Déclaration de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, lors de la conférence de presse conjointe avec M. Sergueï Lavrov, ministre russe des affaires étrangères, sur le refroidissement des relations euro-russes suite à la crise géorgienne et le renforcement de la mission des observateurs européens dans les zones limitrophes de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie, Saint-Pétersbourg le 28 octobre 2008.

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Circonstance : Participation de Bernard Kouchner au Conseil de partenariat permanent UE-Russie, au niveau des ministres des Affaires étrangères, à Saint-Petersbourg les 27 et 28 octobre 2008

Texte intégral

Ces rencontres semestrielles sont très utiles. Elles permettent à l'Union européenne et la Russie de faire le point de leurs relations.
Personne ne s'étonnera d'un certain refroidissement dans ces relations, puisque la crise géorgienne est survenue, mais nous avons quand même gardé l'espoir de l'amélioration de notre partenariat. Je précise d'ailleurs que les relations entre l'Union européenne et la Russie ne sont pas suspendues, même si des thèmes de discussions ont été reportés. Nous nous rencontrerons les 13 et 14 novembre à Nice et cela nous permettra de faire le point. Deux rencontres ont déjà eu lieu en octobre dans les domaines de l'économie, de la justice, de la liberté et de la sécurité. Vous connaissez les quatre espaces communs : sécurité extérieure, recherche, éducation. Dans ces domaines, notre dialogue politique s'est poursuivi.
Avec la Russie, l'Union européenne conserve sa volonté de construire une relation de confiance. Nous avons parlé des propositions du président Medvedev et du président Sarkozy. A Evian, ils ont évoqué la sécurité en Europe ainsi qu'un espace économique qui nous serait commun.
Je ne reprends pas la liste que Sergueï Lavrov vient de vous rappeler, mais il est évident que nous avons parlé très précisément de la situation de nos observateurs européens, du rôle, de l'utilité et du renforcement de ce rôle qu'ils jouent dans les régions adjacentes de l'Ossétie et de l'Abkhazie.
Nous souhaitons bien sûr que la tension qui s'est encore manifestée ces jours derniers s'apaise. Nous avons également convenu que toutes les personnes déplacées devraient pouvoir regagner leur foyer ; cela prendra sans doute un certain temps mais le principe est complètement acquis entre nous.
Nous avons rappelé les problèmes particuliers de la vallée de la Kodori et de la région d'Akhalgori. Nous avons convenu que tout cela devrait connaître une issue positive. Les discussions de Genève reprendront, si je ne m'abuse, le 18 novembre. Elles sont préparées de façon très active pour que les problèmes de procédure soient écartés et que la discussion politique puisse prendre enfin sa place.
Avant de répondre à vos questions, je voudrais remercier la présidence de Sergueï Lavrov, ainsi que la participation de M. Lambaduru au nom de la Commission et, bien sûr, de Javier Solana et de Karel Schwarzenberg qui ont pris la parole et ont précisé un certains nombre de points sur les questions internationales, comme sur la présidence suivante de l'Union européenne qui commencera à partir du 1er janvier sous la direction de nos amis tchèques.
Q - Vous venez de mentionner que lors des négociations a été discutée de façon active l'initiative du président russe de conclure un nouvel accord sur la sécurité européenne. La partie russe a présenté les paramètres qui devaient être inclus dans cet accord. Est-ce que la partie européenne est d'accord avec ces principes ?
R - Je voudrais simplement préciser que le discours du président Medvedev a été accueilli de façon très favorable. Il a proposé de dialoguer sur la sécurité en Europe et nous sommes évidemment d'accord pour que l'espace européen soit l'objet d'une coopération et non d'un affrontement. Tous les acteurs doivent considérer ces propositions et pas seulement la France qui occupe, pour l'heure et pour encore deux mois, la présidence de l'Union européenne. Il faut que nous dialoguions et nous commençons à le faire de façon extrêmement intéressante et positive. Donner des délais et fixer des dates pour la signature est tout à fait prématuré mais, encore une fois, la manière dont s'engage cette réflexion me paraît digne d'être soulignée. Où se déroulera cette rencontre ? Le président Sarkozy a proposé que ce soit à l'OSCE car c'est tout naturellement dans cette configuration que se rencontreraient, que se rencontreront peut-être tous les acteurs sur ces propositions. C'est la seule organisation où tous les acteurs sont représentés. Le ministre Lavrov a parlé de 2009 ; je crois en effet que les choses avanceront considérablement en 2009, sans qu'on puisse évidemment fixer une date précise.
Tout cela est très encourageant et lorsque l'on se parle, c'est tout de même beaucoup mieux que quand on s'affronte.
Q - Aujourd'hui, dans une interview aux représentants des médias russes, vous avez annoncé le début du travail de la commission indépendante d'enquête sur les événements en Géorgie. Pourriez-vous nous dire quand cette commission pourra commencer son travail et qui sera à sa tête ?
R - C'est une proposition qui a été acceptée par consensus. Elle avait été faite, si je ne m'abuse, le 13 août sur proposition allemande. Depuis, nous travaillons à ce que cette commission soit internationale. Nous avons évoqué une présidence qui pourrait être suisse avec une personne spécialiste des problèmes du Caucase. Au prochain Conseil Affaires générales, nous ferons des propositions sur la composition de cette commission d'enquête internationale. Je pense que des deux côtés, les choses seront acceptées. C'est à la fois une enquête pour déterminer les responsabilités, mais aussi pour nous informer plus précisément.
Q - Au sujet de l'avancée des négociations entre l'Union européenne et la Russie ?
R - Il convient de préciser que ces négociations n'ont jamais été suspendues. Elles ont été reportées. Il existe, comme vous le savez, un accord de partenariat qui fonctionne depuis une dizaine d'années déjà et qui se poursuit - encore récemment au cours du mois d'octobre deux réunions ont eu lieu. Quant au nouvel accord de partenariat que nous appelons de nos voeux, je vous l'ai dit, ce qui avait été reporté pourra trouver sa place dans les discussions du 14 novembre prochain à Nice où nous ferons le point. D'ores et déjà, je pense pouvoir vous dire que les négociations de ce nouveau partenariat pourront se dérouler et que nous pourrons trouver un nouveau calendrier.
Q - Hier, le président abkhaze, Sergueï Bagapch a déclaré que les observateurs de l'Union européenne n'arrivent pas à accomplir leur devoir dans la zone limitrophe à l'Abkhazie. La Russie a aussi exprimé l'espoir que les observateurs réussissent à devenir de véritables garants de la sécurité dans cette région. Que répondez-vous à cela ? Et que pensez-vous des activités des observateurs de l'Union européenne ?
R - Ce n'est jamais facile de réunir aussi rapidement, à savoir dans les semaines qui suivent tout juste un conflit, les protagonistes de ce conflit. C'est toujours difficile et Sergueï Lavrov le sait très bien.
Je crois que c'était déjà un demi-miracle, un demi-succès que d'avoir réuni à Genève tous les protagonistes. Certains peuvent juger que cette conférence internationale ne s'est pas très bien passée, de mon point de vue, par rapport à ce qui était attendu, elle s'est bien passée, même si les résultats sont insuffisants. J'espère que le 18 novembre, les difficultés de procédure auront été surmontées et que tout le monde pourra se parler afin que les populations de la région cessent de souffrir. Alors, attendons, espérons et travaillons. C'est ce que fait l'Union européenne notamment par le biais de son représentant spécial, Pierre Morel, qui était encore récemment à Moscou. Nous espérons que les obstacles pourront être surmontés.
Quant à l'expression utilisée par un responsable ossète sur les observateurs de l'Union européenne, je déplore cette observation et je la trouve injuste. Jamais des observateurs n'ont été envoyés aussi vite et en nombre - nombre qui correspond à ce qui avait été demandé lors des rencontres à Moscou. Ce sont des observateurs non-armés qui avec un caractère professionnel indéniable, sous la responsabilité de l'ambassadeur Haber et du général Janvier, assurant au mieux leurs fonctions dans un environnement que l'on peut qualifier pour le moins de difficile, sinon d'hostile.
Je vous signale que les représentants des observateurs européens et des Ossètes se sont rencontrés avant-hier. Nous sommes tombés évidemment d'accord entre les représentants de la Russie et de l'Union européenne pour que les Russes et les observateurs se rencontrent également. Laissez un peu de temps au temps ! Jamais les choses ne sont allées aussi vite. Peut-être imparfaitement, mais aussi vite en tout cas et avec tant d'espoir. Si nous devons renforcer la composition des observateurs, nous le ferons. Je pense que Javier Solana est d'accord avec moi. Il faut féliciter la manière dont le Haut représentant a pu réunir au plus vite des personnes aussi compétentes et professionnelles pour accomplir une mission qui, le moins que l'on puisse dire, était délicate.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 novembre 2008