Texte intégral
Messieurs les Présidents de la République,
Messieurs les Chefs de gouvernement,
Messieurs les Ministres,
Monsieur le Président de la Commission de l'Union africaine,
Monsieur le Président de la Banque africaine de Développement,
Chers Amis,
Vous êtes réunis à Tunis pour échanger vos analyses sur la crise économique et financière mondiale, et faire entendre la voix de l'Afrique.
Dans trois jours se tiendra à Washington un sommet du G20 consacré à la rénovation du système financier international, conformément aux voeux du président Sarkozy, qui, comme vous le savez, assure la Présidence de l'Union européenne.
Le président Sarkozy m'a demandé de recueillir ici la parole de l'Afrique, et de lui en rendre compte dans la perspective du sommet du 15 novembre.
Quand bien même le système bancaire africain est beaucoup moins engagé dans des opérations spéculatives risquées que le système bancaire des pays riches, l'Afrique n'est pas à l'écart des crises, loin de là.
L'histoire nous rappelle qu'il n'en est pas le cas, et ce depuis le début du XXème siècle.
Remémorons-nous la crise de 1929, si souvent évoquée depuis quelques temps. L'Afrique a connu une crise de subsistance dès 1926, puis une dépression l'a frappée, deux ans après l'Occident. Cette dépression a été suivie d'une reprise très lente. Une restructuration économique s'est imposée après 1945.
Les mouvements sociaux violents que certains pays africains ont connus récemment, suite à la flambée des prix alimentaires, nous renvoient à la crise de subsistance que j'ai rappelée.
Nous devons tout faire pour que ne se reproduise pas l'enchaînement terrible de l'entre deux guerres.
Or, le risque est là :
- le ralentissement de l'économie mondiale suscite une baisse des prix des matières premières qui affecte les exportations africaines.
Il entraîne une montée du chômage qui frappe notamment la population immigrée, dont les transferts sont très importants, vous le savez, pour bien des économies du continent.
Le rapatriement des avoirs détenus au Sud par les banques internationales déstabilise les monnaies.
Le ralentissement des investissements internationaux se profile et la baisse de l'aide menace si l'égoïsme prévaut.
Les pays riches ont pris des mesures énergiques pour éviter que la crise financière ne dégénère en dépression : recapitalisation des banques, baisse des taux d'intérêt, injection de liquidités et garantie des crédits interbancaires.
Les pays européens se sont engagés à ne pas sacrifier l'aide et ont réitéré leurs engagements en la matière, conformément à ce qu'attendent leurs citoyens : j'ai été heureux de constater que, selon un sondage très récent, une très large majorité des Français souhaitent que l'aide ne soit pas réduite à cause de la crise.
Mais ces mesures n'ont permis que de parer au plus pressé.
Au-delà, il faut réformer le capitalisme international dont les forces vives ont été détournées de la production vers la spéculation.
Le président Sarkozy a énoncé à New York, lors de la 63ème session de l'Assemblée générale des Nations unies, les grands principes qui pour l'Europe doivent fonder cette réforme :
- il faut reconstruire un capitalisme régulé où des pans entiers de la finance sont abandonnés au bon vouloir des marchés,
- il faut reconstruire un capitalisme où les banques font leur métier qui est de financer l'économie réelle, et non de spéculer,
- il faut reconstruire un capitalisme où les agences de notation seront contrôlées et les transactions transparentes.
Depuis lors, la réflexion européenne a progressé.
Hier, avec mes collègues ministres européens du Développement, nous avons adopté à Bruxelles une résolution selon laquelle la réforme du système financier mondial devra répondre à deux impératifs majeurs :
- premièrement favoriser l'atteinte de nos objectifs en matière de sécurité alimentaire, changement climatique et lutte contre la pauvreté,
- deuxièmement être conçue en associant pleinement les pays en développement.
L'Europe proposera le 15 novembre à Washington que soient lancés une série de chantiers visant à améliorer la régulation du système financier mondial et à conférer un rôle central au FMI dans une architecture financière plus efficace, parce que plus inclusive.
En effet, cette reforme ne sera couronnée de succès que si un cadre de coopération nouveau entre Etats est mis en place.
Ce cadre ne devra laisser aucun Etat et a fortiori aucun continent de côté.
La réunion de Washington aura lieu au niveau des chefs d'Etat du G20 et non du G8. Ceci constitue une première, et une avancée significative.
Cette avancée doit être le prélude d autres progrès qui permettront une association des pays les moins développés, notamment africains : la gouvernance mondiale ne doit pas être l'apanage des anciens et nouveaux riches.
D'ores et déjà, les premiers pas ont été faits dans cette voie :
- la réforme des droits de vote au FMI adoptée en avril dernier a profité aux pays africains. Il en est de même a la Banque mondiale ou une troisième chaise a été créée pour l'Afrique en octobre. Dans ces deux institutions, mes interlocuteurs responsables de l'Afrique sont africains.
La gouvernance du Fonds mondial sida et la gouvernance du Fonds pour l'environnement mondial ont été conçues pour que tous leurs bénéficiaires aient voix au chapitre.
J'ajouterai que dans la nouvelle architecture financière internationale, les banques régionales, telle la Banque africaine de Développement qui nous accueille aujourd'hui, devront occuper une place de premier plan. J'ai plaisir à saluer son renouveau sous l'autorité du président Kaberuka.
Enfin, permettez-moi de rappeler que le président Sarkozy a clairement indiqué à New York que l'Afrique avait sa place parmi les membres permanents du Conseil de sécurité et au sein du G8 élargi qu'il souhaite voir mis en place.
L'histoire nous a montré que les crises étaient propices au repli identitaire.
La société américaine vient de nous montrer qu'il pouvait en être autrement.
En écho à cet évènement historique auquel nous sommes tous sensibles, notre responsabilité face aux générations futures est d'oeuvrer à résoudre de façon concertée et solidaire des problèmes qu'aucun Etat ou continent ne peut désormais plus régler seul.
A l'occasion des Journées européennes du Développement, j'ai demandé que soit organisée le 17 novembre à Strasbourg une réunion sur la réforme du système financier mondial entre les ministres africains, les ministres du G20 et les ministres de l'Union européenne présents. Vos travaux d'aujourd'hui trouveront à cette réunion, je l'espère, un de leurs premiers aboutissements.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 novembre 2008
Messieurs les Chefs de gouvernement,
Messieurs les Ministres,
Monsieur le Président de la Commission de l'Union africaine,
Monsieur le Président de la Banque africaine de Développement,
Chers Amis,
Vous êtes réunis à Tunis pour échanger vos analyses sur la crise économique et financière mondiale, et faire entendre la voix de l'Afrique.
Dans trois jours se tiendra à Washington un sommet du G20 consacré à la rénovation du système financier international, conformément aux voeux du président Sarkozy, qui, comme vous le savez, assure la Présidence de l'Union européenne.
Le président Sarkozy m'a demandé de recueillir ici la parole de l'Afrique, et de lui en rendre compte dans la perspective du sommet du 15 novembre.
Quand bien même le système bancaire africain est beaucoup moins engagé dans des opérations spéculatives risquées que le système bancaire des pays riches, l'Afrique n'est pas à l'écart des crises, loin de là.
L'histoire nous rappelle qu'il n'en est pas le cas, et ce depuis le début du XXème siècle.
Remémorons-nous la crise de 1929, si souvent évoquée depuis quelques temps. L'Afrique a connu une crise de subsistance dès 1926, puis une dépression l'a frappée, deux ans après l'Occident. Cette dépression a été suivie d'une reprise très lente. Une restructuration économique s'est imposée après 1945.
Les mouvements sociaux violents que certains pays africains ont connus récemment, suite à la flambée des prix alimentaires, nous renvoient à la crise de subsistance que j'ai rappelée.
Nous devons tout faire pour que ne se reproduise pas l'enchaînement terrible de l'entre deux guerres.
Or, le risque est là :
- le ralentissement de l'économie mondiale suscite une baisse des prix des matières premières qui affecte les exportations africaines.
Il entraîne une montée du chômage qui frappe notamment la population immigrée, dont les transferts sont très importants, vous le savez, pour bien des économies du continent.
Le rapatriement des avoirs détenus au Sud par les banques internationales déstabilise les monnaies.
Le ralentissement des investissements internationaux se profile et la baisse de l'aide menace si l'égoïsme prévaut.
Les pays riches ont pris des mesures énergiques pour éviter que la crise financière ne dégénère en dépression : recapitalisation des banques, baisse des taux d'intérêt, injection de liquidités et garantie des crédits interbancaires.
Les pays européens se sont engagés à ne pas sacrifier l'aide et ont réitéré leurs engagements en la matière, conformément à ce qu'attendent leurs citoyens : j'ai été heureux de constater que, selon un sondage très récent, une très large majorité des Français souhaitent que l'aide ne soit pas réduite à cause de la crise.
Mais ces mesures n'ont permis que de parer au plus pressé.
Au-delà, il faut réformer le capitalisme international dont les forces vives ont été détournées de la production vers la spéculation.
Le président Sarkozy a énoncé à New York, lors de la 63ème session de l'Assemblée générale des Nations unies, les grands principes qui pour l'Europe doivent fonder cette réforme :
- il faut reconstruire un capitalisme régulé où des pans entiers de la finance sont abandonnés au bon vouloir des marchés,
- il faut reconstruire un capitalisme où les banques font leur métier qui est de financer l'économie réelle, et non de spéculer,
- il faut reconstruire un capitalisme où les agences de notation seront contrôlées et les transactions transparentes.
Depuis lors, la réflexion européenne a progressé.
Hier, avec mes collègues ministres européens du Développement, nous avons adopté à Bruxelles une résolution selon laquelle la réforme du système financier mondial devra répondre à deux impératifs majeurs :
- premièrement favoriser l'atteinte de nos objectifs en matière de sécurité alimentaire, changement climatique et lutte contre la pauvreté,
- deuxièmement être conçue en associant pleinement les pays en développement.
L'Europe proposera le 15 novembre à Washington que soient lancés une série de chantiers visant à améliorer la régulation du système financier mondial et à conférer un rôle central au FMI dans une architecture financière plus efficace, parce que plus inclusive.
En effet, cette reforme ne sera couronnée de succès que si un cadre de coopération nouveau entre Etats est mis en place.
Ce cadre ne devra laisser aucun Etat et a fortiori aucun continent de côté.
La réunion de Washington aura lieu au niveau des chefs d'Etat du G20 et non du G8. Ceci constitue une première, et une avancée significative.
Cette avancée doit être le prélude d autres progrès qui permettront une association des pays les moins développés, notamment africains : la gouvernance mondiale ne doit pas être l'apanage des anciens et nouveaux riches.
D'ores et déjà, les premiers pas ont été faits dans cette voie :
- la réforme des droits de vote au FMI adoptée en avril dernier a profité aux pays africains. Il en est de même a la Banque mondiale ou une troisième chaise a été créée pour l'Afrique en octobre. Dans ces deux institutions, mes interlocuteurs responsables de l'Afrique sont africains.
La gouvernance du Fonds mondial sida et la gouvernance du Fonds pour l'environnement mondial ont été conçues pour que tous leurs bénéficiaires aient voix au chapitre.
J'ajouterai que dans la nouvelle architecture financière internationale, les banques régionales, telle la Banque africaine de Développement qui nous accueille aujourd'hui, devront occuper une place de premier plan. J'ai plaisir à saluer son renouveau sous l'autorité du président Kaberuka.
Enfin, permettez-moi de rappeler que le président Sarkozy a clairement indiqué à New York que l'Afrique avait sa place parmi les membres permanents du Conseil de sécurité et au sein du G8 élargi qu'il souhaite voir mis en place.
L'histoire nous a montré que les crises étaient propices au repli identitaire.
La société américaine vient de nous montrer qu'il pouvait en être autrement.
En écho à cet évènement historique auquel nous sommes tous sensibles, notre responsabilité face aux générations futures est d'oeuvrer à résoudre de façon concertée et solidaire des problèmes qu'aucun Etat ou continent ne peut désormais plus régler seul.
A l'occasion des Journées européennes du Développement, j'ai demandé que soit organisée le 17 novembre à Strasbourg une réunion sur la réforme du système financier mondial entre les ministres africains, les ministres du G20 et les ministres de l'Union européenne présents. Vos travaux d'aujourd'hui trouveront à cette réunion, je l'espère, un de leurs premiers aboutissements.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 novembre 2008