 15 octobre mais est-ce que cela sera réglé le 15 ? Sûrement pas, enfin je ne le crois pas. Nous verrons bien. Est-ce que j'ai de l'espoir ? Oui. Est-ce que le problème est simple ? Non, pas du tout. C'est au niveau des experts et non pas au niveau des ministres. Je ne serai pas là, mais je sais en tout cas, et c'est ce que nous avons essayé de mettre sur pied depuis longtemps, y compris et surtout avec les Russes, qui l'ont accepté d'ailleurs. Le Haut Commissaire aux Réfugiés des Nations unies, M. Gutierrez sera là. C'est à travers le problème des personnes déplacées, et non pas des réfugiés, que je pense que l'on pourrait aborder le problème de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie, et en particulier le problème de cette vallée où les personnes ne peuvent pas rentrer. Est-ce que cela doit être abordé sur le chapitre des déplacés ? Oui. Sur le chapitre des déplacés, il faut qu'il y ait l'Abkhazie et l'Ossétie. Sous quelle représentation ? C'est à eux de voir à ce moment-là. Nous, nous ne reconnaissons pas l'Abkhazie, nous ne reconnaissons pas l'Ossétie et il n'est pas question de le faire.
Q - Mais c'est pourtant la réalité.
R - Il y a des choses qu'on ne reconnaît pas comme la réalité quand elles sont imposées par la force. Aucun des vingt-sept pays de l'Union européenne ne reconnaît cette réalité. C'est très difficile, il en a été de même pour les Balkans qui étaient plus proche de nous. Il y a des réalités que nous n'avons pas reconnues jusqu'à avoir le nez dessus. Cela ne veut pas dire que la situation ne peut pas évoluer. Elle peut évoluer, elle doit évoluer et en particulier de mon point de vue, on ne peut pas fermer la perspective à des personnes de rentrer chez elles, retrouver leurs familles, c'est impossible. Il faut pour toutes ces personnes entamer la négociation qui sera longue.
Q - Qu'attend l'Union européenne à la fin des négociations qui débuteront le 15 ? Est-ce que des représentants Sud-Ossètes et Abkhazes seront présents ?
R - Je crois que je viens de répondre à votre deuxième question. Pour les réfugiés, les personnes déplacées, dans le cadre d'une discussion - que j'espère fructueuse pour que les gens rentrent chez eux - il y aura probablement des représentants des Ossètes et des Abkhazes puisque les Russes nous ont écrit cela. Est-ce que nous les accepterons comme représentants de la zone, du lieu où les personnes déplacées à l'intérieur de la Géorgie veulent revenir ? Probablement. Quelle sera la conclusion ou la solution ? Je n'en sais rien du tout. Une négociation comme celle-là s'ouvre pour des semaines, des mois, des années, je n'en sais rien. Nous avons choisi la Suisse qui a l'habitude de ces longues négociations.
Notre but est d'obtenir d'abord la paix. Nous avons obtenu le cessez-le feu mais pas la paix. Le retrait des troupes, nous l'avons obtenu partiellement. Il y a encore quatre points. L'accès humanitaire, la reconstruction, l'aide, et là nous nous adressons à la Commission. C'est la raison pour laquelle la Conférence des donateurs est très importante. Lorsque les six points seront développés avec succès on pourra dire que c'est terminé. Quand ? je n'ai pas d'idée ...
Q - Sur la RDC, vous avez dit que vous redoutiez de nouveaux massacres, est-ce que dans ce contexte vous envisagez de redéployer une force européenne ?
Sur la Russie : vous avez dit que vous y reviendrez au dîner de mercredi soir, mais certains ministres disent que c'est plus sage d'attendre novembre, est-ce votre avis?
R - Oui, Mme Benita Ferrero-Waldner vous l'a dit, peut-être serait-il sage d'attendre un petit peu, d'abord la conférence de Genève, sûrement, et puis après les développements sur le terrain que nous suivons avec attention. Il y a des rapports de nos observateurs, qui sont d'ailleurs très intéressants, qui sont au contact des populations et je crois qu'il ne faut pas se dépêcher, les certitudes dans cette matière sont un peu difficiles. Il y a des choses que nous n'accepterons pas, je viens de les citer, mais maintenant il faut que la situation évolue, nous sommes dans une période d'incertitude politique et de changements dans le monde.
Q - Si la réunion de novembre est maintenue alors les négociations continuent ?
R - Non ! Une chose est le sommet ...
(Mme Benita Ferrero-Waldner : Le sommet se maintient et une autre chose c'est la négociation pour le nouvel accord).
M. Kouchner - Cela nous l'avons reporté et c'est toujours reporté pour le moment, le 15 octobre les chefs d'Etat prendront leur décision.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 octobre 2008